Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

14/11/2011

Paris gare du Nord

" C'est parce que cela dure que quelque chose arrive. C'est la durée qui est exceptionnelle."

En mai 2011, Joy Sorman, passe une semaine en résidence d'écrivain...Gare du Nord à Paris. Une semaine pour exploiter les coulisses , s'imprégner de l'ambiance et surtout découvrir,avec l'aide des gens qui travaillent là, ce qu'elle ne voyait pas : les prostitués sur le parvis, les subtiles différences entre ce qui dépend de la SNCF et ce qui dépend d'Eurostar par exemple.joy sorman
L'écrivaine mettra aussi des mots sur ce qu'un employé , pudiquement, s'obstine à appeler "Incidents humain" et qui sont bel et bien des suicides. Au fil des rencontres et des découvertes, se constitue un tableau endroit/envers d'un monde qui va marquer physiquement l'auteure : ""Complètement groggy. je suis un corps friable qu'on a plongé dans un bain pendant une semaine. un bain révélateur, celui qu'on utilise pour développer les photos. L'ivresse produite par le temps passé à ingurgiter la gare par tous ses bouts mettra sans doute quelques jours à se dissiper."
Se poser dans un endroit défini par le passage,  expérimenter une contrainte (lieu/temps) et explorer ce que d'habitude le public ne voit pas, voici un livre qui satisfait plusieurs de mes péchés mignons. Un seul regret: l'écriture qui m'a parue un tantinet trop neutre. Un livre qui pourtant m'a donné envie de poursuivre ma découverte de Joy Sorman que j'avais suivie tout un été sur France Inter.

Paris Gare du Nord, Joy Sorma, Gallimard 2011, 75 pages pour les curieux.

22/08/2011

So long, Luise

"Un jour, je ferai cesser ce gourgandinage."

Qui dit testament dit en général roman bien huilé, secrets de famille, amour, haine , règlements de comptes grinçant à tous les étages.céline minard
Rien de tel chez Céline Minard . Si la narratrice- dont nous ne connaîtrons jamais la véritable identité- romancière de son état, revient bien sur son passé, éclairant pour sa compagne, Luise, des événements dont cette dernière n'avait pas perçu toutes les facettes, c'est pour mieux pulvériser tous les clichés du genre et montrer la toute puissance des mots.
En effet, par ce qu'elle appelle jactance, la narratrice arrive à produire les effets les plus divers chez ses auditeurs médusés. Effet hypnotisant du langage parfaitement manié.
De la même façon, mêlant anglais et ancien français par petites touches, convoquant gnomes, pixies et brownies dans une sorte de flot tour à tour furieux et serein, au gré des humeurs de sa narratrice, Céline Minard entraîne son lecteur dans un texte surprenant à plus d'un égard, poétique, ludique et parfois érotique, qui le laisse parfois désorienté mais épaté par tant de virtuosité (mais comment fait-elle? !!)et d'amour du langage. Mensonges , (re)création voire récréation ,car l'humour est souvent présent, sont au coeur de ce roman jubilatoire  qui est aussi un acte d'amour...On glisse d'un univers à un autre de manière imperceptible , tout ne sera pas éclairci ,mais peu importe car il faut se laisser charmer- au sens fort du terme- par cette narratrice qui fait les quatre cents coups et ne s'en laisse compter par personne, colonie de nains bûcherons ou auto-stoppeur !
Céline Minard use du langage comme une magicienne, montrant dans ce vrai-faux testament que "nous ne possédons rien, si ce n'est la puissance et, peut être le talent de recréer, allongé sous un saule dans un fauteuil articulé, ce que nous avons soit-disant déjà vécu."

So long, Luise, Céline Minard, Denoël 2011, 215 pages frappées, à déguster cul-sec !

Et zou sur l'étagère des indispensables !céline minard,bizarrement ce livre m'a fait penser à l'album Never for ever de kate b

11/03/2011

Pfff

"Walter n'est pas en pleine forme, il oxymore follement, il a le chiasme en délire, il trope à s'en écorcher l'âme."

