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27/01/2015

Buvard

"Je suis un objet de fascination pour tous les imbéciles qui n'ont pas compris que pour ce qui est de l'impitoyabilité, la vie ne laisse jamais à désirer."

Allez savoir pourquoi en lisant les résumés de ce roman , je m'imaginais, un jeune étudiant allant voir une vieille écrivaine, façon Marguerite Yourcenar à Bar Habour.

J’avais tout faux ! L’héroïne, Caroline N.Spacek, même si elle a vécu déjà plusieurs vies et connu la gloire très jeune ,n’a que 39 ans.julia kerninon
Qu’elle accepte de se confier à Lou et de retracer son parcours chaotique et mystérieux est déjà  exceptionnel. Que ce magnifique récit d’emprise et de fascination soit un premier roman aussi réussi, tant par le style et l’atmosphère, que par l’intrigue, l’est tout autant.
Qu’il ait reçu le Prix Françoise Sagan est particulièrement approprié, tant la liberté et l’amour de la vie chers au cœur de l’auteure de Bonjour Tristesse semblent répondre à ceux de Caroline N.Spacek.

 

Merci à Cuné et à Clara qui ont fini par me convaincre !

 

Plein de billets un peu partout !

19/12/2014

La loi sauvage

"Sa mémoire était ailleurs et vous n'avez pas voulu forcer son paysage"

 

"Votre fille, c'est une catastrophe". Tell est l'apostrophe lancée par une institutrice chevronnée à la narratrice, mère de Camille, neuf ans.nathalie kuperman
Cette phrase assassine va d'insinuer dans le corps de la mère, prendre une dimension disproportionnée jusqu'à ce que sr révèle une scène fondatrice, d'une violence inouïe,  de sa propre enfance.
Rédigeant des modes d'emploi où elle transforme "l’information brute en invitation à s'approprier l'objet de manière humaine", la narratrice doit pour son travail se montrer "claire, concentrée, efficace", c'est à dire exactement l'inverse de ce qu'elle est dans la vie quotidienne. Elle est ainsi totalement incapable de se servir d'un four, dont elle a pourtant rédigé la notice. Elle en fait une affaire d'honneur, histoire de se prouver à elle-même et à d'autres, éventuellement, qu'elle est devenue une adulte, se jugeant telle si elle parvient à cuisiner.
Dans une narration parfois hallucinée, alternant des chapitres systématiquement intitulés , "La maitresse", "Mode d'emploi" ,jusquà ce que "Sauvagerie" se révèle enfin, La loi sauvage est un roman qui ressasse (parfois un peu trop) , fore le passé, se venge par le pouvoir des mots, féroce et drôle, qui ose beaucoup , jusqu’à créer parfois, le malaise.
Quelques baisses de rythme qui affaiblissent un peu l'ensemble mais j'ai retrouvé, avec plaisir,  la belle énergie, la langue drue,  de Nathalie Kuperman et c'est déjà beaucoup.

 

18/11/2014

Une éducation catholique

"Je ne pouvais pas aimer un homme qui ne communiait pas avec moi dans la parole et les larmes."

catherine cusset,

Élevée dans une famille où le père est catholique pratiquant et la mère juive , baptisée en 1943 pour échapper à un sort funeste, la narratrice, Marie se détourne "classiquement "de la religion catholique à l'adolescence.Par le biais de son parrain, elle tourne alors vers "l'imaginaire et l'écrit" et va, au fil du temps donner d'autres identités à ce qu’elle appelle Dieu: "On ne pouvait vivre, et aimer, qu'en étant débarrassé de la peur -la peur d'être seul, la peur de vivre, la peur de faire du mal à l'autre, la culpabilité. cette peur que j'appelle Dieu."
Roman d'apprentissage, Une éducation catholique convoque les figures habituelles d'un parcours de vie, de la meilleure amie à la valse-hésitation entre deux amoureux sans vraiment convaincre . Tant d’auto dépréciation de la part de la narratrice en devient quelque peu suspect à la fin et je n'ai pas retiré grand chose de ce roman que j'ai lu avec aisance mais avec l'impression désagréable d'attendre , en vain, que "ça commence vraiment".

Merci, Clara !

11/11/2014

La peau de l'ours

"-laisser les hommes croire en leur puissance pour avoir la paix-"

"Métisse" issu du viol d'une femme par un ours, le narrateur, ni homme ni ours, mais considéré comme un plantigrade par les humains, va connaître mille aventures , par de là le temps et l'espace, car ce récit emprunte la forme du conte.joy sorman,relations hommesanimaux
D'ours exhibé sur les marchés, affronté à des sangliers dans une arène, il traversera un océan pour patiner dans un cirque avant de finir, exilé, dans un endroit stérile: "Au zoo, le temps s'étire morne et répétitif, c'est une rouille acide."
Dans ce récit qui file à toute allure ,où l'on pourra reconnaître au passage quelques époques et lieux emblématiques (moyen-âge européen, cirques américains et leurs troupe de phénomènes de foires), l'auteure se penche sur les relations complexes qui unissent l'ours et l'homme.
Dans une langue riche et sensible, elle peint aussi la misère des animaux, la folie à laquelle ils sont acculés, sous prétexte d'être préservés. Mais pas de pamphlet accusateur et corseté, Joy Sorman laisse le discours de l'ours se dérouler, ample et lucide. De magnifiques passages,  tour à tour hallucinés,sensuels et poétiques  montrent la souffrance animale et disent le regret du narrateur ne n'avoir pu garder sa place:"-du côté des femmes et des monstres." Magistral.

