13/12/2022
Un Psaume pour les Recyclés Sauvages
" On a du mal à concevoir que les constructions humaines sont conquises sur la nature, qu'elles s'y superposent , que les lieux humains existent dans les interstices de la nature et non l'inverse. "
Dex, un.e moine de thé (il se déplace de village en village pour apporter du réconfort moral via les tisanes qu'il concocte) ressent l'impérieux besoin de tout laisser en plan. Il se dirige vers un édifice religieux au sein d'une forêt où les humains ne mettent pas les pieds depuis des siècles.
Dans cet univers inconnu et potentiellement dangereux, il rencontre un robot, Omphale, qui s'est donné comme mission d'étudier les mœurs humaines. D'abord chaotiques, les relations entre les deux êtres vont leur permettre de confronter leurs points de vue sur la relation à la nature, sur le sens de la vie , le robot étant beaucoup plus pragmatique et moins tourmenté que le moine.
Je suis entrée avec délice dans cet univers apaisé, où l'on devine néanmoins des souffrances anciennes, un monde où le recyclage est de mise, que ce soit pour la vie quotidienne ou la création de robots.
J'attends déjà avec impatience la suite de ce voyage initiatique tout en douceur et riche d'humanité.
Merci à Brize pour la découverte.Clic
Becky Chambers, l'Atalante 2022, traduit de l’anglais par Marie Surgers
06:01 Publié dans Science-Fiction | Lien permanent | Commentaires (8)
12/12/2022
Happy Fucking Christmas, chère Janet !...en poche
"Le bonheur ne fait pas partie de mes priorités. Je veux autre chose. Avoir un minimum de contrôle sur ma vie et mon corps, pour commencer. Pouvoir passer une journée sans avoir l'impression que ce que je fais est mal. Je veux sentir mes émotions, pas les ravaler. Et si ce sont elles qui finissent par me bouffer, eh bien tant pis. "
Le titre original, Sad Janet , a le mérite d'être clair : Janet est triste . Et elle veut qu'on lui fiche la paix avec ça. Pourtant le monde entier conspire contre sa tristesse, d'autant plus que Noël approche.
Noël ? Sa bête noire. Elle préfère encore se faire bouffer le bras par un chien du refuge où elle travaille que faire du shopping de cadeaux avec sa mère , c'est dire.
Néanmoins Janet va finir par se laisser convaincre et va tester un traitement spécialement destiné à lui faire supporter Noël...
Bourré de mauvais d'esprit, d'humour noir, ce roman ne nous épargne rien quant aux humeurs de sa narratrice misanthrope, corrosive et directe. Toutes celles qui, sur la foi de la couverture et du titre auraient ouvert ce roman en croyant lire une romance de Noël risquent d'avoir un choc. Mais j'ai beaucoup aimé Janet, sa lucidité, ,sa volonté de résister à la société qui veut araser toutes les souffrances psychiques à coup de pilules. Reste que tant de noirceur, éclairée par un lueur d'espoir néanmoins à la fin se doit de ne pas être dévorée d'une traite.
Traduit de l’anglais par Karine Lalechère.
06:00 Publié dans Humour, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lucie britsch
24/11/2022
Transcription...en poche
"Est-ce qu'ils élevaient ces filles dédaigneuses dans un incubateur spécial quelque part ? "
Kate Atkinson dans Transcription continue d'explorer la période de la 2 nde guerre mondiale , cette fois sous l'angle de l'espionnage. Son héroïne, Juliette Armstrong, en apparence naïve, est recrutée par les services secrets britanniques pour participer au démantèlement de la cinquième colonne, ces sympathisants locaux du nazisme.
Rien de bien glorieux car il s'agit dans un premier temps de retranscrire leurs propos, souvent obscurs, voire ennuyeux. Tout cela paraît assez bon enfant jusqu'à ce qu'enfin, les événements s'emballent et que Juliette ne soit amenée à devenir une espionne comme elle le rêvait.
Entremêlant à son habitude avec virtuosité les époques, parsemant son texte de touche d'humour et nous gratifiant d'un revirement final assez efficace, Kate Atkinson, n'a pourtant pas réussi à me captiver comme elle le fait d'habitude.La tension dramatique n'est pas suffisamment efficace et l'intrigue un peu trop paresseuse à mon goût.
