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Rechercher : La femme à la clé

Tous les noms qu'ils donnaient à Dieu

"Peut-être étaient-ce les circonstances de notre création. Peut-être n'étions -nous pas des êtres véritablement distincts mais les parties d'un tout, comme les trembles d'un fourré sont rattachées aux mêmes racines  ramifiées. Et il se peut qu'il en soit encore de même aujourd’hui."

Une touche de fantastique, parfois extrêmement discrète, juste une notation qui pourrait passer inaperçue, des êtres imaginaires pleinement assumés: une ange -muse d'un écrivain  proche de la mort, une sirène qui fascine un marin , Anjali Sachdeva, dans les neuf nouvelles composant ce recueil, laisse libre-cours à son imaginaire, variant les atmosphères et les genres.anjali sachdeva
On passe ainsi des États-Unis à l'Afrique, du présent au passé, voire à un futur qui nous paraît beaucoup trop proche et inquiétant.
La solitude marque souvent ces personnages, qu'elle soit infligée avec désinvolture, redoutée ou non-dite, mais la plainte ne fait pas partie de leur partition. Qu'ils choisissent de s'enfoncer dans une grotte secrète, de se lancer dans des missions apparemment vouées à l'échec, ils nous fascinent toujours et jamais l'autrice ne cède à la facilité de la nouvelle à chute, préférant laisser résonner ses textes bien après que son recueil ait été refermé.
Il y a ici une maîtrise étonnante pour cette jeune femme, dont c'est le premier livre, aussi à l'aise dans l'anticipation que dans la nouvelle "psychologique", toujours un peu teintée de fantastique. On n'oubliera pas ces textes de sitôt.

 

Traduit de l’américain par Hélène Fournier, Albin Michel 2021

 

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J'ai réussi à rester en vie

"Un récit autobiographique ne rime à rien s'il n'est pas honnête."

Hospitalisé pour une toux trop tenace, Ray Smith, le mari de Joyce Smith, plus connue dans le monde littéraire sous le nom de Joyce Carol Oates, va de manière inattendue, décéder. Le choc est grand pour son épouse qui va devoir tout à la fois affronter les ennuis administratifs inhérents à cette situation et , bien sûr se débattre avec la souffrance  du deuil, si atroce qu 'elle lui a fait envisager le suicide.
Précisons-le d'emblée si le titre français figure bien dans le récit de Joyce Carol Oates, c'est à la toute dernière ligne. Placé en tête de récit, il possède un côté volontariste et triomphaliste , un peu dans l'esprit survivaliste tellement en vogue qui me déplaît beaucoup. Le titre original ,A Widow's Story, (histoire d'une veuve) me paraît mieux convenir car dans ce récit, la question de l'identité est essentielle.joyce carol oates,comment affronter la mort de son mari
En effet, l'auteure ne cache rien de la dichotomie qui s'établit entre l'image de la romancière, Joyce Carol Oates qui semble continuer à écrire de manière imperturbable, mais il s'agit de textes écrits plus tôt et dont la parution est décalée  et celle, totalement opposée de la Veuve, Joyce Smith qui n'arrive plus à écrire une ligne, cherche désespérément le sommeil et se terre dans "son nid", espace de réconfort qu'elle crée dans son lit.
La mort de son époux est aussi l'occasion, par le biais du regard des autres, mais aussi d'un manuscrit inachevé de Ray, de découvrir d'autres facettes de son mari.
 Avec une grande honnêteté quant il s'agit d'elle même et une grande discrétion , tout à son honneur,quand il s'agit de citer les réponses des mails qu'elle a envoyés à ses amis, Joyce Carol Oates nous peint ici le portrait d'une femme dévastée qui ne sombre jamais dans l'autoapitoiement. Un récit où le lecteur ressent beaucoup d'empathie et jamais de voyeurisme. Un récit poignant tout hérissé de marque-pages. à lire absolument.

 

J'ai réussi à rester en vie, Joyce carol oates, Points Seuil 2012, 530 pages jamais pesantes.

 

 

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”Tout est bon chez elle, y a rien à jeter...”

