Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : l'ami

Chroniques du hasard

"La parole écrite peut engendrer des versions cinématographiques très variées, mais une version cinématographique de haut niveau s'impose avec une telle force  et une telle précision, que, une fois produite, elle barre la route à toute autre œuvre de qualité."

Finesse, précision, intelligence sont au rendez-vous de ces chroniques hebdomadaires qu'Elena Ferrante a tenu dans The Guardian en 2018 et qui sont ici élégamment traduites par Elsa Damien.
Qu'elle évoque son rapport à la maternité, à sa propre mère, aux autres femmes,  l'écriture, le cinéma, la politique italienne, les plantes, l'auteure de l'Amie prodigieuse, est toujours enthousiasmante.
On devine chez elle une belle énergie, qu'elle a su maîtriser, et ce qu'elle peut révéler de personnel, elle si jalouse de son identité, a ici toujours valeur d'universel.elena ferrante,andrea ucini,elsa damien
La chronique intitulée Nationalité linguistique ravira les amoureux des mots et en particulier les traducteurs et traductrices qui pour elle sont "des héros".
Qu'elle fustige les points d'exclamation car "Dans l'écriture au moins, il faudrait éviter de faire comme ces fous qui gouvernent le monde  et qui menacent, trafiquent, traitent et, quand ils gagnent, exultent, en truffant leurs discours de ces minuscules missiles à tête nucléaire qui concluent chacune de leurs misérables phrases." ou évoquent plus trivialement Les Odieuses (les connasses, quoi ), elle suscite toujours l'intérêt et la réflexion.
J'ai parfois pensé à Virginia Woolf ou à Doris Lessing, dont elle partage le féminisme et j'ai été ravie de découvrir cette auteure (dont je n’avais pas réussi à lire le roman précédemment cité ) car elle a suscité chez moi l'"apprentissage voluptueux, [l']apprentissage qui nous modifie de façon intime et même dramatique, sous le choc de paroles aussi lucides que passionnées."
Le tout est présenté de manière raffinée et illustré de manière à la fois élégante et suggestive par Andrea Ucini, ce qui fait de cet objet un cadeau idéal à glisser sous le sapin. mais,en attendant, il file sur l'étagère des indispensables.

Gallimard 2019,

 

Lire la suite

Eté

"Un conte triste, c'est mieux pour l'hiver, alors Shakespeare injecte l'artifice de la tristesse, c'est un artifice de dramaturge: il répand l’hiver partout précisément pour avoir un véritable été et faire jaillir un conte joyeux d'un conte triste. "

Comme la pièce de Shakespeare que Grace a joué tout un été  il y a trente ans et dont elle conserve un souvenir ébloui, le roman d'Ali Smith commence en hiver. Paradoxe qui s'explique par la relation au temps qui irrigue tout le roman et qui emprunte beaucoup à Einstein dont est féru Robert, un jeune garçon pour le moins surprenant.  
Par l'intermédiaire d'une expression prise au pied de la lettre par son frère Robert, Sacha, seize ans, va faire la connaissance d 'Art et Charlotte qui , de fil en aiguille , vont emmener les ados et leur mère, Grace, rencontrer un très vieil homme qui a connu la mère d'Art.   ali smith,laetitia  devaux
Avec un grand sens du montage quasi cinématographique, la romancière nous fait passer de l'époque contemporaine - dont elle fustige les travers avec acuité- à l’époque où l'île de Man accueillait dans des camps (qui demeuraient néanmoins des prisons) les Allemands qui avaient cru qu'il seraient en sécurité durant la Seconde guerre mondiale en Angleterre. Nous y croiserons Fred Uhlmann, qui n'avait pas encore écrit L'Ami Retrouvé mais dessinait pour témoigner de ce qu'il ressentait.
Il est très difficile de résumer le roman d'Ali Smith qui, de prime abord peut paraître touffu, mais dont la lecture s'avère d'une étonnante fluidité. L'autrice y évoque par petites touches l'importance des mots dans une période de changement à la fois climatique,  politique et pandémique, la nécessité de l'hospitalité et de l'engagement , sans jamais se montrer "donneuse de leçons".
Son roman est riche d'humanité et l'été qui lui donne son titre irradie chaque page tant les sensations y sont présentes. 358 pages dévorées d'une seule traite.

 

Traduit de l'anglais par l'excellente Lætitia Devaux ; Grasset 2023.

 

Ce roman clôture la tétralogie mais peut se lire indépendamment des autres  saisons. 

 

Lire la suite

Fugue

"Il faut beaucoup de temps pour découdre les mauvaises raisons."