Attention : soit vous adorerez ce livre, soit vous le laisserez tomber en expirant sont titre : Pfff !
Je l'ai moi-même abandonné dans un premier temps , trouvant les personnages  un peu trop pimpants, mécaniques, comme ces personnages de baromètres qui sortent tour à tour et ne se rencontrent jamais mais je ne sais quoi dans le style, m'avait donné envie de lui redonner une chance et j'ai bien fait !hélène sturm,surprenant,fascinant,pétillant
Car oui, les personnages évoluent dans un tout petit univers , un quartier, quelques immeubles et deux bistrots mais ils sont versatiles, plus complexes qu'il n'y paraît à première vue, changeant de noms ou de prénoms au détour d'un paragraphe , au fur et à mesure de leur évolution, discutent des subtiles couleurs des cachemires , posent des caméras indiscrètes ou assassinent sans état d'âme avant que d'écouter un fado.
Il est beaucoup question d'amour,  de littérature et on fait le grand écart entre Belle du seigneur qu'abhorre un personnage, rêvant de le jeter au fond d'une poubelle de restaurant pour que personne en vienne l'y chercher ,même avec des pincettes et les petits livres bleus que rêve d'éditer Odile, lectrice pour une maison d'édition.
C'est délicat, parfois coquin, plein de charme et de fantaisie, la langue est riche mais sans affectation, (on rêve d'un cachemire fuligineux ) et on cherche le nom adéquat pour un magasin ou pour un animal avec une précision exemplaire.
Le style est ample et délié, on devine l'auteure gourmande de mots, et une fois intégré les nombreuses surprises du texte, on se laisse porter par ce récit qui ne cède jamais à la facilité du tout-beau-tout-rose et se conclut par une dernière pirouette qui clot le livre sur lui-même. "C'est aussi délicieux que le toboggan à quatre ans, le grand huit quand on en a douze , que le premier crime quand on est un tueur débutant."

Pfff, hélène Sturm, Editions Joëlle Losfeld 2011, 234 pages délicieuses.

Merci à BOB et aux Editions Joëlle Losfeld

05/11/2010

Tomates

"...ça se passe toujours bien mieux quand on est écrivain."

La narratrice s'occupe de plants de tomates , d'où le titre. Et partant de cette action apparemment anodine, elle en vient à élargir sa pensée à tous les intellos qui ont un jour songé au retour aux champs et convoque le théoricien socialiste Blanqui, qu'elle a relu ,ainsi que les membres du groupe de Jarnac qui ont été arrêtés et emprisonnés. Et ainsi de suite.41PChahcqQL._SL500_AA300_.jpg
Ce qui se donne à lire ici est donc une pensée en mouvement, procédant par sauts et fréquentes notes en bas de page, une structure éclatée pour évoquer la théorisation de l'action révolutionnaire et violente. Le tout suivi de textes en annexe pour approfondir.

Un texte qui m'a laissée perplexe car il se termine de manière abrupte et ne m'a finalement rien apporté. Je crois.

ça m'apprendra à écouter d'une oreille les conseils d'un chroniqueur de France Inter un jour de pluie -intense la pluie-  sur l'autoroute.

Tomates, Nathalie Quinntane, POL 2010, 135 pages pour lesquelles je ne suis pas équipée de suffisamment de neurones, sorry.

Antigone a plus apprécié ces Tomates !

02/11/2010

Télescopages

"C'est dangereux d'être une ménagère..."

Télescopages ? De drôles de petites fiches rédigées par Fabienne Yvert entre 1999 et 2002 et envoyées à quelques abonnés.51J6u0+qTDL._SL500_AA300_.jpg
Télescopages car s'y côtoie aussi bien des instantanés de vie, la voisine qui exige un cadeau d'anniversaire, les aléas de la vie dans un cabanon marseillais qui offre une vue imprenable sur la mer depuis la porte ouverte des cabinets mais pas mal de soucis aussi, des textes plutôt courts ou se faufilent quelques bestioles- une souris, une araignée et un scorpion- des remarques humoristiques et/ou poétiques. Un ensemble totalement foutraque qui séduit le lecteur aimant le côté éclaté de l'ouvrage même si comme le remarque un abonné l'ensemble perd de son énergie dans la deuxième partie. Un portrait  éclaté et en creux d'une artiste circulant entre Paris Marseille et le Havre, un peu frustrant car on aimerait en savori plus sur ses pratiques artistiques mais diablement sympathique.