Vous y croyez vous au coup  de la fille  qui n'a pasacheté de disque depuis que Kate Bush a sort son dernier album (jepréfère ne pas regarder la date) et qui,  à l'écoute d'uneseule  chanson à la radio, achète le  Cd de quelqu'un dontelle n'avait jamais entendu parler? Hé bien, c'est moi et franchement,j'ai été é-pa-tée !
Je laisserai à Ch'ti 31 , quand il aura le temps,le soin de décortiquer les influences musicales d'Agnès3521383410264Bihl,sachez quand même que dans les remerciements, elle cite en vrac,Jacques Brel,Anne Sylvestre qui l'a portée sur les fonds baptismaux dela chanson, Charles Aznavour dont elle a assuré  la  premièrepartie, Renaud Séchan( Clin d'oeil avec "You are fouting of my gueule")...et vous aurez une idée de la lignée dans laquelle elles'inscrit.
Quantaux paroles, c'est un régal ! Pas  étonnant quedans la liste gigantesque de remerciements se niche le nom dePierre Desproges dont elle détourne au passage un aphorisme .Elle maniele zeugma comme une majorette son bâton , "moi qui fais la morale etla grasse matinée", elle oscille entre l'hystérie et la tendresse dans"La  Complainte de la  mère parfaite",égratigant au passage le père qui dort tranquillement au salon tandisque la mère débutante s'évertue  à chanter"Dodo, l'enfant do,crise de nerfs , maman limite", balançant entre  injures "espèced'antiféministe"et la menace "sinon je te déshérite",celle qui ne se reconnaîtra pas dans ce portrait est unementeuse ou une chanceuse qui n'entend pas le bébé pleurer ! Onrit mais aussi on pleure (et ce  n'est pas une figure de style)avec une chanson sur l'inceste "Touche pas à mon corps" où Agnès Bihlréussit le tour de force de trancrire en quelques  minutestous les sentiments éprouvés par l'enfant violée par son père.
Rien de lourd rien de caricatural quand , tout en évoquant le monde del'école avec son prof de maths,  sadique (pléonasme, bien sûr),elle traite mine de rien du problème  des  sans-papiers,"Liberté j'écris ton nom mais sans papiers,  c'est pas pratique".Chanteuse  engagée oui,  mais sans rien de l'aspectcaricatural, l'humour et la virtuosité dans le maiement des mots. sontà pour alléger le tout.
le monde  d'agnès Bihl,  c'estaussi celui des  régimes, des histoires d'amour (souventratées),  des femmes qui se font belles, tellement libresque"j'suis libre tous les soirs", énumérant tous les types de garçonsrencontrés, mais aussi débinant avec une perfidie raffinée  celledont elle voudrait prendre la  place : "Après tout elle est tropmodeste, Elle  cache si bien ses  qualités...Et puis son âge, comme  c'est curieux Vu qu'c'est pourtant ce qu'lle  fait d'mieux". Vous l'aurez compris, Agnès vaut mieux êtresa copine ! :) Et ça tombe bien,  j' l'adore !

Le site officiel d'Agnès Bihl

 

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”Elles sont assises côte à côte au bord d'un gouffre.”

Vanessa Herman, écrivaine un peu sur la touche, professeur de  littérature créative à l'université, divorcée continuant à régenter la vie  de son ex- époux, n'arrive pas à faire face à la dépression de son fils unique de 20 ans, Justin.
Elle fait donc appel à son ancienne femme de ménage et nounou, Mary Trendo qui, pendant huit ans , a  travaillé pour elle.
Celle-ci , repartie vivre dans son pays d'origine, l'Ouganda, possède aussi un projet tournant autour de son fils  unique, Jamie et c'est en partie pour cela qu'elle accepte cette proposition .Mais les choses ne vont pas se dérouler comme le croyait Vanessa car son ancienne employée de maison a bien changé...41_Hjsu6FJL
Maggie Gee scrute avec jubilation les nouveaux rapports de forces qui se mettent en place. En alternance,le lecteur entend  la voix de Mary, (qui ne veut plus qu'on l'appelle  Ma bonne), voix de l'Afrique, voix d'un continent où "Nous sommes  morts depuis longtemps, alors soyons heureux!". Mary, une femme qui avait étudié à l'université et qui était devenue femme de ménage par nécessité, une  femme solide et qui sait faire face aux coups du destin. De l'autre, l'intello bobo, moins consciente de ses privilèges, parfois hystérique et qui prétend tout contrôler, mais peut-on contrôler les sentiments, peut-on contrôler la vie ?
Avec un  humour caustique, l'auteure brosse deux magnifiques portraits de femmes, chacune avec ses  qualités et ses défauts, et le lecteur  se régale des mal-entendus et des manières différentes  d'envisager les mêmes événements,  de la lutte pour le pouvoir, subtile et passionnante, pleine  de rebondissements.Un vrai  coup de coeur pour une écriture à la fois grave et pleine de peps !

