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Rechercher : Bernadette a disparu

L'oubli

"Une voiture avec un damier coloré sur la carrosserie s'arrête devant la maison. Un homme et une femme en sortent. Ils portent une chemise blanche et une grosse veste noire qu'ils ont étiquetée, comme moi avec ma prise de courant "BOUILLOIRE" et mon bocal "THÉ". leur étiquette à eux  dit "POLICE".

Malgré sa mémoire qui flanche de plus en plus, troublant sa perception du temps, lui faisant oublier certains mots au fur et à mesure de la progression de la maladie qui la touche (et ne sera jamais nommée), Maud n'en démord pas : Elizabeth a disparu.
La disparition de sa voisine et amie fait écho à celle , en 1946, de la sœur aînée de Maud, demeurée inexpliquée.emma healey
Avec comme seule arme son obstination et sa mémoire de papier (les bouts de papier sur lesquels elle note ce dont elle doit se souvenir) Maud parviendra-t-elle à découvrir la vérité ?
Une" enquêtrice" présentant un double handicap: son âge et sa maladie voilà qui donne déjà un côté intéressant à ce texte. Mais ce qui prédomine néanmoins dans ce roman c'est la description en focalisation interne de la lente dégradation occasionnée par Alzheimer chez une femme qui lutte pied à pied, tendue vers son objectif. Nous ne connaissons que son point de vue, même si les réactions des autres personnages qu'elle remarque au passage nous sont données de manière indirecte et totalement neutres (les récits anxiogènes de son aide à domicile, qu'elle neutralise d'une remarque pleine de bons sens,  les réactions exaspérées de sa fille captées par l'intermédiaire d'un miroir...)L’humour (voir la citation) et la tendresse ne sont pourtant pas absents et  si le rythme est lent (correspondant à celui de la narratrice) , je n'ai pas lâché ce roman qui nous entraîne dans un flux de conscience où se mêlent passé (raconté de manière extrêmement précise) et présent, beaucoup plus lacunaire, ce qui augmente l'effet de réalisme.  Un roman plein d'empathie et de chaleur humaine.

L'oubli, Emma Healey, Pocket 2015, traduit de l'anglais par Corinne Daniellot.

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La vraie vie...en poche

"La mort habitait chez nous. Et elle me scrutait  de ses yeux de verre. Son regard mordait ma nuque, se délectait de l 'odeur sucrée de mon petit frère."

Attention, bombe émotionnelle !
Dans un lotissement jouxté par le bois des Petits Pendus (tout un programme), vit une famille qui se donne l'apparence de la normalité: deux parents, deux enfants dont l'aînée, la narratrice, aime et protège son petit frère.
En effet,dès l'incipit, le ton est donné : "A la maison, il y avait quatre chambres. La mienne, celle de mon petit frère, Gilles, celle de mes parents et celle des cadavres." C'est là que le père, tyran domestique, entrepose les trophées de chasse les plus divers, dont une hyène particulièrement effrayante. Cet animal deviendra ainsi la métaphore du mal qui, à la suite d'un choc traumatique, fera basculer Gilles dans un univers où les émotions auront disparu. Dès lors, la narratrice se donne une mission en apparence impossible:effacer cette vie qu'elle considère comme une mauvaise branche pour sauver son frère.adeline dieudonné
Nous la suivrons donc au fil de cinq années, où, avec une volonté farouche, elle va progressivement se donner les moyens de changer le présent. Dotée de grandes capacités scientifiques,  elle analyse lucidement la situation, d'un œil quasi clinique: sa mère est une amibe qui a pour seule fonction d'avoir peur de son mari . Quant au père , "Son goût pour l’anéantissement allait [l']obliger à[ se ]construire en silence, sur la pointe des pieds."
Adelien Dieudonné ne ménage pas nos nerfs, maîtrisant son récit d'une main ferme , tout en le dotant d'une écriture à la fois imagée et efficace. On tremble, on frémit, on a la gorge serrée devant cette héroïne qui se construit à la fois physiquement, psychologiquement et émotionnellement, refusant farouchement de devenir une victime.
Un premier roman que j'ai trimballé partout avec moi le temps de sa lecture, un objet compact dont la couverture rend parfaitement l'idée de huis-clos et de menace animale. Une réussite époustouflante. Et zou sur l'étagère des indispensables !

