06/05/2025
On rêve tous de l'impossible
"-Vieillir n'est pas fait pour les âmes sensibles, plaisante Jonah.
-Je suppose que c'est mieux que de ne pas vieillir.
- Très juste."
Edi et Ash partagent une relation d'amitié très forte depuis l'enfance , riche d'humour et de bienveillance. Elles n'ont jamais lâché prise, face aux remous de la vie, mais Edi , en phase terminale d'un cancer, doit partir dans un établissement spécialisé où on pourra l'accompagner dans ses derniers instants.
Rien de très attrayant à première vue, mais l'énergie, l'humour des personnages hauts en couleurs font de ce roman un texte qui célèbre la vie, sans chichis, sans pathos, sans grandes formules péremptoires.
Franchement, j'aimerais qu'un tel établissement, où les animaux des patients sont acceptés, où le personnel, aidé de volontaires, a le temps et les moyens d'adoucir les derniers moments de leurs patients, existe en France .
Editions Robert Laffont 2025.
Traduit de l'anglais (E-U) par Aline Azoulay-Pacvon.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : catherine newman
05/05/2025
La conquête de l'espace
"Comment ne pas se noyer dans le bouillon opaque de l'insécurité féminine, breuvage millénaire qui sape notre énergie créatrice ? "
L'achat d'une vieille maison "biscornu[e], et pourtant solide" à Saint- Sauveur- en -Puisaye , là où Colette a passé une enfance sauvage et libre, va amener l'autrice-narratrice à se remémorer son passé, ses relations avec ses mère et grand-mère maternelle et interroger son besoin de création.
Va aussi s’affirmer chez elle, la nécessité de marcher seule dans les bois, malgré ses angoisses angoisses partagées par de nombreuses femmes, mais " Au pire que peut-il m'arriver ? Mourir ? Mais ne meurt-on pas un peu quand on n'obéit pas à ses désirs ? ".
Convoquant, bien évidemment l'autrice de La Maison de Claudine, mais aussi Duras, Mona Chollet ou Vinciane Despret, entre autres, Muriel Boselli , avec une écriture poétique, allant droit à l'essentiel, nous livre ici le récit d'une quête essentielle, à la fois intime et universelle qui parlera à toutes celles qui s'intéressent à la créativité. A lire et relire. Et zou , sur l'étagère des indispensables.
Editions La Tribu 2025
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : muriel boselli
02/05/2025
#Commeunhamsteràlunettes #NetGalleyFrance !
Précision importante: la collection "Bestial" accueille des auteur.e.s d'origines très différentes qui envisagent leur rapport à l'animal. C'est donc plus pour le hamster que pour l'autrice, actrice, vidéaste Web, chroniqueuse, scénariste, réalisatrice et militante féministe française, que je ne connaissais absolument pas, question de génération sans doute, que j'ai choisi cet ouvrage.
"En sortant de l'enfance, je me mets à haïr la fragilité, la douceur, la délicatesse, la sensibilité. Ces qualités que je cherchais et qui ne m'ont protégée de rien ni de personne. J'anesthésie à la demande les paries de moi qui ont le cuir fin, pour fabriquer tout autour de moi une enveloppe aux griffes acérées. "
Depuis l'enfance, l'autrice s'est identifiée au hamster "pauvre petit animal en cage" , symbole de douceur, totalement inadapté dans un monde qu'elle ressent comme agressif, que ce soit chez elle (avec sa sœur qui la maltraite), à l'école, ou plus tard dans le monde du travail.
Elle s'est d'abord étonnée puis a constaté: "C'est donc à moi de comprendre la violence du monde envers moi. Le monde, lui ,n'essayera jamais de comprendre sa violence envers les choses plus petites ou plus fragile. Comme si la puissance cachée derrière la douceur faisait terriblement peur à cette humanité. "
Elle nous relate donc dans un premier temps "la complainte rouillée de ce narratif" avant de constater qu'elle fait partie d'une génération "paradoxale" : "on ne veut pas ce qu'ont eu nos parents, sans pour autant être prêtes à abandonner notre romantisme." et de prôner la sororité.
Une vision intéressante, qui interroge sur nos relation aux autres.
Merci aux Editions Lattès et à Netgalley.
06:00 Publié dans Essai, Récit de vie | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : marion séclin
29/04/2025
Rappel à la vie
"Quand je vois des joggeurs par les vitres de ma voiture, je leur trouve toujours un petit air désespéré, comme s'ils couraient pour fuir ce qui les rend malheureux. Mais c'est peut-être justement pour ça que je vais commencer, pour garder une longueur d'avance sur mon propre malheur avant qu'il ne me rattrape et que je ne puisse plus m'en débarrasser."
"Du canapé aux cinq kilomètres" est un programme de running permettant de lutter contre la sédentarité. Différents personnages , ayant des problématiques et des âges différents, vont le rejoindre et tisser des liens, permettant ainsi de lutter contre leur isolement, leurs doutes, faire même preuve de solidarité en dehors de la course.
