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21/08/2014

Dans les yeux des autres

"Elle sent en elle les milliers de feuilles de livres lues et déposées en elle comme un terreau, comme un engrais."


Anna relit ses carnets, revit ses amours et ses désillusions. N'ayant écrit qu'un seul roman, elle a quitté la scène littéraire et ses petits maîtres (dont l'auteure brosse un portrait vachard) et , ce qui faisait sa vie vingt ans auparavant: l'engagement politique .geneviève brisac,soeurs
Démunie, elle loge chez sa sœur Molly qui, même "cabossée" ,continue à militer ,mais par le biais son travail de médecin dans un dispensaire. Entre elles, une relation complexe, des hommes, mais surtout une mère excentrique qui essaie toujours de tirer la couverture à elle, d'attirer l'attention: Méline.
Portrait d'une génération aventurière et pleine de vie, Dans les yeux des autres fait la part belle à l'idéal, l'humour, le tout saupoudré d'un soupçon de mélancolie. On retrouve ici  avec plaisir l'écriture ample et belle de Geneviève Brisac , qui , par son sens de l'observation, comme les romancières anglaises , sait être au plus près du quotidien : "Une urgence vous prend d'être à la maison, de sentir l'odeur de renfermé de la maison, d’ouvrir les fenêtres et le courrier : de désengourdir l'air. On voit certaines personnes qui, des dizaines de kilomètres avant la gare d'arrivée, rangent leurs affaires, remettent leurs vestes, sortent le ticket du métro qui les ramènera chez elles."Nulle mièvrerie dans sa description des rapports humains mais une réelle empathie qui n'exclut pas le regard critique. Un bilan de vie salé-sucré mais un roman enthousiasmant !

Dans les yeux des autres, Geneviève Brisac, Editions de l'Olivier 306 pages constellées de marque-pages.

 

20/08/2014

Rester sage...en poche !

"La vie se termine souvent là où les statistiques commencent."

Martin Leroy a tout perdu en quelques semaines: sa femme, leurs amis communs, son emploi. Cette "accumulation de revers" va le décider à se rendre chez son ancien patron car "Il est prêt à tout pour remettre sa vie dans le bon sens".  Gare !arnaud dudek
En chemin, il croisera toute une galerie de personnages et surtout son ami d'enfance , l'occasion de faire revivre un passé à la fois douloureux et cocasse et de reconstituer une amitié en pointillés.
On flirte avec la mélancolie mais l'humour pince sans rire d'Arnaud Dudek rattrape à chaque fois le récit qui pourrait sombrer dans l'apitoiement : "Difficile de rester poli dans ces circonstances. face au premier macchabée de leur existence d'être humain, peu d'individus parviennent à garder leur flegme, à ponctuer cette scène d'un what the hell , à prononcer un saperlipopette, . à moins d'avoir du sang anglais. Et encore." Les deux amis n'ont rien d'héroïque ou d'extraordinaire mais c'est justement ça qui nous touche et fait qu'on dévore ce roman d'une traite , avant de le relire afin de mieux savourer son charme. C'est un exercice périlleux que de choisir des personnages en apparence ordinaires sans pour autant ennuyer le lecteur et Arnaud Dudek réussit son pari haut la main !
L'auteur s'est créé un univers à la fois subtilement poétique et plein d'humour ,qui transfigure le quotidien et le rend presque séduisant. De quoi voir la vie non pas en rose mais au moins en couleurs !

La survivance...en poche !

On s'est trouvés pris dans un bombardement de réalité."

Parce qu'ils n'étaient pas faits pour amasser de l'argent, Sils et Jenny, la soixantaine sonnée, sont expulsés de leur librairie. Avec beaucoup de livres et peu d'objets, en compagnie d'une ânesse et d'une chienne, ils vont trouver refuge dans une vieille maison, isolée et dépourvue de confort,  plantée en pleine montagne vosgienne. Là, peut être réussiront-ils à mener à son terme une expérience de vie qu'ils avaient tentée au même endroit quarante ans plus tôt.Claudie Hunzinger
Ce roman tient peu de la robinsonnade, même si la nécessité de trouver de quoi survivre dans un territoire situé loin des hommes est présente. Mais il ne s'agit pas du tout ici de soumettre la nature , mais bien plutôt de s'y glisser pour mieux s'y accorder. D'où de magnifiques descriptions des hôtes sauvages qui vivent à côté d'eux par Jenny. Sils, quant à lui, fait plutôt la part belle aux livres qu'il fait dialoguer avec l'endroit où ils vivent.
Rien dans les conditions de vie n'est ici idéalisé et Jenny le souligne bien quand elle déclare: "Il y avait de la terreur,  mais aussi de la force, une énergie qui se transfusait en nous. nos corps étaient en première ligne, tympans, pupilles, narines, gosier, poumons, muscles, ossature, ligaments, articulations, peau: tout. Jamais je n'aurais imaginé qu'à presque soixante ans, nous serions obligés de recommencer à vivre violemment."
C'est à une expérience tout à la fois de renoncements et de reconquêtes que nous convie ici Claudie Hunzinger avec une langue superbe et drue. Et zou sur l'étagère des indispensables !

