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02/04/2025

L'envers de la girafe

"Oui, la souffrance était parfois le prix à payer, le prix de la liberté... "

Roman choral, situé dans un quartier populaire de Toulouse,  L'Envers de la Girafe met en scène des personnages quelque peu obsessionnels dont les destins vont se frôler, voire se percuter.
Il y a là Gaspard, qui surveille via des caméras de vidéo surveillance un carrefour,  Lucas, obnubilé par sa passion à la fois historique et scientifique des girafes, au grand dam de sa vieille mère... Pierre quant à lui est  transporteur de matières dangereuses alors que sa compagne, Zélie, est toujours prête à s'enflammer pour un combat écolo voué à l'échec. Il y a aussi " L'Homme à la craie" qui inscrit le nom des toutes les plantes qui ont réussi à se faufiler dans la plus petite anfractuosité et tient à garder un peu de sauvagerie dans son jardin, ce qui ne plaît pas à tout le monde.  Enfin, l'élagueur, Ahmed, homme qui se révèlera beaucoup plus posé et nuancé que les autres.pascal dessaint
Ce roman allie l'amour de l'histoire et de la nature de Pascal Dessaint qui joue aussi de l'opposition entre le sol et l'espace (balcon, toit, arbres, oiseaux...), le trait d'union entre les deux étant peut-être assuré par cette fameuse girafe...L'auteur interroge aussi avec lucidité  notre rapport à la nature: "Qu'étions-nous le plus souvent pour les animaux à part une menace? Il n'était aucun animal sauvage qui venait à nous de bon gré. Nous étions le danger, avec une haute idée de nous-mêmes qui nous rendait plus dangereux encore. "
La construction est virtuose et les personnages nuancés, plein de surprises se révélant avec délicatesse ou violence. Car oui, avec cet auteur impossible d'oublier la noirceur du monde mais, néanmoins , "[...] il nous a confié que la vie lui plaisait pour ces moments décalés, hors de contrôle, hors des normes, hors du carcan où la société tenait à nous enfermer. " Une réussite. Et zou, sur l'étagère des indispensables.

Envoi de l'auteur et de l'éditeur, sans contrepartie financière.

 Editions Rivages 2025.

 

02/09/2024

Une femme sauvage

"Car depuis des lunes et des lunes c'est un pays où l'on combat. Un pays où l'on se défend. Un pays où l'on résiste. Et j'aime les endroits où l'on se tient debout envers et contre tout, sans forcément avoir besoin de revendiquer pour quelles raisons profondes. Des gens debout, hors de la norme, contre une oppression, alors que la majorité s'engourdit, se laisse plier sous le joug, ça me plaît. "

Alliant son amour de la marche, de la rébellion et de la nature, Pascal Dessaint part sur les traces d'une femme qui, en 2008, a choisi de vivre seule dans la forêt cévenole, et ce pendant quinze ans. pascal dessaint
De nombreuses questions lui viennent en tête, tout à la fois matérielles et humaines et, au fil de ses pérégrinations,l'évocation de  cette jeune femme qu'il laisse deviner victime d'un traumatisme, va faire écho à d'autres souffrances plus personnelles.
Avec beaucoup de pudeur, l'auteur se livre un peu et, en célébrant au fil des balades les enclaves de beauté qui subsistent malgré tout , il nous entraîne à sa suite dans cette quête poétique , erratique et lumineuse. Une belle manière d'entamer septembre. Et zou, sur l'étagère des indispensables.

Merci à l'auteur et à l'éditeur pour cet envoi.

 Éditions Salamandre 2024.

21/03/2024

Le malheur prend son temps

"A la fin, ce qu'il désirait, c'était ressentir les dernières vibrations d'un monde qu'il savait pourtant déjà  perdu. "

