11/05/2023
Pas dormir...en poche
"Quand nous marchons au milieu des plantes et des animaux, nous nous déplaçons dans du vivant, nous en faisons partie. Quand nous nous tassons au milieu des objets, ce qui nous entoure est mort, nous en faisons partie. Et l'immobilité nous cloue entre les planches de l'insomnie."
Nul besoin d'être insomniaque pour dévorer ce nouvel opus de Marie Darrieussecq.
Souffrant de ce mal depuis la naissance de son premier enfant, elle revient ici sur toutes les méthodes employés pour tenter d'arriver à dormir, convoquant nombre d'auteurs et autrices grands insomniaques eux aussi, Kafka et Duras en tête.
Faisant preuve d'une grande franchise, elle n'élude pas son alcoolisme, boire lui permettant de dormir, mais avec des réveils plus que difficiles, mais ne se centre pas seulement sur son cas. L'insomnie lui permet aussi d'évoquer aussi bien la forêt africaine, que la jungle de Calais, posséder un lieu où dormir, une chambre à soi, n'étant pas donné à tout le monde.
Tenant à la fois du témoignage, de l'analyse, cet Objet Littéraire non Identifié n'est pas dénué d'humour et, cerise sur le gâteau, est ponctué de photographies, pas toujours très lisibles malheureusement. 297 pages dévorées d'une traite .
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, Objet Littéraire Non Identifié | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marie darrieusecq
25/10/2022
Totalement inconnu
"Ailleurs ce doit être pareil, mais je comprends moins les paroles. Mon ignorance a des côtés plaisants. "
Une pensée en action, voilà ce que nous propose ici Gaëlle Obliégly dont la narratrice, hôtesse d'accueil , travail alimentaire, doit écrire une conférence sur le soldat inconnu.
De digressions en digressions, elle évoque tour à tour sa grand-mère, la Finlande (où elle n'est jamais allée) mais qu’elle est convaincue de connaître, réfléchis sur le bien, le mal, obéis aux voix qu'elle entend ...
Un texte émaillé de réflexions-pépites mais qui laissera sur le côté tout lecteur habitué à des textes plus conventionnels.
Éditions Bourgois 2022.
06:00 Publié dans Objet Littéraire Non Identifié | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gaëlle obiégly
13/10/2022
Végétal
"Je ne rêvais que de me rouler dans la mousse, la pluie, que l'humus mouillé abreuve et délivre mes racines. Je ressentais ce besoin de la terre, celle fraîchement arrachée, pour m'en recouvrir et me vautrer dedans , la sentir sur mon corps et pouvoir enfin la flairer. "
Cela commence par un changement d'odeur. Le narrateur se rend soudain compte que son corps nu sent l'humus, que son torse est " recouvert de mousse".
La "mutation organique" est en route et elle sera inexorable. Abordant tous les aspects de cette métamorphose, même les plus triviaux, ce narrateur sans nom relate avec précision sa transformation en arbre, sa relation conflictuelle avec les docteurs, car il ne veut pas devenir "un phénomène de foire dans un laboratoire".
En 38 pages, Antoine Percheron réussit un prodige poignant, celui de raconter avec distanciation son propre destin , celui d'un homme atteint d'une tumeur qui pousse "des racines au fond du cerveau", comme le précise une note en fin de texte.
Paru une première fois en 2001 aux Éditions L'Escampette, ce texte vient d'être réédité aux Éditions Belles Lettres et il ne faut surtout pas le rater.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Objet Littéraire Non Identifié | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : antoine percheron
23/05/2022
La gaufre vagabonde
Quand un auteur nous livre la définition de son texte, pourquoi se priver ?: "Alors quel style de poésie convient le mieux aux plaines betteravières ? Celui que nous employons à l'instant, digressif, discursif et évolutif. " Car ici la gaufre est un prétexte pour évoquer, au fil des souvenirs, un mot en entraînant un autre par le jeu des allitérations ou des assonances, le pays de l'enfance, de la gourmandise, de l'écriture bien sûr, au sein d'un itinéraire faussement erratique mais vraiment cultivé et poétique.
Au fil des chapitres, nous glanerons en chemin la liste des ingrédients pour confectionner cette fameuse gaufre liégeoise, mais surtout l'envie de découvrir davantage l’œuvre de cet auteur.
Éditions Cours toujours 2018
06:00 Publié dans Objet Littéraire Non Identifié | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jacques darras
05/10/2021
Pas Dormir
"Quand nous marchons au milieu des plantes et des animaux, nous nous déplaçons dans du vivant, nous en faisons partie. Quand nous nous tassons au milieu des objets, ce qui nous entoure est mort, nous en faisons partie. Et l'immobilité nous cloue entre les planches de l'insomnie."
Nul besoin d'être insomniaque pour dévorer ce nouvel opus de Marie Darrieussecq.
