16/11/2014
Poésie du gérondif
"Comment s'en sort-on dans les langues qui ne distinguent pas ""être " et "avoir" ? Sans aucun problème dans l'immense majorité des cas." (p. 63)
"Linguistique" était autrefois synonyme pour moi de "pensum". Une matière aride, que mes profs de fac nous avaient fait considérer comme figée et centrée sur la langue française.
Fi de ces préjugés ! Jean-Pierre Minaudier, qui n'est pas linguiste , mais "s'est découvert sur le tard un amour pour les langues rares" et "Depuis [...] enseigne le basque et l'estonien (qu'il traduit aussi, on lui doit notamment la version française de L'homme qui savait la langue des serpents, d'Andrus Kivirähk)" (merci la 4ème de couv' !)nous fait partager son bel enthousiasme pour les idiosyncrasies d'une multitude d'idiomes (plus de 800 !), proposant tous une vison différente de l'univers.
Ainsi il existe,des langues sans adjectifs, d'autres où l'on compte en base 20 (se fondant sur les deux mains et les deux pieds), d'autres idiomes encore ne distinguent pas de temps verbaux (à commencer par les langues chinoises) tandis que "certaines langues d'Amazonie [...]possèdent la catégorie du passé non seulement pour les verbes, mais aussi pour les noms."
Jean -Pierre Minaudier est aussi un excellent pédagogue ,expliquant clairement des notions qui nous sont totalement étrangères. Ainsi "les impressifs (ou idéophones)"qui "sont le plus souvent intégrés à une phrase normale, comme des espèces adverbes -un peu comme si l'on pouvait dire : " Il sauta hop dans le ruisseau", sans faire de pause avant ni après le "hop". Dans les langues où ils existent, ils contribuent à colorer l'expression et à nuancer le sens, et leur saveur concrète, charnelle, est parfaitement intraduisible". Voilà qui est dit !
Toutes nos certitudes sont ainsi balayées , ainsi que notre ethnocentrisme , car il ne s'agit pas seulement de collectionner et d'aligner les bizarreries ,mais bel et bien de remettre en question tout ce qui nous paraît évident et acquis.
L'auteur en profite, au passage, pour tacler gentiment les journalistes et les linguistes , mais toujours avec beaucoup d'humour.
Un livre enthousiaste qui fait aussi la part belle -et j'adore ça -aux notes de bas de pages, particulièrement savoureuses,(clic) ,nous rend moins bêtes et réconcilie avec la linguistique. Que demander de mieux ?
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
à recommander aux curieux et aux amoureux des mots !
Poésie du gérondif, Jean-Pierre Minaudier, le tripode printemps 2014, 157 pages piquetées de marque-pages !
06:00 Publié dans l'amour des mots, l'étagère des indispensables | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : jean-pierre minaudier
03/11/2014
-Poésie du gérondif
Je n'en suis qu'à la moitié de livre à la fois instructif et hautement réjouissant , à plus d'un titre, mais je tenais à recenser toutes les adresses, en forme d'intercessions , plus ou moins religieuses, adressées à la maison d'édition, chérie en entre toutes par Jean-Pierre Minaudier; la preuve: elle est la seule à apparaître en majuscules d'imprimerie (et en gras )dans les notes de bas de page (dont il use et abuse pour mon plus grand bonheur) et, emporté par son enthousiasme et sa reconnaissance, l'auteur n'hésite pas à écrire concernant les "infiniment vénérables" éditions berlinoises DE GRUYTTER-MOUTON , spécialisées en linguistique (clic):
-(elles sont le sel de la terre !)
-(qu'elles vivent longtemps pour faire le bonheur du monde)
- (que le Tout-Puissant les ait en sa très sainte garde)
-(que tous les saints du paradis intercèdent en leur faveur au jour du jugement)
-(que la bénédiction des cieux plane éternellement sur elles et toute leur race)
-(que des fleuve de miel, des lacs de salidou* et des océans de Nutell* les récompensent de leurs bienfaits)
-(tous les prophètes ont annoncé leur épiphanie dans des transports de joie)
-(puissant les anges descendre chaque jour à la Maison Fréquentée pour réciter leur nom et leurs mérites !)
-(que le règne, la puissance et la gloire leur appartiennent pour les siècles des siècles)
-(que le tout-Puissant leur accorde une belle part dans ce monde ainsi qu'une belle part dans l'au-delà, et les protège contre le châtiment du feu)
-(que leur nom, qui est comme le nectar, l’ambroisie et le gloubiboulga, soit sur la bouche du seigneur à l'heure où les Justes recevront leur récompense, et qu'il y ait pour elles un jardin ceint de murs au septième ciel)
-(que leur nom, qui est comme l'odeur de la terre après la pluie, sorte de ma bouche avec mon dernier souffle, et qu'il brise à jamais le silence éternel des espaces infinis)
seul petit bémol : "Une autre description du Trio par Sergio Meira, censée paraître en 2010 aux ed. DE GRUYTTER-MOUTON [...] et attendue dans l'extase par des foules hystériques , n'est finalement jamais sortie: depuis , je porte le deuil."
On espère que la maison d'édition en question est au courant d'une telle dévotion...
*pâte à tartiner composée de caramel au beurre salé (c'est malin, j'ai faim ! )
06:00 Publié dans Extraits, l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : jean-pierre minaudier