Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Rechercher : l'invention des corps

Stations (entre les lignes)

"Ravis de tout, de rentrer chez soi, de faire une traversée de l'ordinaire, l'enfilage de la rémanence des scènes quotidiennes, ce que la traversée rend saillant et qui, sinon, ne serait qu'à peine perceptible."

Emprunter les transports en commun, quoi de plus banal ? Et pourtant, Jane Sautière nous donne à voir ceux que nous côtoyons sans les regarder vraiment, les paysages que nous traversons, plus ou moins hébétés, la façon dont notre corps s'adapte instinctivement aux corps des autres, à leurs sacs , à leurs odeurs. Elle capte les sensations, les infimes traces d'émotions et capture par son regard plein d'humanité ce qui donne du relief à la routine apparente.jane sautière
Son écriture précise nous emporte et aiguise aussi notre regard. On ne prendra plus les transports en commun de la même manière grâce à Jane Sautière.

Stations (entre les lignes), Jane Sautière, Éditions Verticales,  2015,137pages piquetées de marque-pages.

Du même auteur: clic

Ptitlapin m'avait donné envie.

Clara a aimé aussi.

 

 

Lire la suite

Chambre 2

"J'assiste à la naissance d'une mère. C'est presque plus émouvant que la naissance d'un enfant."

Quand on passe dans le couloir d'un hôpital, on entr'aperçoit des fragments de vie, et l'on se sent un peu gêné, un peu voyeur. Rien de tel dans le roman de Julie Bonnie où Béatrice nous fait partager son quotidien, parfois émouvant, parfois douloureux, dans une maternité. Chambre2.jpg
Mais plus qu'une galerie de portraits de mères en devenir, c'est aussi le récit d'une tentative de normalisation d'une femme, la narratrice qui, quittant le monde du spectacle où elle mettait en scène son corps , affronte une réalité où la nudité, si elle est prise maintenant au sens figuré, est beaucoup plus cruelle : "Douze heures dans la chair humaine, nue dans la neige, nue dans le feu, nue quand il est vital de se couvrir."
Les souvenirs de son passé artistique ne sont en rien enjolivés mais s'opposent néanmoins à un quotidien où la violence et le silence s'imposent aux corps des femmes. Une écriture puissante et charnelle. Un grand coup de cœur !...

Lire la suite

Les réponses

"Je m'y habituais, en un sens, à être ce sac de peau plein de problèmes, parce qu'avoir un corps ne vous donne pas nécessairement le droit d'en avoir un en bon état de fonctionnement. Avoir un corps ne semble vous donner aucun droit en vérité."

Couverte de dettes, Mary, qui souffre de différentes pathologies inexpliquées et utilise les services d'un thérapeute onéreux, répond un jour à une petite annonce un peu bizarre.catherine lacey
Sélectionnée, elle va participer à une expérience, à la fois artistique et psychologique, ayant pour objectif de définir les conditions nécessaires pour que l'amour dure.
Au fil des pages, nous découvrirons pourquoi Mary cherche à tout prix à préserver son passé et à protéger son identité, ce qui explique son décalage par rapport à la société new-yorkaise dans laquelle elle évolue.
Un roman fascinant et prenant, dont il ne faut surtout pas éventer l'intrigue, traitant de l'amour, de l'individu et de la notoriété.

 

Actes Sud 2019. Traduit de l’anglais (E-U) par Myriam Anderson.

De la même autrice: clic.

Un grand merci à Clara !

Lire la suite

Liv Maria

"Quand elle le voyait dans la glace, son corps lui parlait de ça aussi, de la femme un peu morte à l'intérieur qu'elle était devenue, de toutes ces années passées à traîner, son corps avec ses cicatrices de couteau émoussé, son dos brisé, ses bras durs comme du bois, durs comme son cœur."

Magnifique portrait de femme aux multiples vies, aux multiples identités, Liv Maria fait la part belle au romanesque . D'homme en homme, de pays en pays, je l'ai suivie avec enthousiasme mais  suis restée un peu sur ma faim car j'aurais aimé que soient approfondies les motivations de cette femme qui nous demeurent quelque peu obscure. julia kerninon
Quant au twist qui explique son dernier départ, je l'ai trouvé moyennement crédible, certains peoples nous ayant montré que ce n'était visiblement pas un embarras pour certains. Bilan en demi-teintes donc.

