12/02/2022
Les Enchanteurs
"Elle est une somme de personnes, un palimpseste de conscience non reliées les unes aux autres. "
Nouk, double fictionnel de Geneviève Brisac , jeune adulte, milite à gauche, milite pour les droits des femmes, obtient l'agréation et entre dans le monde de l'édition, le tout avec une déconcertante facilité.
La rebelle qu'elle affirme être va néanmoins devoir dès lors composer avec un monde d'hommes où l'on entretient sciemment la compétition entre les femmes. Femmes qui composent un, je cite" harem" où les éditeurs, présentés comme charismatiques, n'ont qu'à piocher au gré de leurs envies...
Favorite un temps, puis délaissée et passée au crible lors de séances dignes des procès staliniens, Nouk semble enchaîner les situations traumatiques, situations qui ,de plus ,la renvoient à son adolescence.
Je me réjouissais de prendre des nouvelles de Nouk mais je suis un peu déçue par ce texte qui se focalise uniquement sur les relations au sein du milieu de l'édition, sans qu'on comprenne vraiment en quoi consiste le métier d'éditeur, tant tout semble survolé.
La vie personnelle de Nouk , en dehors du travail, n'est que peu mentionnée, ce qui donne peu de chair à son personnage et c'est dommage.
Il n'en reste pas moins que la violence des relations de pouvoir est clairement décortiquée et qu'on sort un peu groggy devant tant de sexisme, d'âgisme pleinement assumés au nom de la sacro-sainte rentabilité.
Éditions de l'Olivier 2022.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : geneviève brisac
09/04/2018
Le chagrin d'aimer
"- Je ne me résignerai jamais à avoir engendré un être aussi conventionnel que toi, dit-elle en égrenant un rire perlé et en montrant les dents."
Quelle personnalité que celle de la mère de Geneviève Brisac ! Petite fille gréco-arménienne, elle se marie, écrit des feuilletons pour la radio tout en fumant comme un sapeur, appelle les CRS mon chou, vole la vedette à sa fille lors d'un atelier d'écriture que cette dernière est censée animer ou s'exhibe en maillot de bains sur le trottoir d'un magasin alors qu'elle est déjà très âgée.
Oui, mais voilà, certaines femmes ne sont sans doute pas destinées à devenir mère et si elles le deviennent, ce n'est pas une sinécure pour leurs enfants...
Geneviève Brisac nous propose ici, sous forme de chapitres parfois courts, un portrait éclaté de sa mère. C'est vif, enlevé mais il y sourd parfois Le chagrin d'aimer qui donne son titre à l'ouvrage. à lire d'une traite ou à picorer.
Grasset 2018.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : geneviève brisac
22/08/2015
Dans les yeux des autres...en poche
"Elle sent en elle les milliers de feuilles de livres lues et déposées en elle comme un terreau, comme un engrais."
Anna relit ses carnets, revit ses amours et ses désillusions. N'ayant écrit qu'un seul roman, elle a quitté la scène littéraire et ses petits maîtres (dont l'auteure brosse un portrait vachard) et , ce qui faisait sa vie vingt ans auparavant: l'engagement politique .
Démunie, elle loge chez sa sœur Molly qui, même "cabossée" ,continue à militer ,mais par le biais son travail de médecin dans un dispensaire. Entre elles, une relation complexe, des hommes, mais surtout une mère excentrique qui essaie toujours de tirer la couverture à elle, d'attirer l'attention: Méline.
Portrait d'une génération aventurière et pleine de vie, Dans les yeux des autres fait la part belle à l'idéal, l'humour, le tout saupoudré d'un soupçon de mélancolie. On retrouve ici avec plaisir l'écriture ample et belle de Geneviève Brisac , qui , par son sens de l'observation, comme les romancières anglaises , sait être au plus près du quotidien : "Une urgence vous prend d'être à la maison, de sentir l'odeur de renfermé de la maison, d’ouvrir les fenêtres et le courrier : de désengourdir l'air. On voit certaines personnes qui, des dizaines de kilomètres avant la gare d'arrivée, rangent leurs affaires, remettent leurs vestes, sortent le ticket du métro qui les ramènera chez elles."Nulle mièvrerie dans sa description des rapports humains mais une réelle empathie qui n'exclut pas le regard critique. Un bilan de vie salé-sucré mais un roman enthousiasmant !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : geneviève brisac
21/08/2014
Dans les yeux des autres
"Elle sent en elle les milliers de feuilles de livres lues et déposées en elle comme un terreau, comme un engrais."
