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24/05/2013

L'inconstance de l'espèce

"Tragique , la façon dont la nature exhibait ici l'inégalité de développement entre les sexes."

Trente ans d'enseignement dans un collège de l'ex-R.D.A ont aiguisé le regard ( et la pensée ) de Inge Lohmark. Un peu déformé aussi, il faut bien l'avouer, car la professeure de biologie et de sport envisage tout ce qu'elle observe, tout ce qu'elle analyse à travers le prisme scientifique.
Elle tient ainsi tous et tout à distance, corsetée qu'elle est dans un univers où les sentiments n'ont guère droit de cité. Elle analyse avec une froide lucidité son couple (son mari plus préoccupé par son élevage d'autruches que par sa famille), sa fille (qui a fui aux Etats-Unis), ses collègues, ses élèves (voir un hilarant plan de classe  des "primates " (comprendre ses élèves) qu'elle épingle comme des papillons avec une réjouissante férocité .  Ainsi Saskia : " Pourrait même être jolie sans tout ce maquillage. Visage bien proportionné, front haut, sourcils épilés, expression bête à manger du foin. Entretient avec maniaquerie son pelage."judith schalansky
Avec le même détachement, elle constate l'interchangeabilité des idéologies et de leurs discours , pointant du doigt les promesses irréalistes mais aussi les contraintes du nouveau système. Sa pensée part parfois en vrille mais toujours avec la même rigueur .Des phrases courtes, souvent nominales  traduisent bien cette volonté d'analyse ironique, ponctuée de très peu de points d'exclamation. De la tenue, que diable !
L'humour, parfois cruel, est toujours présent , "Combien d'enfants les Marten avaient-ils jusqu'à présent, personne ne le savait précisément. [...] elle avait interrogé un des petits Marten à ce sujet. il avait promis de se renseigner auprès de ses parents."et l'on déguste avec bonheur ce portrait de femme inoubliable. à noter que le roman est richement illustré de gravures , comme exhumées d'un vieux livre de biologie. Un pur régal !

L'inconstance de l'espèce, Judith Schalansky, traduit de l'allemand par Matthieu Dumont, Actes Sud 2013, 229 pages et une multitude de cornes !

 

Merci Cuné !