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05/06/2017

La succession

"Elle était de ces femmes sur lesquelles on sait pouvoir compter et qui n'hésitaient pas à vous remettre dans le droit chemin du bonheur."

Paul Katrakilis a fui sa famille et son destin tout tracé en devenant non pas médecin, comme son père, mais joueur professionnel de cesta punta à Miami. jean-paul dubois
Ce qui ne l'a pourtant guère égayé. Il traîne une mélancolie languide, dont on ne sait si elle due à une enfance pour le moins particulière ou à son atavisme familial, les Katrakilis ayant une fâcheuse tendance à se suicider.
Le décès de son père l'oblige à rentrer en France, où il va peu à peu remettre ses pas dans ceux de celui qu 'il envisage comme étant "lui aussi reclus dans une forme de solitude, enfermé dans une prison familiale avec des détenus dont il ne parlait pas la langue."
L'espoir ne fait ici que de brèves apparitions, vouées immédiatement à l'échec. La tragédie est en marche et le détachement du personnage principal, s'il empêche tout pathos , ne trompe pas son monde. Un roman qui distille une mélancolie contagieuse.

 

La succession, Jean-Paul Dubois, Le seuil 2016.

Déniché à la médiathèque.

17/12/2012

Le cas Sneijder

"N'importe quelle lumière vaut mieux que l'obscurité."

Paul Sneijder, unique survivant d'un accident d'ascenseur dans lequel a péri sa fille, n'a trouvé que deux moyens pour maintenir la tête hors de l'eau. Le premier: emmagasiner des informations sur les ascenseurs, comme si ce savoir pouvait le rapprocher de celle qu'il a si peu connue. Le second: promener des chiens, au grand dam de son ambitieuse épouse qui, suppute-t-il "aurait[...] préféré que je m'enfonce dans un long coma, sorte de période transitoire à l'issue de laquelle elle aurait pu enfin se prévaloir d'un gratifiant statut de veuve. libérée d'un conjoint socialement déclassé, d'un compagnon déprimant, elle aurait pu mener une nouvelle existence plus en rapport avec sa surface sociale, territoire préservé avec jalousie, dont, chaque jour, elle vérifiat les côtes et les frontières."jean-paul dubois
Alternant acuité terrible et émotion, Jean-Paul Dubois n'est jamais aussi bon écrivain que quand il nous décrit des hommes aux prises avec une réalité qu'il ne peuvent plus supporter.
Les ascenseurs et les chiens sont pour son héros deux biais pour envisager une humanité pas jolie jolie aux yeux de ce sexagénaire qui refuse dorénavant tout ce qu'il avait supporté jusqu'à présent. On ne sombre jamais dans le pathétique mais on a juste le coeur serré à la fin du roman, un peu comme dans certains films d'Elia Kazan.

Le cas Sneijder, Jean-Paul Dubois, points seuil 2012, et zou sur la fameuse étagère des indispensables , extensible ,comme on n'en trouve pas chez le Suédois.

Merci à Sylvie de m'avoir donné envie !:)

Plein d'avis chezBabelio !

21/09/2012

Tous les matins je me lève

"Tiens, en voilà qui se foule pas, il se laisse porter."

Parfois, dans un roman languissant vient une scène ou une phrase qui vient tout sauver, tout racheter. J'étais à deux doigts de me dire que c'était le roman de Jean-Paul Dubois de trop et que cette histoire de romancier sans contraintes mais qui se "débrouillait toujours pour [se] retrouver coincé dans les embarras", qui la nuit rêve de manière répétitive de matchs fabuleux de rugby dans lesquels il se donne le beau rôle, tout en conduisant le jour de vieilles bagnoles qu'il chérit, j'allais l'abandonner quand tout à coup...Une scène de sauvetage de chien , poignante, qui vient cueillir le lecteur au plexus et la phrase finale , comme un mantra désabusé et d'un simplicité ravageuse:

'Je ne vaux pas grand chose, je ne crois en rien  et, pourtant, tous les matins, je me lève."Tout est dit.

jean-paul dubois

20/09/2012

Duboismania (tendance Jean-Paul)

"...au regard de ce qui nous attend on devrait parfois vivre avec davantage de modestie."

Il aura fallu que je me décide à terminer Une vie française, où, en plus d'un roman familial se donnant comme ossature les mandats des différents présidents de la Vème République, j'ai découvert un personnage principal selon mon coeur et de superbes pages sur les arbres, pour que je sois atteinte de la Duboismania, tendance Jean-Paul.41CCSPVZ01L._AA115_.jpg
Avant d'arriver à cette quasi perfection du personnage masculin qui parvient à gagner sa vie presque sans s'en rendre compte, sans horaires, sans contraintes ou presque (ici il est photographe de plantes ) mais passe en contrepartie à côté de sa vie de famille, il aura fallu bien des avatars.  Il s'agit souvent d' écrivains ou de scénaristes prénommés Paul, flanqués d'une femme prénommée Anna, tour à tour dépressive ou au contraire carriériste hyper active avec laquelle le héros masculin n'entretient plus que de lointains rapports. Ce couple est généralement accompagnés d'enfants, plus proches de la mère, et dans lesquels le narrateur se reconnaît rarement.414P92H5AJL._SL500_AA300_.jpg
Personnages récurrents aussi dont on guette l'apparition et les diatribes inhérentes, le dentiste que le héros de Kennedy et moi n'hésitera pas à mordre pour lui faire perdre sa suffisance ( à sa décharge, dans Le Cas Sneijder, le narrateur expliquera que dans sa jeunesse les dentistes étaient de vrais tortionnaires pourvus de matériel rudimentaire...) et le psychiatre. Ce dernier, manipulé dans Kennedy et moi, peine à trouver un traitement adéquat à la dépression d'Anna dans Les accommodements raisonnables et aura un rôle beaucoup plus violent dans Le cas Sneijder. Défiance du narrateur donc par rapport à ces hommes qui  semblent ne  traiter les symptômes sans prendre réellement en compte la souffrance de leurs patients.
Beaucoup de tendresse se dégage de ces romans, que ce soit pour les parents du narrateur dans Une vie de famille, ou pour le vieux metteur en scène hollywoodien qu'un projet improbable va remettre en selle dans Les accommodements raisonnables.  On suit le vieillissement du narrateur au fur et à mesure , il atteint la soixantaine dans Le cas Sneijder, et on le voit se détacher de plus en plus des contraintes sociales et laisser place à l'expression de sa souffrance.
On sourit, on a le coeur serré en lisant ces textes qui distillent à la fois beaucoup d'humour et de désenchantement face aux compromis auxquels nous contraint la vie.41msVRiGuZL._SL500_AA300_.jpg
 Le charme agit presque toujours (un seul livre m'a déçue car trop prévisible, Si ce livre pouvait me rapprocher de toi, où un fils part au Canada sur les traces de son père défunt) et l'addiction est au rendez-vous !

Romans dénichés pour la plupart à la médiathèque et existant en format poche.