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05/09/2024

Celles qu'on tue...en poche

"Rien de plus facile que d'apprendre à détester les femmes. Les professeurs ne manquent pas. Il y a le père. L’État. Le système judiciaire Le marché. La culture. La propagande. Mais ce qui l'enseigne le mieux, d'après Bia, ma collègue du cabinet, c'est la pornographie. "

 L'Acre, l’État qui présente actuellement le plus fort taux de féminicides au Brésil, c'est là que se rend l'héroïne du roman, avocate envoyée par son cabinet pour documenter le cas d'une jeune indigène torturée, violée et assassinée dans des circonstances particulièrement atroces.
 Très vite, elle va se rendre compte de l'ampleur du phénomène de ces féminicides impunis et empiler dans un carnet les noms et les circonstances dans lesquelles ces femmes sont mortes.
 Cette violence faites aux femmes fait écho à celles faites aux indigènes et à la forêt amazonienne, qui couvre une partie de ce territoire, le tout dans la plus grande indifférence. Patricia Melo
Celles qu'on tue est un roman puissant qui nécessite des pauses dans sa lecture tant les  situations évoquées suscitent à la fois un sentiment de révolte et d'horreur. La grande force de Patricia Meo est tout à la fois de s'appuyer sur des faits documentés, mais aussi de créer du suspense et de susciter l'empathie avec la narratrice dont la mère a été elle aussi tuée par son époux. Une dimension hallucinatoire et onirique est apportée par le récit des prises d’ayahuasca par l'héroïne  qui s'initie aux rituels ancestraux des indigènes. Un roman à l'atmosphère étouffante , mais dont la lecture est nécessaire.

 

 

 Traduit du portugais (brésil) par Élodie Dupau.

27/08/2024

Un jour d'avril

"Les relations avec les parents des amis de vos enfants peuvent ressembler à celles qu'entretiennent des ducs et duchesses rivaux, forcés de se montrer courtois pour la seule et unique raison qu'ils appartiennent à la même maison souveraine."

michael cunningham

A un an d'intervalle à chaque fois, nous retrouvons les personnages de ce roman un 5 avril. Un an avant le COVID, pendant,après. Habitant à Brooklyn, ils frôlent la quarantaine et sont à une étape charnière de leur  vie. Dan, espère effectuer son retour sur scène et retrouver le quart d’heure de gloire éphémère qu'il avait connu. Il quittera ainsi son rôle de père au foyer auprès de Nathan et Violet Son épouse Isabel , tente de préserver son emploi dans le journalisme et constate que son mariage s'effiloche doucement. Quant à son frère, il va devoir quitter la chambre qu'il occupe dans la maison de sa sœur et remettre en question son emploi d’enseignant. Derniers éléments de cette constellation familiale atypique, le frère de Dan ,Garth,qui a permis à une amie lesbienne de longue date de concrétiser son désir d'enfant.
 Les enfants sont finalement ici les éléments les plus intéressants car les plus finement observés. Les autres personnages pâtissent eux d'un manque d'intensité dans la narration, mais il est vrai que l'auteur peint ici un monde en pleine déliquescence ...

 le Seuil 2024, traduit de l’anglais (E-U) par David Fauquemberg

 

13/08/2024

Comment enterrer son mari en toute discrétion

""Pourquoi j'ai fait ça, Sal ? Bon sang, pourquoi j'ai accepté la situation ? "
Je serre sa main dans la mienne.
"Nous ne l'avons pas acceptée, ils nous l'ont imposée. Et nous ne savions pas comment y mettre un terme. ""

Sur une impulsion, Sally met fin à vingt ans d'"accidents domestiques" en balançant un grand coup de poêle à son mari-bourreau. Mort.
Plaider la légitime défense lui paraît hasardeux et Sally veut préserver ses  enfants qui viennent de prendre leur indépendance. alexia casale
Comment se débarrasser du cadavre en plein confinement ? Heureusement internet est là . Bientôt Sally se rend compte , au vu de la quantité de litière pour chat qu'elle a dans son caddie, que sa voisine  a sans doute consulté le même site qu'elle pour les mêmes raisons.
Au final, elles sont cinq femmes, d'âges et d'origines différentes, mais avec le même problème : Comment enterrer son mari en toute discrétion ?
Avec humour, l'autrice aborde un thème dont on ne veut pas toujours entendre parler, celui des violences domestiques. Parfois un peu trop didactique, mais avec un rythme enlevé et une célébration dans les actes de la sororité, ce roman ne fait jamais l'apologie de la violence féminine: "il pose tout au plus la question de la représentation des femmes qui, après avoir subi des années de violences aggravées ne voient pas d'autre issue à leur calvaire. "

Objectif atteint et dans la bonne humeur, ce qui est appréciable.

 Julliard 2024.

 Traduit de l’anglais par Cécile Hermellin.

