10/11/2022
L'énigmatique Madame Dixon...en poche
"Les gens pensent qu’ils veulent la vérité mais ils sont toujours déçus. C’est invariablement moins excitant que le mystère. "
Un prologue énigmatique, qui évoque d'emblée la problématique de l’identité, un début de roman d'apprentissage mettant en scène une jeune femme qui veut intégrer le monde de l'édition à New-York, mais qui surtout veut devenir une écrivaine, Alexandra Andrews semble placer son roman sur des rails bien calibrés. Mais bientôt tout dérape et l'apprentie écrivaine se révèle bien moins lisse qu'il n'y paraissait.
Le trouble s'accentue quand elle va devenir l'assistante de Madame Dixon, écrivaine à succès qui ne se montre jamais dans les médias et dont seule l'agente connaît le vrai nom. Un voyage au Maroc verra se mettre en place un traquenard et ses nombreux rebondissements.
Personnages cyniques, qui révèlent, mine de rien et avec désinvolture leur plus noir secret, apprentie écrivaine sans scrupule, tout est ici un pur régal pour qui aime les intrigues tordues à souhait.Un bon moment de lecture.
05:55 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : alexandra andrews
07/11/2022
Au-Delà
"Existe-t-il une date d'expiration des filaments de gratitude secondaires, une fois que la racine principale a lâché ?"
La solitude est devenue le quotidien d'Antonia, écrivaine, professeure de Lettres fraichement retraitée et veuve depuis peu. Originaire de la République dominicaine, elle a été ,par le passé ,sollicitée pour aider les migrants hispanophones et l'un des clandestins qui travaille chez son voisin lui demande de l'aider à faire venir une fiancée qui se révèlera enceinte...d'un autre.
Doit-elle accepter d'héberger cette clandestine dans sa maison devenue trop grande ? Antonia doit remettre à plus tard la réponse car l'une de ses sœurs , la plus fantasque (ou la plus instable psychologiquement ? ) a disparu.
Julia Alvarez dans ce roman analyse avec finesse les liens qui unissent les sœurs, mais aussi tout ce qui peut les séparer. Elle brosse aussi le portrait d'une femme qui hésite à endosser la part de vraie gentillesse qui était l'apanage de son mari: "Est-ce donc à cela que se réduira l'au-delà, la vie après la mort ? Des actes inspirés par Sam, de la part de ceux qui l'aimaient ? ".
Pas de bons sentiments dans ce roman plein d'humanité qui peint avec justesse des personnages attachants et crédibles. Un bon roman comme on les aime.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par David Fauquemberg, Éditions La Croisée 2022. 237 pages qui font du bien.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : julia alvarez
24/10/2022
#Desmeurtresquifontdubien #NetGalleyFrance !
"La pleine conscience peut tuer des gens et casser des nez. Et faire fondre des icebergs. "
Sommé par sa femme de ralentir son rythme de travail, l'avocat de la défense Bjorn Diemel consulte un coach et découvre la pleine conscience.
Dès lors sa vie va changer du tout au tout mais n'en sera pas plus calme pour autant car quand on est le mandataire d'un mafieux ultra violent et imprévisible , il est difficile d'atteindre la sérénité en un clin d’œil.
Karsten Dusse nous relate donc deux semaines de la nouvelle vie de son héros, qui va utiliser les principes de son coach (en les pervertissant quelque peu), principes qui figurent au début de chaque chapitre et se retrouvent aussi à l'intérieur , ce qui est un peu redondant.
Le rythme est soutenu, les neurones de l’avocat carburent à toute allure car les membres de son entourage professionnel ont une fâcheuse tendance à balancer des grenades à tout propos, voire à les attacher à des endroits quelque peu improbables... On y découvrira également que la promesse d'une place en maternelle peut faire des miracles pour convaincre les plus réticents.
Quelques touches d'humour noir parsèment le tout et on passe un excellent moment avec ce cocktail original: meurtres et pleine conscience .
Traduit de l'allemand par Jenny Bussek
Editions Le Cherche-Midi 2022.
06:03 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : karsten dusse
15/09/2022
#aCollectionneusedemotsoubliés #NetGalleyFrance !
"...j'ai pris conscience que les termes les plus fréquemment employés pour nous définir étaient ceux qui décrivaient notre fonction par rapport à d'autres. Les mots les plus anodins eux-mêmes-jeune fille, épouse, mère- révélaient au monde si nous étions vierges ou non . "
Dès son enfance, Esme grandit non pas au milieu des livres, mais au milieu des mots car son père participe à la première édition de ce qui deviendra l'Oxford English Dictionnary.
Commencé à la fin du XIX ème siècle, cet ouvrage est bien évidemment rédigé par des lexicographes masculins, même si quelques femmes y apportent leur contribution, et révèle une vision genrée , laissant de côté des mots qui concernent non seulement les femmes, mais aussi les classes modestes de la population.
Ces mots, laissés de côté, Esme va les collectionner , espérant leur redonner une légitimité.