Merci, Clara !

L'avis, enthousiaste, de Mic Melo !

06/11/2014

Peine perdue

"à quoi l'humain est prêt à se réduire pour vivre encore un peu. Ce qu'on est foutu d'endurer. D'accepter."

olivier adam

Deux éléments vont perturber la vie tranquille d'une station de bord de mer hors saison : l'agression de celui qui aurait pu être le footballeur de l'équipe locale et une tempête.
On passe ainsi en revue, de chapitre en chapitre, la vie d'une vingtaine de personnages ,liés entre eux à des degrés divers.
Il se dégage de ce roman polyphonique une impression de désespoir diffus, de découragement latent (voir le titre) qui se distille sans discontinuer. Surnagent quelques thèmes chers à l'auteur: les amours mortes, la volonté d'être un bon père malgré la séparation, les lisières des villes et de la société.
On frôle le roman noir, on sent la volonté de se frotter à une humanité engluée, mais rien d'original, aucune intensité, aucune réelle émotion.
Lu sans déplaisir mais sans plaisir réel non plus.

Merci Cuné (qui , elle, a plus aimé  !) !

Plein d'avis sur babelio

04/11/2014

Autour du monde

 "à l'intérieur, tous les objets semblent soudain avouer qu'ils sont vivants, qu'ils ont toujours été vivants."

Roman de la mondialisation, Autour du monde, de Laurent Mauvignier promène comme un pinceau de lumière sur des personnages , indépendants les uns des autres, dans différentes parties du monde. Seul lien, ténu, entre eux, le tsunami de mars 2011 au Japon, événement relayé en direct et qui ne les affectera guère, pour la majorité d'entre eux.laurent mauvignier
Qu'ils voguent sur un paquebot géant, voyagent pour le plaisir ou les affaires, les personnages de Mauvignier n'auraient, sans la globalisation, jamais dû se rencontrer, s'aimer, s'affronter.
Les ambiances sont très différentes, souvent intenses, parfois hallucinées, et le procédé choisi par l'auteur ne paraît jamais artificiel, notre intérêt étant habitué au zapping médiatique.
Le style est élégant, imagé, puissant et les pages se tournent toutes seules ou presque.

Merci à Cuné !

 

Plein d'avis sur Babelio.

29/09/2014

Mon âge

"Ce qu'on pouvait raisonnablement espérer avoir en commun avec les enfants d'ingénieurs , c'étaient leurs polos. Il nous suffisait d'acheter les mêmes  et nous avions les moyens , notre infériorité ne se mesurait pas à l'argent. Pas sûr que nos corps les aient portés avec  la même superbe. Ce qu'il y a à l'intérieur des têtes  porte les polos bien plus que les épaules et les torses."

Dans la lignée de Corps, ce nouveau roman de Fabienne Jacob  se penche avec acuité et bienveillance sur notre relation au corps et au temps. Commençant par la description d'une femme qui se démaquille le soir, femme  dont l'âge n'est pas précisé "Voilà mes yeux, voilà ma bouche, voilà mon âge, vingt-sept ans, trente-neuf ans, soixante et un ans". Else,   il se clôt par une très jolie vision: celle de trois femmes âgées se baignant,nues, au clair de lune, car elles ont atteint La vie intérieure. Entre-temps, sera venu le temps du Détachement : "à présent que je ne veux plus  séduire ni posséder, seule une chose m'importe encore, c'est vivre des moments sans temporalité. La question du temps ou plutôt du non-temps  est la seule qui compte. Les autres questions ne sont plus des questions pour moi." Et de relater des moments où le temps n'entre pas , moments fugaces ou non, dans des endroits parfois inattendus, comme le supermarché, qui , décidément fait son entrée en littérature en cette année 2014.*fabienne jacob
Si, dans un premier temps, j'ai été un peu déroutée par l'absence de précision chronologique, les âges ne sont jamais volontairement précisés mais on peut aisément les situer, j'ai été séduite par l'écriture de Fabienne Jacob, sa vision à la fois acérée, rien ne lui échappe, et tendre de la relation des femmes aux différents âges de leur vie. on n'oubliera pas de sitôt, entre autres,  cette petite fille qui déchire la robe trop aimée, tant désirée !
J'ai aussi beaucoup apprécié la relation sensuelle, physique aux langues de la narratrice: "Dans ma langue maternelle, il y a un mot pour dire Se faufiler, Se glisser, mais un mot qui le dit beaucoup mieux. C'est le mot Schluffen. Il a quelque chose d'utérin que l'équivalent français n'a pas. Aucun mot français ne pourra jamais autant se faufiler ni autant glisser que dans le mot de  la langue maternelle. Celui qui en français se blottit le plus est le verbe Se lover."