Anna relit ses carnets, revit ses amours et ses désillusions. N'ayant écrit qu'un seul roman, elle a quitté la scène littéraire et ses petits maîtres (dont l'auteure brosse un portrait vachard) et , ce qui faisait sa vie vingt ans auparavant: l'engagement politique .
Démunie, elle loge chez sa sœur Molly qui, même "cabossée" ,continue à militer ,mais par le biais son travail de médecin dans un dispensaire. Entre elles, une relation complexe, des hommes, mais surtout une mère excentrique qui essaie toujours de tirer la couverture à elle, d'attirer l'attention: Méline.
Portrait d'une génération aventurière et pleine de vie, Dans les yeux des autres fait la part belle à l'idéal, l'humour, le tout saupoudré d'un soupçon de mélancolie. On retrouve ici avec plaisir l'écriture ample et belle de Geneviève Brisac , qui , par son sens de l'observation, comme les romancières anglaises , sait être au plus près du quotidien : "Une urgence vous prend d'être à la maison, de sentir l'odeur de renfermé de la maison, d’ouvrir les fenêtres et le courrier : de désengourdir l'air. On voit certaines personnes qui, des dizaines de kilomètres avant la gare d'arrivée, rangent leurs affaires, remettent leurs vestes, sortent le ticket du métro qui les ramènera chez elles."Nulle mièvrerie dans sa description des rapports humains mais une réelle empathie qui n'exclut pas le regard critique. Un bilan de vie salé-sucré mais un roman enthousiasmant !
Dans les yeux des autres, Geneviève Brisac, Editions de l'Olivier 306 pages constellées de marque-pages.
06:00 Publié dans Rentrée 2014, romans français | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : geneviève brisac, soeurs
10/07/2014
Moi, j'attends de voir passer un pingouin...en poche
Moi, j'attends de voir passer un pingouin, cette phrase qui m'habite et semble dépourvue de sens est un mantra pour desserrer l'étau. Entendant ou lisant ces syllabes absurdes, les hommes épris de sérieux, les représentants de l'ordre et de la loi, leurs amis, leurs alliés, les rédacteurs en chef, les directeurs financiers, les responsables de tout acabit haussent les épaules et passent leur chemin.
Nous voici tranquilles."
Une narratrice (serait-ce Nouk, une héroïne déjà rencontrée chez Genviève Brisac ?) non identifiée, qui "gagne sa vie en racontant des fariboles de petite ampleur", dans 13 petits textes nous livre des moments de sa vie. Une vie animée par une ribambelle d'animaux, par des dialogues avec son fils, Nelson, ou sa concierge, Céleste. Par des cours d'éducation populaire où elle exprime sa passion pour Rosa Luxembourg, cette révolutionnaire un peu trop oubliée.
Car c'est bien de révolte qu'il s'agit. Geneviève Brisac a choisi en effet d'illustrer ce thème, fondamental pour Pablo Picasso pour la collection Tabloïd de chez Alma éditeur.
Mais pas de révolte flamboyante. non,il faut comme elle l'indique dans son autoportrait "Noter le passage du temps sur les êtres, observer une voile qui se gonfle, décrire les déceptions et les malentendus, la beauté des ciels et des amitiés, l'omniprésente bêtise , les injustices et les insoumissions Rendre réelle cette seconde vie cachée sous la vie officielle."
Il n'en reste pas moins que je suis restée un peu perplexe, accrochant ça et là quelques marque-page, séduite par le style lumineux et enjoué de Geneviève Brisac mais pas tout à fait rassasiée...
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : geneviève brisac
15/05/2012
Moi, j'attends de voir passer un pingouin
"Moi, j'attends de voir passer un pingouin, cette phrase qui m'habite et semble dépourvue de sens est un mantra pour desserrer l'étau. Entendant ou lisant ces syllabes absurdes, les hommes épris de sérieux, les représentants de l'ordre et de la loi, leurs amis, leurs alliés, les rédacteurs en chef, les directeurs financiers, les responsables de tout acabit haussent les épaules et passent leur chemin.
