30/01/2024
Éruptions, amour et autres cataclysmes
"Ah, les scientifiques, vous êtes toujours tellement pessimistes, rétorque Sigridur Mari. La nature islandaise a toujours été dangereuse et imprévisible, c'est ce qui fait tout son intérêt. "
Anna fait partie des meilleurs spécialistes des volcans en Islande. Dès l'enfance, grâce à son père, elle a été imprégnée de leur poésie, de leur imprévisibilité aussi. Membre du conseil de sécurité, elle est amenée à prendre des décisions qui doivent à la fois rassurer le public (et les touristes en particulier car le tourisme est l'une des ressources financières de cette île) et préserver la sécurité de tous.
Une éruption sous-marine ayant eu lieu, il convient de s'assurer que cette activité volcanique ne va pas s'étendre...
La tâche est rude pour notre héroïne car, la rencontre d'un photographe va l’amener à remettre sa vie amoureuse (un peu trop plan plan) en question, au risque de détruire sa famille.
D'emblée le récit nous plonge au cœur du monde des volcans et de la relation si particulière que l'Islande et les Islandais entretiennent avec eux. L'écriture se fait ample, poétique et on ressent parfaitement la passion d'Anna que l'autrice nous fait partager.
Je reste plus mitigée sur la vie privée de la géologue mais la description d'un accouchement et des pensées de la parturiente liées aux forces telluriques est un morceau de bravoure que je n'oublierai pas de sitôt. En outre, le récit n'épargne pas le lecteur et joue avec ses nerfs dans la dernière partie du roman. Une réussite et l'on tourne avec bonheur les 336 pages de ce texte surprenant à plus d'un titre.
Éditions Gaïa 2024, traduction d'Eric Boury.
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19/01/2024
L'été de la sorcière...en poche
"Son entraînement pour devenir sorcière était bien différent de ce qu'elle avait cru au début, mais tout était nouveau pour elle et amusant malgré tout. "
L'annonce de la mort de sa grand-mère, d'origine anglaise mais totalement intégrée à la culture japonaise, est pour la jeune Mai l'occasion de revenir sur ce séjour qu'elle avait effectué deux ans auparavant auprès de cette femme atypique, un peu sorcière selon les dires de la mère de la jeune fille.
Ce n'était pas une époque facile pour Mai, trop angoissée pour continuer à suivre ses cours au collège. Mais sa grand-mère avait su l'apaiser par un rythme de vie régulier au sein d'une nature tout sauf idyllique, où la mort avait autant sa place que la mort.
Grâce à une écriture en apparence simple, mais pas simpliste, des personnages aux caractères bien moins lisses qu'il n'y paraît à première vue, l'autrice réussit un tour de force: évoquer des thèmes puissants tout en apaisant ses lecteurs.trices. Voilà qui relève bien d'un peu de magie et donne bien sûr envie de découvrir d'autres œuvres de Nashiki Kaho.
Picquier 2021, traduit du japonais par Déborah Pierret-Watanabe.
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12/01/2024
#Premièresplumes #NetGalleyFrance !
"Désormais, Benzene est juste un oiseau comme les autres, et aucun oiseau ne sera plus jamais juste un oiseau. "
Quand le narrateur-auteur, Charlie Gilmour décide de prendre en charge le bébé-pie tombé (jeté ?) du nid dans une zone industrielle de Londres, il n'est pas conscient de ce qu'il va mettre en branle. Lui qui ne s'est jamais vraiment intéressé aux animaux , va être fasciné par cet oiseau accaparant, intelligent et sacrément tyrannique qui ira jusqu'à nicher des boulettes de viande dans ses cheveux !
Mais cet oiseau fait aussitôt écho à un fait marquant concernant son père biologique qui lui-même a élevé un choucas, autre membre de la famille des corvidés. Ce père, qui a fui quant Charlie était encore bébé, est un poète -magicien, expert dans l'art de s'esquiver et d'esquiver les responsabilités...
Le narrateur va donc , avec cet animal sauvage, expérimenter une forme de paternité (qui le préparera peut être à accepter lui-même de devenir père) , tout en cherchant à rétablir un lien avec son propre géniteur.
Dans ce roman autobiographique, l'auteur ne se donne pas le beau rôle , mais livre avec honnêteté ses questionnements, ses erreurs et décrit avec poésie, humour et émotion son parcours et les relations qu'il tisse avec cette pie, prénommée Benzene, mais aussi avec ses proches et en particulier avec son père adoptif, leader du groupe Pink Floyd.
Un magnifique roman autour de la paternité mais aussi des responsabilités de la prise en charge d'un animal sauvage qui lui a appris beaucoup et surtout que "Prendre soin des autres peut aller trop loin, devenir une captivité. "
Et zou, sur l'étagère des indispensables.
Éditions Métailié 2024, traduit de l'anglais par Anatole Pons.
