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je voudrais tant que tu te souviennes
L'une, Mado, vit les yeux au ras du sol, traquant et photographiant les menues traces du temps.
L'autre, l'Indien, n'est jamais aussi à l'aise que sur les toits...
Entre les deux va se nouer une histoire d'amour en pointillés, celle prédite par Julide chargée de veiller sur Mado car "Elle est comme un verre qui se vide, par une brèche minuscule, une toute petite fêlure, et si tu ne prends pas soin de la remplir elle disparaîtra tout à fait."
Julide quant à elle , soumise au poids des traditions de son pays, est promise à un jeune homme qu'elle n'aime pas et trouve souvent refuge chez Mado,chez qui elle ressent une autre forme d'étrangeté au monde.
Tout cela aurait pu baigner dans une poésie trop sentimentale pour moi si la deuxième partie du roman, rebattant les cartes, ne venait brusquement tout remettre en question et présenter un autre angle de vision, une réflexion plus profonde sur le temps, les sentiments, l'exil à soi même et aux autres...
Dominique Mainard, Je voudrais tant que tu te souviennes, 364 pages tendres mais aussi parfois cruelles. Folio
09/07/2009 | Lien permanent | Commentaires (11)
Des vaches dans les nuages...
Grâce à Bellesahi qui m'avait envoyé ceci, j'ai découvert les Editions Motus. En me baladant sur leur site, je ne pouvais que craquer sur Une vache dans ma chambre .
Avec des mots en apparence très simples,Dominique Cagnard nous entraîne dans un monde à la fois onirique et très ancré dans la réalité :
"ETINCELLE
Elle mâche en dormant
et dort en se frottant à la lune.
Penchée
sur le livre de la prairie
Elle se laisse écrire par le vent."
En vis à vis de chaque texte, un photo montage en dégradés de noirs et blancs, qu'il faut prendre le temps d'observer pour ne rien rater des détails qu'y a semés Aude Léonard.
Dès la couverture d'ailleurs nous entrons dans une autre dimension (j'ai d'abord cru que le titre avait été imprimé à l'envers avant de me rendre compte que c'était le reflet d'une vache (invisible sur la berge) qui se donnait à voir dans l'eau :))
Quant au papier , épais juste ce qu'il faut et visiblement recyclé, il contribue à ce magnifique travail d'édition.
Dominique Cagnard aux mots et Aude Léonard aux images ont concoté une pure merveille, aussi bien pour les amateurs de poésie que pour les amoureux des vaches !
Un extrait du livre ici.
17/10/2008 | Lien permanent | Commentaires (9)
Quand tu seras mort Tu me donneras un souvenir ?
Le temps qui passe, la disparition , la vieillesse mais aussi la fraîcheur de l'enfance et les liens qui unissent petits -enfants et grands-parents, tels sont les thèmes qui courent au sein du recueil de Jean Rivet, Le soleil meurt dans un brin d'herbe.
Avec des mots simples, des mots de tous les jours, le poète dit le quotidien "Soucoupes blanches et fêlées (...)Et toi / Dans l'hypermarché",la beauté de la nature, dont les feuilles mortes se mêlent à celles d'un livre...
Il m'a fallu relire ces poèmes pour bien en apprécier la beauté faussement naïve, prise que j'étais dans un premier temps par les illustrations d'Aude Léonard. Jamais redondantes, ces photos montages transportent le lecteur dans un univers onirique où chaises et chaussure se promènent à leur guise, où les mots du poète s'affichent en liberté...
Encore une réussite des éditions Motus !
Le soleil meurt dans un brin d'herbe. Editions Motus. Jean Rivet. Illustrations d'Aude Léonard.
Un coup de coeur pour Brize !
20/11/2008 | Lien permanent | Commentaires (9)
”Les arcs-en ciel sont sourds et les trésors ont disparu.”
Pour empêcher la jeune L. de commettre le pire, l'ange (son ange gardien ? ), utilisant une régie particulière projette devant elle des moments clés de sont existence, qu'ils soient joyeux ou pénibles. Simultanément s'instaure un dialogue très animé entre les deux personnages , dialogue d'autant plus important que pour l'ange "les mots sont des tiroirs, ils dissimulent des trésors aigres et doux. Je voudrais juste que tu apprennes à les comprendre , à déjouer leurs pièges, à passer à travers leurs apparences. Un mot de haine, parfois c'est un cri."