A force de crier le prénom de sa fille qui s'est échappée de l'école le jour de la rentrée, Clothilde a perdu sa voix.
Et c'est tout un bel équilibre qui s'effondre car la jeune femme va provoquer tour à tour l'incompréhension de son père, de son mari et de sa meilleure amie en refusant de se soigner à marche forcée. Elle sent en effet qu'il lui faut prendre son temps pour retrouver sa voix et sa voie ca ,paradoxalement, le chant va entrer dans sa vie et prendre une place prépondérante.
Qu'elle est attachante cette Clothilde qui , à son rythme, faisant fi pour une fois des contrariétés qu'elle engendre chez les autres en ne leur renvoyant plus l'image qu'ils avaient d'elle, va distiller les événements et tranquillement s'insurger  : "qu'est ce que je disais de si important que vous voulez entendre ? ". Elle va posément, en acceptant les opportunités qui s'offrent à elle, retrouver le chemin de sa vie , fuguer tout en restant chez elle, ne plus se contenter d'être la fille , l'épouse , la mère, voire l'amie, à la vie bien lisse.
Aucun ressentiment pourtant, aucunne revendication forcenée, non juste un constat simple et lucide du besoin de consacrer son énergie à quelque chose qui la fasse se sentir en harmonie, qui la révèle à elle même, tout en la reliant aux autres.FUGUE_BD.jpg
Ainsi le titre du roman, Fugue, joue-t-il sur la polysémie de ce mot. La fugue c'est bien sûr l'escapade initiale de la fillette mais aussi le morceau de musique qui tisse des liens de par sa structure, comme le roman le fait ici, multipliant les points de vue et éclairant de manière très subtile la personnalité de ces femmes et de la constellation familiale et amicale qui l'entoure.
Un très beau texte, empli de poésie, où s'engouffrent des moments exotiques et colorés, un roman d'une grande justesse psychologique , un magnifique portrait de femme.
Un livre lu et relu, dont j'ai extrait une flopée de citations .
Notons au passage un petit clin d'oeil qui fait le lien avec le précédent roman de Anne Delaflotte- Mehdevi : "Le temps pouvait bien passer, tout lui prendre, elle avait chanté, comme un cuisinier cuisine, comme un maçon construit bien, un relieur relie, un marathonien  arrive au terme de sa course."

Fugue, Anne Delaflotte Mehdevi, Editions Gaïa 2010, 336  pages sereines et pleines de vie (un viatique? )

La relieuse du gué, c'est ici !

Pour découvrir la lecture du chapitre 1 de Fugue, c'est ici.

 

Lire la suite

Un bonheur insoupçonnable...en poche

”...il n'y a rien de plus précieux que d'être l'ami d'un ami.”

Il  est des livres qui tombent au bon moment : vous errez dans une  librairie, ne trouvant aucun des livres  figurant dans votre  carnet et soudain, vous ne voyez que lui. Une couverture* joliment désuète, rose églantine, mettant en scène des tableaux gentiment décalés. Intrigué, vous lisez la  quatrième de couv' et aussitôt une question vous saute aux yeux : "Comment aider un enfant plongé dans le chagrin ? " suit la  promesse  d'un  roman fourre-tout comme vous les aimez . Vous feuilletez le livre en question et là, surprise, vous découvre  en images la recette du gâteau sans-peur et constatez avec amusement  que des  traces  de pattes de chien se sont glissées par-ci , qu'on aperçoit par là la queue du même canidé  et vous commencez  sérieusemnt à  douter de la classification du roman de Gila Lustiger Un bonheur  insoupçonnable.gila  lustiger
Peu importe, vous glissez le livre sous votre bras et vous dirigez vers la caisse...
Bien vous en a pris  car ce  roman philosophique est un vrai bonheur. Un de ceux que l'on lit  le sourire aux lèvres et qu'on ouvre au hasard pour la plaisir  de retrouver une phrase ou une  illustration de  Emma Tissier.  De quoi s'agit-il ?   D'un homme plus tout jeune qui,  comme dans la chanson de Joe  Dassin, "les p'tits pains au chocolat" ne  se rend  pas compte que l'amour est tout près de lui, d'un homme  -le même- qui ne prend  pas le temps de regarder vraiment les enfants qui vivent  autour  de lui, d'une chienne qui  ne  se pose  pas de questions , sauf celle de l 'heure de son repas,  d'un livre  de questions justement, mais pas de réponses.  Il est aussi question  d'une grand-mère qui triche avec aplomb , enfin qui trichait , car elle est morte et Paul ne peut pas supporter d'être heureux sans  elle. On apprend  dans  ce  livre  que  "Les cailloux  ont  droit eux aussi à une  belle vue. que l'oncle Hubert vivait chez lui à l'étranger. Que les mères remarquent  toujours que quelque chose  cloche justement quand on est pressé  de sortir. Et qu'il ya des gens qui ne sont  pas faits pour comprendre l'écriture  fractionnaire."
Doté de  titres de chapitres hétéroclites, de notes en pagaille , défiant toute logique car "dans  ce roman, c'est le  coeur qui décide",Un bonheur insoupçonnable est un roman enjoué et hirsute dont on sort le  sourire aux lèvres qui soulève  mine de rien des problèmes auxquels sont  confrontés grands et petits. Réconfortant  !

*la couverture en poche a changé !:(((

Lire la suite

Page : 1 2 3