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à la vue à la mort

Une nouvelle couverture et une adaptation télévisée ce soir , scénario signé Françoise Guérin !

Loin des romans américains formatés,le premier roman policier de Françoise Guérin, A la vue , à la mort se joue des  conventions du genre et fait éclater la structure classique : mise en place, meurtre,enquête.
Quand le récit commence, deux meurtres ont déjà eu lieu mais l'événement le plus important est sans conteste que le Commandant et profileur Lanester, chargé de l'enquête ,est devenu soudainement aveugle.ALVALM-Nouvelle-couv-184x300.jpg
Cette cécité n'ayant aucune cause pathologique, Lanester va entreprendre, bon gré ,mal gré, une enquête sur lui même en commençant une analyse, tout en poursuivant le meurtrier en série qui a la charmante habitude d'énucléer ses victimes.
Rien de gore dans cette double enquête passionnante où l'on apprend au passage des trucs utilisés par les aveugles ainsi que quelques rudiments d'une technique de combat (ça peut toujours être utile). Autour de Lanester,évolue toute une faune de personnages pittoresques, que paradoxalement, ill n'apprendra à regarder que quand il sera aveugle...
Françoise Guérin écrit de manière fluide et nous fait partager son amour des mots.  Elle a su créer un univers et faire exploser les clichés du genre, c'est sans doute pour cela que son livre a remporté le prix du premier roman du festival de Cognac !

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Etrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage

"S'il y a bien une chose qui me tape sur le système, c'est de commencer un nouveau chapitre et de m'apercevoir que ce con de narrateur a changé."

Et pourtant, évidemment Etrange suicide dans une Fiat rouge à faible kilométrage va user de cet artifice car il met en scène deux personnages principaux:Ethered Tressider, romancier polygraphe, créateur d'un personnage de policier qu'il ne maîtrise plus et son agent, l'encombrante Elsie qui déteste autant la littérature que les écrivains.l.c. tyler,humour british,polar
Tous deux vont se retrouver à mener une enquête ,chacun de leur côté et parfois ensemble, quand l'ex-femme de Ethelred va avoir la "bonne " idée de se suicider à quelques kilomètres de chez lui dans le véhicule mentionné dans le titre.
Nous avons ici un roman astucieux en diable , bourré d'humour british, où les mots jouent un rôle essentiel .Mais l'auteur ne fait pas le malin, ne prend pas son lecteur pour un imbécile et ne fait pas d'effets de manches. Un pur régal donc !

Déniché à la médiathèque et vient de sortir en poche. à se procurer sans hésitations.

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Supplément à la vie de Barbara Loden...en poche

"Barbara ne fait des films que pour ça. Apaiser. Réparer les douleurs, traiter l'humiliation, traiter la peur."

Barbara Loden, actrice des sixties mais aussi réalisatrice d'un unique film Wanda, dont elle incarne le personnage éponyme (car "Tout ce que je fais c'est moi." ) est le sujet de la notice que doit rédiger la narratrice du roman.nathalie léger
Mais, très rapidement, à force d'accumuler la documentation , cette dernière qu'on devine très proche de l'auteure, prend sa mission de plus en plus à coeur et laisse aller son texte vers l'autobiographie, quoi qu'en dise son éditeur. Elle approfondit son enquête, n'hésitant pas à contacter l'entourage de Barbara Loden, se laissant fasciner par la personnalité de cette femme troublante.
De la même manière que la notice se détourne de sa direction initiale, entrelaçant la biographie de Barbara, le film Wanda et les réactions de la narratrice et de sa mère, Nathalie Léger nous offre le portrait de femmes à la dérive. Son écriture est à la fois précise et hypnotique, elle tisse son texte avec maestria et envoûte le lecteur. Un texte qui reste longtemps en mémoire et résonne en nous.

