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31/03/2022

La folie de ma mère...en poche

"Enfant, tu m'as toujours effrayée. Pourtant tu n'étais pas méchante. Tu imposais peu de choses, les choses s'imposaient. La zone dangereuse n'était indiquée nulle part. Mais l’enfance est poreuse aux exhalaisons adultes. "

 

En un peu plus de 120 pages, Isabelle Flaten réussit un tour de force : nous raconter, de manière épurée et bouleversante, l'histoire d'une relation mère-fille placée sous le signe du déni, du mensonge ,de la folie, mais aussi de l'amour.
Quand "Rien ni personne n'est fiable.
", comment parvenir à se construire ? La narratrice y parviendra quand même et ,adulte, découvrira un secret de famille  qu'elle était la seule à ignorer.isabelle flaten
On est happé par ce texte  pudique, qui ne tourne jamais au règlement de compte, utilise avec brio les ellipses, sans jamais perdre de vue son lecteur, et ne tombe pas dans le pathos. J'ai été tenue en haleine, remuée au plus profond de moi et suis sortie la gorge nouée de cette lecture.

Et zou, sur l'étagère des indispensables !

Seuil 2022Le Nouvel Attila 2020. Points Seuil 2022

De la même autrice : clic

A noter la magnifique illustration de couverture de Juliette Lemontey.

28/03/2022

Au chevet des arbres

Sous-titré Réconcilier la ville et le végétal, ce document nous permet de découvrir une profession peu développée et peu connue, celle d'expert arboricole.
Aux parcours très différents, ces praticiens interviennent à la demande de particuliers ou de collectivités pour décider  le plus souvent du destin d'un ou plusieurs arbres. david happe
Il s'agit souvent d'évaluer la dangerosité d'un spécimen ou d'évaluer son état de santé. L'auteur , qu'on sent passionné par son métier ,nous fait ainsi découvrir par des cas concrets la difficulté d'"ausculter" un "patient" par définition silencieux et dont il est très difficile souvent d'évaluer l'âge.
Au fil du texte, nous prenons également conscience de l'absence de véritable protection d'un patrimoine, par ailleurs fort riche, mais que d'aucun sacrifient allègrement sur l'autel de la rentabilité ou du principe de précaution...
Un texte riche et illustré (en noir et blanc) par des photos qui donnent envie de voir "en vrai" ces arbres souvent spectaculaires.david happe

 

Merci à Babelio et aux Éditions Le Mot et le reste.

 

06:00 Publié dans Document | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : david happe

25/03/2022

Les pantoufles...en poche

"Je lui envoyai alors, en travers de la gueule, l'expression la plus sincère de mon indifférence. "

Par étourderie, notre narrateur se retrouve à la porte de chez lui, les clés à l'intérieur et en pantoufles.Faisant un pas de côté, il décide néanmoins d'aller ainsi chaussé au travail . Là, petit miracle, les charentaises, peut être parce qu'elles changent son rapport à la  proprioception, mais aussi au monde, vont l'inspirer et son discours charmera même (tels sont ses termes) son irascible supérieure. luc-michel fouassier
Les micro aventures vont alors s'enchaîner et entraîner notre héros dans des milieux en tous points différents mais où il s’adaptera avec aisance.
Le plus difficile était  sans doute de terminer cette fable souriante et bon enfant, Luc-Michel Fouassier y est parvenu sans  trébucher.
Le style est alerte, plein de références littéraires ou musicales et le héros manie avec élégance le registre soutenu dans la  conjugaison sans que cela fasse cuistre. Sans donner de leçon, ses 113 pages nous invitent à oser être farfelu et à savoir faire des pieds de nez au destin. Un roman court et délicieux.

 

 

24/03/2022

#Coupez #NetGalleyFrance !