Ce roman, qui avait tout pour me déplaire de prime abord (les romans historiques ne sont pas ma tasse de thé, encore moins quand ils se présentent sous la forme de pavés) a su emporter ma totale adhésion. Les personnages sont bien campés, l'arrière plan historique est présent juste ce qu'il faut avec des points de vue intéressants, les péripéties sont amenées avec à propos et on ne s'ennuie pas une seconde. Quant à la dernière partie, elle propose un saut dans le temps et l'espace des plus enrichissants. Amoureux des mots et de l'histoire des femmes, précipitez-vous sur cette pépite !
PS: cerise sur le gâteau : l'autrice précise ce qui est réel ou de l'ordre de la fiction.
Traduit de l’anglais par Odile Demange, Editions Fleuve 2022.
06:00 Publié dans Rentrée 2022, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : pip williams
06/09/2022
Le goûter du lion
"Mais elle m'a fait comprendre qu'accepter la mort, c'était aussi accepter son désir de vivre, de vivre le plus longtemps possible. Cela a été une véritable révélation pour moi. "
Shizuko, trente -trois ans, se rend sur l’île aux citrons dans un établissement où tout est fait pour adoucir la fin de vie des pensionnaires. Dans un environnement naturel à la beauté exceptionnelle, aidée par un petite chienne qui se prend d'affection pour elle, entourée par un personnel attentif , la jeune femme, dont l'affaiblissement est rendu de manière délicate, va pouvoir se préparer à mourir avec sérénité.
Sur un sujet éminemment périlleux, Ito Ogawa, dans un style fluide , à l'émotion contenue, parvient à nous donner envie de nous rendre sur cette île quand le moment sera venu.
Traduit du japonais par Déborah Pierret-Watanabe
06:00 Publié dans Rentrée 2022, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : ito ogawa
31/08/2022
Qui sème le vent...en poche
"En plus de nourriture et de vêtements, les enfants ont besoin d'attention. Ce que papa et maman semblent oublier de plus en plus."
La mort accidentelle de Matthies, quelques jours avant Noël, va plonger ses frère et soeurs, ainsi que ses parents ,dans une souffrance qu'ils ne parviendront pas à verbaliser.
Même la religion (ils sont protestants orthodoxes) ne leur sera pas d'un grand secours et chacun dans on coin, ou presque ,continuera tant bien que mal à survivre à ce deuil.
Nous sommes au début des années 2000, dans un coin paumé d'une campagne néerlandaise et la vie est rude pour ces éleveurs de bovins. On pourrait parfois croire, n'étaient quelques détails qui ancrent dans la modernité, que cette famille, tout à la fois pudibonde pour ce qui est de la sexualité et très crue en ce qui concerne la réalité de la mort, vit quasiment en dehors du temps.
Tandis que la mère glisse dans une forme de folie, le père fait face avec stoïcisme à une épizootie qui ravage son troupeau, mais aucun d'entre eux ne parvient à exprimer ses sentiments et ils laissent le reste de la fratrie bricoler des stratagèmes pour apprivoiser la mort.
Ainsi la narratrice, dix ans au début du roman, ne quitte-elle pas sa parka, parka dont elle remplit les poches d'objets . Son frère, lui, opte pour des actes bien plus sadiques.
La découverte de la sexualité pour la fratrie les tient encore du côté du vivant ,mais dès les premières pages du roman, on sait qu'une tragédie est en route car "Quand on n'est plus à même de tenir avec tendresse un être humain ou un animal, mieux vaut lâcher prise et s'intéresser à autre chose."
J'ai rarement lu un roman aussi âpre, aussi tenu , dans le sens ou l'autrice ne tombe jamais dans le piège du pathos, où s'exprime une telle âpreté, un tel pessimisme (le père "prétend que ce n'est pas pour nous le bonheur, qu'on n'est pas faits pour être heureux, pas plus que notre peu blanche n'est faite pour endurer le soleil") et pourtant la narratrice , par son regard singulier, sur la nature, les animaux, parvient à nous offrir quelques respirations dans cette atmosphère saturée de tristesse.
La fin tombe comme un couperet.
Une expérience singulière et forte. Un premier roman , un coup de maître.
Il rejoint bien sûr l'étagère des indispensables.
Traduit du néerlandais par Daniel Cunin,
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, Littérature néerlandaise, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : marieke lucas rijneveld
19/08/2022
#LeLâche #NetGalleyFrance !
"Suivant qui vous êtes, les handicapés vous apparaissent comme des memento mori, la bonne action de la journée à accomplir, un réceptacle pour votre pitié ou un motif de curiosité. "
Qui est le lâche dans ce roman ? Le fils qui a fugué il y a dix ans sans donner de nouvelles et se retrouve maintenant dans l'obligation d'appeler son père à la rescousse car il est paralysé et sans ressources à la suite d'un accident ; ou le père qui, à la mort de sa femme, a plongé dans l’alcool et la violence ?
Peu importe au fond. L'essentiel est que, bon gré, mal gré les deux hommes vont devoir cohabiter , s'adapter l'un à l’autre , et cela n'ira pas sans mal car si le père a su gommer (en partie) ses aspérités, le fils est une boule de colère contre le destin, contre les autres, mais surtout contre lui-même.
