27/02/2024
#Flamboyantcrépusculedunevieilleconformiste #NetGalleyFrance !
"Dans les années 1960, 1970, alors que je m'emmerdais ferme à tenter de réussir la langue de bœuf sauce madère, d'autres, partout dans le monde, écoutaient Led Zeppelin et jouissaient dans des sous-sols improbables , emmêlaient leurs cheveux, découvraient leur corps et leurs désirs, rencontraient parfois leur moi profond. "
Parfaite petite bourgeoise belge avec toute la panoplie jupe plissée, serre-tête et rang de perles quand elle était jeune, Dominique Pirotte, quatre-vingt-deux ans se lâche enfin. On vient de lui découvrir un Alzheimer et elle a décidé de tirer sa révérence.
Sans fausse pudeur, sans hypocrisie, elle regarde avec lucidité ses proches mais aussi avec elle-même. Les seules qui trouvent grâce à ses yeux sont sa fille Dorothée qui, trop tôt décédée , avait tenté de l'extraire de sa vie rabougrie et sa petite-fille, Victoire. Victoire, vingt ans qui est la vie même en cette période de coronavirus.
Monologue décapant, mais aussi émouvant, ce roman nous fait vivre de l'intérieur la maladie qui dérègle les curseurs du temps. Il nous offre aussi une réflexion sur notre civilisation, notre rapport à la jeunesse, à la vieillesse, à la nécessité de la fiction
Un grand coup de cœur qui file sur l'étagère des indispensables.
Le Cherche Midi 2024. 106 pages qui se dévorent cul sec.
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06/01/2024
L'engravement ...en poche
"Vous êtes trente ou vingt, parfois dix, peu importe, vous rampez sur l'allée, écrasés, vidés, fautifs, égarés sur le chemin que vous connaissez si bien. Pas de chance, aucun échafaud n'est dressé au bout de l'asphalte. Il y a un parking, un arrêt de bus, une rue que personne ne veut habiter, et votre vie, qui continue. La voilà la sentence : Vivez avec. "
Où se dirige ce troupeau, hétéroclite, mais uni par une même détresse, une même souffrance, un même espoir malmené , vacillant mais entretenu par la proximité des autres ? Il va vers cet endroit où leurs proches sont enfermés parce que leur vie , telle celle des baleines échouées sur les plages, n'a pas su s'adapter au bruit du monde, parce que ce bruit a poussé "leur stress à un paroxysme ingérable".
Ce sont ainsi différents parcours qui se donnent à lire via ce roman choral, entrecoupé par des discours souvent violents, révélant au passage les dysfonctionnements du système de santé. Nous voyons ainsi, par petites touches l'évolution des patients, celle de leurs aidants qui trimballent des sacs puant la pisse ou le sang, mais charriant surtout leurs minuscules victoires et leurs immenses échecs.
L'émotion est toujours là, mais sans voyeurisme et c'est tout un pan, souvent caché, de la société qui se donne à voir dans ce roman d'une force inouïe et bouleversante . Un très grand coup de cœur.
La Contre-Allée poche.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : eva kavian
24/08/2023
#Strange #NetGalleyFrance !
"Je colle ma tête dans son cou et, soudain, je dis tout, les manies, la vie secrète, l’impossibilité d'être ce qu'on attend. "
Dès l'enfance, Raphaël, orphelin de mère, élevé par un père gardien de prison et une grand-mère aimante, n'est pas un garçon comme les autres. De l'amour , il en reçoit chez lui ,mais, à l'extérieur ,ses camarades de classe le harcèlent car ils ont détecté avec ce radar infaillible des enfants la part de féminité en lui.
Car oui, Raphaël est Nora, mais il est né dans un corps masculin. Le chant va d'abord lui permettre d'échapper à la vie étriquée de la petite ville d'Arlon , en Belgique, en intégrant le conservatoire de Bruxelles. Là, au fil des rencontres, il fera apparaître de plus en plus Nora, celle qu'elle est vraiment, mais évoluera aussi dans son parcours musical, se délivrant peu à peu de tous les carcans.