Souffrant de ce mal depuis la naissance de son premier enfant, elle revient ici sur toutes les méthodes employés pour tenter d'arriver à dormir, convoquant nombre d'auteurs et autrices grands insomniaques eux aussi, Kafka et Duras en tête.
Faisant preuve d'une grande franchise, elle n'élude pas son alcoolisme, boire lui permettant de dormir, mais avec des réveils plus que difficiles, mais ne se centre pas seulement sur son cas. L'insomnie lui permet aussi d'évoquer aussi bien la forêt africaine, que la jungle de Calais, posséder un lieu où dormir, une chambre à soi, n'étant pas donné à tout le monde.
Tenant à la fois du témoignage, de l'analyse, cet Objet Littéraire non Identifié n'est pas dénué d'humour et, cerise sur le gâteau, est ponctué de photographies, pas toujours très lisibles malheureusement. 297 pages dévorées d'une traite .
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
P.O.L 2021
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Objet Littéraire Non Identifié | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : marie darrieusecq
08/09/2021
#Maquillée #NetGalleyFrance !
" En ne voyant qu'une manifestation de notre décadence dans la culture de la beauté, dans ce qui a trait à l'ornementation des corps, on enferme le maquillage dans une vision sexiste qui associe les ravages du capitalisme à la femme, et plus particulièrement aux soins du corps.
La galaxie du maquillage , que ce soit sur internet ou dans la vie quotidienne, m'est totalement étrangère mais j'ai été très intéressée par ce livre qui multiplie les points de vue sur cet artifice, souvent décrié , mais qui existe apparemment depuis la préhistoire.
Daphné B. ,sous forme de courts chapitres, évoque à la fois sa vie personnelle, convoque la sociologie mais aussi la poésie, la philosophie , sans oublier le féminisme pour brosser par petites touches un ensemble ma foi très convaincant , bien mené et qui m'a permis de voir le maquillage sous de nouveaux angles.
Grasset 20210
06:00 Publié dans Objet Littéraire Non Identifié | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : daphné b.
30/08/2021
Sainte Marguerite-Marie et Moi
"En m'obligeant à la prendre au sérieux, en m'imposant ce parti-pris résolument bienveillant , l'éditrice a sauvé Marguerite-Marie de mes griffes ; et, à la place m'a livrée à elle. Ses inconforts, ses doutes, ses ambiguïtés, moi aussi je suis maintenant forcée de les habiter. "
Rien ne prédisposait une écolo-végétarienne, féministe, capable de réciter la première page de Harry Potter, mais pour qui le Notre Père reste lacunaire ,car agnostique et non baptisée , à écrire sur une sainte, même un peu gore.
Rien, sauf le fait que Marguerite-Marie Alacoque est apparentée à Clémentine Beauvais. De plus, l'autrice de Brexit Romance est enceinte et prend conscience de l'importance de la mémoire. Enfin, le père de son enfant est très catholique,(c'est elle qui souligne) et, par son intermédiaire, elle va devenir amie avec une éditrice d’une maison d'édition très catholique qui va lui suggérer ce projet un peu fou.
Ce livre est donc le récit d'un work in progress, émaillé des réflexions souvent très drôles de Clémentine Beauvais, mais aussi de ses tiraillements car,trouver l'angle juste, le ton juste , ne vont pas de soi quand on ne possède pas les codes d'un univers qui nous est totalement étranger ou presque.
Sans doute parce qu'on sent une grande sincérité, de la part des intervenants , comme de l'autrice, on ne tombe jamais dans une vision trop figée ou au contraire trop "décoiffante" de la sainte en question.
Si l'on m'avait dit que je dévorerais un ouvrage portant sur Sainte Marguerite-Marie, j'aurais bien ri. Et pourtant c'est le cas. Un petit "miracle "dû à Clémentine Beauvais.
Quasar 2021.
06:00 Publié dans Objet Littéraire Non Identifié, Rentrée 2021 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : clémentine beauvais
15/06/2021
Un mariage en dix actes ...en poche
Pièce de théâtre sans didascalies ou roman uniquement composé de dix dialogues entre deux personnages ?
La seule chose dont on est sûr est que l'action se déroule dans un pub où un homme et son épouse se donnent rendez-vous juste avant d'aller rencontrer une thérapeute conjugale. Quelques péripéties mineures ont également lieu dans la rue mais c'est tout. De la thérapie nous ne saurons rien, à part ce qu'en évoqueront les personnages, Tom et Louise.
Cela devrait être drôle si l'on en croit al 4 ème de couv', c'est juste ennuyeux au possible tant les personnages manquent de chair et d 'intérêt.
00:00 Publié dans Objet Littéraire Non Identifié | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : nick hornby, schtroumpf grognon le retour
24/10/2020
Les Lionnes
"...le fait que je n'ai pas vraiment l'intention de m'approcher d'un couguar aujourd'hui de toute façon si je peux l’éviter, peut être demain..."