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La vraie vie

"La mort habitait chez nous. Et elle me scrutait  de ses yeux de verre. Son regard mordait ma nuque, se délectait de l 'odeur sucrée de mon petit frère."

Attention, bombe émotionnelle !
Dans un lotissement jouxté par le bois des Petits Pendus (tout un programme), vit une famille qui se donne l'apparence de la normalité: deux parents, deux enfants dont l'aînée, la narratrice, aime et protège son petit frère.adeline dieudonné
En effet,dès l'incipit, le ton est donné : "A la maison, il y avait quatre chambres. La mienne, celle de mon petit frère, Gilles, celle de mes parents et celle des cadavres." C'est là que le père, tyran domestique, entrepose les trophées de chasse les plus divers, dont une hyène particulièrement effrayante. Cet animal deviendra ainsi la métaphore du mal qui, à la suite d'un choc traumatique, fera basculer Gilles dans un univers où les émotions auront disparu. Dès lors, la narratrice se donne une mission en apparence impossible:effacer cette vie qu'elle considère comme une mauvaise branche pour sauver son frère.
Nous la suivrons donc au fil de cinq années, où, avec une volonté farouche, elle va progressivement se donner les moyens de changer le présent. Dotée de grandes capacités scientifiques,  elle analyse lucidement la situation, d'un œil quasi clinique: sa mère est une amibe qui a pour seule fonction d'avoir peur de son mari . Quant au père , "Son goût pour l’anéantissement allait [l']obliger à[ se ]construire en silence, sur la pointe des pieds."
Adelien Dieudonné ne ménage pas nos nerfs, maîtrisant son récit d'une main ferme , tout en le dotant d'une écriture à la fois imagée et efficace. On tremble, on frémit, on a la gorge serrée devant cette héroïne qui se construit à la fois physiquement, psychologiquement et émotionnellement, refusant farouchement de devenir une victime.
Un premier roman que j'ai trimballé partout avec moi le temps de sa lecture, un objet compact dont la couverture rend parfaitement l'idée de huis-clos et de menace animale. Une réussite époustouflante. Et zou sur l'étagère des indispensables !


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Avec mon meilleur souvenir

à cause d'un documentaire chopé par hasard à la télévision, à cause d'un livre dont je parlerai prochainement, j'ai mis la main sur ce recueil de texte où Françoise Sagan évoque des moments heureux, brosse le portrait sensible des gens qu'elle a aimés : Billie Holiday,  l'ogre Orson Welles qui la trimballait "comme un sac de vêtements à travers toutes les rues de Paris et les Champs Elysées" "sous prétexte qu'[elle] ne [se] fasse pas écraser", Sartre à qui elle écrivit une lettre d'amour/admiration.françoise sagan
  Sagan évoque aussi son addiction au jeu, à la vitesse,dans des pages qui nous montrent- si on en avait douté - son talent de styliste. Sans oublier une évocation teintée de mélancolie de Saint Tropez qui n'est pas sans rappeler une autre habitante de cette station: Colette.
Mais c'est à la littérature que l'auteure de Bonjour tristesse consacre ses plus belles pages car elle lui voue un amour"d'une grande supériorité sur l'amour tout court, l'amour humain."car, selon elle, "la littérature en revanche offre à notre mémoire des coups de foudre autrement fracassants, précis et définitifs."Et Sagan de nous décrire  avec un entousiasme intact sa rencontre avec  les quatre textes qui lui "restent toujours comme des tremplins , des boussoles"dans cette "existence aisément qualifiable d'agitée", existence où elle affirme ne rien avoir appris.
Ces quatre textes ? Les nourritures terrestres (Gide), L'homme révolté (Camus), Les Illuminations (Rimbaud) et Proust bien sûr, dont elle recommande de commencer la lecture par Albertine disparue.
Pour conclure quelques phrases d'un chapitre qui mériterait d'être cité en entier :

"Je découvris que le don d'écrire était un cadeau du sort, fait à très peu de gens, et que les pauvres nigauds qui voulaient en  faire une carrière ou un passe-temps n'étaient que misérables sacrilèges. Qu'écrire demande un talent précis et précieux et rare-vérité devenue inconvenante et presque incongrue de nos jours; au demeurant, grâce au doux mépris qu'elle éprouve pour ses faux prêtres ou ses usrpateurs, la littérature se venge toute seule: elle fait de ceux qui osent la toucher, même du bout des doigts, des infirmes impuissants et amers- et ne leur accorde rien- sinon parfois, par cruauté, un succès provisoire qui les ravage à vie." Des mots forts, définitifs et toujours d'actualité...