 

Lire la suite

L'une d'elles

"découvrir que vous n'êtes pas en sécurité jusque dans votre propre corps est profondément traumatisant...hélas"

 

Una, dix ans en 1975, vivait à proximité de la région où a sévi entre 1975 et 1980 celui qui avait été surnommé l’Éventreur du Yorkshire. una
Celle qui a dû se réinventer une identité pour sortir des traumatismes qu'elle a subis à cette époque,suite à différentes agressions sexuelles, met ici en parallèle, sous forme de roman graphique, son propre parcours et la traque longtemps inefficace, car faussée par les a priori de la police, de celui qu'on croyait un monstre et qui n'était qu'un homme ordinaire.
Elle met ainsi à jour les différentes formes de la violence masculine qui peut s'exercer,quasi en toute impunité, sur le corps des femmes.
Pratiquant beaucoup l'ellipse et les envolées oniriques par le biais de dessins très évocateurs, Una dépeint aussi très précisément la sidération face à l'agression sexuelle ,ainsi que l'impossibilité de mettre des mots sur des actes inappropriés quand on ignore tout de la sexualité. Un parcours de résilience profondément émouvant.

 

merci à Babelio et aux Éditions ça et là.

Lire la suite

Végétal

"Je ne rêvais que de me rouler dans la mousse, la pluie, que l'humus mouillé abreuve et délivre mes racines. Je ressentais ce besoin de la terre, celle fraîchement arrachée, pour m'en recouvrir et me vautrer dedans , la sentir sur mon corps et pouvoir enfin la flairer. "

 

Cela commence par un changement d'odeur. Le narrateur se rend soudain compte que son corps nu sent l'humus, que son torse est " recouvert de mousse".
La "mutation organique" est en route et elle sera inexorable. Abordant tous les aspects de cette métamorphose, même les plus triviaux, ce narrateur sans nom relate avec précision sa transformation en arbre, sa relation conflictuelle avec les docteurs, car il ne veut pas devenir "un phénomène de foire dans un laboratoire". antoine percheron
En 38 pages, Antoine Percheron réussit un prodige poignant, celui de raconter avec distanciation son propre destin , celui d'un homme atteint d'une tumeur qui pousse "des racines au fond du cerveau", comme le précise une note en fin de texte.

Paru une première fois en 2001 aux Éditions L'Escampette, ce texte vient d'être réédité aux Éditions Belles Lettres et il ne faut surtout pas le rater.

Lire la suite

La Vie Précieuse

"il y a pourtant des petites choses coupantes dansa doublure de mon cœur. Des choses comme des petits animaux qui traquent mon corps. Des animaux à l'intérieur. "

Roman autobiographique et de formation La Vie Précieuse pulse de l'énergie de son autrice et narratrice. Jouant avec la typographie, la page, usant avec virtuosité des ellipses, sans jamais perdre son lecteur en route, Yrsa Dale-Ward  se livre avec franchise, n'occultant ni le racisme dont elle a été victime dans les années 80 dans le Nord de l’Angleterre, ni les addictions dont elle a souffert , ni la prostitution . 
J'ai particulièrement été marquée par la dissociation dont elle use dans son récit, passant du "je " au "tu" pour mieux relater "unenuitputaindefroide" et par la manière dont elle évoque sa relation à son corps et comment, très tôt, il est envisagé par les hommes. yrsa daley-ward
Sans pathos, elle évoque sa mère qui l'élevée sans père à proximité, se tuant littéralement au travail, ses grands-parents extrêmement religieux, son petit frère aussi, tant aimé. Un texte puissant traduit par Julia Kerninon.

 

Merci à Babelio et à l'éditeur pour cette découverte.yrsa daley-ward

 

Lire la suite

Le goût du baiser

"Physiquement, j'ai besoin de taper contre quelque chose ou contre quelqu'un . J'ai besoin de sentir mon corps. Mon corps devenu en partie insensible, anesthésié.Mon corps confisqué, et moqué par Antoine."

A la suite d'une chute de vélo, par ailleurs sans gravité, Aurore a perdu le goût et l'odorat. Pour cette élève de première commence alors une période particulièrement angoissante : comment savoir si on ne sent pas mauvais, comment savoir si on ne se met pas en danger (en ne sentant pas l'odeur du brûlé, par exemple) et surtout comment ne pas perdre goût à la vie et à tous les plaisirs gustatifs et sensoriels en étant privée de deux sens ?
La seule à être au courant au lycée est sa meilleure amie , Bintou, qui avec son franc-parler et son humour parfois cru , guide en quelque sorte Aurore dans ses relations aux autres, l'aidant à envoyer aux orties les préjugés sexistes qu'Aurore a parfaitement intégrés.camille emmanuelle,l'ardeur,éditions thierry magnier
Mais c'est Aurore elle-même qui parviendra à reconquérir son corps en se lançant dans une pratique sportive qui lui permettra d'évacuer et de maîtriser la rage qu'elle sent en elle. C'est aussi la rencontre d'une jeune homme , Valentin, un peu plus âgé et surtout plus mûr que les petits cons ( égoïstes et nuisibles ) du lycée qui lui permettra peut être de lui redonner Le goût du (de ?) Baiser.
Parfaitement ancré dans l'univers contemporain, ce premier roman de la collection l'Ardeur (dûment muni d'un avertissement : certaines scènes explicites peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes) n'a pourtant pas une visée masturbatoire mais bien plus didactique. En effet, via Bintou et Valentin, Aurore va peu à peu prendre conscience que ce qui est véhiculé par les films pornos ou la société ne respecte pas les désirs des femmes.
Camille Emmanuelle montre les rapports parfois ratés, l'irrespect de l'autre de l'autre (amplifié par les réseaux sociaux) mais aussi la tendresse et les relations équilibrées, sans pour autant sacrifier l’aspect narratif de son texte. Un petit bémol: la fin un peu trop cliché mais bon, on ne se plaindra pas car un texte qui propose autant de pistes aux jeunes filles d'aujourd'hui pour  contrer la société machiste ne peut que nous réjouir.


