22/01/2018
L'amour après
"Il faut déserter les modèles, fuir leurs pièges, leurs barbelés invisibles. L'important, c'est d'avoir de l'air, alors tout peut commencer."
Années 50, Marceline Lorida -Ivens qui est "une fille de Birkenau" est rentrée en France et ne tarde pas à prendre son indépendance vis à vis de sa mère.
La jeune femme dont le corps a été figé dans l'adolescence par le camp a soif de vie et de culture. Elle enchaîne aussi les aventures amoureuses ,même si son corps ignore toute sensation de plaisir, de désir ,et restera à jamais "sec", c'est à dire stérile, sans que Marceline le regrette, bien au contraire.
La nudité reste attachée au regard d'un médecin décidant de la vie ou de la mort et Marceline aura toujours des difficultés à se dénuder, y compris dans un contexte médical.
Un récit rare qui évoque le corps, les sentiments d'une jeune femme fracassée par les camps mais qui est pleine d'ardeur, de vie, d'énergie et d'une formidable liberté.
Grasset 2018
06:00 Publié dans Autobiographie | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : marceline loridan-ivens, judith perrignon
28/08/2016
Et tu n'es pas revenu...en poche
"Survivre vous rend insupportables les larmes des autres. On pourrait s'y noyer."
Quand elle est arrêtée, à quinze ans, son père lui dit :"Toi, tu reviendras peut être parce que tu es jeune, moi je ne reviendrais pas."
Cette prophétie s'accomplira . Marceline pourra brièvement ,et au risque de sa vie, revoir son père , envoyé à Auschwitz, tandis qu'elle est déportée à Birkenau et elle recevra un billet de lui. Ce billet, il a disparu dans la tourmente, les mots se sont effacés de sa mémoire mais pas le fait qu'il ait signé de son prénom juif, alors qu'il se voulait français.
Des décennies plus tard, Marceline répond à ce billet, remonte le cours du temps et brosse, à grands traits parfois, des pans de sa vie.
La survie au camp, le retour, la chape de plomb qui pèse sur les survivants, la mère qui veut juste savoir si elle n'a pas été violée et ,par dessus tout, cet amour de la fille pour son père ,font de ce récit tendu comme un arc ,une lecture âpre et nécessaire. Il y a dans ce texte une sourde énergie. Le temps n'a pu balayer les émotions et on sent Marceline Loridan-Ivens à fleur de peau tout au long de ce texte.
06:00 Publié dans Document, le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : marceline loridan-ivens, judith perrignon
16/03/2015
Et tu n'es pas revenu
"Survivre vous rend insupportables les larmes des autres. On pourrait s'y noyer."
Quand elle est arrêtée, à quinze ans, son père lui dit :"Toi, tu reviendras peut être parce que tu es jeune, moi je ne reviendrais pas."
Cette prophétie s'accomplira . Marceline pourra brièvement ,et au risque de sa vie, revoir son père , envoyé à Auschwitz, tandis qu'elle est déportée à Birkenau et elle recevra un billet de lui. Ce billet, il a disparu dans la tourmente, les mots se sont effacés de sa mémoire mais pas le fait qu'il ait signé de son prénom juif, alors qu'il se voulait français.
Des décennies plus tard, Marceline répond à ce billet, remonte le cours du temps et brosse, à grands traits parfois, des pans de sa vie.
La survie au camp, le retour, la chape de plomb qui pèse sur les survivants, la mère qui veut juste savoir si elle n'a pas été violée et ,par dessus tout, cet amour de la fille pour son père ,font de ce récit tendu comme un arc ,une lecture âpre et nécessaire. Il y a dans ce texte une sourde énergie. Le temps n'a pu balayer les émotions et on sent Marceline Loridan-Ivens à fleur de peau tout au long de ce texte.
Merci Clara .
En avril sortira en DVD" La petite prairie aux bouleaux".
06:00 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : marceline loridan-ivens, judith perrignon
17/10/2011
L'intranquille
"Comme toujours, je ne raisonnais pas comme les autres. J'étais retenu quelque part."
156 pages pour brosser un "autoportrait d'un fils, d'un peintre, d'un fou." Celui de Gérard Garouste, fils d'un marchand de meubles qui récupéra les biens des Juifs déportés. Un père nocif ,dangereux, un, je cite "salaud" qui saccagera l'enfance de son fils par sa violence et ses mensonges mais aura l'intelligence de le sauver en le faisant partir en pension. Une pension évoquée par Patrick Modiano, un des amis fidèles que se fit Garouste dans cette institution, comme une prison mais que, paradoxalement , le futur peintre vécut comme une libération.
Devenu jeune adulte Gérard Garouste parvient enfin à se concentrer en cours à l'Ecole du Louvre car "je sentais qu'il y avait là une issue, qu'au bout de mes doigts était ma force.".De très belles pages sur la peinture , sa position par rapport à ses prédécesseurs, ses matériaux (il alla jusqu'à créer lui-même ses peintures), sa démarche, sa manière si particulière de peindre. "La suite est une succession de livres et de mots. ils m'ont lavé , récuré même, et ils m'ont fait peindre."
Garouste, fils d'un antisémite convaincu, ira même jusqu'à apprendre l'héreu "dériva[nt] doucement vers ce monde juif obscur et malin dont on m'avait appris à me méfier.", poursuivant sa recherche de vérité, lui qui avait vécu sous le poids de tant de mensonges au sein de sa famille.
Quant aux épisodes de folie , Garouste les décrit simplement, épisodes où la souffrance côtoie le loufoque (Il ne souviendra pas d'avoir obligé le directeur d'un établissement à danser le tango avec lui !). Sa bipolarité, il en parle sans ostentation, il a appris et ses proches avec lui à s'en accommoder, à repérer les signes avant-coureurs et démystifie tous les liens traditionnels qu'on établit souvent entre la folie et l'artiste.
Un livre dense et profond, un ton mesuré, jamais dans la récrimination, une expérience humaine terriblement troublante.Un livre hérissé de plein de marque-pages . à découvrir sans plus tarder car il vient de sortir en poche !
L'avis d'ICB, le tentateur !
Celui de Mango .
06:00 Publié dans Récit | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : gérard garouste, judith perrignon, autoportrait d'un fils, d'un peintre, d'un fou