 

12/08/2024

La Voix du Lac

"La gentillesse pouvait être tellement plus douloureuse que la cruauté. "

Sur un coup, de tête, Maddie, la parfaite femme au foyer, plaque son mari et son fils adolescent pour tenter de vivre, à l'aube de la quarantaine , son rêve d'adolescente : devenir journaliste.
Scandale au sein de sa famille et de la communauté juive de Baltimore en cette année 1966, où la ségrégation raciale sévit encore aux États-Unis.
La disparition d'une jeune fille juive, à laquelle Maddie va être fortuitement mêlée, puis celle d'une jeune femme noire, non-événement dans la communauté blanche, vont permettre à notre héroïne de tenter de se faire un nom en menant l'enquête. laura lippman
Roman à suspense, La Dame du Lac est aussi un roman d'émancipation et de critique sociale dont l'héroïne est bien moins parfaite qu'il n'y paraît.  Nous découvrons petit à petit ses failles et ses secrets, ainsi que ceux de la ville de Baltimore et c'est un parfait équilibre entre les deux. Un grand coup de cœur.

 NB: je m'aurais pas découvert ce roman sans les louanges de Stephen King et bien sûr sans la série qui porte le même titre, mais s'éloigne beaucoup du roman.

11/08/2024

Coupez ! ...en poche

chris brookmyre"Le grand danger quand on cherche des réponses ,c 'est qu'on risque de les trouver. "

 Passer presque un quart de siècle en prison pour le meurtre de son amant et recouvrer la liberté à soixante-douze ans dans un monde où " Il lui fallait sans cesse se rappeler que tout le monde s'attendait désormais à ce que tout soit instantané et que le moindre délai représentait un intolérable désagrément , que seul le recours à un téléphone portable pouvait atténuer. " n'est pas aisé. D'autant qu'elle n'a pas su se défendre et lutter contre l'institution juridique.
Un autre personnage qui ne se sent pas à sa place ,c'est Jerry, étudiant en cinéma, d'origine modeste, et fan des films d'horreur de série B. Quittant la résidence universitaire, trop onéreuse et hostile à son goût , il emménage en colocation avec des personnes âgées, dont Millicent.
Avec son fichu caractère , la vieille dame ne lui facilite pas la tâche ,mais découvrir qu'elle officia en tant que maquilleuse experte sur les plateaux des films qu'il adore, dont le fameux Mancipium que personne n'a vu, leur permettra de nouer des liens. Lien qui se resserreront quand Millicent découvrant par hasard un détail qui remet en question toutes ces certitudes quant à son amant se met en tête de renouer avec ses anciens , afin de mettre à jour la vérité.
Le duo improbable commence alors un road trip qui se transformera vite en course poursuite où les morts se multiplient...
Alliant les qualités hétéroclites de ses héros, Brookmyre nous fait découvrir avec gourmandise l'univers des séries B gore, fustigeant au passage notre société contemporaine.  L'intrigue est juste parfaite et les 500 pages se tournent toutes seules, alternant passé et présent, multipliant les rebondissements sans jamais forcer le trait.
 Un récit haletant, un univers aux antipodes de mes goûts mais que l'auteur rend passionnant, une bonne dose d'humour, souvent noir, des personnages attachants, tels sont les ingrédients d'un roman juste indispensable.

 Traduit de l’écossais par David Fauquemberg

09/07/2024

#Desiremarquablescréatures #NetGalleyFrance !

"Mon nombre de neurones s'élève à une demi-million , répartis entre mes huit bras. Quelquefois, je me demande si je n'ai pas plus d'intelligence dans un seul de mes tentacules qu'un humain dans son crâne entier. "

Dans son bassin, le bien trop intelligent Marcellus, pieuvre géante du Pacifique , s'ennuie. Alors, il a trouvé le moyen de régulièrement prendre la poudre d'escampette, la nuit, avant de regagner ses pénates. La seule à être au courant de ces escapades est Tova, agente d'entretien zélée,  mais qui est minée par la disparition inexpliquée de son fils , trente ans auparavant. Heureusement son groupe d'amies"les Tricotoquées" l'entoure chaleureusement.shelby van pelt
L'arrivée d'un jeune homme intelligent, mais qui a le chic pour se fourrer dans des situations lamentables ,va perturber tout ce joli petit monde et changer la donne.
Un premier roman choral mettant en scène des vieilles dames pleines d'énergie et de vitalité et ayant comme narrateur un poulpe,voilà qui pouvait s'avérer extrêmement risqué, voire  ridicule. Et pourtant le pari est gagné car les personnages sont riches d'humanité et d'expérience, la narration est fluide et les péripéties entraînent le lecteur à tourner les pages sans s'en rendre compte ou presque. Vous cherchiez une lecture estivale ? La voici !

Fleuve Éditions 2024.

Traduit de l'anglais (E-U) par Laura Contartese.shelby van pelt

27/06/2024

#Surlîle #NetGalleyFrance !