Un extrait :

"A quoi puis-je reconnaître ce qui me lie à Wanda ? Je n'ai jamais erré sans domicile, je n'ai pas abandonné d'enfants, je n'ai jamais remis le cours de mon existence  ou simplement celui de mes affaires à un homme, le cours quotidien de ma vie, je ne l'ai jamais confié à quiconque, me semble-t-il, j'ai abandonné des hommes, et parfois brutalement, avec la joie vibrante qu'o éprouve à bifurquer, à s'évanouir dans une foule, à sauter sans prévenir dans un train, à faire faux bond, le plaisir aigu et rare de se dérober, de se soustraire, de disparaître dans le paysage-mais pas celui de se soumettre. [...] mais il m'est arrivé surtout de me laisser faire, d'attendre que ça passe, de préférer le malentendu à l'affrontement-impossible dans ces moments de penser  que la défense et l'illustration de mon corps  puisse en valoir la, peine, et d'ailleurs qu'est ce que ça signifie "mon corps" , à quinze ans, seul signifie  ne pas être seule, ne pas être abandonnée."

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”Il avait appris à ne jamais contrarier les grilles.”

L'action se déroule à 8 kilomètres de Lille, les personnages parlent ch'ti,l'une des héroïnes, Gisèle, travaille à la Poste et le roman de Cypora Petitjean-Cerf s'intitule Le  film mais  bien sûr tout cela  n'a rien à voir avec Bienvenue chez les Ch'tis.31ZTBsZhGgL._SL500_AA240_.jpg
Ruth, professeure des écoles au bord de la déprime ,tant l'ennui la tenaille ,est au bord de trucider ses élèves (du moins en esprit ! ). Heureusement  elle devient amie  avec sa voisine Gisèle  et toutes deux décident de  participer au festival  du film documentaire de Marseille. Pour chaque femme  Racines sera l'occasion de revenir sur le  passé et de s'interroger sur son identité .Mais peu à peu c'est  tout leur entourage qui va aussi être bouleversé par la réalisation de ce film.
A lire ce résumé vous bâillez déjà prévoyant la prise de  tête et de doliprane. Vous auriez tort car il ya chez  les personnages de Cypora Petitjean-Cerf une énergie, une truculence,  une excentricité tranquillement assumée qui les  rend instantanément sympathiques et attachants.  On y croise (comme dans le corps  de Liane ) des femmes fortes qui ici tarabustent et infantilisent leurs maris tout en les chouchoutant,  des  mères de  famille hystériques, des  secrets de  famille, mais  aussi  des relations tendres et touchantes qui se nouent  de manière improbable, avec en fond sonore des chansons du latin lover Julio Iglesias...ça pleure, ça rit , ça s'embrasse mais ça ne verse jamais dans la guimauve et les  bons  sentiments.
Cypora Petitjean Cerf s'interroge sur les liens familiaux , l'identité sexuelle, religieuse et culturelle  et son roman nous réserve plein  de  surprises,  montrant la capacité que nous  avons à nous aveugler , mais aussi à rebondir , à ne pas laisser les situations se fossiliser.
Chaleureux comme les gens du Nord qui ont dans le coeur...vous connaissez la chanson !

Cypora Petitjean-Cerf, le film, stock.342 pages pétillantes !

Du même auteur, tous deux sortis  en poche : le musée de la sirène, le corps de Liane.

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Tenir jusqu'à l'aube...en poche

"Elle ne pouvait se permettre aucune erreur, aucun écart. L'enfant et elle devaient filer doux, afficher zéro défaut, ne laisser aucune prise à la société. A tout instant, ils risquaient d'être étiquetés "famille à problèmes". Ils étaient hors-normes, ils étaient fragiles, ils étaient suspects."