Avec mon meilleur souvenir, Françoise Sagan, Folio 2010 (1ère édition folio 1985)150 pages délicieuses .



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”Il faut le dire dès le début, sinon on t'apporte toujours plus de bols.”

1984.  Une petite fille qui  joue les détectives en herbe disparaît.2003.Un agent de sécurité  du centre commercial Green Oaks à Birmingham aperçoit sur un écran de  contrôle une  fillette et sa peluche. Cette image furtive  lui permettra de nouer le contact avec Lisa, employée surmenée d'un magasin de disques. A eux deux, ils mèneront une enquête dans les couloirs de service du centre commercial, autant sur Kate, la petite fille disparue ,que sur eux-mêmes,  renouant les fils d'un passé où règnait peut être l'innocence... Au coeur de ce  récit, fascinant et menaçant, un immense centre commercial.51hUXWEXy1L._SL500_AA240_.jpg
Tout cela semble sinistre à première vue mais se révèle un mélange subtilement dosé d'émotion , d'humour, de suspense, de critique de la société de  consommation, où les gens sont bien contents d'aller faire un tour au centre commercial le dimanche pour combler le  vide de leur existence, où l'on assiste à une hilarante formation commerciale. Sans compter que Catherine O'Flynn , dont c'est ici le premier roman , possède tout à la fois l'art de rendre  ses personnages attachants, Kate la première, mais aussi de maîtriser totalement l'art de  la narration.  Rien n'est gratuit, tous les détails ont leur importance  mais tout se met en place harmonieusement, comme les  pièces d'un puzzle.  Quand la date 1984 est  réapparue dans la dernière partie du livre, j'ai eu le souffle court tout en tournant les pages... Quant à la polyphonie des narrateurs,  elle permet  aussi bien de donner le point de vue de  chacun des protagonistes que  de mimer les voix peuplant cette tour  de Babel qu'est  le centre commercial.Jusqu'au bout du récit , les éléments s'imbriquent  pour le plus grand plaisir  du lecteur qui sort de ce roman, ravi, le coeur battant  la chamade et le sourire aux lèvres devant une telle réussite.  Magistral ! Voilà longtemps que je n'avais pas connu une telle émotion de lecture !

 

Ce qui était perdu,  Catherine O'Flynn,  traduit de l'anglais par Manuel Tricoteaux, Editions Jacqueline Chambon.

Ps : un seul  bémol : dans le  jargon commercial , le client qui vient incognito pour tester l'accueil etc, s'appelle en français un "client mystère".

Pps :Cath,  écrit par une Catherine,  mettant en scène une Kate, ce livre est pour toi et va bientôt te parvenir !

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”...la famille, c'est si bon.”

