22/01/2025
Après...en poche
"Un manque d'épaisseur dans nos entrevues. Un manque d'épaisseur dans nos liens. Un manque d'épaisseur tragique."
Après s'être installée plusieurs années, loin de l’Australie et de sa mère, Nikki Gemmell, est rentrée au pays avec mari et enfants. Les relations entre les deux femmes ont toujours été compliquées et l'autrice écrit même qu'elle avait "rompu avec Elayn d'un point de vue émotionnel à l'age de treize ans , quand elle m'a forcée à acheter mes chaussures d'école avec mon propre argent de poche. Elle voulait donner une bonne leçon à mon père parce qu'il était en retard dans le versement de ma pension alimentaire."
Femme autonome, parfois rugueuse, Elayn n'était pas une mère conventionnelle et elle ne mâchait pas ses mots.
Son décès subit va tout remettre en question, surtout quand l'enquête de police va montrer qu'Elayn laminée par des douleurs qu'on ne pouvait traiter efficacement, a choisi de mourir.
Commence alors un parcours qui mène l'autrice à brosser le portrait d'une femme à multiples facette, mais aussi une enquête sur le suicide assisté, la manière, souvent inefficace dont on traite les douleurs physiques, les opérations parfois inutiles qui ne font que générer de nouvelles douleurs. Un long parcours qui permettra d'atteindre une forme de compréhension de ce geste et d'apaisement. Un texte fort.
Au Diable Vauvert 2019, traduction Gaëlle Rey
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nikki gemmell
17/01/2025
Misericordia...en poche
" Et c'est là la difficulté de me retrouver à vivre à l’Hôtel Paradis. Exil. Il n'y a plus rien qui ne soit qu'à moi, ni mon corps, ni mon esprit. "
Elle vit dans une maison de retraite dont l'appellation est pour le moins ambigüe et si on la déplace en fauteuil roulant, parfois comme un paquet, elle n'a rien perdu de ses facultés d'observation et enregistre sur un petit magnétophone le journal de ce qui sera sa dernière année de vie. Sa fille, l'écrivaine Lidia Jorge, retranscrit ici ces textes et leur insuffle émotion et poésie.
Il est très poignant de voir "de l'intérieur" les explications de comportements qui peuvent parfois paraître incompréhensibles (appel en pleine nuit pour connaître une information pour le moins triviale, terreurs nocturnes parfaitement retranscrites où la narratrice lutte pied à pied contre la mort...). Mais il y a aussi les histoires d'amours entre les pensionnaire ou celles des soignants et tout ce microcosme est rendu avec vivacité et bienveillance. Quelques longueurs m'ont parfois perdue en route mais la fin du texte , avec la description du Covid , des mesures qui sont appliquées sans aucune explication aux pensionnaires , restera un moment fort de littérature.
Traduit du portugais par Elisabeth Monteiro Rodrigues.
Éditions Métailié 2023. Points 2025
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lidia jorge
16/01/2025
#ViesetsurviesdElisabethHalpern #NetGalleyFrance !
" Quelle idée absurde que ce voyage en hiver au cœur de l'été. dans la forêt de neige, je perds pied , entre vengeance et mémoire, colère et recueillement, douleur et résilience. Je me sens disparaître. Pas de guérison possible, juste de temporaires rémissions, et, par intermittence, un féroce espoir. "
Invitée par sa grand-mère maternelle qui vit en Australie, la narratrice ignore que son aïeule compte sur ses talents de scénariste pour mener à bien un crime parfait visant un vieux monsieur dont elle sûre qu'il a participé à la Solution finale...
Comédie noire, Vies et survies d'Elisabeth Halpern joue sur un grand nombre d'oppositions qui font tout le sel de ce roman où la narratrice et sa grand-mère possèdent toutes deux le "physique de l'ennemi", mais un ennemi différent , ce qui entraîne pour la première des soupçons à la douane et pour Elisabeth, née Juive en Ukraine dans les années 20, la survie et de multiples identités. Et puis passer l'été dans les alpes australiennes enneigées s'avère tout aussi savoureux.
Une grand-mère haute en couleurs, dont la capacité à survivre n'est plus à démontrer, mais qui , au fil de ses pérégrinations, se retrouvera mariée à un survivant des camps recréant un mode de vie bien particulier , voilà qui ne pouvait qu'inspirer une scénariste passant son temps à se dénigrer.
Mêlant passé et présent, le roman se permet aussi quelques touches de fantastique pour mieux brouiller les pistes et nous laisser sur une fin quelque peu trouble.
Touche finale, Carine Hazan nous livre les clés de son inspiration en reproduisant la dernière lettre envoyée par sa grand-mère, point de départ de ce roman. L'écriture peut-elle permettre de venger ou faut-il "écrire comme on tisse des étoffes, comme on bâtit des ponts, comme on relaie un cri"?
Un roman plein d'humanité et un personnage qu'on n’oubliera pas de sitôt.
Editions Phébus 2025.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : carine hazan
13/01/2025
Ilnajamaisététroptard #NetGalleyFrance !