Un peu trop programmatique à mon goût, pétri de bonne intentions, ce roman choral très très court (123 pages) fait le job des romans feel good mais sans vraiment susciter l'émotion.
Traduit de l'anglais (Irlande du Nord) par Cécile Arnaud.
Editions La Table Ronde 2025.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : david park
28/04/2025
Pour tout le monde en même temps
"L'écriture m'aide, mais c'est l'amitié qui me sauve. "
Pendant le confinement, Sophie Divry choisit de vivre à Lyon, dans son appartement où la fin d'une relation la laissera totalement seule. Elle choisit ici de nous livrer des extraits de son journal intime, tenu du 16 mars 2020 au 11 mai 2020, et de les faire résonner avec des interviews, réalisées quatre ans plus tard ,des gens avec lesquels elle était en contact, à cette époque si particulière.
Liberté est laissée aux lecteurs, lectrices de se rendre directement , ou pas, à ces échanges dont les références sont données à chaque fois.
Des phrases extraites de discours, politiques, médiatiques, scientifiques, émaillent également cet objet littéraire avec des typographies différentes, voire en bleu, pour mieux nous replonger dans cette ambiance où le mot "guerre" résonnait sans cesse.
Ressentis différents, analyses politiques ou psychologiques, adaptation-ou pas-, soumission ou ruses pour gratter quelques moments de liberté, quelques espaces où respirer enfin, tout cela se donne à voir dans un récit très tenu, pudique mais qu'on devine très sincère. 137 pages qui nous replongent aussi dans nos souvenirs pour prolonger la réflexion. Un livre qui ne donne pas de leçons, ne verse pas dans l'introspection à outrance, mais propose un échantillon varié de ressentis intéressants dans une forme singulière et parfaitement adaptée. Un grand bonheur de lecture.
Editions du Seuil 2025.
06:00 Publié dans journal intime, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : sophie divry
24/04/2025
Respect
"On sait aujourd’hui que les femmes violentées s'anesthésient pour survivre, et retournent ensuite aveuglément à la violence pour retrouver ce calme cette espèce d'absence à elles-mêmes qui premier les a "protégées". C'est ingénieux ce mécanisme, mais combien terrible puisqu'il augure une longue suite de prédations que les ignorants appellent le consentement. "
Il ne s'agit pas ici de règlement de compte ,ou d'auto-apitoiement comme pourraient l'estimer certains, mais de la volonté de comprendre pourquoi, à partir du viol de la petite Anouk de sept ans, viol que son père n'a pas voulu entendre parler, n'a pas voulu croire, les violences se sont succédé dans la vie de celle qui allait devenir la "muse" d'un cinéaste misogyne.
Il s'agit aussi du récit d'une femme qui a su remonter vers la lumière et témoigne avec des mots très forts, car elle est une créatrice à part entière, des répercussions au long terme des violences sexuelles sur les enfants.
Je n'ai pas pour habitude de lire ce genre de texte, mais l’intensité et la qualité littéraire de ce texte , découverts grâce à la Grande Librairie, m'ont aussitôt donné envie de le découvrir et je ne le regrette absolument pas.
Editions Julliard 2025.
06:50 Publié dans Autobiographie | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : anouk grinberg
23/04/2025
L'affaire Petit Prince
"Quand on y réfléchit deux secondes, on s'aperçoit que la littérature, les contes, les mythes et les légendes sont pleins de très curieux, de très coupables silences. Et qu'il y a des criminels impunis qui courent dans tous les sens. Alors, on reprend les faits depuis le début. Un bon détextive se pose les bonnes questions, émet des hypothèses, les teste en trouvant des indices dans les textes, en cherchant des suspects, en évitant les pièges et les fausses pistes."
Sous prétexte d'une enquête policière mettant en scène le détextive Pierre Bayard et son associée Édith, c'est à une relecture du roman de Saint Exupéry ,pleine d'humour , de pertinence et d'espièglerie que nous propose ce premier opus des aventures de "Pierre Bayard Détextive Privé".
Aidé de deux adolescents, l'ingénieux Minuit-Pile et l'indisciplinée mais attachante Bas-de-Casse, les deux héros vont se lancer dans une quête qui permettra, entre autres, de faire comprendre à de mal embouchés (et ennemis de Pierre Bayard) la différence entre auteur et narrateur, dans un univers qui rappelle parfois Harry Potter.
L'objet en lui-même est par ailleurs très beau et j'attends déjà avec impatience le second tome consacré à Peter Pan, héros qui a bien plus mes faveurs que le Petit Prince, même si grâce à Clémentine Beauvais, je l'ai envisagé de manière plus positive.
Sarbacane 2025.
06:03 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : clémentine beauvais
22/04/2025
Les morsures du silence
"Céder n'est pas consentir. Parfois le silence est la seule arme ou le seul bouclier à portée de main. "
Un adolescent, vêtu comme Sainte Lucie, le crâne fracassé, a été retrouvé sur l’île suédoise de Lidingö.