La magnifique couverture nous avertit d'emblée: délaissant la veine historique de ses deux derniers ouvrages, Pascal Dessaint renoue avec un de ses principaux centres d'intérêt: la nature. pascal dessaint
Le constat qu'il fait, via un de ses personnages,  est lucide : l'humain a une fâcheuse propension à détruire. Que ce soit le serpent qui se faufile tranquillement dans un jardin, les oiseaux sous prétexte de les étudier ou le petit chef qui applique sans état d'âme les directives harcelantes sur le personnel ...
Car oui, la veine sociale est aussi présente et , par le biais d'un humour noir, voire quelques pincées de fantastique, il brosse le portrait sans appel d'une société où l'amitié, l'amour, mais aussi les animaux , peuvent seuls fournir quelques lueurs d'espoir.
Avec un art consommé de la chute (parfois au sens propre ! ), Pascal Dessaint ne plombe pourtant pas sa lectrice (ou son lecteur) mais l'incite à agir, même à un toute petite échelle, et avec ce recueil , comme le dit le personnage de la dernière nouvelle, il nous fait là "un beau cadeau".

 

Éditions de la Déviation, 2024, 152 pages.

 

Surprise envoyée par l'éditeur que je remercie au passage (ainsi que l'auteur), sans contrepartie .

18/05/2022

Un colosse...en poche

"Jean-Pierre sera glorieux, mais il continuera à travailler la terre."

Jean-Pierre Mazas naît dans le sud-ouest de la France en 1847 et ne commence à grandir de manière démesurée qu'à partir de 16 ans . Ce gigantisme facilité sa tâche de laboureur mais bientôt il deviendra aussi lutteur et sa notoriété dépasseras frontières.pascal dessaint
Pascal Dessaint, délaissant le roman noir, se penche ici sur une destinée hors-normes, celle d'un homme qui finira phénomène de foire  et curiosité scientifique dans un monde qui évolue très rapidement par certains côtés, mais conserve aussi certains vestiges du passé.
Le romancier mène l’enquête, rétablit quelques vérités et/ou approximations et peint un tableau plein de vie d'une société qui exhibe sans honte ceux qu’elle considère comme des monstres. C'est donc l'histoire d'un corps, mais aussi d'un paysan, tous deux voués à un destin tragique que nous propose Pascal Dessaint.Un récit court, un peu plus de 120 pages, mais dense.

10/05/2021

Un colosse

"Jean-Pierre sera glorieux, mais il continuera à travailler la terre."

Jean-Pierre Mazas naît dans le sud-ouest de la France en 1847 et ne commence à grandir de manière démesurée qu'à partir de 16 ans . Ce gigantisme facilité sa tâche de laboureur mais bientôt il deviendra aussi lutteur et sa notoriété dépasseras frontières.pascal dessaint
Pascal Dessaint, délaissant le roman noir, se penche ici sur une destinée hors-normes, celle d'un homme qui finira phénomène de foire  et curiosité scientifique dans un monde qui évolue très rapidement par certains côtés, mais conserve aussi certains vestiges du passé.
Le romancier mène l’enquête, rétablit quelques vérités et/ou approximations et peint un tableau plein de vie d'une société qui exhibe sans honte ceux qu’elle considère comme des monstres. C'est donc l'histoire d'un corps, mais aussi d'un paysan, tous deux voués à un destin tragique que nous propose Pascal Dessaint.Un récit court, un peu plus de 120 pages, mais dense.

 

Rivages 2021.

05/05/2021

L'horizon qui nous manque...en poche

"Chacun connaît de ces moments maladifs, comme à battre des bras et des jambes dans la semoule, comme à essayer de s'accrocher aux lambeaux de son existence, et les paroles perdent en logique et en sens, et les gestes semblent indépendants de toute conscience."

Dans un espace naturel , miraculeusement préservé, entre Dunkerque et Gravelines, trois marginaux tentent de cohabiter. Le premier installé, Anatole, retraité, fabrique des oiseaux de bois flotté, supposés être des leurres destinés à la chasse.La deuxième, Lucille, institutrice en rupture avec l’Éducation Nationale, est désabusée depuis le démantèlement de la jungle de Calais où elle s'était investie auprès des migrants. Quant au dernier, Loïk, il est bien trop imprévisible pour ne pas retomber dans ses anciens travers qui l'ont déjà mené derrière les barreaux.pascal dessaint
Même si la fraternité existe entre ces personnages qui partagent un goût certain pour Jean Gabin, on est bien loin  de l'esprit d'Ensemble c'est tout . Ici, la tension est quasi permanente et l'on sent bien, entre une tournée de moules-frites ou un concours improvisé de décorticage de crevettes, que tout peut basculer sur un malentendu car "Quand il n'y a plus rien à gagner, on peut continuer à tout perdre...".
Un roman noir, ponctué de chansons des  Rubettes et autres Mike Brant, où l'on arpente les plages du Nord, où l'on suit une chouette, où l'on découvre ce qui fait la culture populaire d'un territoire marqué par l'Histoire , l’industrialisation et la crise économique. Du grand Dessaint.

