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04/02/2012

Les femmes du braconnier... en poche

"...pourquoi cette hécatombe autour de l'écriture ? "

La vie ardente de la poétesse et romancière américaine Sylvia Plath, son mariage avec un poète tout aussi charismatique, Ted Hughes, son suicide enfin, ont déjà donné naissance à de nombreuses études, voire à des romans ( dont le magnifique Froidure de Kate Moses que je recommande vivement).
Claude Pujade-Renaud, à son tour, revisite cette existence marquée par de grandes périodes d'exaltation suivies de non moins importants épisodes dépressifs. Mais la maladie mentale n'explique pas tout ,loin s'en faut. En choisissant de multiples points de vue, ceux des principaux protagonistes bien sûr, mais aussi des personnages plus extérieurs , tels une concierge ou un voisin, Claude Pujade-Renaud effectue ainsi un tour le plus complet possible de ces personnages hors du commun.claude pujade-renaud,sylvia plath

Des chapitres courts qui s'enchaînent avec fluidité , portés par l'intensité de l'écriture, une écriture traversée par de nombreuses figures animales . Le livre commence ainsi sur la vision d'un cheval qui s'emballe et se clôt sur une guenon se laissant mourir ; animaux que l'on trouve au départ  aussi bien dans les poèmes de Sylvia( en particulier les abeilles liées à l'image paternelle) que dans ceux de de Ted, car comme le montre l'auteure, il y a eu , même au-delà de la mort, durant trente ans "un travail de tissage entre les textes " de ces deux poètes.En outre, deux scènes , l'une d'harmonie totale entre les amants et la Nature, l'autre d'une violence extrême , montrant Sylvia, essoufflée, alourdie par ses maternités,  détruisant avec furie les collets des braconniers, tandis que Hughes se tait mais prend secrètement le parti des ruraux, fonctionnent en écho et symbolisent la rupture en marche...
Le sang, celui de la morsure initiale qu'inflige Sylvia à Ted, celui des règles, qu'elle refuse avec horreur, la couleur vermillon qu'elle emploie à tour de bras, tout ce rouge court au long de ce roman charnel, marqué également par les odeurs fortes liées à l'animalité et à la puissance.
Sous le couvert des différents narrateurs , on devine parfois la voix de l'auteure, quand sont rectifiés certains détails ou bien quand est fustigée l'attitude des féministes qui n'ont cessé de vouer Hughes aux gémonies, lui reprochant en particulier la censure exercée dans l'édition de certains textes de Plath, voire leur destruction totale .
Mais il ne faudrait pas oublier également le portrait , tout en nuances, que brosse Pujade-Renaud d'Assia, souvent présentée comme la briseuse de ménage, mais qui fut elle aussi fascinée tout à la fois par Hughes mais aussi par Sylvia et qui en paya le prix fort.
Une oeuvre riche et puissante montrant aussi les ravages et les bonheurs de l'écriture : "S'ajoutait le cauchemar de ne pas dormir .Ou si peu : je me réveillais malaxée, concassée par les rêves. La sensation d'avoir été lapidée par une grêle de météorites oniriques. Peut être n'avais-je pas droit à un sommeil réparateur puisque je n'avais rien produit? Ou mal. Ou pas assez. La perfection ou rien !"Un roman que j'ai dévoré avec passion, même si je connaissais ou croyais connaître l'histoire de Sylvia Plath.

09/01/2010

Juste pour vous donner envie...

"Ils pénètrent plus avant dans la fûtaie, recueillis, se laissent imprégner. Lors de leurs précédentes balades, il lui a aprris à demeurer lisse et calme, tel un tronc. Elle souhaite que les oiseaux se perchent sur leurs épaules, que des lézards grimpent le long de leurs jambes . Eux nous ont repérés, murmure Ted, ils nous observent, nous décryptent et nous classent: ce sont  de bien meilleurs anthropologues qiue nous, je voudrais tellement apprendre ce savoir qu'ils ont accumulé sur notre espèce, je voudrais pouvoir mieux lire ces écritures animales -parcours et gîtes minuscules, sons ténus, parfums et fientes-, si mal déchiffrées par l'homme, et qui dessinent un territoire différent, là, si près d enous. Aux aisselles des branches, aux cicatrices des écorces, dans la lenteur des racines et la douceur  des mousses, sous le  croupissement brunâtrees flaques. ted observe, traduit quand il peut. Ici, un lièvre a gîté. Dans ce creux, un renard a dévoré des mulots."

Claude Pujade-Renaud, Les femmes du braconnier (Billet lundi !:))

Et comme juste avant Sylvia Plath déclame du Chaucer à des vaches anglaises, des Shorthorn, je ne vais pas me priver !

shorthorn_heifers-500.jpg