"-L'île que vous avez dans la tête...Je ne pense pas qu'elle existe. "

Une île  galloise (imaginaire mais inspirée de plusieurs îles au large de la Grande-Bretagne et de l'Irlande) en 1938. L'existence est rude pour les pêcheurs et leurs familles. Manod, 18 ans, aux côtés de son père et de sa plus jeune sœur, rêve d'une autre vie sur le continent. Elle est vive, intelligente et sait parler anglais.
La tranquillité insulaire est bientôt rompue par une baleine morte qui s'échoue sur le rivage et l'arrivée de deux ethnologues qui lui feront envisager, non sans cruauté, la possibilité d'un avenir loin de l'île. Au loin, des rumeurs de guerre, mais les îliens se préoccupent surtout de leur survie. elizabeth o'connor
Par petites touches, nous découvrons la beauté de l'île, mais aussi et surtout la rudesse de l'existence des insulaires, rudesse que ne semblent pas vouloir admettre les ethnologues et leur vision biaisée. L'autrice laisse deviner les sentiments de son héroïne et fait confiance aux lecteurs pour combler les ellipses. Roman de formation et d'émancipation, plein de poésie et de délicatesse, Sur l'île génère une sorte de magie dont on sort un peu étourdi et mélancolique. Un grand coup de cœur.

 Traduit de l'anglais par Claire Desserey.

 

 JC Lattès 2024. elizabeth o'connor

21/06/2024

Les voyageurs du train de 8h05...en poche

"Franchement, si on m'avait dit qu'un jour, je confierais mon avenir à une lesbienne excentrique, je ne l'aurais pas cru ! Mais ça fonctionne plutôt bien, en fait. "

La règle numéro 2 de l'usager du train de banlieue , règle implicite, bien sûr, est de ne jamais adresser la parole aux autres voyageurs. Pourtant, quand un des habitués de la ligne  allant de Hampton Court à Londres manque s'étouffer avec un grain de raisin, les interactions vont bien se mettre en place et les identité se dévoiler. clare pooley
Petit à petit, ce sont les personnalités et les tracas de chacune et chacun qui vont se révéler, faisant de Iona , journaliste spécialisée dans les problèmes personnels, une sorte d'aimant dans le wagon où elle s'installe chaque jour avec sa fidèle, Lulu, bouledogue français.
Roman choral où chaque personnage prend à son tour la parole, Les voyageurs du train de 8h 05 concentre de manière un peu trop systématique des problématiques contemporaines qui vont du harcèlement scolaire à l'emprise. Le microcosme qu'est le train est certes bien  exploité mais les situations se règlent beaucoup trop facilement . Et c'est bien dommage car les personnages, Iona en tête, sont pleins d'humanité et croqués à ravir.
Un bon moment de lecture  juste un peu trop lisse.

28/05/2024

#Quandlesfemmesétaientdesoiseaux #NetGalleyFrance !

" Quand nous n'écoutons pas notre intuition, nous abandonnons nos âmes. Nous abandonnons nos âmes car nous craignons que, sinon, les autres ne nous abandonnent. Nous avons été élevées à douter de ce que nous savons, à ignorer et à sous-estimer l'autorité de notre instinct."

A la mort de sa mère, l'autrice ouvre les carnets que celle-ci lui a légués. Or, ils sont vides.Tout au long des cinquante quatre courts chapitres qui constituent ce livre , Terry Tempest Williams va interroger la notion de voix, la sienne, celle de sa mère, la voix de chacun.e . Nos voix sont-elles empêchées ? Est-ce un choix que de se taire ? terry tempest williams
Revenant sur des épisodes marquants de son existence, l'autrice nous livre un portrait pointilliste d’elle-même, parfois dérangeant, parfois surprenant et aussi, il faut bien l'avouer, longuet (je pense ici à la manière trop détaillée dont elle revient sur l'âpre lutte juridique et politique menée pour sauvegarder un territoire).
Scandé par le leitmotiv des métaphores désignant les carnets de sa mère , l'autrice mène une réflexion exigeante et intéressante sur la nécessité , ou non, de s'exprimer.

 

Phébus 2024. Traduit de l'anglais 'E-U) par Gaëlle Cogan.terry tempest williams

 

 

 

 

16/05/2024

Je pleure encore la beauté du monde

Quand on parle de préservation, de sauver cette planète, il faut commencer par les prédateurs. Parce que tant qu’on ne les aura pas sauvés eux, on n’aura aucune chance de sauver le reste. »
Moi, je vois leur puissance subtile, leur patience immense et leur beauté incomparable.

Ayant beaucoup aimé le premier roman, Migrations, de cette autrice, je me faisais une joie d'ouvrir celui-ci. Il avait en effet tout pour me plaire: une histoire de réintroduction de loups dans une forêt des Highlands (une pure fiction , apparemment) et j'étais déjà ravie.
Hélas, le défaut que j'avais déjà évoqué comme bémol pour son précédent ouvrage se donne ici libre-cours: le pathos. charlotte mcconaghy
On accumule les personnages torturés, les situations prévisibles (voire invraisemblables) et à trop vouloir accumuler les thèmes (violence faites aux femmes, loups accusés de tous les maux, y compris de meurtre sur humains) l'autrice m'a totalement déçue. Dommage.Il n'en reste pas moins qu'on sent ci un véritable amour  de la nature et des loups.

 Éditions Gaïa 2024. Traduit de l'anglais (Australie) par Marie Chabin.