Télescopages, Fabienne Yvert, Editions Attila 2010, 197 pages fourmillant aussi d'illustrations .

10/09/2010

Encyclopédie capricieuse du tout et du rien

"Le danseur vieillit charolais et la danseuse, osselets.

Un peu plus de 400 grammes (en format poche), 844 pages dument organisées dans la Liste des listes, 844 pages où fôlatrer avec le sourire, parfois agacé par certains jugements à l'emporte-pièce, mais le plus souvent le sourire aux lèvres , cueillant au passage une citation, une information (même si ce pavé n'a rine à voir avec les Miscellanées de Mr Schott car l'adjectif "capricieuse" souligne bien la subjectivité revendiquée de l'auteur ).51MzXvRmU3L._SL500_AA300_.jpg
Les listes ne sont pas forcément lapidaires mais se présentent aussi sous la forme de textes , suivant notre envie de picorer ou de s'attarder sur La liste des femmes comme en voudrait dans sa famille (Louise Labé en tête), la liste des nuages ou celle qui clôt le recueil: La liste de listes à établir, de quoi nous donner des envies d'écriture...
N'ayant jamais lu cet auteur, cette encyclopédie me donne une furieuse envie de poursuivre sa lecture et d'ailleurs, avec un grand à propos figure après la liste des crédits d'illustration (car oui il y en a mais bon, peut mieux faire ) la liste d'ouvrages du même auteur ainsi qu'un florilège extrait de son dernier ouvrage, Pourquoi Lire ?

C'est vif, brillant et ça agace juste ce qu'il faut ! Et ça vient de sortir en poche (10 euros)

 

29/06/2010

Plaire aux vaches

"La vie s'organise dans la durée."

Un petit livre vert (pâturage) qui se cale bien en main , plein d'informations pour mieux connaître les vaches et établir avec elles une relation sereine et harmonieuse.
Quelques traits de poésie  viennent relever ces conseils de base* qui seront bien utiles à ceux qui voudraient se lancer dans l'élévage bovin.51GJSJH0CZL._SL500_AA300_.jpg
Un état d'esprit bien éloigné de la productivité à tout prix et de la gestion à court terme.

Plaire aux vaches, Michel Ots, Atelier du gué 2001, 118 pages qui respirent le bonheur.

* confirmés par un agriculteur !

06/11/2009

Brève histoire des fesses

"Douce , discrète" chez Bonnard, "grassouillette" chez Renoir, "grimaceuses" chez Rubens, de la plus haute antiquité ,à laquelle elle remonte bien évidemment, à nos jours, Jean-Luc Hennig l'a traquée sans relâche. Qui donc ? La fesse, bien sûr!
Dans l'art, la science, la corrida, le sport, l'histoire, le faits-divers, il la repère partout et nous la livre dans tous ses états.
Son style alerte et savoureux nous donne le sourire et nous dégustons , chapitre après chapite cette Brève histoire des fesses que Zulma (vierge folle !) a eu l'excellente idée de rééditer.51Xhe2T+uiL._SL500_AA240_.jpg
Juste un extrait qui vous donnera envie, j'en suis sûre de regarder d'un autre oeil, les joueurs de rugby : "La fesse du rugby, c'est la fesse qui a de la carure, la fesse-baraque, la fesse bourrique, c'est la fesse de la mêlée. Spécialement la fesse des troisièmes lignes, puisque ce sont celles que l'on voit le mieux. Qu'est-ce qu'une mêlée, sinon une cohorte de culs emboîtés qui forment une sorte de tortue de deux tonnes, de rosace infernale ou de roi des rats des culs ? Gigantesque monstre fessier incohérent et vivant , qui se déplace brusquement, par à-coups, pour finalement exploser dans l'atmosphère et se reconstituer ainsi trente-cin fois par match."
Quant à ceux qui voudraient  pousser la dévoration jusqu'à la frénésie, ne ratez surtout pas (mais loin de tout repas, afin d'éviter la nausée) les confidences du cannibale japonais ,qui avait boulotté une étudiante néerlandaise,et qui précise dans son autobiographie que "les fesses avaient fondu dans sa bouche comme du thon cru."