Les Lionnes, c'est d'abord un pavé impressionnant qui se dissimule derrière la porte d'un frigo jaune pétard, 1108 pages d'un flux quasi continu de pensées qui s'entrelacent, celle d'une femelle cougar et celle d'une femme, mère au foyer qui passe l'essentiel de son temps dans sa cuisine à préparer des gâteaux qu'elle vend à des restaurants.
Timide, pusillanime, ayant tendance à se rabaisser (elle a pourtant enseigné à l'université), cette mère de quatre enfants ne s'est pas remise du décès de sa mère, a survécu à un cancer (elle l'évoque très peu), à un premier mariage , a réussi à élever seule sa première fille , avant que de retrouver l'amour avec Léo. Tout cela nous l'apprenons au fil des pages dans de très longues phrases qui épousent les mouvements de sa pensée, procédant par associations mentales ou sonores (allitérations, assonances), pensée qui digresse et ressasse, pensée non dénuée d'humour.
La femelle couguar et ses petits, la narratrice et ses enfants ,évoluent dans des mondes contigus mais baignés de violence. Comment trouver normal que les armes soient partout à disposition, que cette violence s'exerce principalement sur les Noirs ,les femmes, que même les enfants ne soient pas en sécurité à l'école ou chez eux ?
Les chemins de ces deux mères, aux objectifs quasi identiques, se croiseront fugitivement, mais tout l’art de Lucy Ellmann est de savoir faire monter la tension quand le lecteur, même s'il est hypnotisé par ce flot continu, commence parfois à perdre pied, à balancer, au détour d'une phrase, une révélation qui remet en perspective tout ce que nous avions lu auparavant et de susciter une émotion intense dans la toute dernière partie du roman.
Un livre magnifique et puissant qui fait paraître bien lisses et proprets nombre de fictions.
aussi l'époustouflante traduction de Claro.
Et zou, sur l'étagère des indispensables.
14:25 Publié dans l'étagère des indispensables, Objet Littéraire Non Identifié, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : lucy ellmann, claro
08/08/2020
Mélancolie du pot de yaourt/ Méditation sur les emballages
"Il est possible que l’immobilisme du pot de yaourt apaise en nous l’angoisse de la métamorphose permanente des objets."
Le titre de ce recueil de textes (organisés en six chapitres aux intitulés tout aussi savoureux ) est à lui seul un pur délice et annonce un esprit original,tout à la fois pince -sans -rire et pertinent.
On pense, via le format des textes, souvent court, à Philippe Delerm, mais l'impression s'avère fugace et heureusement car ici, la qualité de l'écriture et la variété des angles d'attaque font davantage penser à Francis Ponge, cité en exergue du recueil.
Je suis enthousiaste quand un auteur propose une réflexion sur des objets du quotidien et les envisage d'une façon inattendue et c'est bien le cas ici. Qu'il tente l'autohypnose devant un paquet de chips bio "à l'ancienne" ou remarque qu'il "est rare , dans un film de fiction ou une série, de voir un personnage jeter quelque chose." , Philippe Garnier nous réjouit par ses analyses.
Quant à ses descriptions, elles frôlent souvent la perfection, qu'il s'attache à définir de manière poétique un simple panier , "Un panier d'osier est un minuscule taillis enchevêtré en lui-même." ou un objet encore plus prosaïque comme les nouveaux sachets de plastique dans les rayons fruits et légumes : "Élastique et soyeuse, leur substance semblait provenir du monde médical. Elle avait quelque chose de séducteur et de faussement rassurant. Mes terminaisons nerveuses ne captaient presque rien. La douceur de ce plastique évoquait la peau d'un organe sensible."
Il possède l'art de nous surprendre dès la première phrase : "Un jour je suis entré dans un sac à pommes de terre."; celui de la formule également: "Jamais plus on ne vit un pays tout entier emballer une dent creuse". Il fait feu de tout bois, s'intéresse à tout, au préservatif comme aux techniques de vente des marques de luxe, s'arrête souvent devant les tas de gravats et compare les mérites respectifs du sable, de la poussière ou du parpaing. Il varie les tonalités, frôle l'acide , dénonce l’absurdité de notre monde , décrit avec un humour féroce nos mini victoires ou nos énervements contre ces emballages qui envahissent nos vies , jusqu'à quasiment nous donner la sensation d'étouffer.
On se balade ainsi, au fil des textes, et grâce à cet auteur iconoclaste, on envisage d'un autre œil ces fameux emballages, dans leur diversité et leur quantité. Un pur régal qui file sur l'étagère des indispensables.
Éditions Premier Parallèle
2020, 143 pages piquetées de marque-pages.
Antigone m'a donné envie de découvrir ce livre: clic.
06:00 Publié dans Essai, l'étagère des indispensables, Objet Littéraire Non Identifié | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : philippe garnier