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11/01/2024
Bivouac...en poche
"Comme les humains, les arbres isolés n'ont pas grand chance de survie. La résilience du bois vient avec la force du nombre , la prise de ses racines entortillées à une société de semblables. "
Quel plaisir de retrouver Anouk, Raphaëlle et Coyote, leur chienne ! Cette fois , les deux amoureuses vont se confronter à la vie en communauté , d'abord dans une éco-ferme communautaire puis , par la force des choses, au cœur d'une tribu de guerriers écologistes.
En effet, Gros-Pin , l’arbre préféré de Raphaëlle , est menacé d'être abattu et avec lui toute une partie de la forêt que les protecteurs de la nature voudraient protéger en en faisant une réserve faunique. Mais les intérêts économiques et politiques priment et la construction d'un oléoduc ne s’embarrasse ni de la biodiversité, ni des conséquences catastrophiques à plus long terme.
Gabrielle Filteau-Chiba, à son habitude, maitrise à la perfection l'art du récit et c'est pourquoi nous retrouvons un personnage,Riopelle, avec qui Anouk avait connu une liaison aussi brève que passionnée. L'occasion pour le lecteur de découvrir la vie de ces "eco-Warriors" qui ont fait le choix de sacrifier leur vie personnelle pour tenter de sauver la Nature. L'occasion aussi de confronter ses personnages aux fluctuations du désir et au polyamour.
La langue est toujours aussi belle, l'intensité dramatique aussi forte et le lecteur ne sortira pas indemne de cette lecture qui fait la part belle aux descriptions de le la forêt et des vies qui s'y déploient. Une réussite qui file sur l'étagère des indispensables.
PS: peut se lire indépendamment des deux volumes précédents , mais ce serait se priver de grands bonheurs de lecture.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : gabrielle filteau-chiba
10/01/2024
#SoupapesCie #NetGalleyFrance !
Quelle déception ! Moi qui avais adoré le roman de cette autrice Le dernier samouraï, je me suis sentie littéralement étouffer dans celui-ci. En effet, nous sommes enfermés dans les fantasmes (très répétitifs ) du narrateur, fantasmes, qui réduisent la femme à un objet dans lequel se soulager. Enfermés dans sa vie de vendeur à domicile qui échoue à vendre des aspirateurs. Ce qui nous vaut de nombreuses réflexions, peu passionnantes à dire vrai sur ce métier. Et quand le personnage met en place son idée destinée à éviter des soucis (accusations de harcèlement sexuel, voire pire) aux employés trop motivés des entreprises, j'ai touché le fond.
Le style , basé sur de nombreuses anaphores, contribue à cet effet d'enfermement et , pour le coup, il est efficace.
Sans doute suis-je passée à côté de ce livre. Dommage.
Éditions Du Cherche Midi 2024. Traduit de l'anglais (E-U) par Anne Le Bot.
06:00 Publié dans je ne regrette pas de les avoir juste empruntés, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : helen dewitt
09/01/2024
Nous étions le sel de la mer
" C'est facile d'aimer un rêve, un fantasme, une femme insaisissable, mais peut-être qu'au quotidien, dans l'au-jour-le-jour, Cyrille, comme n'importe quel autre homme, se serait fatigué d’elle, de son besoin d'indépendance, de son intensité. "
Catherine Day est venue à la recherche de ses racines en Gaspésie, dans une petite ville où les pêcheurs ont du mal à survivre.
La découverte du cadavre d'une noyée va provoquer bien des remous dans cette communauté soudée par le silence ,mais travaillée par les amours inassouvies. L'enquêteur Morales, fraîchement arrivé (et pas au mieux de sa forme), va se confronter à des personnages hauts en couleurs , mais pas forcément désireux de l'aider...
Jouant avec la temporalité et usant d'un style poétique, Roxanne Bouchard noue les fils de son intrigue avec maestria, même si l'enquête est bouclée de manière quelque peu expéditive, et l'on prend beaucoup de plaisir à cette lecture savoureuse.
L'Aube Noire Poche 2023.
06:00 Publié dans romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : roxanne bouchard
04/01/2024
Le Roitelet...en poche
"" Tu devrais écrire un livre dans lequel rien n'arrive. " J'ai trouvé l'idée d'autant plus séduisante que j'ai sous la main, avec ma vie très banale, une grande quantité de matière à partir de laquelle travailler. "
Quel plaisir de retrouver ici l'auteur du Jour des Corneilles ! Ici, il ne s'agit plus d'un père et de son fils mais principalement de deux frères, dont l'un est écrivain (l'auteur) et l'autre travaille dans une jardinerie. Ah oui, il est aussi schizophrène mais il ne faudrait pas le ramener uniquement à cette maladie qui le fait souffrir et rend son comportement parfois difficilement compréhensible aux autres tant ses remarques sont parfois étonnantes et lumineuses.
Dans ce texte, il est aussi beaucoup question de nature, d'animaux , d'écriture et c'est de manière apaisée, mais sans occulter les difficultés que Jean-François Beauchemin avec une écriture d'une finesse incomparable évoque cette relation fraternelle hors-normes.
