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Rechercher : l'invention des corps

Jour de courage...en poche

"Il ne fallait pas être bien malin pour comprendre que depuis quarante minutes, Livio parlait de lui, de sa fragilité, de son impossibilité à trouver sa place, il était visible qu'il avait recherché comment l'homosexualité avait été abordée dans les différentes sociétés au fil des époques, et Arthur avait été le premier à voir venir, à sentir monter en lui une violence qui devenait impossible à contenir."

Qui dans cette classe de lycée avait déjà entendu parler de Magnus Hirschfeld ,ce médecin juif-allemand qui dès le début du XXème siècle avait lutté  en Allemagne pour les droits des homosexuels et avait mis en place un institut étudiant la sexologie ? Personne, peut être même pas la prof d'histoire.
Pourtant, Livio, dix-sept ans, volontaire pour prendre en charge un exposé sur les premiers autodafés nazis, va retracer le parcours exceptionnel de cet homme, une manière pour lui de faire comprendre publiquement ce que même sa meilleure amie se refuse à voir.
Un "passage obligé" dont Brigitte Giraud rend compte au plus près, dans ces 156 pages, retraçant non seulement l'exposé et ses digressions, mais aussi les réactions du public du jeune homme. Le corps de l'adolescent est au centre du dispositif, ce grand corps qui trahit la souffrance de Livio qui peine à trouver sa place non seulement au sein de ses pairs, mais surtout au cœur de sa famille, dont l'histoire familiale repose sur ses fragiles épaules.41BTst5l27L._SX307_BO1,204,203,200_.jpg
Un roman intense qui rappelle que , quelle que soit l'époque, "Là où on brûle des livres, on finit par brûler des hommes", citation de Heinrich Heine que Livio aurait dû écrire dès son introduction, oubli révélateur du véritable objet de son exposé.

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Trois chemins vers la mer

"Elle s'était imaginé la vie comme un élastique, sur lequel il suffisait de tirer pour allonger le temps et faire durer les bons moments . Et voilà qu'elle était arrivée à un point où il était soudain trop tard pour beaucoup de choses. Les portes claquaient autour d'elle à la vitesse grand V."

"Le corps", "L’État", l'exil", tels sont les titres  récurrents des chapitres qui viennent rythmer ces Trois chemins vers la mer.
Trois récit d’itinéraires féminins marqués par la perte mais non le renoncement, dont on perçoit très vite comment ils vont s'agencer avec beaucoup de douceur et de retenue, même s'ils évoquent des faits très douloureux, voire violents.brit bildoen,hélène hervieux
Il y a cette femme qui tente d'oublier son passé dans une réserve ornithologique où elle bague des oiseaux, fait de longues promenades avec sa chienne, traduit un texte de Dany Laferrière (sur l'exil) et n'entretient que très peu de relations sociales. Cette autre qui échange des courriers avec une administration bornée qui lui refuse le droit à l’adoption.  Cette dernière qui traîne une valise contenant un chat mort...
Le corps féminin, les langages dont nous usons ou que nous subissons,  mais aussi la nature sont au cœur de ce roman très court, 180 pages, qui exerce une réelle fascination sur le lecteur. Nous entrons au plus profond de l'âme humaine ,mais avec poésie, retenue et une sensualité diffuse. Tout est dans le presque rien, mais d'une manière efficace et pérenne. Un énorme coup de cœur ! Et zou, sur l'étagère des indispensables.

 

Traduit du norvégien par Hélène Hervieux, Delcourt 2020

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Ce matin-là

"Clara se dit qu’elle voudrait trouver un lieu où poser ce qui la transperce. Pour s'asseoir et écouter le silence."

Ce Matin-Là, son véhicule ne veut pas démarrer. Le corps de Clara non plus ne lui obéit plus. Incapable de prévenir qui que ce soit , la jeune femme peine à regagner son appartement. Ce matin-là et beaucoup d'autres ensuite, elle ne pourra plus "en découdre avec la vie".gaëlle josse,burn-out
Récit d'un burn-out qui ne dira jamais son nom, le roman de Gaëlle Josse cerne au plus près et en un peu plus de deux cents pages ce corps qui lâche, qui regimbe et force Clara à reconnaître sa fragilité, sa vulnérabilité.
Pourtant la "reverdie" s'amorcera progressivement, à partir d'un rien, un bouquet de tulipes qui tente la jeune femme , à partir d'une amitié fidèle par-delà les années.
Avec délicatesse, poésie même , Gaëlle Josse nous livre ici un livre précieux comme un talisman et qui atteint bien le but qu'elle s'était fixée en le rédigeant :
" J'ai voulu un livre qui soit comme une main posée sur l'épaule."

Un livre qui ne peut que filer sur l'étagère des indispensables.

Éditions Notabilia

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Triple zéro

"Si ce boulot au centre d'appels m'avait appris une chose, c'est qu'on ne peut pas éviter l'urgence. Peu importe ce qu'on fait, l'urgence vous tombe dessus."