"Le grand danger quand on cherche des réponses ,c 'est qu'on risque de les trouver. "

 Passer presque un quart de siècle en prison pour le meurtre de son amant et recouvrer la liberté à soixante-douze ans dans un monde où " Il lui fallait sans cesse se rappeler que tout le monde s'attendait désormais à ce que tout soit instantané et que le moindre délai représentait un intolérable désagrément , que seul le recours à un téléphone portable pouvait atténuer. " n'est pas aisé. D'autant qu'elle n'a pas su se défendre et lutter contre l'institution juridique. christopher brookmyre
Un autre personnage qui ne se sent pas à sa place ,c'est Jerry, étudiant en cinéma, d'origine modeste, et fan des films d'horreur de série B. Quittant la résidence universitaire, trop onéreuse et hostile à son goût , il emménage en colocation avec des personnes âgées, dont Millicent.
Avec son fichu caractère , la vieille dame ne lui facilite pas la tâche ,mais découvrir qu'elle officia en tant que maquilleuse experte sur les plateaux des films qu'il adore, dont le fameux Mancipium que personne n'a vu, leur permettra de nouer des liens. Lien qui se resserreront quand Millicent découvrant par hasard un détail qui remet en question toutes ces certitudes quant à son amant se met en tête de renouer avec ses anciens , afin de mettre à jour la vérité.
Le duo improbable commence alors un road trip qui se transformera vite en course poursuite où les morts se multiplient...
Alliant les qualités hétéroclites de ses héros, Brookmyre nous fait découvrir avec gourmandise l'univers des séries B gore, fustigeant au passage notre société contemporaine.  L'intrigue est juste parfaite et les 500 pages se tournent toutes seules, alternant passé et présent, multipliant les rebondissements sans jamais forcer le trait.
 Un récit haletant, un univers aux antipodes de mes goûts mais que l'auteur rend passionnant, une bonne dose d'humour, souvent noir, des personnages attachants, tels sont les ingrédients d'un roman juste indispensable.

Éditions  Métailié 2022, traduit de l’écossais par David Fauquemberg

christopher brookmyre

21/03/2022

Pourquoi pas la vie

"Son génie, ce sera d'être vivante. "

Là où d'aucuns jouent avec la réalité historique à des fins souvent pessimistes (que ce serait-il passé si l'Allemagne nazie avait gagné la guerre, par exemple) , Coline Pierré prend l'exact contrepoint et imagine que la poétesse américaine Sylvia Plath (qui s'est suicidée au gaz) a échappé à la mort. coline pierré
La jeune femme va donc devoir composer avec un mari , Ted Hughes poète reconnu, mais père et mari plus que défaillant, son rôle de mère et sa volonté de création. Le tout dans le swinging London, où les Beatles colonisent les ondes.
Avec beaucoup de nuances, sans jamais stigmatiser ni idéaliser, l'autrice évoque les problématiques qui restent contemporaines pour les femmes créatrices et propose ici le récit d'une émancipation progressive par le biais de  femmes atypiques qui aideront Sylvia à se dégager de ses conditionnements et de sa dépression. Un roman qui réchauffe le cœur et aiguise la réflexion.

Éditions de l'Iconoclaste 2022.

14/03/2022

#Cellesquinemeurentpas #NetGalleyFrance !

"Être malade ouvre un espace excessif à la pensée et la pensée excessive fait de la place aux pensées mortifères. Mais j'ai toujours eu plus soif d’expérience que de l'absence de celle-ci, alors si l'expérience de la pensée est la seule que mon corps pouvait me donner au-delà de la douleur, il fallait bien accepter de m'ouvrir à des réflexions folles et morbides. "