Gageons que ce n'est que partie remise ! J'attends déjà avec impatience les nouvelles aventures de Jackson Brodie.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : kate atkinson
23/11/2022
Hiver...en poche
Invité pour Noël chez sa mère avec qui il entretient des relations distantes, Art n'a rien trouvé de mieux que de louer les services d'une jeune fille d'origine étrangère rencontrée dans la rue pour jouer le rôle de Charlotte, sa petite amie qui vient de briser leur relation.
Le roman commence donc sous les auspices d'un ressort de comédie romantique mais va bientôt prendre un tournant plus dramatique quand les jeunes gens vont se rendre compte que la mère d'Art, Sophia, est plutôt confuse et ne s'alimente guère. Art appelle donc à la rescousse Iris, la soeur de sa mère. Voilà trente ans que , séparées par des visions du monde radicalement différentes, les deux femmes ne se sont pas revues...
Les souvenirs se mêlent au présent, un secret de famille sera révélé, mais pas forcément au principal intéressé dans cette famille qui semble ne pouvoir communiquer que par le truchement de tiers. Un roman qui peut dérouter mais dont les personnages n'en demeurent pas moins attachants.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : ali smith
15/11/2022
Porté Disparu
" Il s'est passé le meilleur, le vif, le brillant, le sensible, l'intelligence pure, il s'est passé le courage, la liberté, la générosité, mais aussi la fougue du désespoir, et c'est ce dont je me souviens. "
Par le truchement d'un exposé sur Magnus Hirschfeld, un médecin juif allemand qui militait pour l'égalité entre hommes et femmes et les droits des homosexuels, Livio va faire voler en éclats les certitudes et provoquer un beau remue-ménage au sein de la classe. Cela n'ira pas sans hostilité et le jeune homme à l'issue de cet exposé est porté disparu.
Reprenant ses personnages du roman Un jour de Courage, Brigitte Giraud revient sur les répercussions intimes de différents protagonistes: les camarades de Livio, ses parents, sa professeure d'histoire-géographie.
Sans manichéisme, elle peint des adultes et des adolescents souvent désemparés qui n'ont pas su ou pu faire face à ce que Livio avait révélé en sous-texte de son exposé. Une manière sensible et délicate de prolonger la lecture et/d'amener de plus jeunes lecteurs (mais pas que) à faire l'enrichissante connaissance de Livio.
Éditions École des Loisirs 2022.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : brigitte giraud
14/11/2022
#Unehistoirenaturelledelamouretdelamort #NetGalleyFrance !
" Il m'a fallu beaucoup d'audace pour me réclamer de l'écolittérature malgré ma grande ignorance de la nature sauvage; mais le bon côté de l'ignorance est l'émerveillement, et je m'émerveille avec brio. "
Margaret Renkl, en de courts chapitres alternant souvent passé et présent, évoque tout à la fois les habitants sauvages de son jardin, mais aussi les membres de sa famille. La mort, l'amour sont au cœur de ses observations minutieuses- deux faces d'une même pièce de monnaie -et elle ne s'épargne pas, soulignant ses failles et ses erreurs, étant parfois trop interventionniste dans sa volonté d'aider les oiseaux de passage dans son jardin.
J'ai souvent pensé à Colette (et parfois à Sue Hubbell) en dévorant ces textes évoquant la nature de l'Alabama , le même amour de la nature, la même précision et le même attachement à sa famille. Une lecture attachante et prenante.
Traduit de l’anglais (E6U) par Cécile Hermellin. Julliard 2022.
06:00 Publié dans Autobiographie, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : margaret renkl
12/11/2022
Impossible...en poche
"L'obsession d'être déclaré important par les autres ne me concerne pas. J'ai fait partie d'une génération qui a agi au nom du collectif. Je considère donc insignifiantes les individualités, les personnalités. "
Un duel verbal, en huis-clos, entre un juge et un accusé. Ils ne sont pas de la même génération, ne possèdent pas la même vision de la politique ou de la justice, mais le jeune juge veut selon l'accusé "fermer une parenthèse restée ouverte jusqu'à aujourd’hui. Car aucun de ceux qui ont trahi leurs propres camarades n'a été atteint par une vengeance. Le plateau de la balance reste incliné."
Quelle était en effet la probabilité pour que l'accusé, ancien révolutionnaire italien, signale la chute mortelle en montagne d'un homme qui se révélait être l'ami qui l'avait trahi quarante ans plus tôt ?
Les interrogatoires, parfois biaisés, souvent "sortis du sujet et du rituel", ainsi que les lettres d'amour (non envoyées) permettent d'explorer en profondeur le parcours à la fois politique et psychologique d'un homme resté fidèle à son idéal, tout en maintenant jusqu'au bout la tension dramatique. Du grand art.
