09/01/2025
Pour Britney
" -bien après lui j'ai entendu d'autres hommes me glisser à l'oreille, un peu outrés, Louise on voit ta culotte, je ne leur ai jamais répondu , et alors ? toujours je fermais les jambes un peu gênée, un peu humiliée d'être soudain rappelée ainsi à ce fait de mon corps, qu'il ne fallait pas oublier, pas cesser de surveiller sans quoi on ne savait pas ce qui pouvait vous arriver, n'est-ce pas, ne pas oublier de veiller à ce qu'on ne puisse pas prendre cela, la fait de se tenir, par simple négligence ou peut-être par envie, les jambes écartées dans un parc avec ses amis, pour un signe, sans quoi il risquait toujours d'y avoir quelqu'un quelque part pour prendre cela pour une invitation. "
Ce court roman( 132 pages) tisse les destinées d'une chanteuse pop hyper sexualisée quand elle était très jeune, Britney Spears, et celui d'une écrivaine que l'on renvoyait sans cesse à son corps et à sa sexualité, Nelly Arcand. La première mettra des années à se libérer de la tutelle de son père. La seconde s'est suicidée.
Dans un texte à la syntaxe heurtée, syntaxe qui laisse souvent au lecteur le soin de poursuivre des portions de phrases, Louise Chennevière revient sur ces destinées tragiques, analysant avec une rage sourde, la manière dont ces femmes ont été broyées par une société patriarcale. Destinées qui font aussi écho, dans une moindre mesure à la propre réception de ses œuvres.
La découverte d'une écriture incisive et l 'envie d'aller plus avant dans l’œuvre de Nelly Arcand à qui la chanteuse Pomme a consacré une chanson, "Nelly".
P.O.L 2024.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : louise chennevière
08/01/2025
Les filles du chasseur d'ours...en poche
"Tant que vous n'avez pas séjourné au milieu des très anciens et majestueux pins gris au tronc orné de polypores qui peuplent les forêts profondes , vous ne savez rien de la Finlande. "
Comme dans les contes, elles sont sept sœurs. Comme dans les contes, elles vont habiter seules dans la forêt. Ne les imaginez pas comme des petites choses fragile, elles sont fortes, intrépides, ingurgitent des flots de gnôle maison et de bière quand l'occasion se présente. Elles affrontent les éléments, la faim, le froid, la folie aussi.
Sauront-elles trouver leur place à la ville ces femmes sauvages et libres ?
Un roman surprenant qui emprunte au conte certains de ses motifs pour mieux envisager d'un point de vue extérieur la société finlandaise contemporaine et proposer des modèles féminins , rudes mais attachants . Un roman féministe plein de vigueur.
Traduit du finlandais par Anna Gibson. 480 pages. J' ai Lu 2025
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : finlande, anneli jordahl
07/01/2025
Fort Alamo
"Les boutiques s'ajoutaient à tous ces lieux publics que l'être humain avait finir par rendre infréquentables par sa seule présence, les trains, les salles de cinéma, les rues. Les gens se croyaient dans leur salon partout où ils allaient. Le portable avait abattu les cloisons de l’intime, qui s’était vulgairement déversé dans l’espace public, de sorte que tout lieu devenait invivable. "
Imaginez : tous les gens (ou animaux ) vous ayant quelque peu irrité meurent sous vos yeux d'un AVC.
C'est ce qui arrive au anti-héros de Fabrice Caro, Cyril, dans Fort Alamo. Homme tout à fait banal qui prend peu à peu conscience de ce super pouvoir fort encombrant: comment passer les fêtes de Noël en compagnie d'une belle-sœur qu'il a du mal à supporter ?
Avec tendresse et bienveillance , l'auteur brosse ici le portrait d'un homme qui a encore un pied dans l'enfance (il renâcle à l'idée de vider la maison de sa mère, décédée) , qui peine parfois à s'adapter au monde et pour qui les événements prennent facilement des dimensions apocalyptiques. L'occasion aussi de donner quelques coups de griffes sur notre société où certains ont du mal à prendre en compte les autres... Un roman qui atteint son objectif : nous donner le sourire.
Gallimard 2024.
06:00 Publié dans Humour, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : fabrice caro
06/01/2025
Champs de Bataille / L''histoire enfouie du remembrement
"Une façon de faire uniforme était appliquée partout en France. Ils traçaient des traits, clac, clac, comme on l' a fait en Afrique pendant la colonisation, en ignorant les conditions locales, les usages. "
Dans les manuels d'histoire géographie, le remembrement qui a impacté les campagnes françaises et, en particulier, la Bretagne est présenté de manière factuelle, en ignorant les conséquences écologiques ( érosion des sols, disparition des oiseaux et donc nécessité d'utiliser des produits chimiques pour remplacer ce que la nature faisait gratuitement avant).
