12/04/2025
#MonvrainomestElisabeth #NetGalleyFrance !
" Est-ce cela, le sentiment d'une dette de mémoire? Suis-je la seule à l'entendre, ce cri qui me déchire les tympans alors que je remonte les allées encombrées, pressée entre les rangées d'étagères ? "
Parce qu'elle a peur de devenir folle, l'autrice, chercheuse en études cinématographiques, décide de mener l'enquête sur son arrière grand-mère, Élisabeth, dite Betsy, diagnostiquée schizophrène dans les années 1950.
Les langues ont du mal à se délier, certains membres de sa famille refuseront carrément de s'exprimer, tout en l'encourageant à poursuivre son enquête, mais affirmant ne rien vouloir en savoir...
Le parti pris d'Adèle Yon est de nous relater avec précision ses découvertes, ses échecs et de nous brosser un portrait nuancé et varié suivant les points de de cette femme, trop libre pour son époque, qui a eu le malheur d'épouser quelqu'un qui aspirait à la sainteté (rien que ça) mais ne s'est pas privé de profiter de la vie tandis que son épouse était enfermée et subissait une lobotomie.
Les lettres d'Elisabeth sont particulièrement émouvantes et d'un certaine manière, annoncent la tragédie en marche.
Mais il n'est pas question que d'émotion car Adèle Yon analyse avec acuité la manière dont la psychiatrie à cette époque, bras armé du patriarcat, entend tout à la fois contenir le corps et l'esprit des femmes car "La lobotomie, comme les opérations sur la sphère génitale avant elle, n'est que la traduction médicale d'une violence sociale et institutionnelle déjà à l’œuvre, par laquelle une partie de la population s'arroge légalement des droits sur le corps d'individus considérés comme inférieurs." J'ai aussitôt pensé à Rosemary Kennedy, sujette à des sautes d'humeur et qu'une lobotomie laissa handicapée mentale pour le restant de ses jours.
Un roman-enquête qui suscite la colère (comment ne pas comprendre celle d' Élisabeth? ), aux grandes qualités littéraires.
Merci aux Editions du Sous-Sol et à Netgalley.
07:00 Publié dans Essai, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : adèle yon
11/04/2025
#LaViecontinuéedeNellyArcan #NetGalleyFrance !
"Elle est, avec un génération d'avance, l'enfant pointant du doigt le souverain pour déclarer "le roi est nu". "
Nelly Arcan, née Isabelle Fortier, était encore il y a peu rangée au rayon "sociologie" (Canada) , au mieux qualifiée d'""autrice de la sexualité", ou réduite à son statut de phénomène médiatique".
Difficile en effet de ranger dans une case cette femme dérangeante qui ,dans son premier texte, Putain, relate son expérience, librement choisie, d'escort , quand elle était étudiante.
Il aura fallu une dizaine d'années pour que son statut d'écrivaine soit reconnu et qu'en France, Pomme lui consacre une chanson et que Louise Chennevière mette en parallèle son destin avec celui de Britney Spears dans un roman pour que son nom parvienne à mes oreilles.
Johanne Rigoulot,dans ce texte part sur les traces de Nelly Arcand, pointant du doigt les contradictions, les failles de cette femme qui avait besoin de visibilité et qui se faisait malmener à la télévision par les machos de service, des deux côtés de l'Atlantique. Trop souvent ramenée à son physique de Barbie, on omettait de souligner la puissance de son écriture, dont un extrait de Putain suffit à nous convaincre.
L'autrice établit aussi des comparaisons entre son propre parcours et celui de Nelly, conférant ainsi une portée plus large ses destins empêchés de femmes. L’écriture est magnifique et j'ai souligné à tour de bras de nombreux passages. Il ne me reste plus qu'à entamer la lecture de Putain.
Les Avrils 2025
Merci à l'éditeur et à Netgalley.
06:00 Publié dans Essai, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : johanne rigoulot
10/04/2025
Les doigts coupés...en poche
"La vérité , c'est que vous mourez de peur que l'on découvre que vous ne servez absolument à rien ! "
Oli,femme de la préhistoire, est féministe sans le savoir. Elle se rebelle contre ce qu'on appelle pas encore le patriarcat qui veut lui interdire de chasser, rationne la nourriture des femmes, les cantonne aux soins des enfants et à l'assouvissement des besoins sexuels.
Elle le paie au prix fort, comme toutes celles qui ont osé déplaire aux hommes et se retrouve avec une main mutilée. Ces mains aux doigts coupés dont a retrouvé les empreintes dans des grottes.Mais Oli n'a pas l'intention de subir...
Ayant été passablement échaudée par un roman ,qui voulait faire de la chick litt, se déroulant à la même époque, c'est avec un peu d'appréhension que j'ai ouvert ce nouvel opus d'Hannelore Cayre.
