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26/09/2010

Tout pour le mieux

Parfois on a besoin de sucré, de coloré,  au diable l'austérité  ! Alors on choisit un roman au titre prometteur:  Tout pour le mieux, avec une quatrième de couverture alléchante (car évoquant le plaisir sensuel de toucher les livres, joli hameçon pour les lectrices compulsives...41caTWQKSEL._SL500_AA300_.jpg)
Las , au bout de quelques pages on trébuche page 10 sur " elle gisait déjà balbutiante dans un plaisir insensé.", on vérifie bien qu'il ne s'agit pas d'une farce quelconque , d'un complot ourdi par un émule d'Harlequin , on poursuit sa lecture et patatras, on tombe page 11 sur "Et à chaque fois , le miracle se reproduisait, la laissant pantelante de bonheur et de reconnaissance". On ne s'en remet pas -de jalousie probablement- et on passe son chemin.

Je vous épargnerai les facilités sur le titre.

Tout pour le mieux. Catherine Siguret, Robert Laffont 2010, 248 pages garanties pleines de colorants mais sans conservateurs.

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23/09/2010

Grand paradis

"Mais j'étais bien prétentieuse ,de me sentir coupable de tous les malheurs."

Dominique, fleuriste dans une station balnéaire est à l'aube de la cinquantaine. Mais a-t-elle jamais quitté les rives de l'adolescence , voire de l'enfance ? (d'ailleurs tout au long de ma lecture je l'imaginais plus  jeune ) .Toute sa vie, elle s'est sentie différente et le regard des autres et les mots , parfois crus et violents de sa soeur aînée n'ont rien fait pour l'en dissuader."Sans doute, tous les enfants , à un moment de leur vie ,se croient-ils seuls de leur espèce. Pour moi le moment  s'était bien longuement étiré."61Soj7Z234L._SL500_AA300_.jpg
La découverte d'une photo de femme va l'entraîner dans une quête d'identité familiale ,quête qui croisera le destin de ces hystériques de la fin du XIXème siècle ,étudiées par Charcot et dûment photographiées par Albert Londe. 
Dominique ressent dans sa chair les tourments de cette femme à laquelle elle se sent liée, tout comme elle est reliée à la nature et aux plantes sauvages qu'elle ne peut s'empêcher de repérer, même en ville*, cette nature qui lui apporte la paix et à laquelle elle porte une attention extrême : "J'avais toujours été frappée par l'injustice que me semblait représenter la contrainte immobilité végétale."
Angélique Villeneuve, dans un style à la fois sobre, puissant et poétique, au plus près des sensations, nous entraîne, fascinés, dans l'univers de Dominique , un univers où "Les mots jaillisaient d'elles comme des lièvres de leur terrier, puis s'évanouissaient , retombaient en fine poussière dans la cuisine, comme s'ils n'avaient jamais existé."Mais ceux du Grand paradis sauront trouver le chemin de nos coeurs et de nos mémoires...

Grand Paradis, Angélique Villeneuve, Phébus 2010 167 pages sensibles , végétales- et très cornées, un bon indice !.

* Angélique Villeneuve est aussi l'auteure de ce livre, auquel elle fait une allusion page 58 en ces termes: "un drôle de petit ouvrage sur la cuisine des plantes sauvages."

C'est jeudi ,c'est momiji *

"L'automne rivalise avec le printemps dans le coeur des Japonais. Si les deux saisons se ressemblent par l'agrément du climat, elles divergent par la beauté, celle de l'automne, empreinte non de l'éclat du renouveau, mais de la mélancolie du déclin, faisant surgir des sentiments plus profonds. Si les fleurs de cerisier évoquent le printemps, l'automne a pour symbole l'érable du Japon, qui prend alors des couleurs rouges si intenses qu'elles peuvent se refléter sur le papier des portes coulissantes d'une proche maison."

 

Marc Peter Keane

L'art du jardin au Japon, cité en exergue de Un automne à Kyoto de Karine Reysset.41mvB0bDeiL._BO2,204,203,200_PIsitb-sticker-arrow-click,TopRight,35,-76_AA300_SH20_OU08_.jpg

*feuilles d'érable rouge.

Pour des photos, c'est ici

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22/09/2010

Il faut rester tranquille

"La vérité, c'est l'unique façon d'accepter les situations les plus difficiles."