Camille Emmanuelle, Thierry Magnier 2019, 221 pages enthousiasmantes.

Lire la suite

La belle Lumière

"Ce paysage est celui d'une contrée dont la langue est plus hermétique que le sanskrit ou le japonais. Car ce n'est pas d'une langue qu'il s'agit, bien sûr, c'est d'un corps, un corps combattant."

D'Helen Keller on connaît bien sûr l'histoire extra-ordinaire de cette enfant devenue sourde, muette et aveugle  qu'une éducatrice hors-normes parviendra à faire communiquer avec le monde extérieur, de manière à ce qu'elle soit "Accueillie dans le monde des hommes."Livres, films déclinent à l'envi cette renaissance et font d'Helen une figure emblématique.angélique villeneuve,helen keller,kate keller
Angélique Villeneuve, elle, choisit de mettre en lumière la mère d'Helen, Kate, de montrer leur relation fusionnelle , pétrie d'amour et de culpabilité, et la déchirure que représente  la nécessité de la séparation pour qu'Helen puisse ne plus être envisagée comme un cas désespéré.
Nous sommes en Alabama en 1880, les tensions raciales  sont toujours présentes et les libertés des femmes sont réduites à la portion congrue. Pourtant, Kate parviendra à lever tous les obstacles pour que Helen  ne soit plus  cette "petite fille folle que le monde voudrait savoir morte."
Avec La Belle Lumière, l'autrice de Maria poursuit son exploration fouillée et sensible des thèmes qui irriguent son œuvre : le corps féminin,  la maternité et  la place accordée aux femmes par la société. Elle brosse ici un portrait riche et marquant d'une mère restée dans l'ombre, comme c'est trop souvent le cas. L'écriture est fluide, enlevée et rend compte au plus près de la relation entre les corps féminins. Un livre magnifique.

Éditions le Passage 2020, 238 pages piquetées de marque-pages.

Sur le blog d Antigone, plein de liens !

Lire la suite

Constellations Eclats de vie

" Prendre en compte la douleur, c'est tenter de répondre à une question posée par le corps On la partage pour trouver une solution , mais nos paroles sont souvent mises en doute."

Un corps féminin , irlandais de surcroît, ce qui n'est pas anodin car ,comme le précise l'autrice "A la fin des années 1980, le catholicisme irlandais ne s'était pas encore délité.", ce qui impliquait encore des maltraitances nombreuses et variées ; un corps qui aura à faire souvent aux médecins, majoritairement encore des hommes, et ce dès le treizième anniversaire de Sinéad Gleeson, voilà l'objet poétique, féministe et charnel de ce recueil de textes.siéad gleeson
De la naissance à la mort , le corps féminin se dit, se vit dans de multiples facettes, se reconquiert face au pouvoir masculin, mais s'écrit aussi dans la transmission de mère en fille. C'est un livre fort, joyeux parfois, qui révèle les traumatismes, les dépasse par la création et si la maladie s'acharne , on peut s'inspirer des créatrices qui elles aussi sont passées par cette expérience pour se sentir plus forte : "Elles m'ont montré qu'il était possible de vivre une vie créative parallèle qui éclipse la vie de patient, l'écartant du centre de la scène. Qu'il était possible d'avoir une maladie sans être la maladie."
Sinéad Gleeson n'en oublie pas pour autant les aspects matériels car "Ce qui est en jeu dans les questions de santé reproductive, c'est l'autonomie et le choix, la possibilité d'agir et d'être entendu. C'est aussi une affaire d'argent, de classe sociale, d'accession et de privilège."
Puisant dans son expérience personnelle, mais aussi dans celle d'autres femmes, l'autrice nous parle à toutes et à chacune et c'est une formidable plaisir que de la lire, j'allais écrire :l'écouter.
Un livre formidable dès la couverture qui reproduit en creux une constellation. Traduit de l'irlandais par Cécile Arnaud, Éditions la table ronde 2021, 292 pages piquetées de marque-pages et qui m'ont touchée au cœur.

Lire la suite

Page : 1 2 3 4 5 6 7 8 9