03/06/2020

Vers la beauté, toujours !

"Je marche parce que j'ai de l'espoir. Je marche avec espoir plutôt. Je marche parce que ça me semble encore un motif d'espérer. Je marche parce que ça me permet de côtoyer une nature qui est encore sauvage. A certains endroits, ainsi, je ne peux céder au complet désespoir, penser que tout est en grande part fichu. Je chasse de mon esprit les océans de plastique, les forêts incendiées, les catastrophes industrielles, les espèces qui s'éteignent."

Avec un tel cri de ralliement comment ne pas emboîter le pas de Pascal Dessaint, auteur de romans noirs mais  aussi naturaliste passionné ?
Nous l’avons connu plus sombre , nous le retrouvons avec bonheur, lucide mais exaltant la beauté de la nature, le plaisir de la marche, seul , en famille ou avec des amis ,écrivains souvent. Mais s''il nous fait partager un peu de son intimité, il conserve jalousement , et c'est bien compréhensibles les localisations précises de ses balades.pascal dessaint,marche,nature
Trimballant son carnet car "Le carnet a ses avantages, en dehors du souci maniaque de noter tout ce qu'on a vu et de croire que c'est utile, voire scientifique de s'en souvenir. Le carnet permet de mieux supporter les hivers rigoureux, les nuits interminables et les loups qui hurlent autour de soi.On feuillette le carnet. Oh! La feuille séchée d'un hêtre glisse des pages ou la facture froissée d'un fameux gîte où l'on a fait bombance. Le gîte de Lesclun, dis donc, il faudra y revenir ! On tourne ces pages fort instructives et tout remonte, la musique des sources, les belles images et les parfums subtils. et on se remet à marcher dans sa tête. C'est fantastique ! ", il s’inscrit ainsi dans la belle lignée des écrivains-marcheurs qui partagent avec générosité leurs plaisirs mais aussi leur consternation face aux comportements aberrants de gens supposés être sensibles à la beauté du monde mais qui y laissent leurs cochonneries.
 Pourtant, oiseaux, vaches, plantes, effort physique, bon repas, tout fait sens, tout engendre du bonheur, revigore le corps et l'âme.
Pascal Dessaint distingue aussi les différentes sortes de marche et analyse avec précision les rapports entre l'écriture et sa pratique de la randonnée, la nécessité de "ressentir un lieu".
L'humour est aussi au rendez-vous, le marcheur un peu fatigué n'hésitant à pas invoquer le passage d'un oiseau pour provoquer une petite pause bienvenue...
Bref, vous l'aurez compris, Vers la beauté, toujours ! est un livre riche, généreux, piqueté de marque-pages qui nous rappelle au passage que s'il pleut on peut toujours marcher dans son lit,  j'ajouterai :avec en mains un bon bouquin de Pascal Dessaint , par exemple ! Et zou, sur l'étagère des indispensables !

 

Vers la beauté, toujours ! Un grand coup de cœur et une maison d'édition à découvrir : La Salamandre: clic

et reclic

 

30/09/2019

L'horizon qui nous manque

"Chacun connaît de ces moments maladifs, comme à battre des bras et des jambes dans la semoule, comme à essayer de s'accrocher aux lambeaux de son existence, et les paroles perdent en logique et en sens, et les gestes semblent indépendants de toute conscience."