Cela n'ira pas sans mal et la crainte de la réaction paternelle devant la transition qu'elle a entamé et dont elle ne peut plus différer éternellement la révélation l'incite à écrire une lettre pleine d'amour (mais sans pathos )à son père, lettre que nous tenons entre les mains...
J'ai dévoré d'une traite ces 180 pages d'une justesse incroyable qui parviennent à relater ce parcours à la fois douloureux mais jamais doloriste d'une femme trans. Geneviève Damas n'omet pas les difficultés, la tentation du suicide, la violence dont sont parfois victimes les personnes trans, les expédients auxquels ils/elles ont parfois recours pour assumer le coût financier de leur transition, mais elle transmet cependant un message lumineux d'espoir en l'évolution de la société à leur égard. Un beau roman qui souligne également le rôle essentiel de l'art dans la vie de chacun.
Grasset 2023 Collection Courage (une de mes favorites).
06:00 Publié dans Rentrée 2023, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : geneviève damas
14/06/2022
l'engravement
"Vous êtes trente ou vingt, parfois dix, peu importe, vous rampez sur l'allée, écrasés, vidés, fautifs, égarés sur le chemin que vous connaissez si bien. Pas de chance, aucun échafaud n'est dressé au bout de l'asphalte. Il y a un parking, un arrêt de bus, une rue que personne ne veut habiter, et votre vie, qui continue. La voilà la sentence : Vivez avec. "
Où se dirige ce troupeau, hétéroclite, mais uni par une même détresse, une même souffrance, un même espoir malmené , vacillant mais entretenu par la proximité des autres ? Il va vers cet endroit où leurs proches sont enfermés parce que leur vie , telle celle des baleines échouées sur les plages, n'a pas su s'adapter au bruit du monde, parce que ce bruit a poussé "leur stress à un paroxysme ingérable".
Ce sont ainsi différents parcours qui se donnent à lire via ce roman choral, entrecoupé par des discours souvent violents, révélant au passage les dysfonctionnements du système de santé. Nous voyons ainsi, par petites touches l'évolution des patients, celle de leurs aidants qui trimballent des sacs puant la pisse ou le sang, mais charriant surtout leurs minuscules victoires et leurs immenses échecs.
L'émotion est toujours là, mais sans voyeurisme et c'est tout un pan, souvent caché, de la société qui se donne à voir dans ce roman d'une force inouïe et bouleversante . Un très grand coup de cœur.
Éditions la Contre-Allée 2022.
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27/01/2022
L'apparence du vivant
"Je pourrais achever tous les gens qui le méritent. Je préfère les laisser pourrir. "
Parce qu'elle cherchait des personnes âgées acceptant de poser nues devant son objectif, la narratrice fait la connaissance de Madame Martin, propriétaire d'un ancien funérarium à Liège.
Fascinée depuis l'enfance par la mort, un tel décor ne pouvait que plaire à la jeune femme qui entre alors au service de cette dame et de son tranquille époux. Entre les deux femmes s'établit une connivence , une relation de tendresse, mais aussi la transmission d'un savoir-faire: celui de la taxidermie. Un art dont Madame Martin veut repousser les limites à l'aide de sa protégée.
Pour un premier roman, c'est un coup de maître car Charlotte Bourlard évoque, avec beaucoup de tranquillité et quasiment sans affect, le parcours de ces deux femmes qui entretiennent de bien curieuses relations avec la mort. Sans coup de théâtre, mais par petites touches , nous entrons dans un univers où l'on frémit d'avance pour tous les êtres encore vivants qui côtoient ces deux femmes. Les descriptions techniques de la taxidermie, j'avoue les avoir juste survolées tant le texte nous pousse dans nos retranchements. Le corps, humain ou animal, est bien évidemment au cœur de ce roman qui évoque avec un grand naturel toutes les dégradations que la vieillesse et/ou la mort lui infligent.
Aucun excès dans l'écriture qui reste toujours très sobre, même quand elle décrit les pires vengeances, et on finit par s'attacher à ces personnages qui devraient susciter l'horreur. Tout reste feutré et mesuré avec quelques pointes d'humour noir. Du grand art.