Se basant sur des multiples archives, sur des témoignages et sur la thèse, en cours de rédaction, de Léandre Mandard, Inès Léraud a mené une enquête fouillée et édifiante sur cette histoire . Elle met à jour, en particulier les conséquences humaines, trop souvent ignorées et d'une grande violence. Elle met aussi en lumière les tentatives de résistance des agriculteurs , occultées, minorées ou réduites par la force.
Se lit enfin, en pointillés, le parcours de René Dumont, fervent partisan du remembrement et qui prendra seulement conscience à 70 ans des dégâts occasionnés, de leur ampleur et de leurs répercussions. Un remembrement-démembrement, un chaos, comme il est écrit dans cette enquête qui file sur l'étagère des indispensables.
Editions Delcourt 2024
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, roman graphique | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : inès léraut, pierre van hove
03/01/2025
Trois petits tours et puis reviennent...en poche
"Les hommes s'écroulaient. Les femmes faisaient front."
Jackson Brodie s'est installé dans un coin tranquille, en bord de mer dans le Yorkshire, se contentant de traquer les amours adultères la plupart du temps. Mais comme il en convient lui-même"...il n'avait jamais eu besoin de chercher les ennuis, comme Julia le lui rappelait souvent, les ennuis le trouvaient toujours."
Cet ancien militaire, ancien policier, toujours amoureux de son ex-femme Julia va donc se trouver mêlé simultanément à plusieurs intrigues que Kate Atkinson maîtrise parfaitement, sans jamais perdre son lecteur en route, ni le laisser frustré.
On retrouve avec plaisir des personnages rencontrés des années auparavant dans le roman A quand les bonnes nouvelles ? et c'est comme avoir des nouvelles d'amis perdus de vue mais qu'on n'a pourtant pas oubliés. Rassurez vous, ce roman peut se lire de manière totalement indépendante des autres aventures de Jackson Brodie.
Si les intrigues mettent du temps à se mettre en place et qu'on guette avec avidité les apparitions du héros qui, même malmené par les femmes, continue à toujours les défendre (et dans ce roman, elles en ont vraiment bien besoin), quand le récit trouve sa vitesse de croisière, on ne peut plus lâcher ce roman. Des personnages fouillés, des pointes d'humour, du suspense jusqu'à la dernière minute, que demander de plus ?
Traduit de l’anglais par Sophie Aslanides, JC Lattès 2020
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : kate atkinson
02/01/2025
Devenir zéro...en poche
Il sait que, une fois sacrifiée, l'intimité ne pourra plus être reconquise[...]. "
Envie d'un bon gros roman addictif , intelligent et bien mené? Alors précipitez-vous sur Objectif Zéro. L'intrigue ? Le test d'une intelligence artificielle qui, pour assurer la sécurité des États-Unis, dispose de moyens insensés pour retrouver n'importe qui n'importe où . Grâce à votre démarche, vos habitudes, la possibilité de fouiner dans votre passé, de transformer n'importe quel objet en micro qui vous trahira? C'est ce qu'affirme en tout cas Fusion qui pour valider cette application de surveillance des citoyens doit avoir l'aval de la C.I. A et lance donc un Bêta test. Dix participants ,ayant accepté les règles du jeu, tentent donc de remporter la somme de trois millions s’ils échappent à l'équipe de Fusion, ses algorithmes, ses caméras de surveillance et ses drones. Celle qui paraît la moins bien placée pour gagner est une insignifiante bibliothécaire et pourtant c'est celle qui leur donne le plus de fil à retordre...
Si la première partie du livre m'a donné une furieuse envie de vite me glisser à nouveau dans le roman pour voir qui de David ou de Goliath allait l'emporter, la deuxième m'a nettement moins enthousiasmée, les enjeux étant totalement différents. Il n'en reste pas moins que ce roman évoque des thèmes d'actualité cruciaux, sait ménager le suspense tout en brossant des portraits nuancés de ses personnages. Il file donc sur l'étagère des indispensables.
Éditions Denoël 2023, 464 pages. Traduit de l’anglais par Frédéric Brumen.
11:25 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : anthony mccarten
Avec un peu de retard...Bonne année !