Mais qu'ils sont durs les mots pour qualifier cette jeune fille . Ceux de ses camarades de classe: "La mère fait des ménages, la fille fait des saletés."ou ceux de la mère justement "qui n'étaient pas des gros mots , mais des mots épais. Impossible à digérer." Toute tentative pour les utiliser avec plaisir ces mots est bientôt réprimée, ainsi pour l'institutrice de son enfance : "On ne pouvait pas parler de tout en poésie. Le dernier poème s'appelait La Bouteille de papa."
Les mots de tendresse, ils sont pour l'ange "Mon ange" car "C'était peut être l'amour qui manquait. La possibilité de croire qu'il existe."
Beaucoup d'ellipses et d'implicite dans Il n'y a pas d'ange. Anne Mulpass laisse au lecteur le soin de combler les trous du récit, de formuler clairement ce qui est suggéré, conférant ainsi une forte densité à ce roman parfois oppressant. Cependant la prose poétique de l'auteure nous offre quelques échappées bienvenues, quelques bouffées d'air frais pour échapper à ce mal être de l'adolescence si bien dépeint. On pourrait reprocher à ce roman son déterminisme mais tous les membres de la même fratrie ne réagissent pas de la même manière à ce qu'ils vivent au sein du huis-clos familial. D'ailleurs les différents points devue des protagonistes qui sont proposés permettent de relativiser ou d'éclairer d'un jour nouveau les événements.
Une oeuvre puissante et émouvante mais que je ne proposerai pas à un ado en plein désarroi.
11/09/2008 | Lien permanent | Commentaires (11)
”Un porridge de maman tardif”
Li a repoussé son bonheur car "Les gens comme moi n'ont manifestement pas l'armature nécessaire pour supporter les bons moments." Les gens comme elle? Incolore, voilà comment se définit cette infirmière, qui, enfant a vécu en compagnie de son petit frère dans une immense demeure où ils croisaient de temps à autres ceux qu'ils appelaient entre eux les Epoux, à savoir leurs parents trop peu présents car trop occupés à soigner d'autres enfants. Pas de ressentiment néanmoins, juste le constat que "Les gens comme elle ne devraient sans doute pas avoir d'enfants, surtout quand ils sont marqués pour la vie par un chagrin d'amour universel et quand ils ont des enfants si tardivement que cela entraîne la dissolution d'un orchestre de mandolines." L'humour comme moyen de survie.
Quand l'Amoureux repoussé dans l'adolescence revient en Islande, Li repense à son passé et à son enfance si particulière (qui m'a un peu fait penser au personnage de Fifi Brindacier, en moins joyeux (même si Fifi a parfois des accès de mélancolie)). Pourra-t-elle enfin "attraper ce qui aurait dû être, (...) faire du poème la vie elle même (...)ne plus rester transie dans la froidure de l'intervalle compensatoire entre les poèmes et la vie " ?
Dans Le cheval soleil, l'islandaise Steinun Sigurdardottir nous livre un récit lumineux,celui d'une enfance qui n'a même pas le sentiment d'être fracassée, une enfance où la mort rôde tout naturellement , où les enfants se montrent plus adultes que leurs parents, où le bonheur n'est pas du tout familier.Un récit où le lien entre parent et enfants est exploré d'une manière très particulière.
La traductrice Catherine Eyjolfsson * a très bien rendu le contraste entre la langue parfois très moderne avec ses hyperboles ainsi, "l'hyperbonté" de la mère et les passages poétiques qui se mêlent au roman, comme autant d 'échappées vers la lumière.
L'Islande et ses paysages âpres et lumineux servent d'écrin à un texte puissant et jamais déprimant qui va d'emblée prendre place sur mon étagère d'indispensables.
Le Cheval soleil. Steinunn Sigurdardottir. Editions Heloïse d'Ormesson.185 pages
PS: de la même auteure, j'avais a-do-ré La place du coeur paru en 2000 aux Editions Denoël, sorte de road-movie islandais mettant en scène une mère qui veut renouer le lien avec sa fille qui part en vrille...Depuis 8 ans sur ma fameuse étagère et lu et relu...Billet à venir ?
* Déjà remarquée ici .
26/10/2008 | Lien permanent | Commentaires (12)
Immobilisme triomphant
Frank Horvat, a parcouru plus de cent mille kilomètres pour photographier les arbres que l'on retrouve dans A hauteur d'arbres.
N'ayant au départ pas de passion pour ce sujet, comme il s'en explique dans une très belle préface, il a rapidement découvert que les "arbres ont pour [lui]une signification particulière.", et a vécu cette expérience "Comme si l'arbre, à la fois passif et tout puissant, se servait de ma recherche de photographe pour étendre ses ramifications dans l'espace de notre imaginaire". Après le vent, les oiseaux et les hommes qui font voyager les graines des arbres, un autre "parasite": le photographe !