" Loin d'un monde régi par des algorithmes à la logique éprouvée, capables de deviner les films, les chansons qu'on est censé aimer, nous sommes une addition de gracieuses incohérences, de penchants illogiques. Une kyrielle de "je" aux pensées étranges, aux décisions incompréhensibles, aux désirs répréhensibles, aux esprits tortueux en forme d'escalier. De perpétuelles ébauches. Des inconnus à nous-mêmes. "
Pendant deux années, 2023, 2024, à la demande de "Libération", Lola Lafon a rédigé des chroniques, rassemblées dans ce recueil.
L'occasion pour nous de revenir sur des faits oubliés, ou pas, parfois comiques, parfois dramatiques et surtout de porter sur l'actualité et sur notre société un regard à la fois chaleureux, plein d'humanité mais aussi très aigu.
Elle ne pose pourtant pas un regard surplombant, n'hésitant pas à remettre en cause ses propres comportements dictés par une société qui sollicite "notre goût de la sanction, du classement", à déterminer qui sont les "bons" et les "méchants" morts ou pauvres. Un regard nécessaire porté par une écriture toujours aussi belle. A lire absolument pour croire (encore un peu) en l'humanité.
Stock 2025
06:00 Publié dans chroniques, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : lola lafon
09/01/2025
Pour Britney
" -bien après lui j'ai entendu d'autres hommes me glisser à l'oreille, un peu outrés, Louise on voit ta culotte, je ne leur ai jamais répondu , et alors ? toujours je fermais les jambes un peu gênée, un peu humiliée d'être soudain rappelée ainsi à ce fait de mon corps, qu'il ne fallait pas oublier, pas cesser de surveiller sans quoi on ne savait pas ce qui pouvait vous arriver, n'est-ce pas, ne pas oublier de veiller à ce qu'on ne puisse pas prendre cela, la fait de se tenir, par simple négligence ou peut-être par envie, les jambes écartées dans un parc avec ses amis, pour un signe, sans quoi il risquait toujours d'y avoir quelqu'un quelque part pour prendre cela pour une invitation. "
Ce court roman( 132 pages) tisse les destinées d'une chanteuse pop hyper sexualisée quand elle était très jeune, Britney Spears, et celui d'une écrivaine que l'on renvoyait sans cesse à son corps et à sa sexualité, Nelly Arcand. La première mettra des années à se libérer de la tutelle de son père. La seconde s'est suicidée.
Dans un texte à la syntaxe heurtée, syntaxe qui laisse souvent au lecteur le soin de poursuivre des portions de phrases, Louise Chennevière revient sur ces destinées tragiques, analysant avec une rage sourde, la manière dont ces femmes ont été broyées par une société patriarcale. Destinées qui font aussi écho, dans une moindre mesure à la propre réception de ses œuvres.
La découverte d'une écriture incisive et l 'envie d'aller plus avant dans l’œuvre de Nelly Arcand à qui la chanteuse Pomme a consacré une chanson, "Nelly".
P.O.L 2024.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : louise chennevière
08/01/2025
Les filles du chasseur d'ours...en poche
"Tant que vous n'avez pas séjourné au milieu des très anciens et majestueux pins gris au tronc orné de polypores qui peuplent les forêts profondes , vous ne savez rien de la Finlande. "
Comme dans les contes, elles sont sept sœurs. Comme dans les contes, elles vont habiter seules dans la forêt. Ne les imaginez pas comme des petites choses fragile, elles sont fortes, intrépides, ingurgitent des flots de gnôle maison et de bière quand l'occasion se présente. Elles affrontent les éléments, la faim, le froid, la folie aussi.
Sauront-elles trouver leur place à la ville ces femmes sauvages et libres ?
Un roman surprenant qui emprunte au conte certains de ses motifs pour mieux envisager d'un point de vue extérieur la société finlandaise contemporaine et proposer des modèles féminins , rudes mais attachants . Un roman féministe plein de vigueur.
Traduit du finlandais par Anna Gibson. 480 pages. J' ai Lu 2025
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : finlande, anneli jordahl
07/01/2025
Fort Alamo
"Les boutiques s'ajoutaient à tous ces lieux publics que l'être humain avait finir par rendre infréquentables par sa seule présence, les trains, les salles de cinéma, les rues. Les gens se croyaient dans leur salon partout où ils allaient. Le portable avait abattu les cloisons de l’intime, qui s’était vulgairement déversé dans l’espace public, de sorte que tout lieu devenait invivable. "
Imaginez : tous les gens (ou animaux ) vous ayant quelque peu irrité meurent sous vos yeux d'un AVC.
C'est ce qui arrive au anti-héros de Fabrice Caro, Cyril, dans Fort Alamo. Homme tout à fait banal qui prend peu à peu conscience de ce super pouvoir fort encombrant: comment passer les fêtes de Noël en compagnie d'une belle-sœur qu'il a du mal à supporter ?
