16/06/2022
On était des poissons...en poche
"Quand on est jeune, on apprend vite, il faut garder le rythme, il faut que je devienne aussi folle qu'elle. "
Embarquée par sa mère, Alice, sur la Côte d'Azur alors que l'année scolaire n'est pas terminée, Agathe, onze ans, est déjà sur le qui vive. Dès lors, elle scrute avec une extrême attention le visage maternel, prompte à décrypter les changements d'humeur de cette dernière et à s'y adapter. Car elle l'aime sa mère qui lui fait vivre des montagnes russes émotionnelles depuis que le père de a fillette est parti fonder une nouvelle famille aux États-Unis.
Très vite ces vacances rythmées par le cri de ralliement "Maillot de bain" vont tourner à l'aigre et le duo mère-fille devenir duel car Alice s'est mise en tête d'éduquer sa fille à se détacher d'elle. La tragédie se met en marche...
La photo de couverture, tirée de la collection personnelle de l'autrice , met bien en scène cette intensité et ce récit à hauteur d'enfant la rend tout autant palpable. Les mots se font silex, on oscille sans cesse entre des émotions contraires et on termine le souffle court ce roman. Un grand coup de cœur en dépit de quelques baisses de rythme.
06:02 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nathalie kuperman
19/04/2018
Je suis le genre de fille
"On en était à "investir". Le mot me coule des mains, c'est une suée, c'est impropre, j'en conclus que c'est sale."
Scandés par l'anaphore qui donne son titre au roman, les chapitres brossent le portrait impressionniste, drôle, souvent, agaçant parfois d'une femme divorcée, qui travaille et dont la fille est adolescente.
Trop accommodante, pour les uns, trop passive pour les autres, elle n'a pas une bonne image d'elle-même et peine à correspondre aux diktats de la société.
Elle rejoue la nuit les dialogues qu'elle aurait pu tenir "mais [son]imagination de perdante les fait tourner à [son] désavantage." Elle nous ressemble souvent et cet exercice de quasi autoflagellation pourrait tourner à vide si les derniers chapitres ne jetaient une ombre émouvante sur l'ensemble. Un roman qui me réconcilie avec l’œuvre de Nathalie Kuperman.
De la même autrice: clic ,clic et reclic.
le billet d'Aifelle qui vous mènera vers d'autres.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : nathalie kuperman
19/12/2014
La loi sauvage
"Sa mémoire était ailleurs et vous n'avez pas voulu forcer son paysage"
"Votre fille, c'est une catastrophe". Tell est l'apostrophe lancée par une institutrice chevronnée à la narratrice, mère de Camille, neuf ans.
Cette phrase assassine va d'insinuer dans le corps de la mère, prendre une dimension disproportionnée jusqu'à ce que sr révèle une scène fondatrice, d'une violence inouïe, de sa propre enfance.
Rédigeant des modes d'emploi où elle transforme "l’information brute en invitation à s'approprier l'objet de manière humaine", la narratrice doit pour son travail se montrer "claire, concentrée, efficace", c'est à dire exactement l'inverse de ce qu'elle est dans la vie quotidienne. Elle est ainsi totalement incapable de se servir d'un four, dont elle a pourtant rédigé la notice. Elle en fait une affaire d'honneur, histoire de se prouver à elle-même et à d'autres, éventuellement, qu'elle est devenue une adulte, se jugeant telle si elle parvient à cuisiner.
Dans une narration parfois hallucinée, alternant des chapitres systématiquement intitulés , "La maitresse", "Mode d'emploi" ,jusquà ce que "Sauvagerie" se révèle enfin, La loi sauvage est un roman qui ressasse (parfois un peu trop) , fore le passé, se venge par le pouvoir des mots, féroce et drôle, qui ose beaucoup , jusqu’à créer parfois, le malaise.
Quelques baisses de rythme qui affaiblissent un peu l'ensemble mais j'ai retrouvé, avec plaisir, la belle énergie, la langue drue, de Nathalie Kuperman et c'est déjà beaucoup.
06:00 Publié dans Rentrée 2014 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : nathalie kuperman
07/01/2012
Nous étions des êtres vivants ...en poche
"On aime notre métier et notre métier ne nous aime plus."
Soulagement au sein d'un groupe de presse pour enfants: ils ont trouvé un acquéreur. Mais soulagement de courte durée car le repreneur, bientôt surnommé Gros porc, n' a que faire de leurs compétences, de leur humanité et ne recherche que le profit à court terme.
En trois étapes, commentées par un choeur, la tragédie ira crescendo, révélant les mesquineries banales , les cruautés ordinaires et les retournements de veste discrets au fur et à mesure que la peur s'installe.
Plusieurs personnages prendront aussi successivement la parole, révélant leurs faiblesses, leurs problèmes quotidiens ou moraux et cette plongée dans leur intimité permettra de nuancer leur comportement.
De rebondissements en coups fourrés, de coups de folie en désespoir, c'est toute une palette de sentiments qui nous les rend si proches et si désespérement humains dans une société où "Aujourd'hui, manoeuvrer, dénoncer, flatter, , faire preuve de cynisme et jouer les forts en thème suffit à accéder au rang de supérieur. Les compétences passent au second plan." ça ne change peut être rien de l'écrire mais ça fait du bien, car on se sent moins seuls , comme ne cesse de le répéter le choeur, comme pour mieux s'en convaincre.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : nathalie kuperman
26/03/2011
Sacrée kornebik
"J'aime les cornes, les biques et les cas."