Arbres des villes qui se jouent des grilles, arbres des champs ou des forêts, tous attirent notre attention et sont accompagnés de textes poétiques ou philosophiques qui soulignent la spécificité des arbres et celle des liens que l'homme entretient avec eux car "L'homme, comme l'arbre, est un être où des forces confuses viennent se tenir debout." De quoi se ressourcer .
Un livre adopté immédiatement et devenu un de mes livres de chevet.
Merci, Cath!
16/09/2008 | Lien permanent | Commentaires (10)
”Elle écrase son chagrin contre la vitre.”
Ouvrir un livre de Françoise Lefèvre c'est pousser la porte d'une maison amie, entrer dans un univers où la douleur n'est pas exclue mais où elle est apprivoisée. L'écriture à la fois poétique et sensuelle de cette auteure nous accompagne tout au long du parcours de La grosse : son installation dans cette maison de garde-barrière, son amitié avec un vieil homme aux portes de la mort mais chérissant la vie. Pauvres tous deux mais riches d'amour et prodigues de cet amour, réussissant à créer une sorte de paradis en marge de la ville et de la mesquinerie de ses habitants...Mais tout va se dégrader et Céline connaîtra une Passion proche de celle de Marie-Madeleine...
Ce livre, très court, est riche de phrases qu'il faut laisser infuser, au hasard :
"Elle sent les arbres qui poussent dans sa tête. La pluie fine gonfle ses cheveux comme dans une mansarde d'amour. Les yeux dans le ciel, elle boit la campagne comme une liqueur verte."
"C'est inouï le nombre de gens qu'il faut chasser de sa route pour qu'ils ne viennent pas piétiner les joies minuscules d'une journée."
Un livre à chérir.
L'avis de Florinette qui a remis ce livre-voyageur sur les rails ...ce dont je la remercie chaleureusement !
30/12/2008 | Lien permanent | Commentaires (19)
Les femmes du braconnier
"...pourquoi cette hécatombe autour de l'écriture ? "
La vie ardente de la poétesse et romancière américaine Sylvia Plath, son mariage avec un poète tout aussi charismatique, Ted Hughes, son suicide enfin, ont déjà donné naissance à de nombreuses études, voire à des romans ( dont le magnifique Froidure de Kate Moses que je recommande vivement).
Claude Pujade-Renaud, à son tour, revisite cette existence marquée par de grandes périodes d'exaltation suivies de non moins importants épisodes dépressifs. Mais la maladie mentale n'explique pas tout ,loin s'en faut. En choisissant de multiples points de vue, ceux des principaux protagonistes bien sûr, mais aussi des personnages plus extérieurs , tels une concierge ou un voisin, Claude Pujade-Renaud effectue ainsi un tour le plus complet possible de ces personnages hors du commun.
Des chapitres courts qui s'enchaînent avec fluidité , portés par l'intensité de l'écriture, une écriture traversée par de nombreuses figures animales . Le livre commence ainsi sur la vision d'un cheval qui s'emballe et se clôt sur une guenon se laissant mourir ; animaux que l'on trouve au départ aussi bien dans les poèmes de Sylvia( en particulier les abeilles liées à l'image paternelle) que dans ceux de de Ted, car comme le montre l'auteure, il y a eu , même au-delà de la mort, durant trente ans "un travail de tissage entre les textes " de ces deux poètes.En outre, deux scènes , l'une d'harmonie totale entre les amants et la Nature, l'autre d'une violence extrême , montrant Sylvia, essoufflée, alourdie par ses maternités, détruisant avec furie les collets des braconniers, tandis que Hughes se tait mais prend secrètement le parti des ruraux, fonctionnent en écho et symbolisent la rupture en marche...
Le sang, celui de la morsure initiale qu'inflige Sylvia à Ted, celui des règles, qu'elle refuse avec horreur, la couleur vermillon qu'elle emploie à tour de bras, tout ce rouge court au long de ce roman charnel, marqué également par les odeurs fortes liées à l'animalité et à la puissance.
Sous le couvert des différents narrateurs , on devine parfois la voix de l'auteure, quand sont rectifiés certains détails ou bien quand est fustigée l'attitude des féministes qui n'ont cessé de vouer Hughes aux gémonies, lui reprochant en particulier la censure exercée dans l'édition de certains textes de Plath, voire leur destruction totale .