Le garçon incassable...en poche

"Mais le chagrin, Henri, où le mets-tu ? Tes yeux ne pleurent jamais. la tristesse semble ricocher sur toi. Je sais qu'elle entre pourtant, filtrée par ta vision du monde. Alors, dans quel recoin de toi-même l'enfermes-tu ? "

Enquêtant sur Buster Keaton, la narratrice se prend à évoquer son frère "différent", Henri. Nombreux sont les points communs entre les deux hommes, se situant toujours un peu à côté des autres et ayant une relation particulière à leur corps. Le garçon incassable, c'est d'abord Keaton, qui , dès l'enfance, fut réifié par ses parents, jeté comme un objet raide et sans réaction pour un numéro de music-hall qui séduisait les foules. Cette capacité corporelle étonnante s'accompagnait aussi d'un visage impassible qui devint bientôt la marque de fabrique de son personnage.florence seyvos
Mais c'est aussi Henri, dont la vie " se déroulera dans un éternel état intermédiaire. Un état où les éclats de joie sont de plus en plus rares."et qui, parfois "est comme un objet  habité par une force que seule l'ouverture de la porte peut libérer."
Leurs relations aux autres, le regard que les autres portent sur le comique burlesque et sur l'enfant handicapé sont  évoqués avec beaucoup d'empathie et de délicatesse.
Deux portraits qui se font écho,  portés par une écriture sensible et sans pathos. Un roman qu'il faut prendre le temps de laisser infuser, pour mieux s'en imprégner.

19/08/2014

Rien de personnel

« Un immense mensonge qui avait été sa seule option, même s’il l’avait isolée et n’avait jamais cessé de la perturber. »

Quand elle propose à son éditeur et ami de rédiger la biographie de Vera Miller, comédienne peu encline à s’épancher mais qui a marqué le cinéma et connaît encore le succès sur les planches, Elsa ne lui révèle pas que cette femme est sa mère. Une mère qui l’a abandonnée à son père et ne l’a rencontrée que de loin en loin avant que tout contact ne soit rompu.agathe hochberg
Menant son enquête, la biographe va petit à petit prendre possession de son histoire familiale et, tout en cernant le caractère complexe de Véra, découvrir « des aspects de sa propre personnalité qu’elle aurait préféré continuer à ignorer ».Souvent en porte à faux par rapport à ses découvertes, « Un détail odieux pour la fille de la comédienne ; inespéré pour sa biographe. », Elsa doit aussi faire face à sa propre fille, tout juste entrée dans l’adolescence avec une belle énergie.
On suit avec intensité cette quête nuancée qui nous offre deux superbes portraits de femmes à des âges différents. Agathe Hochberg explore avec empathie les liens mère/fille et nous propose un récit évitant clichés et « happy end »conventionnel. Une belle analyse aussi de la relation à la notoriété.

Lu dans le cadre du Prix confidentielles (clic).

 Cuné avait bien aimé aussi clic.

18/08/2014

L'été des lucioles

« Des fois la tristesse est plus contagieuse que certaines maladies. »

Comme chaque été, Victor, 9 ans part en vacances à Roquebrune. L’occasion de profiter de la tendresse du cocon familial : sa grande sœur, Alicia toujours à la recherche du grand amour, ses deux mamans, Claire et Pilar. gilles paris
Mais cette année, avec son ami Gaspard, l’aventure est au rendez-vous et peut être que notre explorateur en herbe découvrira pourquoi son père refuse tout à la fois de grandir (il est un éternel Peter Pan) et surtout pourquoi il refuse de venir dans cet appartement familial au bord de la mer…
Se plaçant à hauteur d’enfant, Gilles Paris parvient parfaitement à préserver la fraicheur de sa narration et de son regard. L’intervention d’un soupçon de magie, par l’intermédiaire, entre autres des lucioles du titre, instaure une poésie qui ne nuit en rien à l’atmosphère. Un roman sensible et tendre.

Le joli billet de Séverine.

Clara a aussi aimé.