Éditions Inculte 2022, 130 pages vénéneuses.Et zou sur l''étagère des indispensables, mais attention aux âmes sensibles.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : charlotte bourlard
07/09/2021
Premier sang
"Le droit d’aînesse se traduisait chez les Nothomb d’une manière alimentaire : plus on était âgé, plus on pouvait espérer manger."
Voilà bien longtemps que je n'avais ouvert un roman de cette autrice, mais on me l'a offert et je me suis surprise à le dévorer.
En effet, en dépit d'un style parfois dérangeant , la vie du père d'Amélie Nothomb est tout à fait romanesque et ce depuis l'enfance, jusqu'à la prise d'otages de Stanleyville où le jeune diplomate s'illustrera en discutant avec les rebelles pendant des mois.
Pas d'effet de manche, la fin, sanglante de la prise d'otages est escamotée en un très court récit clinique, mais beaucoup d'émotions néanmoins dans ce texte où Amélie se glisse dans la peau de son père en quelque sorte.
06:00 Publié dans Rentrée 2021, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : amélie nothomb
24/02/2021
Manger Bambi
"Bambi prend tout, demande plus, et n'avale jamais rien, met tout soigneusement de côté pour maman, qui a besoin de sommeil et de tranquillité. Tandis qu'elle-même a besoin de lucidité, de force et de courage. La haine, c'est bon, elle a déjà ce qu'il faut."
Bambi a tout du faon aux pattes grêles, l'innocence apparente, la jeunesse (elle a seize ans) et la beauté, mais pas question de jouer les proies. C'est elle qui harponne, sur les sites dédiés aux sugar daddies , ceux qui vont devenir ses proies. Gare à ceux qui pleurnichent et l'énervent ,elle ne supporte pas. Et là, elle peut se déchaîner et devenir complètement guedin. Une Bambi armée d'un Sig Sauer, seul legs paternel, ça peut faire du dégât !
Mais un jour la belle mécanique s'enraye et Bambi va se trouver prise au piège de ses propres mensonges...
Avec une langue drue, rapeuse, empruntée aux jeunes, Caroline de Mulder brosse le portrait d'une adolescente tour à tour violente,mais douce avec sa mère, qui refuse d'être une victime, qui se ment parfois à elle-même mais sait aussi manipuler les autres. Bambi possède une multitude de facettes et l'autrice sait nous la montrer en pleine transformation, se donnant les apparences d'une pauvre petite fille fragile (qu'elle est aussi parfois), se prenant parfois elle-même à ses propres comédies, ou devenant folle de rage. Une chose est sûre: Bambi ne se laissera pas manger par qui que ce soit sans lutter jusqu'au bout..
La tension règne dans ce texte qui ne cède pourtant jamais au piège du voyeurisme. On est chahuté, bouleversé, et on sort un peu groggy de la lecture de ce roman dévoré d'une seule traite.
Gallimard 2021, 199 pages qui pulsent.
06:00 Publié dans Roman belge | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : caroline de mulder
26/03/2020
La vraie vie...en poche
"La mort habitait chez nous. Et elle me scrutait de ses yeux de verre. Son regard mordait ma nuque, se délectait de l 'odeur sucrée de mon petit frère."
Attention, bombe émotionnelle !
Dans un lotissement jouxté par le bois des Petits Pendus (tout un programme), vit une famille qui se donne l'apparence de la normalité: deux parents, deux enfants dont l'aînée, la narratrice, aime et protège son petit frère.
En effet,dès l'incipit, le ton est donné : "A la maison, il y avait quatre chambres. La mienne, celle de mon petit frère, Gilles, celle de mes parents et celle des cadavres." C'est là que le père, tyran domestique, entrepose les trophées de chasse les plus divers, dont une hyène particulièrement effrayante. Cet animal deviendra ainsi la métaphore du mal qui, à la suite d'un choc traumatique, fera basculer Gilles dans un univers où les émotions auront disparu. Dès lors, la narratrice se donne une mission en apparence impossible:effacer cette vie qu'elle considère comme une mauvaise branche pour sauver son frère.