Afin de financer son séjour aux États-Unis où elle espère vivre de sa plume, une étudiante de dernière année à l'université de Sydney travaille huit heures par jour dans un centre d'appel d'urgence. là, elle est confrontée aussi bien à la violence humaine qu'aux désastres écologiques.madeleine watts
Insidieusement, son emploi affecte son comportement et elle laisse son corps être malmené par des hommes de passage. Elle ne retrouve l'harmonie qu'en nageant , même si elle sait que la mer comporte elle aussi bien des dangers.
Roman dominé par trois éléments: la terre, l'eau et le feu, Triple Zéro établit une équivalence entre le continent australien qui subit de plein fouet les conséquences dramatiques du réchauffement climatique et le corps de sa narratrice. Un roman singulier à l'écriture maîtrisée, parfois poétique. 

 

Brillamment traduit de l’anglais (Australie) par Brice Matthieussent.

 

Éditions rue de l'échiquier 2022.

299 pages.

 

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Ce matin là...en poche

"Clara se dit qu’elle voudrait trouver un lieu où poser ce qui la transperce. Pour s'asseoir et écouter le silence."

Ce Matin-Là, son véhicule ne veut pas démarrer. Le corps de Clara non plus ne lui obéit plus. Incapable de prévenir qui que ce soit , la jeune femme peine à regagner son appartement. Ce matin-là et beaucoup d'autres ensuite, elle ne pourra plus "en découdre avec la vie".
Récit d'un burn-out qui ne dira jamais son nom, le roman de Gaëlle Josse cerne au plus près et en un peu plus de deux cents pages ce corps qui lâche, qui regimbe et force Clara à reconnaître sa fragilité, sa vulnérabilité.gaëlle josse
Pourtant la "reverdie" s'amorcera progressivement, à partir d'un rien, un bouquet de tulipes qui tente la jeune femme , à partir d'une amitié fidèle par-delà les années.
Avec délicatesse, poésie même , Gaëlle Josse nous livre ici un livre précieux comme un talisman et qui atteint bien le but qu'elle s'était fixée en le rédigeant :
" J'ai voulu un livre qui soit comme une main posée sur l'épaule."

Un livre qui ne peut que filer sur l'étagère des indispensables.

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Hôtel de la folie

" De vous deux, qui a contaminé l'autre ? Qui a porté le premier coup ? Je crois plutôt à une intoxication mutuelle, à un corps à corps tragique, mère et fille, serpents entremêlés se crachant du venin jusqu'à en crever. "

Pià Nerina, grand-mère chérie du narrateur, se suicide le 7 septembre 1987. Trente-trois ans plus tard, la fille de Nerina meurt à son tour, rongée par le cancer.
Entre ces deux femmes, une relation plus que toxique, marquée par la violence de la plus jeune, violence verbale, mais aussi physique. Et un enfant qui, devenu adulte va enquêter sur le passé de ces deux femmes, entre Paris et Naples, d'où est originaire Nerina et où il découvrira le véritable Hôtel Folie, hôtel de sa famille grand-maternelle. david le bailly
Quant aux hommes, ils avancent masqués et tout le travail du narrateur sera de tenter de les débusquer, de tenter de comprendre comme une petite napolitaine pauvre a réussi à posséder un grand appartement près de la place de l’Étoile. Une quête intense où toutes les questions ne trouveront pas forcément de réponse mais qui fait revivre l'amour entre une grand-mère et son petit-fils, seule échappée dans un huis-clos délétère. Un roman qui m'a parfois fait penser à Vipère au poing de Hervé Bazin, mais en beaucoup plus étouffant.

 

Le Seuil 2023. 200 pages.

 

Merci à l'éditeur et à Babelio. david le bailly

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Les Sources

" [...] elle va avoir trente ans et sa vie est un saccage, elle le sait, elle est coincée, vissée, avec les trois enfants, il est le père des trois enfants , il les regarde à peine mais il est leur père, il est son mari et il a des droits. "

D'amour conjugal, il ne sera jamais question dans ce récit en trois actes qui commence le samedi 10 et dimanche 11 juin 1967. Une tragédie est en marche, on le devine à la tension quasi insoutenable qui irrigue les 80 premières pages du roman. Tension entre la narratrice et le tyran domestique qu'elle a épousé. Trois enfants, trois césariennes successives ont saccagé son corps. Les coups, aussi. Et surtout les mots dont il use pour faire "autant de dégâts que les coups, peut-être même davantage parce qu'ils ne la lâchent pas pas et lui tombent dessus au moment où elle s'y attend le moins, quand elle pourrait être à peu près tranquille et penser à autre chose. "marie-hélène lafon
Mais, elle aussi commence  aussi à mettre des mots sur ce qu’elle vit. Elle possède le permis de conduire et une famille qui pourrait ne plus fermer les yeux. Parviendra-t-elle à sortir de l'emprise de cet homme toxique à une époque où une femme divorcée subit l'opprobre de la société ?
La deuxième partie, sept ans plus tard, donne cette fois la parole au mari et le roman se clôt  en 2021 par le constat d'un des enfants revenu dans cette ferme du Cantal où tout a commencé.
Un roman court, une centaine de pages, mais qui concentre des émotions  d'une rare puissance, sans pathos mais en étant au plus près des corps. On n'oubliera pas de sitôt ces personnages, témoins d'une époque et d'un lieu. Un roman qui file, bien évidemment, sur l'étagère des indispensables.