"Ressasser le passé, c'est ternir ce qui fut, présumer de l'avenir, c'est compromettre ce qui sera." Apppliquant cette formule, Solange , dont le père n'est pas  revenu de déportation, refusera toujours le secours de l'écriture pour "dissoudre l'indicible dans le papier"et cela même si les mots chantent en elle.  Plus que des mots, elle veut des actes et pour cela, patiemment, elle mettra à jour le secret de Max, compagnon des derniers instants du père disparu, n'hésitant pas à aller "De Lunéville à la Lune, par-delà la mer".
L'ordre des jours , quête de  vérité et de justice, est aussi une superbe histoire  d'amour, marquée par le destin, entre Solange et Simon, lui  aussi enfant de  déportés. Ils ne pouvaient que  s'accorder car  "Il n'y a qu'elle pour comprendre, il n'y a  que lui, car les mots manquent, des mots tout simples, attends-moi, je  reviens, je pense à toi, au-revoir." . Simon empruntera des chemins différents de  sa compagne  car  "Il y a dans cet homme, un homme caché qui n'a  jamais osé chercher sa place au soleil.", et qui  croira la  trouver jusque dans la  guerre d'Indochine.
Finalement, le Destin se montrera à la fois cruel et clément...51dSuu8RCcL._SL500_AA240_.jpg
Gérald Tenenbaum fait revivre ici l'immédiat après-guerre dans l'Est de la France, peignant avec une délicatesse extrême la vie de familles juives qui tentent de se (re)construire, de faire face malgré le silence, malgré l'antisémitisme qui rôde encore. J'appréhende souvent  l'évocation  de la Seconde Guerre mondiale et de  ses conséquences et de moi même je ne serais pas allée vers ce  roman. J'aurais eu tort car j'aurais raté tout à la fois une écriture rare, qui joue parfois avec les mots ,mais jamais  de manière gratuite, qui se tient en équilibre  entre émotion et pudeur (et pourtant à un moment particulièrement émouvant je me suis écriée : "Oh,non !") et un récit plein de péripéties qui éclaire au passage les actes de résistance des Juifs durant et après ce conflit. Un roman tout à la fois chaleureux et poignant à découvrir de toute urgence.

L'ordre des jours.  Gérald Tenenbaum.  Editions Héloïse  d'Ormesson. 212 pages

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Chant des âmes sans repos

"Peut-on vivre sans avoir de nom, pensa-t-elle. Et, si c'est le cas, est-on encore un être humain ? "

Eva, divorcée depuis plusieurs années de Svante, est accusée du meurtre de ce dernier. Difficile pour elle, d'expliquer à la police que, ce n'était pas vraiment par hasard si  elle se trouvait dans la quartier chic , aménagé au sein de ce qui fut autrefois les plus grand  hôpital psychiatrique d’Europe, Beckomberga, là où son ex-mai venait d'emménager avec sa nouvelle (et très jeune) compagne.tove alsterdal
La seule personne qui pourrait innocenter Eva est une jeune femme Rom, témoin de l'agression dont ont été victimes Svante et son ex-épouse. Mais impossible de la retrouver, selon les dires de la police.
 Des cadavres sont bientôt exhumés dans le parc de l'ancien hôpital psychiatrique, découvertes macabres semant le trouble au sein de la communauté privilégiée des nouveaux habitants.
Situant son personnage principal à l'intersection de différentes communautés, celle des Roms, celle des soignants et soignés de Beckomberga, celle des privilégiés suédois, sans compter celle des jeunes européens , avides de nouveaux fonctionnements de société, Tove Alsterdal  'en oublie pas pour autant son suspense et résout son énigme d'une manière intéressante. Dommage qu'elle n'ait pas soigné autant la psychologie de ses personnages, et en particulier celle d'Eva. Instructif et prenant néanmoins.

Traduit du suédois par Johanna Brock et Erwan Le Bihan. le Rouergue 2019, 452 pages.

De la même autrice sort aujourd’hui en poche Tango fantôme.

"L'histoire se répétait : encore une fois, elle se retrouvait dans l’ombre de sa sœur, qui prenait toute la place."

Helene Bergman croyait avoir coupé tout lien avec sa famille dysfonctionnelle: une mère disparue en Argentine lors de la "Guerre sale", un père irresponsable et alcoolique. A peine entretenait-elle quelques liens distants avec sa sœur Camilla, dite Charlie.
Mais quand cette dernière tombe d'un balcon, du onzième étage, même si la police conclut rapidement à un suicide, Helene va mener sa propre enquête, partant sur les traces de sa sœur dont elle découvre rapidement qu'elle avait effectué  récemment un voyage en Argentine.
Alternant les époques, le roman de Tove Alderstal rafraîchit nos connaissances sur la situation politique en Amérique du Sud dans les années 70 et brosse le portrait de femmes qui, maladroitement, tentent de se construire un destin.tove alsterdal
L'héroïne  n'est en rien attachante, la description des personnages secondaires est un peu superficielle mais,
en dépit de longueurs dans le début du roman, je me suis laissée prendre par l'intrigue, faisant fi de quelques invraisemblances.

Pas encore un coup de cœur pour ce roman policier lu dans le cadre du Grand Prix des lectrices de ELLE.

 

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