Avec tendresse et bienveillance , l'auteur brosse ici le portrait d'un homme qui a encore un pied dans l'enfance (il renâcle à l'idée de vider la maison de sa mère, décédée) , qui peine parfois à s'adapter au monde et pour qui les événements prennent facilement des dimensions apocalyptiques. L'occasion aussi de donner quelques coups de griffes sur notre société où certains ont du mal à prendre en compte les autres... Un roman qui atteint son objectif : nous donner le sourire.
Gallimard 2024.
06:00 Publié dans Humour, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : fabrice caro
06/01/2025
Champs de Bataille / L''histoire enfouie du remembrement
"Une façon de faire uniforme était appliquée partout en France. Ils traçaient des traits, clac, clac, comme on l' a fait en Afrique pendant la colonisation, en ignorant les conditions locales, les usages. "
Dans les manuels d'histoire géographie, le remembrement qui a impacté les campagnes françaises et, en particulier, la Bretagne est présenté de manière factuelle, en ignorant les conséquences écologiques ( érosion des sols, disparition des oiseaux et donc nécessité d'utiliser des produits chimiques pour remplacer ce que la nature faisait gratuitement avant).
Se basant sur des multiples archives, sur des témoignages et sur la thèse, en cours de rédaction, de Léandre Mandard, Inès Léraud a mené une enquête fouillée et édifiante sur cette histoire . Elle met à jour, en particulier les conséquences humaines, trop souvent ignorées et d'une grande violence. Elle met aussi en lumière les tentatives de résistance des agriculteurs , occultées, minorées ou réduites par la force.
Se lit enfin, en pointillés, le parcours de René Dumont, fervent partisan du remembrement et qui prendra seulement conscience à 70 ans des dégâts occasionnés, de leur ampleur et de leurs répercussions. Un remembrement-démembrement, un chaos, comme il est écrit dans cette enquête qui file sur l'étagère des indispensables.
Editions Delcourt 2024
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, roman graphique | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : inès léraut, pierre van hove
03/01/2025
Trois petits tours et puis reviennent...en poche
"Les hommes s'écroulaient. Les femmes faisaient front."
Jackson Brodie s'est installé dans un coin tranquille, en bord de mer dans le Yorkshire, se contentant de traquer les amours adultères la plupart du temps. Mais comme il en convient lui-même"...il n'avait jamais eu besoin de chercher les ennuis, comme Julia le lui rappelait souvent, les ennuis le trouvaient toujours."
Cet ancien militaire, ancien policier, toujours amoureux de son ex-femme Julia va donc se trouver mêlé simultanément à plusieurs intrigues que Kate Atkinson maîtrise parfaitement, sans jamais perdre son lecteur en route, ni le laisser frustré.
On retrouve avec plaisir des personnages rencontrés des années auparavant dans le roman A quand les bonnes nouvelles ? et c'est comme avoir des nouvelles d'amis perdus de vue mais qu'on n'a pourtant pas oubliés. Rassurez vous, ce roman peut se lire de manière totalement indépendante des autres aventures de Jackson Brodie.
Si les intrigues mettent du temps à se mettre en place et qu'on guette avec avidité les apparitions du héros qui, même malmené par les femmes, continue à toujours les défendre (et dans ce roman, elles en ont vraiment bien besoin), quand le récit trouve sa vitesse de croisière, on ne peut plus lâcher ce roman. Des personnages fouillés, des pointes d'humour, du suspense jusqu'à la dernière minute, que demander de plus ?
Traduit de l’anglais par Sophie Aslanides, JC Lattès 2020
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : kate atkinson
02/01/2025
Devenir zéro...en poche
Il sait que, une fois sacrifiée, l'intimité ne pourra plus être reconquise[...]. "
Envie d'un bon gros roman addictif , intelligent et bien mené? Alors précipitez-vous sur Objectif Zéro. L'intrigue ? Le test d'une intelligence artificielle qui, pour assurer la sécurité des États-Unis, dispose de moyens insensés pour retrouver n'importe qui n'importe où . Grâce à votre démarche, vos habitudes, la possibilité de fouiner dans votre passé, de transformer n'importe quel objet en micro qui vous trahira? C'est ce qu'affirme en tout cas Fusion qui pour valider cette application de surveillance des citoyens doit avoir l'aval de la C.I. A et lance donc un Bêta test. Dix participants ,ayant accepté les règles du jeu, tentent donc de remporter la somme de trois millions s’ils échappent à l'équipe de Fusion, ses algorithmes, ses caméras de surveillance et ses drones. Celle qui paraît la moins bien placée pour gagner est une insignifiante bibliothécaire et pourtant c'est celle qui leur donne le plus de fil à retordre...
Si la première partie du livre m'a donné une furieuse envie de vite me glisser à nouveau dans le roman pour voir qui de David ou de Goliath allait l'emporter, la deuxième m'a nettement moins enthousiasmée, les enjeux étant totalement différents. Il n'en reste pas moins que ce roman évoque des thèmes d'actualité cruciaux, sait ménager le suspense tout en brossant des portraits nuancés de ses personnages. Il file donc sur l'étagère des indispensables.
Éditions Denoël 2023, 464 pages. Traduit de l’anglais par Frédéric Brumen.
11:25 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : anthony mccarten