Ce meurtre n'est pas sans rappeler celui d'une jeune fille, dans les mêmes circonstances, vingt-trois ans plus tôt. Or, le meurtrier, petit ami de la victime, a toujours clamé son innocence en prison.
Après une ouverture glaçante, le récit se met en place avec deux enquêteurs , bien campés : le commissaire Aleksander Storm , qui sera officieusement aidé par une Maïa Rehn, une policière française. Cette dernière est en deuil de sa fille et ce thème court tout le long de ce roman qui fait la part belle aux tourments de ses personnages.
L'intrigue est très bien ficelée et le point de vue extérieur de la Française sur la vie quotidienne suédoise apporte un plus très intéressant. Un roman qui se dévore et qui m'a donné envie de découvrir les autres polars de cette autrice française qui vit en Suède depuis plusieurs années.
Editions Calmann-Lévy 2025.
06:00 Publié dans romans étrangers, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : johana gustawsson
12/04/2025
#MonvrainomestElisabeth #NetGalleyFrance !
" Est-ce cela, le sentiment d'une dette de mémoire? Suis-je la seule à l'entendre, ce cri qui me déchire les tympans alors que je remonte les allées encombrées, pressée entre les rangées d'étagères ? "
Parce qu'elle a peur de devenir folle, l'autrice, chercheuse en études cinématographiques, décide de mener l'enquête sur son arrière grand-mère, Élisabeth, dite Betsy, diagnostiquée schizophrène dans les années 1950.
Les langues ont du mal à se délier, certains membres de sa famille refuseront carrément de s'exprimer, tout en l'encourageant à poursuivre son enquête, mais affirmant ne rien vouloir en savoir...
Le parti pris d'Adèle Yon est de nous relater avec précision ses découvertes, ses échecs et de nous brosser un portrait nuancé et varié suivant les points de de cette femme, trop libre pour son époque, qui a eu le malheur d'épouser quelqu'un qui aspirait à la sainteté (rien que ça) mais ne s'est pas privé de profiter de la vie tandis que son épouse était enfermée et subissait une lobotomie.
Les lettres d'Elisabeth sont particulièrement émouvantes et d'un certaine manière, annoncent la tragédie en marche.
Mais il n'est pas question que d'émotion car Adèle Yon analyse avec acuité la manière dont la psychiatrie à cette époque, bras armé du patriarcat, entend tout à la fois contenir le corps et l'esprit des femmes car "La lobotomie, comme les opérations sur la sphère génitale avant elle, n'est que la traduction médicale d'une violence sociale et institutionnelle déjà à l’œuvre, par laquelle une partie de la population s'arroge légalement des droits sur le corps d'individus considérés comme inférieurs." J'ai aussitôt pensé à Rosemary Kennedy, sujette à des sautes d'humeur et qu'une lobotomie laissa handicapée mentale pour le restant de ses jours.
Un roman-enquête qui suscite la colère (comment ne pas comprendre celle d' Élisabeth? ), aux grandes qualités littéraires.
Merci aux Editions du Sous-Sol et à Netgalley.
07:00 Publié dans Essai, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : adèle yon
11/04/2025
#LaViecontinuéedeNellyArcan #NetGalleyFrance !
"Elle est, avec un génération d'avance, l'enfant pointant du doigt le souverain pour déclarer "le roi est nu". "
Nelly Arcan, née Isabelle Fortier, était encore il y a peu rangée au rayon "sociologie" (Canada) , au mieux qualifiée d'""autrice de la sexualité", ou réduite à son statut de phénomène médiatique".
Difficile en effet de ranger dans une case cette femme dérangeante qui ,dans son premier texte, Putain, relate son expérience, librement choisie, d'escort , quand elle était étudiante.
Il aura fallu une dizaine d'années pour que son statut d'écrivaine soit reconnu et qu'en France, Pomme lui consacre une chanson et que Louise Chennevière mette en parallèle son destin avec celui de Britney Spears dans un roman pour que son nom parvienne à mes oreilles.
Johanne Rigoulot,dans ce texte part sur les traces de Nelly Arcand, pointant du doigt les contradictions, les failles de cette femme qui avait besoin de visibilité et qui se faisait malmener à la télévision par les machos de service, des deux côtés de l'Atlantique. Trop souvent ramenée à son physique de Barbie, on omettait de souligner la puissance de son écriture, dont un extrait de Putain suffit à nous convaincre.
L'autrice établit aussi des comparaisons entre son propre parcours et celui de Nelly, conférant ainsi une portée plus large ses destins empêchés de femmes. L’écriture est magnifique et j'ai souligné à tour de bras de nombreux passages. Il ne me reste plus qu'à entamer la lecture de Putain.
Les Avrils 2025
Merci à l'éditeur et à Netgalley.
06:00 Publié dans Essai, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : johanne rigoulot