24/02/2025
Soeurs ( roman à l'origine du film September & July)
"Le chagrin est une maison sans fenêtre ni porte, sans possibilité de voir le temps qui passe."
Septembre et Juillet sont des sœurs nées à dix mois d'intervalle mais entretiennent une relation quasi gémellaire, même si elles ne se ressemblent pas physiquement. Sheela, leur mère est bien consciente de l’emprise, de la manipulation , confinant parfois à la cruauté, que l'aînée exerce sur sa cadette mais n'intervient pour autant pas de manière efficace.
Harcelée à l'école, "cette bête de Juillet " donnera lieu à un premier incident, puis à un second dont la gravité vaudra à cette famille de trois femmes de se réfugier dans une vieille maison au bord de la mer où l'atmosphère oscillera entre cauchemar et réalité.
Daisy Johnson excelle à créer ces mondes entre deux eaux où ses personnages se perdent pour mieux se retrouver. Elle y entraîne son lecteur, le déroutant parfois, le faisant douter avant que de dévoiler ce qui était devant nos yeux et ne pouvait mener qu'au drame. Un roman envoûtant qui confirme le talent singulier de cette autrice.
Traduit de l’anglais par Lætitia Devaux. 216 pages . Stock 2021
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : daisy johnson
22/02/2025
Les filles du chasseur d'ours...en poche
"Tant que vous n'avez pas séjourné au milieu des très anciens et majestueux pins gris au tronc orné de polypores qui peuplent les forêts profondes , vous ne savez rien de la Finlande."
Comme dans les contes, elles sont sept sœurs. Comme dans les contes, elles vont habiter seules dans la forêt. Ne les imaginez pas comme des petites choses fragile, elles sont fortes, intrépides, ingurgitent des flots de gnôle maison et de bière quand l'occasion se présente. Elles affrontent les éléments, la faim, le froid, la folie aussi.
Sauront-elles trouver leur place à la ville ces femmes sauvages et libres ?
Un roman surprenant qui emprunte au conte certains de ses motifs pour mieux envisager d'un point de vue extérieur la société finlandaise contemporaine et proposer des modèles féminins , rudes mais attachants . Un roman féministe plein de vigueur.
07:33 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anneli jordhal
20/02/2025
Le signal...en poche
"Je n'en reviens pas.
Que le signal soit capable encore, après toutes les souffrances , d'offrir cette poésie folle, d'inventer ce paysage nouveau, de la mer en transparence, presque en symbiose."
Quelle drôle d'idée que de consacrer un ouvrage à un immeuble et de le voir évoluer au fil des ans !
Oui mais cet édifice est tout à fait particulier. Il s'agit en effet du Signal ,immeuble d’habitations construit entre 1965 et 1970 en bord de mer et destiné à offrir une vue imprenable à des populations modestes dont c'était le rêve de toute une vie.
Las, le rêve vire au cauchemar car l'érosion marine a été plus rapide que prévu, réchauffement climatique oblige, et l'océan qui a gagné sur la côte aquitaine a chassé les propriétaires de leurs appartements.
Coup de foudre en 2014 pour Sophie Poirier qui suit, fascinée son évolution, imagine les vies des propriétaires expulsés et en procès avec les autorités.
Cet immeuble fait aussi résonner en elle des relations à d'autres habitations et ouvre simultanément l'imaginaire de ses lectrices et lecteurs.
Le Signal fonctionne donc comme une formidable machine à rêver , tantôt poétique, tantôt prosaïque, n'occulte en rien les aspects sociaux et environnementaux et nous fait à notre tour tomber en amour pour cet immeuble promis à la démolition cette année.
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
à noter également les photographies d'Olivier Crouzel .
Éditions Inculte 2022.
06:30 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sophie poirier
18/02/2025
Hexa
" Tu seras toujours étonnée par le pouvoir latent de la terre, capable de ressusciter la moindre semence d'espoir. "
Chaque année, Sandrine part rejoindre une équipe féminine de reboisement dans le Nord d'un pays qu'on devine être le Canada, retrouvant ainsi un peu de la liberté et de la nature dont elle a tellement besoin et dont elle est privée par le pouvoir en place.
