05/04/2018
La femme murée
"Disons qu'elle fait un avec sa construction. Qu'elle a autant le bâti dans le corps que le bâti est elle. Une double carapace. Elle n'a jamais fait la différence entre sa constitution et sa construction. C'est peut être une maladie..."
Marginale, "méconnue, méprisée, incomprise.[...] Orpheline tout court", telle est Jeanne Devidal (1908-2008).
Surnommée la folle de Saint Lunaire, elle bâtit inlassablement une maison faite de bric et de broc qui débordait sur la route et abritait un tilleul en ses murs.
Si cette passion bâtisseuse n'est pas sans évoquer celle d'un facteur Cheval, Fabienne Juhel nous immerge dans la pensée de cette femme qui n'a pas du tout les mêmes motivations que le créateur du palais idéal.
L'auteure édifie, chapitre après chapitre, les différents éléments de cette construction atypique. Elle est pleine d'empathie pour cette femme qui se dit en contact avec ceux qu'elle appelle "les Invisibles" , ce qui lui vaudra plusieurs séjours en hôpital psychiatrique , électrochocs à la clé. Ce qui nous apparaît d'autant plus intolérable quand on apprend le passé de celle qui fut une résistante torturée par les Allemands durant laSeconde guerre mondiale.
C'est par une série de coïncidences que Fabienne Juhel a eu connaissance de cette"Sisyphe femelle des temps modernes" qui ne possédait même pas une pierre tombale à son nom. Mais nul doute que cette rencontre par-delà le temps était inévitable tant l'auteure de La femme murée , avec son style sensible et poétique ,a su nous rendre proche et inoubliable Jeanne Devidal. Un texte dont on pourrait corner toutes les pages tant l'écriture est belle et poignant le personnage de Jeanne dont le destin est emblématique de tant de femmes courageuses, marginales que la société s'employa à faire céder.
Un texte qui file, bien évidemment, sur l'étagère des indispensables.
le Rouergue 2018
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : fabienne juhel
01/04/2014
Julius aux alouettes
"Je suis un prince, un pirate, un artiste, un ange, le frère désiré. L'étrange étranger. Un voyageur sans bagage. Comme il vous plaira.
Je suis ce que vous désirez voir. Je suis le dépositaire de vos souvenirs.
Je suis votre miroir aux alouettes."
Un étranger à la peau d'ébène met pied à terre sur une plage bretonne (qu'on imagine bien finistérienne) lors d'une grande marée d’équinoxe. Chaque membre d'une famille du cru du père médecin , en passant par la mère galeriste, la grand-mère jusqu'aux deux enfants, vont être séduits par cet homme qui dit s'appeler Julius.
Un schéma narratif qui n'est pas sans rappeler le film Théorème de Pasolini mais emprunte aussi à la terminologie chrétienne puisque le roman commence par l'inhumation de Julius par ceux qui affirment tous l'avoir assassiné. Inhumation qui comporte des stations qui ne sont pas sans évoquer celles du Christ. Pourtant, on peut aussi y voir ,de manière plus large, une volonté de "déciller vos yeux à la lumière du monde", comme l'affirme Julius. Et de lumière il en est beaucoup question dans ce roman solaire , à la frontière de la parabole, empli de sensualité et qui rend compte du monde de manière charnelle.
Au lecteur de faire comme les membres de cette famille et de voir en Julius ce qu'il veut y trouver. Pour ma part, ce fut un grand bonheur de lecture.
Julius aux alouettes, Fabienne Juhel, La bruen aux éditions du Rouergue 2014, 206 pages lumineuses.
le billet de Clara, la tentatrice fan.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : fabienne juhel
13/09/2012
A l'angle du renard...en poche
Des citadins qui s'installent à la campagne avec leurs enfants, Juliette et Louis. Leur voisin est un fermier, vieux garçon,Arsène Le Rigoleur, dont l'attitude contredit plutôt le patronyme. Les deux gamins sont toujours fourrés dans les pattes du fermier, ce qui n'est pas sans inquiéter leur mère, car il n'inspire pas franchement la sympathie l'Arsène...
Choisissant comme narrateur ce fermier qui "a laissé courir ses racines à travers champs", Fabienne Juhel distille au compte-goutte allusions et révélations qui génèrent une tension extrême. Arsène est-il juste un être taciturne "Je suis de la race des hêtres", sans histoire ou un individu potentiellement dangereux ?
Tout au long du roman court cette image de l'incendie, réel ou imagé, cette rousseur qui va de la couleur des cheveux d'un enfant à la lueur de rouille dans un regard, sans oublier celle des différents renards qui hantent ce récit, renards qui n'ont rien à voir avec celui du petit prince, même s'il est aussi question d'apprivoisement dans ce texte mais d'une façon toute particulière, A l'angle du renard....
Un roman prenant qui charrie des émotions sourdes et féroces, une écriture ancrée dans la terre qu'elle célèbre de manière charnelle.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : fabienne juhel
13/05/2009
Apprivoiser le renard ?
Des citadins qui s'installent à la campagne avec leurs enfants, Juliette et Louis. Leur voisin est un fermier, vieux garçon,Arsène Le Rigoleur, dont l'attitude contredit plutôt le patronyme. Les deux gamins sont toujours fourrés dans les pattes du fermier, ce qui n'est pas sans inquiéter leur mère, car il n'inspire pas franchement la sympathie l'Arsène...
Choisissant comme narrateur ce fermier qui "a laissé courir ses racines à travers champs", Fabienne Juhel distille au compte-goutte allusions et révélations qui génèrent une tension extrême. Arsène est-il juste un être taciturne "Je suis de la race des hêtres", sans histoire ou un individu potentiellement dangereux ?
Tout au long du roman court cette image de l'incendie, réel ou imagé, cette rousseur qui va de la couleur des cheveux d'un enfant à la lueur de rouille dans un regard, sans oublier celle des différents renards qui hantent ce récit, renards qui n'ont rien à voir avec celui du petit prince, même s'il est aussi question d'apprivoisement dans ce texte maisd'une façon toute particulière, A l'angle du renard....
Un roman prenant qui charrie des émotions sourdes et féroces, une écriture ancrée dans la terre qu'elle célèbre de manière charnelle.
Fabienne Juhel, A l'angle du renard, Editions du Rouergue, collection La Brune, 235 pages ardentes.
06:10 Publié dans Prix Landerneau 2009 | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : a l'angle du renard, fabienne juhel