11:19 Publié dans Bric à Brac | Lien permanent | Commentaires (11)
26/11/2024
L'agent
"Observant les convives, Anthony ne put s’empêcher de se dire que leurs vies valaient moins cher qu'une voiture d'occasion. Ça sautait aux yeux, à leurs vêtements, leur façon de parler, leurs dents mal alignées, et au simple fait qu'ils passaient leurs vacances dans un camping à Vierzon. Des vies méprisées et bradées par la société. Comme sa mère autrefois, qu'on laissait poireauter des heures derrière un guichet administratif et qu'on regardait sans aucune considération. "
Que voilà un attelage bizarre : à ma gauche, Anthony, agent de tueurs à gages, forcé, après une opération calamiteuse de prendre la poudre d'escampette; à ma droite, Thérèse, soixante-quinze ans, directrice d'une agence matrimoniale au bord de la faillite , qui se remet d'un AVC , prête à tout pour échapper à l’Ehpad.
Comment ils vont se rencontrer et aller se mettre au vert ensemble dans un camping à Vierzon n'est qu'une des nombreuses péripéties de ce roman à la fois drôle et caustique où ça défouraille à tout va entre des réflexions sur une société où "Les gens sont prêts aux plus viles manipulations du langage pour ne pas égratigner leur univers petit-bourgeois". Société où la vie de certains vaut largement plus que d'autres.
Il y est aussi question de solitude et de la nécessité de faire bloc, ensemble pou affronter le réel. Un bien joli programme mené tambour battant par Pascale Dietrich à son meilleur.
Liana Levi 2024, 190 pages à dévorer d'abord puis à relire attentivement, en n'oubliant surtout pas les nombreuses citations qui l'agrémentent.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : pascale dietrich
25/11/2024
Tentatives d'évasion
" Il avait quelque chose de timidement canaille, à la Claude Brasseur, mettons.
Je faisais les cent pas dans ce genre de pensées quand je l'ai vu, Christophe, planté à un mètre de moi.Il était là, vêtu d'un blouson an faux daim marron, de baskets à bandes scratch. Plutôt Victor Lanoux que Claude Brasseur,en fait. "
En six nouvelles, aux tonalités et personnages très différents, Cécile Reyboz scrute avec attention et humour parfois grinçant des hommes et des femmes qui voudraient faire un pas de côté, oser se lancer dans un relation amoureuse (et se rendre compte que l'autre n'est pas sur la même longueur d'ondes ou que soi même on est victime de ses préjugés) ou ,au contraire, rompre une relation amicale devenue pesante. Bref se lancer dans un projet, petit ou grand qui viendrait secouer la monotonie de la vie.
Petites ou grandes lâchetés sont évoquées parfois sous l'angle du fantastique , assez classique dans "Zor", d'une infinie délicatesse dans la nouvelle "Si tu veux" qui clôt de manière magistrale ce recueil où l'on se reconnaît volontiers dans ce miroir que nous tend l'autrice. Un pur régal qui confirme tout le bien que je pensais déjà de cette autrice.
Editions Quadrature 2024, 125 pages à savourer .
Envoi de l 'éditeur sans rémunération.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cécile reyboz
07/11/2024
Eden ..en poche
"Cela m'a fait comprendre que même si mon travail consiste à analyser la manière dont idées et sentiments se coulent dans le moule du langage, je n'ai pas toujours été très douée pour faire coïncider mes pensées avec mes paroles. Il est à la fois étrange et illogique qu'une souris soit à l'origine de telles réflexions , et il est plus bizarre encore que, juste après, j'aie décidée de construire un mur en pierres. "
Alba enseigne la linguistique à l'université de Reykjavík, participe à des colloques dans le monde entier sur les langues en voie de disparition , sans que cela soit suivi de beaucoup d'effet... Elle assure aussi la lecture et la correction d 'ouvrages pour une maison d'édition qui la tanne pour qu'elle lise un recueil de poésie, ce que la jeune femme semble toujours remettre à plus tard.
Du jour au lendemain, peut être à la suite d'un rêve, la trentenaire décide d'acquérir une maison dans la campagne islandaise et de planter une forêt de bouleaux.
Tous ces faits, en apparence juxtaposés, trouveront progressivement leur explication, parfois données par le père, la sœur d'Alba ou d'autres protagonistes de ce roman que j'ai dévoré d'une traite avant de le relire dans la foulée plus posément cette fois.
Il y est en effet beaucoup question de mots, et l'on y découvre au passage, le fonctionnement ardu de la langue islandaise, mais aussi de nature, de réfugiés et du changement climatique, le tout sans aucune leçon donnée.
Tout y est fluide, aussi bien le style que la manière dont les gens passent d'un métier à un autre, ou le temps de la neige en mai au soleil radieux. Un pur délice qui file, bien évidemment, sur l'étagère des indispensables.
06:03 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : audur ava olafsdottir