Dans l'espoir de maintenir un lien ténu avec le père de son enfant de deux ans, la narratrice, graphiste free-lance, continue à vivre dans une ville où elle n'a ni amis, ni famille qui pourraient la sortir de ce huis-clos parfois étouffant avec son fils.
Les difficultés matérielles s'accumulent et la jeune femme commence à fuguer hors de l'appartement pour échapper à "cette créature qu'elle avait créée de toutes pièces: la bonne mère ".
Ces fugues "comme une respiration" un entêtement" créent une tension dans le roman car elles deviennent de plus en plus une nécessité et la narratrice ne peut s'en empêcher, même si elle a bien conscience de "Tirer sur la corde", titre de la deuxième partie du roman.
Cette tension est d'autant plus grande qu'elle est mise en parallèle avec le récit dont le petit ne se lasse pas: "La chèvre de Monsieur Seguin", cette chèvre ,qui, par amour de la liberté est prête à affronter le pire. Scandant le roman, les extraits de la nouvelle d'Alphonse Daudet seront aussi l'occasion d'un clin d’œil final à la fois jubilatoire et  violent.carole fives
Car oui, de la violence il y en a dans ce roman. Celle des internautes intervenant sur les forums de mamans solos, sortes de harpies vengeresses prêtes à lapider toutes celles qui osent se plaindre de leur fatigue,de leurs galères, de leur solitude... Celle des institutions (crèches, personnel de santé...), des propriétaires de logements, celle d'une société où les violences physiques faites aux femmes sont banalisées et niées, ne serait-ce que par les mots...
Mais Carole Fives sait aussi se faire intimiste en décrivant le quotidien de ce couple fusionnel mère-enfant, en soulignant la nécessité de "Réintégrer son corps." ,"Un corps sans enfant qui s'y cramponne. Un corps sans poussette qui le prolonge". Là, l'écriture colle au plus près des sensations et fait partager au lecteur ce sentiment de grande respiration nécessaire.
Un roman dévoré d'une traite puis relu dans la foulée, plus lentement cette fois pour mieux le savourer. Et zou sur l’étagère des indispensables !

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Tenir jusqu'à l'aube...en poche

"Elle ne pouvait se permettre aucune erreur, aucun écart. L'enfant et elle devaient filer doux, afficher zéro défaut, ne laisser aucune prise à la société. A tout instant, ils risquaient d'être étiquetés "famille à problèmes". Ils étaient hors-normes, ils étaient fragiles, ils étaient suspects."

Dans l'espoir de maintenir un lien ténu avec le père de son enfant de deux ans, la narratrice, graphiste free-lance, continue à vivre dans une ville où elle n'a ni amis, ni famille qui pourraient la sortir de ce huis-clos parfois étouffant avec son fils.
Les difficultés matérielles s'accumulent et la jeune femme commence à fuguer hors de l'appartement pour échapper à "cette créature qu'elle avait créée de toutes pièces: la bonne mère ".
Ces fugues "comme une respiration" un entêtement" créent une tension dans le roman car elles deviennent de plus en plus une nécessité et la narratrice ne peut s'en empêcher, même si elle a bien conscience de "Tirer sur la corde", titre de la deuxième partie du roman.
Cette tension est d'autant plus grande qu'elle est mise en parallèle avec le récit dont le petit ne se lasse pas: "La chèvre de Monsieur Seguin", cette chèvre ,qui, par amour de la liberté est prête à affronter le pire. Scandant le roman, les extraits de la nouvelle d'Alphonse Daudet seront aussi l'occasion d'un clin d’œil final à la fois jubilatoire et  violent.product_9782072874567_180x0.jpg
Car oui, de la violence il y en a dans ce roman. Celle des internautes intervenant sur les forums de mamans solos, sortes de harpies vengeresses prêtes à lapider toutes celles qui osent se plaindre de leur fatigue,de leurs galères, de leur solitude... Celle des institutions (crèches, personnel de santé...), des propriétaires de logements, celle d'une société où les violences physiques faites aux femmes sont banalisées et niées, ne serait-ce que par les mots...
Mais Carole Fives sait aussi se faire intimiste en décrivant le quotidien de ce couple fusionnel mère-enfant, en soulignant la nécessité de "Réintégrer son corps." ,"Un corps sans enfant qui s'y cramponne. Un corps sans poussette qui le prolonge". Là, l'écriture colle au plus près des sensations et fait partager au lecteur ce sentiment de grande respiration nécessaire.
Un roman dévoré d'une traite puis relu dans la foulée, plus lentement cette fois pour mieux le savourer. Et zou sur l’étagère des indispensables !

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20/08/2020 | Lien permanent

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