Traduit de l'italien par Danièle Valin
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans italiens | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : erri de luca
11/11/2022
les Falaises...en poche
"J'attends qu'il fasse noir pour qu'on se voie moins un peu. J'attends qu'il fasse noir et je défais ses bretelles . Détricote son chandail. Détricote ses cheveux attachés sur sa nuque, les laisse glisser sur mes joues. La laisse glisser sur mes joues. Les mains enfiévrées les doigts araignées d'eau. J''échappe ses taches de rousseur sur le plancher.Ses dents accrochées dans les recoins sensibles de mon cou."
La narratrice, V., vient d'apprendre la mort de sa mère. Elle se rend à sa maison d’enfance, au bord du fleuve Saint Laurent où s'est glissée sa mère, dans le but de vider l'habitation, mais aussi de renouer les liens distendus de cette famille matrilinéaire où les hommes ne faisaient que passer, occupés par d'autres voyages.
D'octobre à mars, nous suivons V. dans un périple d'abord immobile, découvrant les écrits de sa grand-mère, née en Islande, évoquant les souvenirs de sa mère, marquée par une grande instabilité psychologique, mais emmenant ses deux filles, V. et Anaïs aux quatre coins du monde.
Bientôt V. partira sur les traces de son ancêtre, mais elle sait déjà que ce sera pour mieux revenir.
Femmes sauvages, femmes à la fois faibles et fortes, marquées par leur amour de la nature, Virginie Dechamplain leur offre une voix poétique, ultra sensible qui parfois broie le cœur. La lettre que la grand-mère écrit à sa fille nouvelle née est parmi l'une des plus belles lettres d'amour que j'ai lue.
Un texte au plus près des corps, des émotions, de la nature, qui ne fait pas l'économie de la souffrance ,mais sans jamais tomber dans le pathos. Une langue libre qui se réinvente pour mieux dire l'amour et la mort Un texte puissant et marquant qui file sur l'étagère des indispensables.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : virginie dechamplain
10/11/2022
L'énigmatique Madame Dixon...en poche
"Les gens pensent qu’ils veulent la vérité mais ils sont toujours déçus. C’est invariablement moins excitant que le mystère. "
Un prologue énigmatique, qui évoque d'emblée la problématique de l’identité, un début de roman d'apprentissage mettant en scène une jeune femme qui veut intégrer le monde de l'édition à New-York, mais qui surtout veut devenir une écrivaine, Alexandra Andrews semble placer son roman sur des rails bien calibrés. Mais bientôt tout dérape et l'apprentie écrivaine se révèle bien moins lisse qu'il n'y paraissait.
Le trouble s'accentue quand elle va devenir l'assistante de Madame Dixon, écrivaine à succès qui ne se montre jamais dans les médias et dont seule l'agente connaît le vrai nom. Un voyage au Maroc verra se mettre en place un traquenard et ses nombreux rebondissements.
Personnages cyniques, qui révèlent, mine de rien et avec désinvolture leur plus noir secret, apprentie écrivaine sans scrupule, tout est ici un pur régal pour qui aime les intrigues tordues à souhait.Un bon moment de lecture.
05:55 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : alexandra andrews
09/11/2022
#Lescaractères #NetGalleyFrance !
"Mais alors, de ce que me donne votre ascendant, ce n'est pas vous qu'il lui faut hein. Hmmm non. Il a besoin de quelqu'un qui a de l'énergie vitale, je dirais, obligatoirement. Mais ne vous mettez pas martel en tête hein, ça va se finir tout seul. Il s'en rendra compte. Il en viendra très ,très vite à la conclusion. "
Grande bourgeoise déconnectée de la réalité, théâtreux qui s'écoutent parler et s'émeuvent eux-mêmes, astrologue sans filtre , cagole marseillaise agressive, caviste ayant une haute opinion de son métier, bonne poire du boulot ou tête à claques égocentrique, voici quelques-uns des Caractères interprétés d'abord sur Instagram par Lison Daniel et retranscrits dans ce recueil.
Ayant d’abord lu les textes puis regardé quelques vidéos, il me faut bien admettre que , comme souvent dans ce type de situation, la qualité des textes est rehaussée par le jeu de l'actrice-autrice. On regrettera quelques facilités (le "chier" dans la bouche de la grande bourgeoise déjà vu chez Valérie Lemercier) mais il n'en reste pas moins que nous avons ici de beaux instantanés de notre société en plein confinement.
Grasset 2022.
06:04 Publié dans Humour | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : lison daniel