Un texte dont les pages se tournent toutes seules et qu'il faut prendre le temps de relire pour encore plus le savourer. Et zou, sur l'étagère des indispensables.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jean-françois beauchemin
18/12/2023
Enfance: La Trilogie de Copenhague T1
"Istedgade est la rue de,mon enfance , son rythme battra toujours dans mon sang, sa vois résonnera toujours en moi et restera celle des temps lointains où nous nous sommes juré fidélité. La rue est toujours chaude et lumineuse, festive et palpitante, et elle m’enlace, comme si elle avait été inventée pour satisfaire tous mes besoins d’épanouissement. "
Un énième récit d'enfance pauvre et malheureuse ? Quasiment toutes les critiques concernant ce récit autobiographique de Tove Ditlevsen cite cette phrase : "L’enfance est longue et étroite comme un cercueil, on ne peut pas s’en échapper sans aide. " A plusieurs reprises d'ailleurs dans ce texte , l'enfance est associée si ce n'est à la mort, du moins à des champs lexicaux pour le moins négatifs.
Pour autant, ce qui transcende cette pauvreté, ce manque d'amour dont souffre la narratrice dans cette famille ouvrière danoise, est la certitude qu'elle doit écrire. Pour dépasser "la mélancolie grandissante" que Tove éprouve déjà . Pour exprimer ce qu'elle observe avec acuité dans cette famille où la solitude est un luxe . Il lui faudra surmonter les moqueries, les scandales que provoquent les poèmes qu'elle rédige pour l’instant et le fait d'être une femme ne viendra pas améliorer sa situation... Un ton vif , une écriture tantôt sombre , tantôt lumineuse et une narratrice au caractère bien trempé font de ce récit une réussite.
J'attends déjà avec impatience le second volume qui paraîtra en mars.
Un texte de Rosa Montero m'a donné envie de découvrir cette autrice... J'en parlerai demain.
Editions du Globe 2023, traduit du danois par Christine Berlioz et Laila Flink Thullesen
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14/12/2023
La maison des Tocards ( Slow Horses)
"La moitié du futur est enfouie dans le passé. Telle était l'idée qui prévalait dans le Service. D'où l'examen obsessionnel d'un terrain déjà retourné plusieurs fois pour tente de comprendre l'Histoire avant qu'elle ne se répète. "
Avouons-le c'est grâce à la série Slow Horses que j'ai découvert ce roman à la fois caustique et so british sur les services secrets britanniques , ce qui , à la base, n'est pas vraiment ma tasse de thé.
Mais l'histoire de ces agents dont, pour des raisons budgétaires , on n'a pas voulu se débarrasser mais qui , ayant sacrément merdé, végètent dans La maison des Tocards , sous l'autorité d'un chef crasseux, répugnant dernier vestige de la Guerre Froide a su m'embarquer.
On croit d'abord entrer dans un roman gentillet mais la violence est bien présente et le romancier n’hésite pas à sacrifier certains personnages auxquels nous nous étions attachés. La société britannique et ses services secrets sont dépeints de manière cynique mais avec un détachement de bon aloi. L'écriture est nerveuse et la série, si elle élague quelque peu l'intrigue, rend néanmoins justice à l'humour de l'auteur.
à lire et /ou à regarder absolument.
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11/12/2023
Objectif zéro
"Il sait que, une fois sacrifiée, l'intimité ne pourra plus être reconquise[...]. "
Envie d'un bon gros roman addictif , intelligent et bien mené? Alors précipitez-vous sur Objectif Zéro. L'intrigue ? Le test d'une intelligence artificielle qui, pour assurer la sécurité des États-Unis, dispose de moyens insensés pour retrouver n'importe qui n'importe où . Grâce à votre démarche, vos habitudes, la possibilité de fouiner dans votre passé, de transformer n'importe quel objet en micro qui vous trahira? C'est ce qu'affirme en tout cas Fusion qui pour valider cette application de surveillance des citoyens doit avoir l'aval de la C.I. A et lance donc un Bêta test. Dix participants ,ayant accepté les règles du jeu, tentent donc de remporter la somme de trois millions s’ils échappent à l'équipe de Fusion, ses algorithmes, ses caméras de surveillance et ses drones. Celle qui paraît la moins bien placée pour gagner est une insignifiante bibliothécaire et pourtant c'est celle qui leur donne le plus de fil à retordre...
Si la première partie du livre m'a donné une furieuse envie de vite me glisser à nouveau dans le roman pour voir qui de David ou de Goliath allait l'emporter, la deuxième m'a nettement moins enthousiasmée, les enjeux étant totalement différents. Il n'en reste pas moins que ce roman évoque des thèmes d'actualité cruciaux, sait ménager le suspense tout en brossant des portraits nuancés de ses personnages. Il file donc sur l'étagère des indispensables.
Éditions Denoël 2023, 464 pages. Traduit de l’anglais par Frédéric Brumen.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : anthony mccarten