Mais pas de souci, l'autrice de La Daronne sait à merveille nous plonger dans cette période,en prenant soin d'étayer ses dires par des précisions historiques et scientifiques. Elle nous rend proches ces personnages , à la fois si éloignés et pourtant qui nous ressemblent tant. 185 pages qui se lisent d'une traite et balaient tous les clichés misogynes sur la préhistoire
06:45 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : hannelore cayre
02/04/2025
L'envers de la girafe
"Oui, la souffrance était parfois le prix à payer, le prix de la liberté... "
Roman choral, situé dans un quartier populaire de Toulouse, L'Envers de la Girafe met en scène des personnages quelque peu obsessionnels dont les destins vont se frôler, voire se percuter.
Il y a là Gaspard, qui surveille via des caméras de vidéo surveillance un carrefour, Lucas, obnubilé par sa passion à la fois historique et scientifique des girafes, au grand dam de sa vieille mère... Pierre quant à lui est transporteur de matières dangereuses alors que sa compagne, Zélie, est toujours prête à s'enflammer pour un combat écolo voué à l'échec. Il y a aussi " L'Homme à la craie" qui inscrit le nom des toutes les plantes qui ont réussi à se faufiler dans la plus petite anfractuosité et tient à garder un peu de sauvagerie dans son jardin, ce qui ne plaît pas à tout le monde. Enfin, l'élagueur, Ahmed, homme qui se révèlera beaucoup plus posé et nuancé que les autres.
Ce roman allie l'amour de l'histoire et de la nature de Pascal Dessaint qui joue aussi de l'opposition entre le sol et l'espace (balcon, toit, arbres, oiseaux...), le trait d'union entre les deux étant peut-être assuré par cette fameuse girafe...L'auteur interroge aussi avec lucidité notre rapport à la nature: "Qu'étions-nous le plus souvent pour les animaux à part une menace? Il n'était aucun animal sauvage qui venait à nous de bon gré. Nous étions le danger, avec une haute idée de nous-mêmes qui nous rendait plus dangereux encore. "
La construction est virtuose et les personnages nuancés, plein de surprises se révélant avec délicatesse ou violence. Car oui, avec cet auteur impossible d'oublier la noirceur du monde mais, néanmoins , "[...] il nous a confié que la vie lui plaisait pour ces moments décalés, hors de contrôle, hors des normes, hors du carcan où la société tenait à nous enfermer. " Une réussite. Et zou, sur l'étagère des indispensables.
Envoi de l'auteur et de l'éditeur, sans contrepartie financière.
Editions Rivages 2025.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : pascal dessaint
28/03/2025
#Noircommelaneige #NetGalleyFrance !
Un container contenant des cadavres de femmes abandonné en plein champ de lave suscite évidemment l'émotion et l'ouverture d'une enquête. Une seule survivante, originaire d'Afrique, pourra peut-être aider Daniel et Helena , les policiers en charge de découvrir les responsables de ce trafic d'êtres humains.
En parallèle, l'ex-femme de Daniel, Elin, est tombée amoureuse d'un Russe , plus jeune qu'elle, et qui semble fort pressé de l'épouser...
Aurora, enquêtrice indépendante spécialisée dans les trafics financiers, va se mettre sur la piste de ce Russe dont Elin ne sait pas grand chose.
Évidemment, les intrigues vont se recouper, le tout pimenté par une tension sensuelle entre Daniel et Aurora, les tracas quotidiens des policiers, sans oublier la disparition inexpliquée de la sœur d'Aurora .
Le roman ne s’embarrasse pas de descriptions interminables du paysage islandais, pas plus que de considérations philosophiques et ou sociologiques, il privilégie le récit et ses personnages, même brossés à grands traits ( normal, c'est le tome 3 d'une série), suscitent l'intérêt et la sympathie. Bref, un bon roman de distraction, fluide et très agréable à lire.
Editions Métailié 2025., traduit de l'islandais par jean-Christophe Salaün.
08:50 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : lilja sigurdardóttir
25/03/2025
#LîledeClipperton #NetGalleyFrance !
" Tu comprends ce mot, apologie ? C'est comme mettre des beaux habits à quelqu'un qui serait tout nu . "
Ouvrir L’île de Clipperton c'est entrer dans un univers déstabilisant où les personnages peuvent se nommer Balconette Sécateur ou Touquette Orsomimi. Un univers marqué par ce qu'on pourrait appeler la civilisation de la pomme, où les femmes semblent jouer un rôle essentiel et où la lecture d'un texte justement intitulé L’île de Clipperton pose problème.
Cet univers, c'est par l'intermédiaire d'une enfant que nous en prenons connaissance, Madge, et forcément notre vision ne peut en être que parcellaire et naïve. Des textes, de natures variées et au style pour le moins surprenant, nous permettent peu à peu de prendre connaissance,ce de l'histoire de cette île (qui existe vraiment) et dont le climat politique est fort agité.