Mais il ne faudrait pas oublier également le portrait , tout en nuances, que brosse Pujade-Renaud d'Assia, souvent présentée comme la briseuse de ménage, mais qui fut elle aussi fascinée tout à la fois par Hughes mais aussi par Sylvia et qui en paya le prix fort.
Une oeuvre riche et puissante montrant aussi les ravages et les bonheurs de l'écriture : "S'ajoutait le cauchemar de ne pas dormir .Ou si peu : je me réveillais malaxée, concassée par les rêves. La sensation d'avoir été lapidée par une grêle de météorites oniriques. Peut être n'avais-je pas droit à un sommeil réparateur puisque je n'avais rien produit? Ou mal. Ou pas assez. La perfection ou rien !"Un roman que j'ai dévoré avec passion, même si je connaissais ou croyais connaître l'histoire de Sylvia Plath.
Les femmes du braconnier, Claude Pujade-Renaud, Actes sud, janvier 2010, 347 pages aussi ardentes que les personnages évoqués.
Directement sur l'étagère des indispensables, à côté de : Arbres d'hiver, de S. Plath en édition bilingue chez Gallimard et chez le même éditeur, mais là seulement traduites en français, Birthday letters de Hughes.
11/01/2010 | Lien permanent | Commentaires (20)
Quand le cinéma guimauve mène à la poésie
Dans son Manuel de poésithérapie, Jean-Joseph Julaud seproposait avec beaucoup d'humour et d'érudition de guérirles maux de notre vie avec les mots des poètes.
Je doute fort que les scénaristes de In her shoes aitlu ce manuel mais ils ont utilisé cette idée de manièrecaricaturale dans le film, un poème d'Elisabeth Bishop guérissant en unrien de temps la dyslexie du personnage interprété parCameron Diaz.
J'ignore si les ventes de cette poétesse ontgrimpé , mais j'ai trouvé ce procédé assez malhonnête quand on saitla difficulté à traiter la dyslexie et les souffrances qu'ellepeut entraîner.
Néanmoins, le poème est très beau,le voici:
L’art de la perte
L’art de la perte n’est pas dur à maîtriser,
tant de choses sont d’un naturel si fuyant,
que leur perte n’est pas une calamité.
Perdez quelque chose chaque jour .Acceptez la contrariété
de la disparition de vos clés, d’un moment absent.
L’art de la perte n’est pas dur à maîtriser.
Puis habituez-vous à perdre, perdez, perdez :
les endroits , les noms, et même la clé des champs.
Rien de cela ne sera une calamité.
J’ai perdu la montre de ma mère. Eh, tiens ! pas ladernière mais
l’avant-dernière de trois maisons que j’aimais pourtant.
L’art de la perte n’est pas dur à maîtriser.
J’ai perdu deux villes, très jolies. Sans compter
des royaumes que je possédais, deux fleuves, un continent.
Ils me manquent, mais ce ne fut pas une calamité.
-Même ta perte (la voix moqueuse, un geste aimé)
ne saurait me faire mentir, c’est évident
l’art de la perte n’est pas trop dur à maîtriser
même s’il apparaît comme (écris-le !) comme unecalamité.
03/02/2008 | Lien permanent | Commentaires (9)
Vous reprendrez bien un peu de poésie ?
Un mug de thé verts(le thé et le mug), un recueil de poésie , Visions d'un jardin ordinaire, allons profiter du soleil au jardin justement et dégustons le tout.
En vis à vis des photos de Josiane Suel et des poèmes de Lucien Suel, une présentation de Thomas Suel, on devine que la poésie est une affaire de famille.
Des mots simples en apparence mais qui savent accompagner sans redondances les photos en noir et blanc et les éclairer d'un jour nouveau. Pas de rimes mais un quotidien truffé de mots picards (un lexique serait parfois le bienvenu...),des photos qui montrent la vie et la mort en ce jardin ,pas si ordinaire que cela.
Le saule tétard , "cochon du jardin" , car tout est bon chez lui, a la part belle, car il se réincarne sous diverses formes.
La vie en effet renaît de la mort au jardin et "le jardinier [qui] a pissé sur le compost" "nourrit la terre.Il détermine la résurrection. Il lutte contre l'entropie. Il enfouit".
Pour rêver au jardin si on n'en possède pas ou pour le regarder d'un oeil neuf .
Saluons au passage la librairie d'Hazebrouck (où je rêve d'aller) qui a édité ce recueil de poésies, à savoir "Le marais d'Hazebrouck".
05/10/2007 | Lien permanent | Commentaires (10)