06/09/2014
Ils désertent...en poche
"Tout a été alors très différent, les livres avaient ouvert une brèche , laissé les portes ouvertes."
Elle vient enfin d'être embauchée à un poste auquel la destinait son diplôme de commerce , diplôme acquis à force de travail. Elle va donc pouvoir acquérir à crédit ce qui aurait fait la fierté de son père: un appartement, en l’occurrence trop grand pour elle et désespérément vide. Très vite, elle va comprendre la vraie raison de son embauche: licencier un vieil employé surnommé l'ancêtre, ou l'Ours, en raison de son caractère.
Mais les relations entre celui qui vit "dans une sorte d'entre-deux permanent " et celle qui doit le débarquer vont prendre un tournant auquel la direction de l'entreprise ne s'attendait guère. En effet, les mots,entre autres ceux d'un voyageur de commerce nommé Rimbaud dont les lettres accompagnent l'ancêtre, vont changer la donne et injecter de la poésie et de l'humanité dans des existences qui en semblaient tragiquement dépourvues.
Thierry Beinstingel fait évoluer ses personnages, jamais nommés, mais désignés uniquement par des pronoms, Vous pour l'ancêtre, Tu pour la jeune femme dans un univers singulièrement désincarné et peu décrit : celui des grandes zones commerciales, celui des aires de repos où surnagent quelques îlots de rencontres éphémères. Ce qui pourrait être une succession de clichés devient ici une évocation surprenante de la vie d'un commercial atypique qui transforme une vente de papiers peints en expérience quasi artistique et fascinante !
Si j'ai été un peu heurtée au début par la désignation des personnages , je suis pleinement entrée dans cet univers méconnu de ceux qu'on appelait autrefois les voyageurs de commerce. Une évocation réussie même si un tout petit peu moins puissante que dans Retour aux mots sauvages car un peu prévisible.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : thierry beinstingel
02/10/2012
Ils désertent
"Tout a été alors très différent, les livres avaient ouvert une brèche , laissé les portes ouvertes."
Elle vient enfin d'être embauchée à un poste auquel la destinait son diplôme de commerce , diplôme acquis à force de travail. Elle va donc pouvoir acquérir à crédit ce qui aurait fait la fierté de son père: un appartement, en l'occurence trop grand pour elle et désespéremment vide. Très vite, elle va comprendre la vraie raison de son embauche: licencier un vieil employé surnommé l'ancêtre, ou l'Ours, en raison de son caractère.
Mais les relations entre celui qui vit "dans une sorte d'entre-deux permanent " et celle qui doit le débarquer vont prendre un tournant auquel la direction de l'entreprise ne s'attendait guère. En effet, les mots,entre autres ceux d'un voyageur de commerce nommé Rimbaud dont les lettres accompagnent l'ancêtre, vont changer la donne et injecter de la poésie et de l'humanité dans des existences qui en semblaient tragiquement dépourvues.
Thierry Beinstingel fait évoluer ses personages, jamais nommés, mais désignés uniquement par des pronoms, Vous pour l'ancêtre, Tu pour la jeune femme dans un univers singulièrement désincarné et peu décrit : celui des grandes zones commerciales, celui des aires de repos où surnagent quelques îlots de rencontres éphémères. Ce qui pourrait être une succession de clichés devient ici une évocation surprenante de la vie d'un commercial atypique qui transforme une vente de papiers peints en expérience quasi artistique et fascinante !
Si j'ai été un peu heurtée au début par la désignation des personnages , je suis pleinement entrée dans cet univers méconnu de ceux qu'on appelait autrefois les voyageurs de commerce. Une évocation réussie même si un tout petit peu moins puissante que dans Retour aux mots sauvages (clic) car un peu prévisible.
Isa a été conquise,
tout comme Jean-Marc !
06:00 Publié dans rentrée 2012, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : thierry beinstingel, rimbaud voyageur de commerce
12/09/2010
Retour aux mots sauvages
"Il a eu du mal au début: la parole contre le silence, la bouche contre la main, c'est un drôle de combat."
Cela aurait pu être pire, il aurait pu connaître le chômage. Et même s'il faut changer de prénom, endosser une autre identité pour les clients de la plate-forme téléphonique, devenir ce Eric qui va lire sur un écran des formules toutes faites, des mots calibrés, soigneusement pesés, l'ancien électricien devenu téléopérateur a eu de la chance: il est tombé sur une équipe sympa, où le chef a su garder humanité et compassion. Pourtant les suicides commencent à ne plus pouvoir être cachés au sein de cette entreprise qui ne sera jamais nommée. Comment ne pas se faire broyer par le travail? Comment revenir aux mots sauvages, aux mots libres, ceux de la vie non formatée ?
Thierry Beinstingel dresse un constat glaçant du monde de l'entreprise en prenant le point de vue d'un nouvel arrivant , doublement incongru car lui c'était avec ses gestes précis et efficaces qu'il se sentait réellement utile, non avec des mots creux qu'il faut savoir manipuler au gré des campagnes de vente.
En lisant ce roman, le lecteur ressent physiquement le malaise du narrateur dépossédé de son savoir, et de longues coulées de noms viennent accentuer cette impression. Un roman qui fait froid dans le dos mais qui témoigne aussi de l'humanité qui se niche dans les endroits les plus arides.
Retour aux mots sauvages, Thierry Beinstigel, Fayard, 295 pages nécessaires.
08:10 Publié dans rentrée 2010, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : thierry beinstingel, souffrance au travail