Cette fois, elle emmène sa fille, Thalie, adolescente à l'esprit acéré et qui n'est pas dupe des mensonges enseignés par la propagande qui règne dans cette société .Une société sécuritaire dont les habitants sont pucés et où la nature a quasiment disparu.
La sororité, l'importance des liens de filiation, les femmes libres qu'on tente de maîtriser sont au cœur de ce récit qui fait la part belle à la Nature et à sa capacité de résurrection. C'est à la fois une dystopie et un roman d'apprentissage car Thalie apprendra à la fois à découvrir sa mère mais aussi la force du collectif. et de l'espoir .
A dévorer sans plus attendre.
Stock 2025.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : gabrielle filteau-chiba
12/02/2025
Histoire de la femme sauvage
"Et une gamine retient que c'est en arrachant ses racines que l'on est de bonne souche, le contraire de la nature. "
L'histoire commence en 1954 en Algérie, appelée "Alchérie" par l'une des héroïnes, Made, appellation révélatrice du lien fort qu'elle entretient avec ce pays où elle a vu le jour .Adolescente, Made scrute avec acuité tout ce qui l'entoure, et cela irrite beaucoup son entourage et en particulier sa mère, Léa.
Cinquante ans plus tard, Laure, née en France, reviendra sur les traces de sa mère, Made, dans l'oliveraie familiale, où ce qu'il en reste , pour retrouver ses racines et découvrir le secret de sa lignée.
L'attrait puissant du pays natal irrigue ce texte tout en nuances où les femmes ont la part belle , même si elles se contraignent au secret. Ce roman met aussi au jour une réalité trop souvent ignorée des livres d'histoire, réalité que l'écriture poétique d'Isabelle Desesquelles traite avec beaucoup de délicatesse. Un roman où la nature, et les oliviers en particulier, jouent un rôle important, un roman qui résonne encore en nous une fois les pages refermées.
Editions JC Lattès 2025.
Merci à l'éditeur et à Babelio.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : isabelle desesquelles
11/02/2025
Et nos yeux doivent accueillir l'aurore...en poche
« Nous n'étions pas de ces familles où on se pardonne les uns aux autres, où on se demande pardon, où on essaie d'enterrer la hache de guerre ou de discuter. Chez nous, c'était soit le silence, soit la violence... »
Celle qui s'exprime ainsi, sans faux-fuyants, est la narratrice du roman, Georgette, dite George, issue d'une famille dysfonctionnelle et très pauvre. Grâce à l'obstination d'une enseignante , elle a réussi à intégrer l'université . C'est là, en 1968, à New-York, qu'elle fera la connaissance d'Ann, issue d'un milieu extrêmement privilégié qu'elle rejette avec violence. Les relations sont d'abord tendues mais George se laissera ensuite séduire par le charisme et les convictions de sa colocataire.
Mais une telle intensité ne peut que déboucher sur une rupture et, ce n'est que des années plus tard que George entendra parler d'Ann qui vient de tuer un policier.
Jouant avec la temporalité, multipliant les points de vue sur Ann, Sigrid Nunez s'écarte avec brio des attendus du roman d'amitié féminine et brosse les portraits nuancés de femmes qui se révèlent surprenantes à bien des égards, sans pour autant user de pathos. Un grand coup de cœur.
De La même autrice: clic.
Elle est aussi l'autrice du roman Quel est donc ton tourment?, (beaucoup aimé, mais pas de billet) , roman adapté récemment au cinéma par Almodovar sous le titre La chambre d'à côté.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : sigrid nunez
10/02/2025
La fenêtre
"Elle avait peur. De croiser le virus sur son chemin. "
Récit du confinement d'une illustratrice, pour l'instant sans travail, La Fenêtre rend compte des angoisses de cette jeune femme, très sensible aux notions d’espace et du pouvoir qu'il implique. Ainsi ressent-elle avec intensité la porte ouverte sur le pallier de ses voisins et la lutte sous-jacente pour occuper le-dit pallier par des plantes...
Un thème intéressant mais le style de l'autrice , fragmentant ses phrases par des points là où on aurait attendu des virgules, m'a tenue à distance et j'ai constamment buté sur ces points (dont je comprends par ailleurs l'usage). Une rencontre ratée donc.
