30/10/2018
Bouche cousue
"Qui donc me rendra mon prénom ? "
En 93 petites pages, d'une efficacité pleine de délicatesse, isabelle Minière relate une rupture amoureuse, ses prémices et ses conséquences.
Elle centre son propos sur le pouvoir des mot, l'homme abandonné passant progressivement de son surnom "Tintin" à ...rien. "Elle ne m'appelait plus du tout. J'avais perdu mon prénom et mon surnom."La versatilité de Flora, l'ex-amoureuse ira même encore plus loin dans la cruauté désinvolte, n'hésitant pas à interchanger des appellation d'un destinataire à un autre.
Du coup, l’abandonné ,qui ne récupérera son prénom qu'à la toute fin du récit, en perd la voix au sens propre du terme. Il lui faudra suivre tout un processus personnel de réappropriation de son identité pour la récupérer; processus qui n'ira pas sans mal car "On veut changer, mais on a toujours un peu peur de se perdre en cours de route." , réalisant peut être la prédiction inscrite dans son prénom.
Un livre raisonnablement optimiste, léger en apparence , mais plein de finesse et dont il faut noter la délicieuse couverture de Vlou.
Un vrai plaisir que de retrouver Isabelle Minière , éditée ici chez Le Verger.
Merci à l'éditeur et à Babelio.
06:00 Publié dans rentrée 2018, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : isabelle minière
03/10/2017
Au pied de la lettre
"Mes parents avaient des jugements si péremptoires et parfois si imbéciles (ça sautait aux oreilles, je vous jure) que ça m' appris à me méfier des jugements."
Barthélémy Martin est-il dépressif ? Pour le savoir, il ira consulter deux psychiatres qui, bien que frères, ont des méthodes très différentes. C’est finalement à un troisième psy qu'il confiera son histoire par lettres, brossant ainsi, par petites touches l'histoire d'un homme effacé depuis l'enfance qui va peu à peu s'émanciper dans sa vie amoureuse et dans sa vie tout court.
Roman épistolaire émaillé de formules éclairantes, Au pied de la lettre nous convie dans un univers qui pourrait être morose, mais qui s'avère plein de fraîcheur. On entre en empathie avec ce personnage qui, falot, prend de plus en plus d'épaisseur dans ses modestes révoltes, pourtant très efficaces. Un roman qui donne le sourire.
Merci à Babelio et aux Éditions Serge Safran.
De la même autrice: clic, clic et reclic.
L'avis d'Antigone.
06:00 Publié dans rentrée 2017, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : isabelle minière
01/09/2014
Je suis très sensible
"C'est dur de décider quand on a peur de se tromper de décevoir. [...] Chaque jour on fait des choix, dit Agathe...Donc chaque jour on peut se tromper . Si on se trompe chaque jour, c'est la vie entière qui est une erreur."
Le bonheur, pour Grégoire, c'est de pouvoir se coucher se bonne heure, nirvana qu'il a atteint depuis qu'il travaille. Le bonheur, c'est aussi de veiller sur Agathe, prof de philo, qu'il a séduite involontairement par sa simplicité et son sourire. Le jeune couple semble évoluer dans une petite bulle de bonheur mais la parfaite mécanique de leur univers va insensiblement se détraquer...
Quel personnage attachant, Grégoire ! Délicat, sensible, il semble flotter au dessus du sol, ne voyant que la beauté du monde (ainsi admire-t-il les paysages d'un film et gomme la réalité de sa violence) et ne s'inquiète pas de ce que le lecteur repère immédiatement, le cœur serré.
Ce décalage, Isabelle Minière, le rend de manière subtile, ne faisant de son personnage principal ni un imbécile heureux ni un inadapté social. Pas d'étiquettes donc, mais un roman tout en nuances qui confirme ici tout le talent d’Isabelle Minière.
Du même auteur : clic, reclic !
Je suis très sensible, Isabelle Minière, Éditions Serge Safran 2014, 170 pages à part.
Un très grand merci à Clara !
Le billet de Martine.
06:00 Publié dans Rentrée 2014, romans français | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : isabelle minière
14/04/2009
"On se fera écraser une autre fois, le coeur n'y est plus."
"Ne les regardez plus. On les a assez vus." Ah ça bataille ferme, mine de rien, dans les familles observées à la loupe par Isabelle Minières ! ça se déchire à belles dents ou à petit bruit mais on ne sait pas ce qui est le mieux. Ou le pire. Mieux vaut peut être se balancer "il n'y a qu'un prof de lettres pour être aussi bête !" que de ruminer de sales pensées par devers soi. Quant aux enfants, ils ont tout compris quand ils affirment : "C'est pas une histoire pour les grandes personnes. ça leur fait peur. C'est une histoire pour les enfants." Et du coup, parfois, les personnages d'Isabelle Minières préfèrent partir, faire Maison buisonnière , partir voir "dehors si j'y suis", au moins ils ne traîneront plus dans les pattes des atres membres de leur famille...Alors évidemment c'est noir , très noir mais plein aussi d'un humour féroce. L'auteure a l'art de traquer les petites noirceurs quotidiennes, tout ce clapotis d'eau nauséabonde qu'on feint d'ignorer pour préserver les apparences et "la paix du ménage".Une petite merveille de noirceur !
ps: une seule nouvelle m'a paru un tantinet trop longue : la dernière, mais c'est ma seule restriction .
Un grand merci à Laure pour le prêt !
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : maison buissonnière, isabelle minière