Le père de Juliette est mort. Dix ans c'est très jeune pour devenir orpheline .Mais quel que soit son âge, Juliette se rend vite compte que son frère aîné et sa mère ne lui disent pas toute la vérité concernant ce décès. Croyant la protéger, ne vont-ils pas au contraire l'empêcher de vivre son deuil ?
Isabelle Rossignol aborde le problème du suicide d'un parent -apparemment dépressif- tout à la fois avec originalité et délicatesse.41V8WPeQ4dL._SL500_AA300_.jpg
Délicatesse car elle évoque avec sensibilité les différentes réactions de Juliette face à la mort. Originalité car elle envoie balader avec une réjouissante irrévérence les mines et les tenues "de circonstance" que certains se croient obligés d'observer . Ainsi Juliette ira-t-elle à l'enterrement de son père dans une tenue colorée et , sur les conseils de M. Jallin, le psy qui aide la famille, ne s'empêchera pas de rire, même si elle aura besoin de temps en temps de prendre l'écharpe de son papa, de la renifler et de pleurer...Chacun vit son deuil à sa façon.
L'auteure se situe vraiment à la hauteur de cette enfant qui se demande avec franchise comment elle va affronter le retour à l'école, parmi ses camarades qui, eux non plus ne sauront pas forcément comment se comporter.
Un roman alternant pleurs et rires, un roman plein de vie.

Il faut rester tranquille, Isabelle Rossignol. 92 pages. Ecole des loisirs 2010, collection Médium.

21/09/2010

Si peu d'endroits confortables

"-Oui, j'aime bien l'hiver. C'est une saison où on peut se blottir contre les gens sans qu'ils  te demandent pourquoi. Tu te blottis parce que tu as froid et les gens n'ont pas besoin de savoir que le courant d'air est à l'intérieur."

Si peu d'endroits confortables, et tellement de manques, de douleurs, de tristesses. Paris n'est pas la Ville-Lumière où Joss espérait peindre, s'exilant loin de chez lui. Paris n'est que la ville triste et grise où Hannah erre en écrivant à la fille qu'elle aime et qui est partie, dans un carnet bleu qui déborde parfois sur les tables mais aussi sur tous les endroits où Hannah va laisser ce leit-motiv donnant son titre au roman , leit-motiv qu'elle ne va bientôt plus maîtriser.51HCRAwe63L._SL500_AA300_.jpg
Quand Hannah et Joss se rencontrent , chacun va essayer de réenchanter le monde pour l'autre mais leurs deux solitudes sauront-elles annuler l'absence de celle dont nous ne connaîtrons jamais le prénom ?
Alternant les points de vue, sécrétant une poésie à la fois douce et mélancolique, Si peu d'endroits confortables est un de ces textes un peu magique, qu'il faut prendre le temps de savourer pour se glisser dans son atmosphère si particulière. Une écriture qui prend le temps de réinventer le monde .

Si peu d'endroits confortables, Fanny Salmeron, Stéphane Million Editeur, juin 2010,146 pages mélancoliques et tendres.

19/09/2010

La pêche aux mots

"On est pêcheur, pas empailleur."

Pêche et littérature font souvent bon ménage comme nous l'ont prouvé récemment toute une série de romans.41Yzdv6kglL._SL500_AA300_.jpg
Se faufilant parmi eux, un très bel objet littéraire tout de noir, blanc et rouge  élégamment vêtu ,très fin dans tous les sens du terme, vient de trouver sa place : La pêche aux mots.
Respectant le principe de cette collection, l'auteure, qui n'est pas illustratrice d'ordinaire, a été invitée à accompagner elle-même graphiquement son texte afin de le signer davantage encore. Antigone a pensé à La linéa, j'y ai retrouvé le graphisme du  Petit livre des gros câlins !41E8C32JK5L._SL500_AA300_.jpg
En tout cas, cette simplicité du trait s'allie parfaitement au texte qui file la métaphore de la pêche et de l'écriture, évoquant aussi bien le calme nécessaire à la rédaction que "les viscères" des poissons attrapés: "On n'y touche pas, on les laisse dedans, c'est là que ça bat." En quelques phrases tout est dit . A chacun de s'approprier le texte et de le gfaire résonner en soi.

La pêche aux mots, Joëlle Ecormier, Motus 2009. A lire et relire.

Merci qui ? Merci Dame Cuné bien sûr !:)

17/09/2010

Trouville palace

Maurice n'a vraiment pas de chance : le voilà contraint par une scarlatine et des parents empêchés de partir à Trouville chez sa grand-tante Willa, 60 % mauvais poil, 40 % mauvais caractère !
Finalement le séjour s'avérera plus agréable que prévu car bien sûr Willa est plutôt pince-sans -rire que méchante et en plus elle habite un ancien hôtel de luxe , le Trouville Palace , superbe décor pour un enfant plein d'imagination qui sait traverser les portes fermées...51sU+8qi+7L._SL500_AA300_.jpg
Beaucoup d'humour et de poésie dans ce délicieux roman qui file à toute allure et plaira sans nul doute aux enfants à partir de dix ans.

Trouville Palace , Malika Ferdjoukh, neuf, Ecole des loisirs, 67 pages pleines d'une douce mélancolie.

L'avis de Clarabel

 

14/09/2010

Que font les rennes après Noël ?