Un livre qui a rejoint ma réflexion personnelle sur l'âge, que je me suis approprié avec bonheur, un parfait cadeau d'anniversaire ! Merci Cuné !

Mon âge, Fabienne Jacob, Gallimard 2014, 165 pages hérissées de marque-pages !

Et zou, sur l'étagère des indispensables !

 

 

* Annie Ernaux, Regarde les lumières , mon amour

22/09/2014

Jusqu'ici et pas au-delà

"J'aurais tellement voulu être un gros homme flegmatique comme mon père, un vrai Bouddha, mais je n'étais qu'un gamin maigrichon et vibrionnant, toujours branché sur dix mille volts."

Une enfance hors du commun que celle de Joachim Meyerhoff ! Il a grandi avec ses deux frères et ses parents entre les murs de la clinique psychiatrique  Hesterberg, que dirigeait son pédopsychiatre de père.
Dans cette autobiographie, il choisit de nous  présenter les moments les plus marquants , tour à tour drôles ou tragiques. Se construit alors, sous formes de récits vivants et acérés , le portrait nuancé d'un père hors-normes , complètement dégagé des contraintes matérielles, et sachant préserver son bonheur, au risque de faire souffrir sa famille. joachim meyerhoff
Pas de jugement, juste un constat plein d'amour et d'empathie.
Un livre haut en couleurs, très agréable à lire.

Jusqu'ici et pas au-delà, Joachim Meyerhoff, traduit de l'allemand par Corinna Gepner, Anne Carrière 2014,

L'avis d'Antigone.

 

 

08/09/2014

La langue des oiseaux

"Je m'étais fourrée dans une curieuse histoire à m'intéresser d'aussi près aux annonces de Kat-Epadô et à  la Langue qui brillait au-dessus de nous deux."

ZsaZsa , romancière, organise sa retraite d'une année dans un logement minimaliste au cœur de la forêt vosgienne. Elle n'a emporté que des livres , son ordinateur ,un dictionnaire de chinois et de quoi identifier les oiseaux. Sa solitude choisie va très vite être rompue quand elle va entrer en contact, via un site d'annonces sur internet ,avec une jeune japonaise vendant, dans un français à la fois fruste et poétique des vêtements de Comme Des Garçons.claudie hunzinger
Une relation virtuelle s'établit entre les deux femmes...
On retrouve dans ce roman les thèmes chers à l'auteure, l'écriture, la nature, le besoin (ou la nécessité )de se limiter à l'essentiel, de se préserver une vie à l'écart de la société mais la langue, toujours aussi poétique, introduit aussi quelques ruptures de ton avec l'utilisation ponctuelle d'un registre familier qui détonne un peu.
Si j'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman, j'ai été aussi un peu frustrée par l'irruption de la vie trouble de la jeune japonaise qui, selon moi, pêche par son manque d'intensité. Bilan en demi-teinte donc.

le billet tentateur d'Aifelle (merci !) celui d'Antigone.

Du même auteur: clic et reclic !

04/09/2014

Terminus Allemagne

"Nous étions obligés de regarder devant nous."

1948, Richard Kornitzer, après dix ans d'un exil forcé à Cuba, rentre en Allemagne et retrouve sa femme, Claire. Tous deux vont, pas à pas, en luttant contre une bureaucratie censée être dénazifiée, tenter de recréer leur famille (leurs enfants avaient été mis à l’abri en Grande-Bretagne), retrouver leur place dans la société et se reconstruire.ursula krechel
C'est ce parcours, basé sur une histoire vraie et nourrie d'archives, que Ursula Krechel nous raconte avec sobriété et émotion. Si elle s'intéresse (parfois un peu trop longuement) à la lutte acharnée que doit mener celui qui était à deux doigts d'être nommé juge pour retrouver son statut, elle dit aussi la rêverie, les corps qui doivent se réapprendre, les douleurs révélées à demi-mots (si Richard était considéré comme juif, Claire, elle, était aryenne mais du fait de son union a pâti elle aussi des lois nazies).
C'est tout un quotidien dans une Allemagne vaincue qui doit se rebâtir qui nous est dépeint, l'auteure opposant ainsi la ferveur avec laquelle on accueille le retour des cloches et l'indifférence quasi totale de la société pour les exilés comme Richard, la vie facile et confortable avant la guerre, la lutte  pour survivre ensuite.
Magnifique histoire d'amour aussi que Terminus Allemagne avec ses personnages ardents et discrets qui ne sont jamais décrits avec pathos. Une lecture qui serre la gorge.

Terminus Allemagne, Ursula Krechel, traduit de l’allemand par Barbara Fontaine Carnets Nord, Éditions Montparnasse 2014, 438 pages qui donnent le frisson.

Ce roman a obtenu le Prix du livre allemand (équivalent du Goncourt) en 2012.

Un coup de cœur !