 

Buchet-Chastel 2023.

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#Cellesquinemeurentpas #NetGalleyFrance !

"Être malade ouvre un espace excessif à la pensée et la pensée excessive fait de la place aux pensées mortifères. Mais j'ai toujours eu plus soif d’expérience que de l'absence de celle-ci, alors si l'expérience de la pensée est la seule que mon corps pouvait me donner au-delà de la douleur, il fallait bien accepter de m'ouvrir à des réflexions folles et morbides. "

Il y a encore quelques années, le mot "cancer" était banni et on lui préférait la périphrase "longue et douloureuse maladie", euphémisme qui fut bientôt attribué à une autre pathologie, le Sida, dans une sinistre gradation de l'horreur.
Le texte d'Anne Boyer est saturé du cancer sous toutes ses formes : politique, médicale, psychologique, sociale, raciale et philosophique. anne boyer
L'autrice fait de son expérience un vaste exercice de pensée brillante et parfois exigeante, prenant à bras le corps tous les aspects de sa maladie.
Son écriture, très travaillée, sans pour autant qu'elle se regarde écrire, nous fait ressentir au plus intime l'expérience de la douleur . Elle pointe aussi du doigt les ambiguïtés d'un système médical où un traitement peut être plus invalidant qu'efficace,  où un médecin peut affirmer qu'il a pratiqué des mastectomies inutiles car il fallait bien qu'il paie ses vacances ;  système dans lequel une malade après une opération sous anesthésie générale est quasiment jetée dehors, où elle est sommée de travailler quelle que soit la douleur et l'éreintement ressenti.
On sort de ce roman éprouvant un peu hagard, physiquement mal à l'aise,  mais conscient d'avoir lu un texte exceptionnel .

Grasset 2022, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Céline Leroy.anne boyer

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Le Grand Incident

" La place de la femme dans notre société, la sexualisation du corps féminin (dans les œuvres d'art ancien comme dans la vie de tus les jours) , le harcèlement de rue et le traumatisme des confinement avec la fermeture des lieux culturels constituent les motifs principaux du Grand Incident. "

Qu'est ce qui a mené les visiteurs mâles à devoir se dévêtir totalement pour visiter le musée du Louvre  ? La révolte des nus féminins , qui par le truchement d'une femme de ménage qui communique avec elles, ont exprimé leur ras-le bol de devoir subir encore et toujours le harcèlement masculin.Elles ont donc disparu des œuvres , créant ainsi Le Grand Incident et semant la panique dans l'administration du musée. 91ZWM67STSL._SL1500_.jpg
 C'est donc  à"Paris un jour comme aujourd’hui", que se déroule la fable à la fois didactique et très drôle imaginée par Zelba. On y apprend, entre autres que "Contrairement au corps masculin dont la nudité est, la plupart du temps, un signe de courage et de force virile, le nu féminin est fréquemment abonné aux poses de soumission ou d'humiliation. ", de quoi "émoustiller " les commanditaires des œuvres...
 J'ai particulièrement apprécié les "cabines de redescente émotionnelle" dont je vous laisse découvrir l'utilité ainsi que le clin d’œil final. Une BD  pour s’immerger dans le Louvre d'une manière à la fois ludique et féministe.  Un pur régal.

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Celles qui ne meurent pas ...en poche

"Être malade ouvre un espace excessif à la pensée et la pensée excessive fait de la place aux pensées mortifères. Mais j'ai toujours eu plus soif d’expérience que de l'absence de celle-ci, alors si l'expérience de la pensée est la seule que mon corps pouvait me donner au-delà de la douleur, il fallait bien accepter de m'ouvrir à des réflexions folles et morbides. "

Il y a encore quelques années, le mot "cancer" était banni et on lui préférait la périphrase "longue et douloureuse maladie", euphémisme qui fut bientôt attribué à une autre pathologie, le Sida, dans une sinistre gradation de l'horreur.
Le texte d'Anne Boyer est saturé du cancer sous toutes ses formes : politique, médicale, psychologique, sociale, raciale et philosophique.anne boyer
L'autrice fait de son expérience un vaste exercice de pensée brillante et parfois exigeante, prenant à bras le corps tous les aspects de sa maladie.
Son écriture, très travaillée, sans pour autant qu'elle se regarde écrire, nous fait ressentir au plus intime l'expérience de la douleur . Elle pointe aussi du doigt les ambiguïtés d'un système médical où un traitement peut être plus invalidant qu'efficace,  où un médecin peut affirmer qu'il a pratiqué des mastectomies inutiles car il fallait bien qu'il paie ses vacances ;  système dans lequel une malade après une opération sous anesthésie générale est quasiment jetée dehors, où elle est sommée de travailler quelle que soit la douleur et l'éreintement ressenti.
On sort de ce roman éprouvant un peu hagard, physiquement mal à l'aise,  mais conscient d'avoir lu un texte exceptionnel .

Grasset 2022, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Céline Leroy.

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