Il y a encore quelques années, le mot "cancer" était banni et on lui préférait la périphrase "longue et douloureuse maladie", euphémisme qui fut bientôt attribué à une autre pathologie, le Sida, dans une sinistre gradation de l'horreur.
Le texte d'Anne Boyer est saturé du cancer sous toutes ses formes : politique, médicale, psychologique, sociale, raciale et philosophique. anne boyer
L'autrice fait de son expérience un vaste exercice de pensée brillante et parfois exigeante, prenant à bras le corps tous les aspects de sa maladie.
Son écriture, très travaillée, sans pour autant qu'elle se regarde écrire, nous fait ressentir au plus intime l'expérience de la douleur . Elle pointe aussi du doigt les ambiguïtés d'un système médical où un traitement peut être plus invalidant qu'efficace,  où un médecin peut affirmer qu'il a pratiqué des mastectomies inutiles car il fallait bien qu'il paie ses vacances ;  système dans lequel une malade après une opération sous anesthésie générale est quasiment jetée dehors, où elle est sommée de travailler quelle que soit la douleur et l'éreintement ressenti.
On sort de ce roman éprouvant un peu hagard, physiquement mal à l'aise,  mais conscient d'avoir lu un texte exceptionnel .

Grasset 2022, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Céline Leroy.anne boyer

10/03/2022

Térébenthine...en poche

"L'urgence de devenir sujet."

Il suffit d'un article dans un magazine d'art, proclamant le grand retour de la peinture pour que la narratrice retrouve le souvenir de ses études aux Beaux-Arts, quinze ans plus tôt, quand Luc, Lucie et elle-même formaient un drôle de trio.
Surnommés les Térébenthine, par dérision, car ils s’obstinaient à peindre dans une époque où prévalait l’art conceptuel et le discours qui le justifiait , ils étaient relégués dans les caves. Ces "illuminés du sous-sol" entraient alors en résistance et en amitié et c'est leur parcours que nous relate ce roman.carole fives
Roman d'apprentissage, d’émancipation aussi , à une époque où il n'y pas de modèles nus masculins et où les artistes femmes sont systématiquement ignorées  par les profs des Beaux-Arts, par routine peut être pour certains, plus que par mauvais volonté. Quant aux critiques, ils "ont beau dire que l'art n'a pas de sexe, tu sens qu'ils manquent d'objectivité et que le but est bien plutôt de faire passer pour neutre une histoire de l'art tout empreinte de virilité." Ces artistes existent pourtant et une magnifique accumulation d'artistes femmes (plus d'une centaine !) vient nous le rappeler.
Une pensée est en formation, tout autant qu'une artiste et une femme, et ces métamorphoses qui nous sont données à voir sont passionnantes car pleines de justesse et de sincérité. Un roman constellé de marque-pages qui file sur l'étagère des indispensables.

09/03/2022

#LafilledeDeauville #NetGalleyFrance !

"La fille avait absorbé leur haine pour la faire sienne, avait transformé leur brutalité en arme. Elle ne flancherait plus. "

Jean-Marc Rouillan ,Nathalie Ménigon, Joëlle Aubron sont les principaux membres d'Action Directe, groupe terroriste communiste, issu de la lutte anti-franquiste et du mouvement autonome  qui a sévi en France dans les années 80. vanessa schneider
Vanessa Schneider, mêlant documentation et fiction , retrace leurs parcours à travers les yeux d'un flic, qui le premier a senti que les braquages et les actions symboliques en pouvaient que devenir ultra violentes, car le groupe avait besoin d'attirer  une attention que politiques et médias leur refusait. Ce policier , à la vie bien étriquée, est aussi fasciné par le parcours de cette jeune femme surnommée La fille de Deauville que rien ne destinait à prendre les armes.
Après un début assez calamiteux (et des métaphores approximatives) , le texte trouve son rythme de croisière et , même si comme moi, on connaît les grandes lignes de l’histoire, on ne peut lâcher ce roman  qui brosse le portrait de personnages de peu d'envergure( Rouillan, Méniguon) ou plus obscurs (Aubron)   avec finesse, tout en restituant l'atmosphère d'une époque heureusement révolue. vanessa schneider

 