Pas d'autoapitoiement, mais une bonne dose d'humour noir et un regard acéré porté sur le handicap, la manière dont il est vécu de l'intérieur ( le fait que l'auteur soit lui-même en fauteuil n'y est sans doute pas pour rien) et un magnifique portrait , très nuancé, des relations familiales. L'auteur qui signe ici son premier roman fait une belle entrée dans la littérature.
06:00 Publié dans Rentrée 2022, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : jarred mcginnis
16/08/2022
Après la pluie
" C'est vraiment bizarre quand on y réfléchit , tous ces Blancs de la classe moyenne qui viennent ici pour avoir moins d'intimité, de confort et d'avantages que chez eux, en quoi ce sont des vacances ? "
Un village vacances au bord d'un loch en Écosse . Manque de chance il ne cesse de pleuvoir et les vacances estivales virent à l'aigre pour les six familles qui occupent les chalets.
Écossais, Anglais, personnes âgées, familles flanquées d'adolescents ou au contraire de jeunes enfants, jeune couple à l'orée de la vie, tous sont très différents mais partagent une sourde inimitié contre la famille d"'étrangers", dont ne sait quel pays d'Europe de l'Est (suppose-t-on) qui font , bruyamment, la fête la nuit.
Sarah Moss plonge alternativement au sein de chaque chalet, révélant les frustrations, les mensonges (à soi-même et autres) de chacun de ces microcosmes. Elle se penche également sur la nature environnante et ses animaux qui pâtissent eux aussi du climat. L'exaspération monte progressivement car ni la pluie, ni le bruit nocturne ne cessent...
Si j'ai retrouvé avec plaisir le regard aigu de Sarah Moss sur ses contemporains, (qui évoque en filigrane le Brexit et ses conséquences) , faute de réelle tension narrative, j'ai senti l'ennui poindre à plusieurs reprises.
Traduit de l'anglais par Laure Manceau.
Acte Sud 2022.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : sarah moss
15/08/2022
Triple zéro
"Si ce boulot au centre d'appels m'avait appris une chose, c'est qu'on ne peut pas éviter l'urgence. Peu importe ce qu'on fait, l'urgence vous tombe dessus."
Afin de financer son séjour aux États-Unis où elle espère vivre de sa plume, une étudiante de dernière année à l'université de Sydney travaille huit heures par jour dans un centre d'appel d'urgence. là, elle est confrontée aussi bien à la violence humaine qu'aux désastres écologiques.
Insidieusement, son emploi affecte son comportement et elle laisse son corps être malmené par des hommes de passage. Elle ne retrouve l'harmonie qu'en nageant , même si elle sait que la mer comporte elle aussi bien des dangers.
Roman dominé par trois éléments: la terre, l'eau et le feu, Triple Zéro établit une équivalence entre le continent australien qui subit de plein fouet les conséquences dramatiques du réchauffement climatique et le corps de sa narratrice. Un roman singulier à l'écriture maîtrisée, parfois poétique.
Brillamment traduit de l’anglais (Australie) par Brice Matthieussent.
Éditions rue de l'échiquier 2022.
299 pages.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : madeleine watts
11/08/2022
Evidemment Martha
"Je voulais lui dire que c'était la première fois que j'étais capable de décider comment réagir à un événement négatif, aussi insignifiant soit-il, au lieu de réagir avant d'avoir pris conscience. J'ai dit que je ne savais pas qu'on pouvait choisir quoi ressentir au lieu d'être submergée par une émotion extérieure. J'ai dit que c'était difficile à expliquer. Je ne me sentais pas différente, je me sentais moi-même. Comme si je m'étais trouvée."
Depuis l'âge de dix-sept ans, Marthe souffre de troubles psychiques et tente de s'en accommoder avec l'aide de traitements peu efficaces. Elle a maintenant trente-quatre ans, un premier mariage éphémère à son actif et un second qui se délite.
Les autres membres de sa famille (un père poète jamais édité, une mère sculptrice (qui vit aux crochets de sa sœur tout en la méprisant copieusement) une sœur quasi jumelle exténuée par ses grossesses successives) , ont chacun à leur manière tenté de "faire avec" l'attitude chaotique de Martha mais semblent eux aussi sur le point de lâcher prise.
L'autrice a fait le choix de ne jamais nommer la maladie (qui sera enfin correctement diagnostiquée ), sans doute pour ne pas stigmatiser ou pour ne pas limiter le récit et cela me convient très bien car ce qui est davantage montré ici est la souffrance de Martha et celle de tous ceux qui l'entourent.
La structure éclatée du roman, les allers retours dans le temps, l'analyse fine des rapports complexes liant Martha à sa famille et, en particulier, à son second mari en apparence trop patient, la révélation retardée de certaines réactions de la jeune femme contribuent à maintenir la tension tout au long du récit.
Un roman clivant sans doute mais que j'ai dévoré et qui m'a serré le cœur.
Traduit de l'anglais par Anne Le Bot
Le Cherche Midi 2022, 399 pages qui peuvent dérouter et/ou profondément émouvoir.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : meg mason, maladie mentale