Dans un espace naturel , miraculeusement préservé, entre Dunkerque et Gravelines, trois marginaux tentent de cohabiter. Le premier installé, Anatole, retraité, fabrique des oiseaux de bois flotté, supposés être des leurres destinés à la chasse.La deuxième, Lucille, institutrice en rupture avec l’Éducation Nationale, est désabusée depuis le démantèlement de la jungle de Calais où elle s'était investie auprès des migrants. Quant au dernier, Loïk, il est bien trop imprévisible pour ne pas retomber dans ses anciens travers qui l'ont déjà mené derrière les barreaux.pascal dessaint
Même si la fraternité existe entre ces personnages qui partagent un goût certain pour Jean Gabin, on est bien loin  de l'esprit d'Ensemble c'est tout . Ici, la tension est quasi permanente et l'on sent bien, entre une tournée de moules-frites ou un concours improvisé de décorticage de crevettes, que tout peut basculer sur un malentendu car "Quand il n'y a plus rien à gagner, on peut continuer à tout perdre...".
Un roman noir, ponctué de chansons des  Rubettes et autres Mike Brant, où l'on arpente les plages du Nord, où l'on suit une chouette, où l'on découvre ce qui fait la culture populaire d'un territoire marqué par l'Histoire , l’industrialisation et la crise économique. Du grand Dessaint.

Rivages 2019, 218 pages iodées.

 

20/09/2018

Un homme doit mourir ...en poche

"- Il y a des gens et des idées qui sont comme des larves dans l'écorce des beaux arbres."

Boris, naturaliste, rédige des rapports de contre-expertise destinés à favoriser les projets industriels controversés . Le dernier en date ? Celui d'une installation d'unité de stockage de matières dangereuses dans une les Landes, là où vit une espèce rare de libellule.S'il a vendu son âme au diable, Boris entretient paradoxalement de bonnes relations avec Pépé, odonatologue passionné, opposant bien décidé à faire de cet endroit une Zone A Défendre.pascal dessaint
Un peu plus loin, une villa cossue défie la Nature et les lois littorales. Son propriétaire, homme d'argent et de pouvoir, y a convoqué deux de ses amis , tout aussi peu scrupuleux que lui.
Entrelaçant avec virtuosité les intrigues, Pascal Dessaint  fait la part belle à la Nature, sans pour autant négliger le côté noir de son roman. La tension monte au fur et à mesure que s'annonce une tempête et que se révèlent les enjeux.
Les personnages ne sont ici en rien caricaturaux. Complexes et riches d'humanité, ils s'interrogent sur les liens qu'entretiennent les hommes , les végétaux et les animaux, sur la nécessité  qui peut paraître dérisoire de préserver certaines espèces, constatent les vertus de la nature sur les tourments humains.
Un peu plus apaisé, l'auteur n'en perd pas pour autant son regard acéré, aussi prompt à identifier un oiseau qu'à dénoncer les hypocrisies de nos sociétés. Du grand Dessaint , tant par le style que par les réflexions qui émaillent le roman, sans jamais l'alourdir.

27/09/2017

Un homme doit mourir

"- Il y a des gens et des idées qui sont comme des larves dans l'écorce des beaux arbres."

Boris, naturaliste, rédige des rapports de contre-expertise destinés à favoriser les projets industriels controversés . Le dernier en date ? Celui d'une installation d'unité de stockage de matières dangereuses dans une les Landes, là où vit une espèce rare de libellule.S'il a vendu son âme au diable, Boris entretient paradoxalement de bonnes relations avec Pépé, odonatologue passionné, opposant bien décidé à faire de cet endroit une Zone A Défendre.pascal dessaint
Un peu plus loin, une villa cossue défie la Nature et les lois littorales. Son propriétaire, homme d'argent et de pouvoir, y a convoqué deux de ses amis , tout aussi peu scrupuleux que lui.
Entrelaçant avec virtuosité les intrigues, Pascal Dessaint  fait la part belle à la Nature, sans pour autant négliger le côté noir de son roman. La tension monte au fur et à mesure que s'annonce une tempête et que se révèlent les enjeux.
Les personnages ne sont ici en rien caricaturaux. Complexes et riches d'humanité, ils s'interrogent sur les liens qu'entretiennent les hommes , les végétaux et les animaux, sur la nécessité  qui peut paraître dérisoire de préserver certaines espèces, constatent les vertus de la nature sur les tourments humains.
Un peu plus apaisé, l'auteur n'en perd pas pour autant son regard acéré, aussi prompt à identifier un oiseau qu'à dénoncer les hypocrisies de nos sociétés. Du grand Dessaint , tant par le style que par les réflexions qui émaillent le roman, sans jamais l'alourdir.