Grasset 2021

08/03/2022

Le Sanctuaire...en poche

" Le vacarme de l’eau recouvre mes pensées. Me perdre dans quelque chose de plus , un flux sans fin, capable de venir à bout des rocs et des montagnes, une eau qui sache conserver la trace des temps anciens, ère de fougères géantes et de reptiles volants, temps que les glaciers ont gardé intact, preuve que le monde restera monde malgré l'homme et ses cataclysmes , et qu'à l'image des dinosaures nous devrions nous en tenir à cette vérité première: nous ne sommes pas grand-chose sur Terre. "

Gemma, même si elle affirme avoir été élevée par "les plantes et les animaux" et n’avoir jamais eu de peluche "je n'en ai pas besoin" essaie-t-elle de se convaincre, commence progressivement, à l'orée de l'adolescence, à envisager qu'il peut y avoir un autre monde , d'autres sensations, d'autres manières de vivre, que celles imposées par son père. laurine roux
En effet, ce dernier a mis à l'abri sa femme, leur première fille, June ,et Gemma à l'abri dans un chalet de montagne, après une pandémie dont nous apprendrons progressivement l'origine supposée. Il a fait de ses filles de parfaites chasseresses et on comprend progressivement l'emprise qu'il a, et tient à conserver sur sa femme et ses filles.
Célébration de la nature et de l'indépendance des femmes, Le sanctuaire, par sa langue somptueuse et son atmosphère prenante, réussit le tour  de force  de combiner tout à la fois Nature Writing, anticipation et roman de formation, le tout en 141 pages addictives.

De la même autrice, j'avais aussi beaucoup aimé , mais pas chroniqué, Une immense sensation de calme, sorti aussi chez Folio.

03/03/2022

#LesMerveilles #NetGalleyFrance !

"Je suis née pour me marier et avoir des enfants, et cuisiner, et faire le ménage, et peut-être pour travailler à l’extérieur pendant que je ne travaille pas à l’intérieur ; mais ma vie a pris un autre chemin et j'y tiens. "

Maria, trop jeune maman, issue d'un milieu très modeste doit confier sa fille à sa famille et partir travailler à Madrid comme femme de ménage, voire comme nounou pour des enfants plus chanceux que Carmen. Nous sommes à la fin des années 60 et Maria va constater que le lien avec sa fille, déjà très ténu (elle accomplit mécaniquement les soins quand elle s'en occupe sporadiquement) va se déliter. Maria va peu à peu s'affranchir de ce que la société attendait d'elle et gagner en indépendance,  financière (même si ses revenus restent modestes),  intellectuelle et même sentimentale elena medel
Quant à Alicia, que nous suivons dans les années 2000, elle a subi plusieurs traumatismes, dont un déclassement social. Elle a elle aussi coupé tout lien avec sa famille et analyse froidement ses relations avec les hommes. Nous avons ainsi droit à une description quasi clinique de relations sexuelles où les deux partenaires sont réduits à "quelqu'un", soulignant ainsi leur côté interchangeable.
Toutes deux évoluent dans Madrid, ville qui devient un personnage à part entière, et leurs parcours sont plus ou moins pénibles, car marqués par le fait qu’elles sont des femmes dans un espace public dédié aux hommes, mais aussi des travailleuses pauvres qui doivent emprunter des transports en commun mal commodes.
Ces deux récits d'émancipation à des époques différentes soulignent bien l'importance de l'argent dont le manque conditionne la destinée (pas d'études, des boulots précaires où l'on peut vous remplacer par encore plus pauvres que vous...) mais aussi une certaine forme de solidarité  (non idéalisée). Les relations familiales elles aussi sont peintes sans fard et même si les héroïnes semblent faire l'économie des sentiments, comme corsetées dans une armure protectrice, elles n'en demeurent pas moins attachantes. Un roman que j'ai dévoré d'une traite.

Éditions La Croisée 2022 elena medel