Nous voici tranquilles."
Une narratrice (serait-ce Nouk, une héroïne déjà rencontrée chez Genviève Brisac ?) non identifiée, qui "gagne sa vie en racontant des fariboles de petite ampleur", dans 13 petits textes nous livre des moments de sa vie. Une vie animée par une ribambelle d'animaux, par des dialogues avec son fils, Nelson, ou sa concierge, Céleste. Par des cours d'éducation populaire où elle exprime sa passion pour Rosa Luxembourg, cette révolutionnaire un peu trop oubliée.
Car c'est bien de révolte qu'il s'agit. Geneviève Brisac a choisi en effet d'illustrer ce thème, fondamental pour Pablo Picasso pour la collection Tabloïd de chez Alma éditeur.
Mais pas de révolte flamboyante. non,il faut comme elle l'indique dans son autoportrait "Noter le passage du temps sur les êtres, observer une voile qui se gonfle, décrire les déceptions et les malentendus, la beauté des ciels et des amitiés, l'omniprésente bêtise , les injustices et les insoumissions Rendre réelle cette seconde vie cachée sous la vie officielle."
Il n'en reste pas moins que je suis restée un peu perplexe, accrochant ça et là quelques marque-page, séduite par le style lumineux et enjoué de Geneviève Brisac mais pas tout à fait rassasiée...
06:00 Publié dans Nouvelles françaises | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : geneviève brisac, révolution dit-elle
21/12/2010
Une année avec mon père
"Nous serrons les dents, nous serrons les dents."
Seul rescapé de l'accident de voiture qui a vu périr son épouse, un père âgé, accompagné par sa fille, se remet ,bien trop lentement à son goût !
Quel personnage que ce père juif, intraitable et charmant ! Comme le roseau de la fable, il semble plier mais ne pas rompre, et cette dernière année de vie, racontée par sa fille est à la fois touchante et drôle.
Tendresse et brusquerie alternent entre les deux protagonistes, le père défendant farouchement sa volonté d'indépendance et de liberté , même quand sa mémoire commence à défaillir et son corps à lâcher prise...Difficle d etrouver la bonne distance, d'établir de nouvelles relations...
L'auteure puise dans les mots la force de résister à l'insensibilité de l'administration et des hôpitaux face à la souffrance et au deuil mais se retire avec pudeur quand la souffrance se fait trop aigüe : "...mourir fait autant de mal que naître." Un récit qui dit l'indestructible et le précaire .
Une année avec mon père, Geneviève Brisac, Editions de l'Olivier 2010, 178 pages qui m'ont réconciliée avec G. Brisac !
Emprunté à la médiathèque.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : geneviève brisac
11/02/2009
La Belle au bois dormant revisitée
Geneviève Brisac, dans Je vois des choses que vous ne voyez pas reviste le mythe de la Belle au bois dormant mêlant habilement références au conte et thématiques personnelles. Ainsi , Belle se pique avec un stylo et sombre dans un mal-être qui est fortement lié à l'adolescence et à l'anorexie (on retrouve ici quasiment mot pour mot une phrase de son roman Petite : "Échappons à la chaîne alimentaire, c'est une chaîne comme les autres chaînes. La pire peut être."
L'héroïne sortira de son malaise existentiel grâce à la rencontre d'une troupe de théâtre plus que par le baiser de son prince charmant , innovation importante.
Difficile de lire une pièce de théâtre, surtout quand celle-ci est entrecoupée de chansons (écrites par Alice Butaud) dont on ne peut qu'imaginer imparfaitement comment elles s'intègrent à l'action.pourtant ce texte est d'une lecture agréable, d'autant que les illustrations de Nadja habillant Belle d'un rouge somptueux,la reliant au monde du désir, concourent à notre plaisir mais rien ne vaut à mon avis la position de spectateur et non celle de lecteur.J'ai été en outre quelque peu gênée par l'accumulation de marques citées. Pour les inconditionnelles de Genenviève Brisac.
06:00 Publié dans théâtre | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : geneviève brisac, je vois des choses que vous ne voyez pas, théâtre