"Vous vous êtes trop longtemps oubliée."

Vous avez toujours rêvé d'avoir un animal mais le Père noël et ses rennes ont apporté une horrible poupée géante . Vous fantasmez à propos de la grossesse de votre mère et du film Rosemary's baby. Vous vous demandez à qui vous vous identifiez dans King Kong. Vous poursuivez une lente évolution et finissez par vous rendre compte que les rennes vivent dans un paysage bien moins féérique que prévu. Tout comme les autres animaux, du loup aux cochons, en passant par les rats de laboratoire dont viendront nous parler des dresseurs, des scientifiques ou des bouchers, entre autres. Et ce discours presque clinique s'intercalera entre chaque paragraphe de votre récit, mettant ainsi en parallèle éducation des enfants et exploitation des animaux.41cPcBXXoML._SL500_AA300_.jpg
Récit d'une émancipation, Que font les rennes après Noël ? réussit le pari de varier les discours, sans jamais identifier les locuteurs , sans que cela nuise à la fluidité ou à la compréhension du récit ,et en nous les donnant à entendre dans leur jus. Quant à la narratrice, elle joue des codes de l'autobiographie, le pronom "Vous" instaurant à la fois distance et proximité avec le lecteur. L'humour, parfois noir, est souvent présent. Quelques passages trash (que j'ai passés vite fait, âme sensible que je suis ) mais une vision très juste et passionnante pour tous ceux qui sont curieux du monde en général. Un roman original à la fois par la forme et par le fond, ce qui est ma foi fort rare, et qui se lit d'une traite.

Que font les rennes après Noel ? Olivia Rosenthal, Verticales 2010, 211 pages quasi parfaites.

Merci à Antigone !

C'est aussi grâce à elle que j'avais découvert On n'est pas là pour disparaître.

 

13/09/2010

Un automne à Kyoto

"C'était surtout mon coeur qui était glacé."

Maelström d'émotions pour Margaux qui vient juste de rencontrer l'amour à St Malo en la personne de Mathias et doit partir au Japon, avec de son père et de sa petite soeur, l'un et l'autre ayant des personnalités très opossées, ce n'est rien de le dire !41mvB0bDeiL._BO2,204,203,200_PIsitb-sticker-arrow-click,TopRight,35,-76_AA300_SH20_OU08_.jpg
Très vite Margaux va se laisser prendre aux charmes de l'automne à Kyoto, d'autant qu'un jeune photographe français, tout à fait à son goût, traîne dans les parages.
Alternant listes à la manière de Sei Shonagon et récit proprement dit, tissant haïkus et illustrations comme dans un carnet de voyages, Karine Reysset brosse ici le portrait d'une adolescente qui doit à la fois faire face aux fluctuations de ses sentiments amoureux et à ceux de ses parents dans un Japon qui l'émerveille, la surprend mais aussi la rend nostalgique.
Un très joli roman d'apprentissage, dépaysant à souhait qui m'a vraiment donné l'impression de partager ce séjour , car empli de notations et de sensations qui sentent le vécu !

Un automne à Kyoto, Karine Reysset, Médium Ecole des loisirs, 177pages .

Le bill et tentateur de Bauchette

 

12/09/2010

Retour aux mots sauvages

"Il a eu du mal au début: la parole contre le silence, la bouche contre la main, c'est un drôle de combat."

 Cela aurait pu être pire, il aurait pu connaître le chômage. Et même s'il faut changer de prénom, endosser une autre identité pour les clients de la plate-forme téléphonique, devenir ce Eric qui va lire sur un écran des formules toutes faites, des mots calibrés, soigneusement pesés, l'ancien électricien devenu téléopérateur a eu de la chance: il est tombé sur une équipe sympa, où le chef a su garder humanité et compassion. Pourtant les suicides commencent à ne plus pouvoir être cachés au sein de cette entreprise qui ne sera jamais nommée. Comment ne pas se faire broyer par le travail? Comment revenir aux mots sauvages, aux mots libres, ceux de la vie non formatée ? 4164rj99qEL._SL500_AA300_.jpg
Thierry Beinstingel dresse un constat glaçant du monde de l'entreprise en prenant le point de vue d'un nouvel arrivant , doublement incongru car lui c'était avec ses gestes précis et efficaces qu'il se sentait réellement utile, non avec des mots creux qu'il faut savoir manipuler au gré des campagnes de vente.
En lisant ce roman, le lecteur ressent physiquement le malaise du narrateur dépossédé de son savoir, et de longues coulées de noms viennent accentuer cette impression. Un roman qui fait froid dans le dos mais qui témoigne aussi de l'humanité qui se niche dans les endroits les plus arides.

Retour aux mots sauvages, Thierry Beinstigel, Fayard, 295 pages nécessaires.