L'utilisation d'un vocabulaire particulier , formé de mots-valises, de néologismes et de détournements du sens de mots existant, augmente le dépaysement et le plaisir de la lecture. Clins d’œil à l'actualité et/ou à des auteurs ayant existé émaillent aussi un texte au rythme enlevé mais dont l'ossature narrative aurait gagné à être plus assurée. Un bon moment de lecture néanmoins.
Editions Noir sur blanc 2025.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : raphaël laforgue
18/03/2025
Ces femmes-là...en poche
"En réalité, les criminels qui passent entre les mailles du filet n'y parviennent pas forcément parce qu'ils sont brillants, mais bien souvent parce qu'ils sont trop bêtes ou trop fous pour s'inquiéter. Ce n'est pas la capacité intellectuelle qui compte, c'est l'indifférence. "
Si on lit la quatrième de couverture on aura peut être l'impression d’avoir déjà lu cent fois cette histoire : des prostituées sont assassinées, quasiment dans l'indifférence générale, dans un quartier pourri de Los Angeles.
Mais ici ce roman choral donne la part belle aux victimes, aux survivantes à leurs proches, à celles qui, par leur obstination, par-delà les années, parviendront à faire bouger la police, ici incarnée par une femme ostracisée elle aussi.
Ivy Pochoda nuance aussi la situation de ces femmes, ne les mettant pas toutes sous la même étiquette facile de "prostituée", ce terme équivalant pour la police à "quantité négligeable". Elle souligne leurs difficultés , leurs particularités.
Elle fait aussi de la ville un personnage à part entière et ne laisse qu'une place limitée au tueur en série qui ne brille ici ni par son intelligence , ni par sa personnalité.Bref, elle rebat les cartes et s'il faut accepter d'être un peu perdu au début, le temps que le puzzle se mettre en place, le résultat en vaut franchement le coup car la structure est millimétrée et s'agence parfaitement. Un grand coup de cœur.
Editions Globe poche 2025. Traduit de l'anglais (E-U) par Adélaïde Pralon.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ivy pochoda
17/03/2025
#Unboutdechemin #NetGalleyFrance !
"Une personne dont je me souvenais à peine, et dont je ne me serais jamais souvenue si elle ne m'avait pas appelée, avait gardé en elle une version de moi assez nette pour penser que j''allais "piger" quelque chose ? "
Angleterre, post-Brexit, pendant le confinement. La narratrice reçoit un coup de fil pour le moins surprenant. Une ex connaissance de la fac l'appelle pour lui relater une expérience pour le moins étrange impliquant une serrure ancienne fabriquée par une femme.
Le récit alternera ensuite les deux temporalités: celle de cette forgeronne si douée et celle du COVID. Mais le plus surprenant est la place que la famille de cette vague connaissance va prendre au sein du foyer de la narratrice, rendant la situation pour le moins oppressante et anxiogène...
J'avoue n'avoir rien vu de ce qui était annoncé par la quatrième de couverture(Ali Smith interroge notre besoin de compagnie après la solitude du confinement. Jouer avec les mots, en extraire une signification qui nous échappe habituellement, interpréter ce qui nous arrive pour y donner du sens et être moins seuls, telle est la profession de foi d’Ali Smith. ) et être complètement passée à côté de ce roman...
A noter un texte très intéressant de la traductrice pour souligner le travail sur la langue et la grande complicité entre elle et l'autrice.
Traduit de l’anglais par Lætitia Devaux.
Grasset 2025.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ali smith
15/03/2025
Féminicide...en poche
" C'était ce qui les différenciait des citoyens ordinaires. Chaque revers était un affront personnel. Ils dirigeaient toujours leur haine vers l’extérieur, sans jamais se remettre en question. "
Une plongée éprouvante, sous forme d'enquête policière, dans le monde des Incels, ces célibataires involontaires, qui déchaînent leur haine des femmes sur les réseaux sociaux. Mais pas que. Un roman efficace et édifiant.
Lu à sa sortie, non chroniqué car nous sommes dans un monde suffisamment anxiogène.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : pascal engman
14/03/2025
L'orage qui vient...en poche
"D'où lui vient cette idée que l'on a besoin d'eux partout, d'où vient aux hommes cette certitude d'être essentiels ? "
Une communauté de femmes vivant de manière solidaire et quasiment en autarcie dans le Hameau. Survient un homme de la ville, élément perturbateur qui va brouiller les pistes et que l'héroïne, Mila ne sent pas du tout.
Très vite, on comprend que Mila, quinze ans, possède des facultés fantastiques et tout l'art de l'autrice est de révéler comment le Hameau compose, ou non, avec ces particularités.
Un roman qui bat en brèche les clichés et fait la part belle à la sororité et à la nature.
La Ville Brûle 2022
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : louise mey