Nous la suivrons donc au fil de cinq années, où, avec une volonté farouche, elle va progressivement se donner les moyens de changer le présent. Dotée de grandes capacités scientifiques, elle analyse lucidement la situation, d'un œil quasi clinique: sa mère est une amibe qui a pour seule fonction d'avoir peur de son mari . Quant au père , "Son goût pour l’anéantissement allait [l']obliger à[ se ]construire en silence, sur la pointe des pieds."
Adelien Dieudonné ne ménage pas nos nerfs, maîtrisant son récit d'une main ferme , tout en le dotant d'une écriture à la fois imagée et efficace. On tremble, on frémit, on a la gorge serrée devant cette héroïne qui se construit à la fois physiquement, psychologiquement et émotionnellement, refusant farouchement de devenir une victime.
Un premier roman que j'ai trimballé partout avec moi le temps de sa lecture, un objet compact dont la couverture rend parfaitement l'idée de huis-clos et de menace animale. Une réussite époustouflante. Et zou sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : adeline dieudonné
03/03/2020
Débâcle...en poche
"C'est peut être à ça qu'on les reconnaît, les familles où ce qui est le plus essentiel va de travers: pour compenser, elles inventent un tas de petites règles et de principes ridicules."
Eva est invitée à la fois pour commémorer le trentième anniversaire que ne fêtera jamais Jan, le frère d'un de ses amis, et pour l'inauguration d'un "site de production laitière ,presque entièrement automatisé." Doublon bizarre qui donne d'emblée le ton de ce roman où les sentiments s'expriment de manière quasi souterraine, dans un microcosme, celui d'un village flamand ,où elle a passé toute son enfance.
L'occasion pour la jeune femme de revivre deux été qui auront décidé de son existence et du fait qu'elle se rende à cette invitation munie d'un gros bloc de glace...
Eva, Pim et Laurens, une fille deux garçons, les seuls enfants nés en 1988, coïncidence qui les unira façon trois mousquetaires, même si leurs origines sociales sont bien différentes.Un triangle dont les relations s'effilocheront et deviendront de plus en plus troubles.
La tension ne cesse de monter, et même si parfois, on se perd un peu dans ces retours en arrière, rien de grave : on est tenu en haleine par ces familles dysfonctionnelles chacune à leur manière , où le drame se cache dans les détails qu'Eva scrute avec une acuité sans pareille et sème comme autant de petits cailloux blancs qui, rétrospectivement prennent toute leur valeur.
J'ai été bluffée par ce premier roman qui distille une atmosphère à la fois lumineuse et trouble, qu'on ne lâche pas et qu'on termine quasi exsangue.
Traduit du néerlandais (Belgique) par Emmanuelle tardif.
06:02 Publié dans le bon plan de fin de semaine, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : lize spit
04/11/2019
La grande fugue
"Victoire Overwinning, injoignable pour cause de suicide, meurtre, viol, noyade ou violences en tout genre. Possiblement en audience avec un détraqué. Rappelez plus tard."
Une violoniste est retrouvée morte, son archet planté sans sa carotide. Premier problème: qui est-elle ? S'agit-il de la fantasque et hyper douée Wanda, premier violon d'un quatuor à cordes ou de sa jumelle Sara-Louise, qui faisait aussi partie de l'ensemble ?
Gidéon Monfort, tout juste revenu au travail , en fauteuil roulant, certes, mais flanqué de son chien Tocard, improbable mélange de Berger allemand et de teckel, mène l’enquête, sous la houlette de la juge d'instruction Victoire Overwinning, haute en couleurs, dans tous les sens du terme.
L'enquête est ici un prétexte et plus que tout ce sont les personnages, leur manière de s'exprimer et leur manière de vivre, dépeintes avec beaucoup de truculence, qui sont au cœur de ce roman fluide et très agréable à lire.
On pense bien évidemment à Nadine Monfils et Ziska Larouge n'a pas à rougir de la comparaison. Un bon moment de lecture.
Merci à Babelio et aux Éditions Weyrich, collection Noir Corbeau 2019, 219 pages qui donnent envie de retrouver bientôt Gidéon et Tocard.
06:00 Publié dans Roman belge | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : ziska larouge