Bref, tant d'érudition et  de diversité, le tout sous une plume aussi imagée font de cette Brève histoire des fesses un indispensable à toujours avoir sous la main pour y piocher en cas de disette !

Brève histoire des fesses, Jean-Luc Hennig, éditions Zulma.


21/05/2009

La maison en chantier, éloge du plâtre, de la poussière et du pot de peinture

Allez savoir pourquoi le mot "éloge" (malgré  de nombreuses  déconvenues made in folio,2 euros) exerce sur moi  un attrait irrépressible.  Quand,  de  plus, lui  sont accolés  des mots aussi incongrus que "plâtre " et "poussière", ma curiosité est aussitôt mise en éveil et je craque bien évidemment!
Bien m'en a pris car si en matière de chantier (et non de bricolage ou rénovation, comme le précise l'auteure)  je ne fais que subir et non agir, j'ai  été totalement conquise par le texte de Christine Brusson.
Comme elle le souligne  "Rares sont les travailleurs manuels  qui  écrivent" et on pourrait ajouter :d'une manière aussi originale , poétique et iconoclaste qu'elle.
Parce qu'elle s'est elle même consacrée  à cet art du chantier après des études de lettres et d'architecture , l'auteure -qui a par ailleurs rédigé Rénovation intérieure de A à Z- a donc  toute  légitimité pour nous parler de manière  pratique (schémas à l'appui), mais  aussi vivante et charnelle des liens qui unissent le corps humain, la maison et le monde.
Dans ce court livre,  composé de 64 chapitres mêlant références littéraires-une petite sélection de livres clôt le texte-architecturales ,  poétiques , Christine Brusson  , balaie les  idées reçues,dédramatise  le  chantier, nous montre tout ce qu'il lui apprend et nous transmet son  "même amour passionné des  livres et des maisons".41SHeZiooPL._SL500_AA240_.jpg
Elle nous dit la matière (très belles  pages à la  fois instructives et poétiques sur le plâtre et la poussière), le rapport au corps  , à la vie, à tout ce qui s'inscrit dans les  maisons et en nous. "Mettez-vous au travail.  Commencez par planter un clou, puis  deux , puis dix. Vous verrez,  cela  ira de  mieux en mieux.  De mieux en mieux, je vous assure".  Et on a envie de la croire tant son énergie est contagieuse.
Un livre  total, où  l'humour et la  sensualité se faufilent, -qui aurait pensé que le  chantier donnait envie  de faire l'amour ?-,un livre où piocher citations à l'envi , tant sur la chantier que sur une pratique de vie et de liberté. Un livre charnel et puissant qui va m'accompagner longtemps, je le sens car après l'avoir lu et corné abondamment, je vais régulièrement y piocher  au hasard et recorner sans vergogne de nouvelles pages...

Christine Brusson,  La  maison en chantier,  éloge du plâtre et de la poussière et du pot de peinture.

Editions des Equateurs,  200 pages intenses.

 

A propos du mot chantier: "Il  évoque un lieu interlope empli de matériaux et d'outils,  où le corps, oublieux  de lui-même et du temps,  avec générosité, s'use et s'amuse."

"Les maisons ressemblent aux arbres. On s'y hisse pour s'y cacher.
On sent cela dans les romans : les maisons sont des personnages. Chez Dickens, par exemple, écrit l'architecte danois Rasmussen, "les maisons et les intérieurs  acquièrent de façon démoniqaue une âme correspondant à celle des habitants."
Oui, elles abritent une âme, ou quelque chose qu'on peut nommer ainsi, une conscience. Elle est  là, elle vous regarde dans les coins d'ombre, la lumière de midi, l'élégance des courbes où tremblent les rideaux de mousseline, le vent dans la cheminée, la présence et l'absence des gens aimés. On pense à ceux qui ont habité là avant nous.Parfois dans une pièce, d'où vient cette impression que q
uelqu'un nous regarde ? "