Luce n'aime plus son prénom. Peut être sans se l'avouer ne supporte-t-elle plus surtout ses parents qui font assaut de perfection tant dans leur comportement (pas de disputes) que dans leur alimentation (bien équilibrée, fruits et légumes à volonté !). Bien sûr ils l'aiment mais un peu de folie ne peut nuire et si un jour un grand coup de vent souffle sur le marché où se rendent les parents de Luce, madame Kornebik, qui résout tous les problèmes y est sans doute pour quelque chose...
Un livre malicieux, plein de fraîcheur et d'humour, à lire aussi bien par les enfants qui commencent à lire tout seuls que par leurs parents...
Les illustrations , pleines de poésie, de Dorothée de Monfreid accentuent cette atmosphère magique.
Sacrée Kornebik, Nathalie Kuperman, Mouche de l' Ecole des Loisirs 2011
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : nathalie kuperman
01/02/2011
Nous étions des êtres vivants
"On aime notre métier et notre métier ne nous aime plus."
Soulagement au sein d'un groupe de presse pour enfants: ils ont trouvé un acquéreur. Mais soulagement de courte durée car le repreneur, bientôt surnommé Gros porc, n' a que faire de leurs compétences, de leur humanité et ne recherche que le profit à court terme.
En trois étapes, commentées par un choeur, la tragédie ira crescendo, révélant les mesquineries banales , les cruautés ordinaires et les retournements de veste discrets au fur et à mesure que la peur s'installe.
Plusieurs personnages prendront aussi successivement la parole, révélant leurs faiblesses, leurs problèmes quotidiens ou moraux et cette plongée dans leur intimité permettra de nuancer leur comportement.
De rebondissements en coups fourrés, de coups de folie en désespoir, c'est toute une palette de sentiments qui nous les rend si proches et si désespérement humains dans une société où "Aujourd'hui, manoeuvrer, dénoncer, flatter, , faire preuve de cynisme et jouer les forts en thème suffit à accéder au rang de supérieur. Les compétences passent au second plan." ça ne change peut être rien de l'écrire mais ça fait du bien, car on se sent moins seuls , comme ne cesse de le répéter le choeur, comme pour mieux s'en convaincre.
Nous étions des êtres vivants, Nathalie Kuperman, Gallimard 2010, 203 pages pas si désespérantes que ça.
L'avis de Cuné,,Aifelle, Kathel, qui vous mènera vers plein d'autres.
Emprunté à la médiathèque.
06:00 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : nathalie kuperman
15/10/2010
Petit déjeuner avec Mick Jagger
"Parfois les malentendus allègent l'existence."
Et favorisent les belles découvertes. Car je croyais trouver en prenant ce Petit déjeuner avec Mick Jagger
une chronique proprette sur l'adolescence, nostalgie à tous les étages et admiration béate pour le chanteur des Pierres qui roulent en prime.
C'est évidemment tout l'inverse :un roman dérangeant car touchant à l'intime, à la fêlure d'une femme à différents âges de sa vie, âges qui reviennent parfois en vrac, de l'enfance à l'adolescence , rythmé par ces neuf petits déjeuners pris- ou non -avec Mick Jagger. Une femme qui côtoie la folie et qui tente d'organiser sa vie autour de son amour pour cet homme dont, dans sa recherche d'identité, elle envie jusqu'au nom ,qui la délivrerait de cette Nathalie Kuperman , patronyme dérangeant.Un puzzle éclaté dont l'intensité de l'écriture n'a rien à envier à celle d'une Jean Rhys par exemple.
Petit déjeuner avec Mick Jagger, Nathalie Kuperman Points seuil 2010, 104 pages pleines de vie.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : nathalie kuperman, adolescence, folie
20/09/2008
Petit éloge des éloges
Enfin ! Trois petits éloges qui valent le détour alors que leurs petits frères, arguant de jolies couvertures et de l'attrait irrépressible que suscite chez moi le mot "éloge" ne m'avaient apporté que déceptions !
Commençons par Didier Daninckx qui nous rappelle dans sa préface que la littérature a souvent eu comme point de départ des faits-divers, que les romanciers s'en prévalent ou pas. Pour lui "Le fait divers est le premier monument érigé à la mémoire des victimes, même si ce n'est qu'un pauvre monument de papier noirci." Cinq nouvelles ayant comme point de départ des faits-divers plus ou moins récents vont nous permettre de (re)découvrir par ce biais des morceaux de la grande ou de la petite Histoire. J'ai particulièrement apprécié celle évoquant, tout en retenue, un adjudant de sinistre mémoire, tueur en série, récit qui se termine par une pirouette jubilatoire...
Poursuivons avec Natalie Kuperman qui avec un titre un peu provocateur,Petit éloge de la haine, confirme ici tout le bien que je pensais d'elle à la lecture de J'ai renvoyé Martha.
Monde de l'entreprise ou d el'enfance, rapports de couples ou d'amis, tout passe joyeusement à la moulinette et une "Mini petite souris" faisant irruption de manière innocente dans un appartememt va déclencher une réaction en chaîne tout à fait réjouissante pour le lecteur. Mais je m'en voudrais de gâcher votre plaisir en en disant plus. Juste une citation au passage : "Un espace inoccupé accueille des possibilités déstabilisantes, c'est contre cela que l'on travaille, que l'on agit , que l'on pense."

06:08 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : nouvelles, humour caustique, éloge, didier daeninckx, petit éloge des faits divers, petit éloge de la haine, nathalie kuperman