Traduit de l'espagnol par Michelle Ortuno.
Merci à Babelio et aux Editions La contre Allée.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : isabel alba
07/02/2025
#LaLoidelatartinebeurrée #NetGalleyFrance !
"Comment on fait tous pour tenir ? "
Abandonnant ses flopées de personnages plus loufoques et excentriques les uns que les autres, J. M. Erre jette ici son dévolu sur "un couple de CSP+ cultivé", Anna ,psychanalyste et Jean-Luc Godart (avec un T comme il ne cesse de le rappeler) qui n'est que psychologue. Ils viennent d'emménager dans leur nouvel appartement et la pendaison de crémaillère a dû être épique car le réveil est difficile...
La situation va rapidement empirer car le couple va devoir faire face à un avalanche d'objets hétéroclites que , selon eux, ils n'ont jamais commandés. L'appartement va se trouver alternativement envahi puis vidé et certains personnages , assez inquiétants au demeurant font aussi leur apparition. Jean-Luc Godart, auteur d'un livre sur les emmerdements, va donc mettre à l’épreuve ses propres théories...
On se croirait dans du théâtre de boulevard ,mais qui vire à l'absurde, comme si Feydeau avait rencontré Beckett et le couple, la société de consommation via internet en prennent pour leur grade, pour le plus grand plaisir du lecteur.
Editions Buchet-Chastel 2025
06:00 Publié dans Humour, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : j.m.erre
06/02/2025
#Labaronneperchée #NetGalleyFrance !
" Tout ce qu'il avait envie de lui dire, c'était "je t'aime", mais on n'était pas dans ces séries américaines où les personnages se font de grandes déclarations quatre fois par épisode. "
Billie, douze ans, inspirée par sa lecture du roman d'Italo Calvino, Le Baron perché, décide d'aller s'installer dans un parc d'accrobranche abandonné, histoire de voir comment va réagir son père. Celui est "visiblement fragile et un peu trop porté sur la bouteille, mais à priori bienveillant" et il élève seul sa fille qui a vite appris à être indépendante.
Inquiétude, recherche, mise au jour de secrets de famille, les rebondissements sont nombreux dans ce roman sensible et délicat qui souligne bien qu'il y a une grande marge entre l'aventure idéalisée et la réalité car "C’était bien joli, les grands gestes romanesques, mais c'était frustrant. "
Un roman qui fourmille de références littéraires et de formules qu'on s'empresse de souligner et un grand bonheur de lecture car les personnages sont fouillés, jamais manichéens et pleins de vie. Un livre qui donne le sourire et où traîne même un beagle... Et zou, sur l'étagère des indispensables.
On soulignera aussi la magnifique couverture d'Amandine Bourbon-Toulan. qui ne peut que faire craquer.
Buchet-Chastel 2025
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : delphine bertholon
28/01/2025
Les Ravissements ...en poche
"Si vous avez l'intention de prier, vous pouvez dire tout ce que vous voulez sur qui vous voulez."
Une maladie mystérieuse touche, tour à tour, les onze enfants de la classe d'un petit village d'Irlande du Nord au début des vacances d'été 1993.
Scientifiques, journalistes se ruent bientôt sur ce microcosme rural où les morts se succèdent et où la jeune Hannah va vivre une expérience troublante : chacun de ses camarades, une fois décédé, lui apparaît. Rien de morbide pour autant car le lieu où ils sont arrivés est leur village, mais sans les adultes.
Hannah, onze ans, issue d'une famille très pieuse qui la prive de tout ce qui ressemble à une forme d'amusement, va s’accommoder des visites de ces fantômes.
Si l'autrice ménage un certain suspense quant à l'origine de cette maladie, elle se penche surtout sur la communauté d'adultes et ne les épargne guère: bêtise, manque d'amour, manque d'intérêt , racisme larvé, bien peu trouvent grâce à ses yeux. Elle sait aussi éviter l'aspect répétitif qu'on aurait pu craindre et son réalisme magique se fond avec bonheur dans la narration. Un bonheur de lecture.
Traduit de l’anglais (Irlande du Nord) par Dominique Goy-Blaquet
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : jan carson