Plein d'avis chez Noukette

17/08/2014

Madame de Néandertal-journal intime

On parle toujours de l’homme de Néandertal, mais quid de sa femme ? Marylène Pathou-Mathis, directrice de recherche au CNRS et Pascale Leroy journaliste, éditrice et auteur ont décidé de remédier à cet oubli en rédigeant son journal intime.
Être didactique et amusant sont visiblement les deux objectifs de ce roman. Si le premier est largement atteint (parfois trop d’ailleurs, ce qui alourdit le récit), le second tombe souvent à plat. Il ne suffit pas de « néandertaliser » des références contemporaines pour qu’elles créent le sourire : « elle est tombée dans les airelles » au lieu  de « tomber dans les  pommes », par exemple. neandertal.jpg
D’autre part, j’avais parfois plus l’impression de lire un roman de chick litt contemporain qu’autre chose et je me suis rapidement lassée. Dommage car l’idée de départ était vraiment intéressante.

Lu dans le cadre du prix Confidentielles (clic).

Le billet de Yv, pas plus convaincu.

16/08/2014

Chambre 2

"J'assiste à la naissance d'une mère. C'est presque plus émouvant que la naissance d'un enfant."

Quand on passe dans le couloir d'un hôpital, on entr'aperçoit des fragments de vie, et l'on se sent un peu gêné, un peu voyeur. Rien de tel dans le roman de Julie Bonnie où Béatrice nous fait partager son quotidien, parfois émouvant, parfois douloureux, dans une maternité. Chambre2.jpg
Mais plus qu'une galerie de portraits de mères en devenir, c'est aussi le récit d'une tentative de normalisation d'une femme, la narratrice qui, quittant le monde du spectacle où elle mettait en scène son corps , affronte une réalité où la nudité, si elle est prise maintenant au sens figuré, est beaucoup plus cruelle : "Douze heures dans la chair humaine, nue dans la neige, nue dans le feu, nue quand il est vital de se couvrir."
Les souvenirs de son passé artistique ne sont en rien enjolivés mais s'opposent néanmoins à un quotidien où la violence et le silence s'imposent aux corps des femmes. Une écriture puissante et charnelle. Un grand coup de cœur !...

Une certaine idée du bonheur

""Il s'agira d'un ouvrage sur les fins heureuses comme possibles actes de résistance dans la littérature américaine. Une autre façon de dire la vérité par rapport au trope culturel dominant qu'est la tragédie.""

Tracy, sur le point d'obtenir sa titularisation dans l'université new-yorkaise où elle enseigne, trouve quand même le temps d'être l’oreille attentive de sa meilleure amie, tout en envisageant la rédaction d'une thèse sur le bonheur dans la littérature américaine. Car oui, elle aime les livres pour échappatoire qu'ils offrent et pas seulement pour le plaisir de les décortiquer.rachel kadish
La rencontre de George (nan, pas lui, un autre !) devrait couronner ce qui s'annonce comme une vie parfaite mais l'emballement du jeune homme risque de tout faire capoter.
En effet, ici, ce qui compte n'est pas la rencontre mais tout ce qu’elle va chambouler dans la vie affective d'une héroïne et qu'elle n'accepte pas d'emblée comme étant acquis.
Mêlant roman universitaire (intrigues (un peu trop ) machiavéliques à la clé) et romance (l’héroïne est à la fois "nouée comme un bretzel", intelligente et drôle), Une certaine idée du bonheur est un pavé de 535 pages qui se dévore en un rien de temps, même si, comme moi on a largement plus de trente ans !
 

15/08/2014

Un monde sans moustiques ni cafards est-il possible ?

 "Pisseuse, tsé-tsé, de l'olive, des pluies, ou tout simplement domestiques, les mouches agacent, nuisent et parfois effrayent."

Si, comme moi, les moustiques vous ont, de la tête aux pieds, généreusement accordé plein d'étoiles et vous manifestent une affection sans pareille, la question posée par Denis Bourguet et Thomas Guillemaud dans cet opuscule de la collection Les Petites Pommes du savoir ne vous laissera pas indifférent.

Si nous cherchons à protéger les insectes qui nous sont utiles, nous voulons, au contraire, éliminer, radicalement ou pas, ceux que nous jugeons, à tort ou à raison nuisibles et ce avec des moyens variés, mais jamais sans conséquences . Les auteurs donnent des exemples précis et évoquent de manière  la guerre que nous menons depuis longtemps contre les insectes jugés nuisibles. Le vainqueur n'est denis bourguet,thomas guillebaudd'ailleurs pas forcément celui auquel on s'attend, les insectes ayant une grande capacité d'adaptation !
Parfaitement structuré, avec des textes explicatifs et argumentatifs clairs (glossaire et bibliographie à l'appui), en principe destiné aux enfants (mais pas que) ce document expose de manière limpide  et nuancée nos trois  types de relations aux insectes et les conséquences qui en découlent.
Une belle réflexion, nuancée, et pleine d'informations ,qui nous permet d'envisager les moustiques d'un autre œil...

57pages, à glisser dans la poche sans hésitation !

Pour la route, un t'ite chanson.
De rien.