Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

« 2014-10 | Page d'accueil | 2014-12 »

11/11/2014

La peau de l'ours

"-laisser les hommes croire en leur puissance pour avoir la paix-"

"Métisse" issu du viol d'une femme par un ours, le narrateur, ni homme ni ours, mais considéré comme un plantigrade par les humains, va connaître mille aventures , par de là le temps et l'espace, car ce récit emprunte la forme du conte.joy sorman,relations hommesanimaux
D'ours exhibé sur les marchés, affronté à des sangliers dans une arène, il traversera un océan pour patiner dans un cirque avant de finir, exilé, dans un endroit stérile: "Au zoo, le temps s'étire morne et répétitif, c'est une rouille acide."
Dans ce récit qui file à toute allure ,où l'on pourra reconnaître au passage quelques époques et lieux emblématiques (moyen-âge européen, cirques américains et leurs troupe de phénomènes de foires), l'auteure se penche sur les relations complexes qui unissent l'ours et l'homme.
Dans une langue riche et sensible, elle peint aussi la misère des animaux, la folie à laquelle ils sont acculés, sous prétexte d'être préservés. Mais pas de pamphlet accusateur et corseté, Joy Sorman laisse le discours de l'ours se dérouler, ample et lucide. De magnifiques passages,  tour à tour hallucinés,sensuels et poétiques  montrent la souffrance animale et disent le regret du narrateur ne n'avoir pu garder sa place:"-du côté des femmes et des monstres." Magistral.

Merci, Clara !

L'avis, enthousiaste, de Mic Melo !

10/11/2014

Still the water

N'ayant lu en diagonale qu'une critique, c'est surtout l'occasion voir un film japonais en VO près de chez moi ( à ne pas rater) et le désir de voir l'océan qui m'ont décidée à aller voir Still the Water.
Un film que j'ai laissé décanter quelques jours, pour mieux en apprécier la beauté et essayé d'éclaircir quelques points non élucidés (j'aime quand l'auteure, en l'occurrence Naomi Kawase, ne se sent pas obligée d'éclaircir tous les mystères, faisant confiance à son spectateur).
Sur une île subtropicale japonaise une adolescente, Kyoko, se confronte simultanément à la mort annoncée de sa mère et à son éveil amoureux pour un lycéen de son âge, Kaito. Éros et Thanatos donc.
Still the water repose sur de nombreuses oppositions et sur les ponts que vont établir différents personnages pour les abolir.Les pères et grands-pères préparent ainsi les adolescents de manière apaisée aux changements auxquels ils sont confrontés.007118.jpg-r_160_240-b_1_D6D6D6-f_jpg-q_x-xxyxx.jpg
Quant à la nature, elle joue un rôle primordial, La mère de l'héroïne étant une chamane qui apprécie particulièrement un très vieux banian, arbre tortueux constituant à lui seul une véritable jungle. Quant à l’héroïne, c'est elle qui initiera Kaito simultanément à l'amour et à la mer.
Beaucoup de poésie, d'harmonie dans les images somptueuses qui ne font pourtant pas l'impasse sur la cruauté. Deux sacrifices d'animaux particulièrement pénibles sont ainsi filmés, remplaçant les deux morts venues troubler la sérénité insulaire. Quant au massacre d'arbres, broyés par une grue, sorte de dinosaure mécanique implacable, elle est tout aussi cruelle.
Beaucoup de fluidité, d’émotion dans des scènes familiales particulièrement réussies, une approche tout en harmonie de la mort, bref, une réussite !


 

06/11/2014

Peine perdue

"à quoi l'humain est prêt à se réduire pour vivre encore un peu. Ce qu'on est foutu d'endurer. D'accepter."

olivier adam

Deux éléments vont perturber la vie tranquille d'une station de bord de mer hors saison : l'agression de celui qui aurait pu être le footballeur de l'équipe locale et une tempête.
On passe ainsi en revue, de chapitre en chapitre, la vie d'une vingtaine de personnages ,liés entre eux à des degrés divers.
Il se dégage de ce roman polyphonique une impression de désespoir diffus, de découragement latent (voir le titre) qui se distille sans discontinuer. Surnagent quelques thèmes chers à l'auteur: les amours mortes, la volonté d'être un bon père malgré la séparation, les lisières des villes et de la société.
On frôle le roman noir, on sent la volonté de se frotter à une humanité engluée, mais rien d'original, aucune intensité, aucune réelle émotion.
Lu sans déplaisir mais sans plaisir réel non plus.

Merci Cuné (qui , elle, a plus aimé  !) !

Plein d'avis sur babelio

04/11/2014

Autour du monde

 "à l'intérieur, tous les objets semblent soudain avouer qu'ils sont vivants, qu'ils ont toujours été vivants."

Roman de la mondialisation, Autour du monde, de Laurent Mauvignier promène comme un pinceau de lumière sur des personnages , indépendants les uns des autres, dans différentes parties du monde. Seul lien, ténu, entre eux, le tsunami de mars 2011 au Japon, événement relayé en direct et qui ne les affectera guère, pour la majorité d'entre eux.laurent mauvignier
Qu'ils voguent sur un paquebot géant, voyagent pour le plaisir ou les affaires, les personnages de Mauvignier n'auraient, sans la globalisation, jamais dû se rencontrer, s'aimer, s'affronter.
Les ambiances sont très différentes, souvent intenses, parfois hallucinées, et le procédé choisi par l'auteur ne paraît jamais artificiel, notre intérêt étant habitué au zapping médiatique.
Le style est élégant, imagé, puissant et les pages se tournent toutes seules ou presque.

Merci à Cuné !

 

Plein d'avis sur Babelio.

03/11/2014

-Poésie du gérondif

Je n'en suis qu'à la moitié de livre à la fois instructif et hautement réjouissant , à plus d'un titre, mais je tenais à recenser toutes les adresses, en forme d'intercessions , plus ou moins religieuses, adressées à la maison d'édition, chérie en entre toutes par Jean-Pierre Minaudier; la preuve: elle est la seule à apparaître en majuscules d'imprimerie (et en gras )dans les notes de bas de page (dont il use et abuse pour mon plus grand bonheur) et, emporté par son enthousiasme et sa reconnaissance, l'auteur n'hésite pas à écrire concernant les "infiniment vénérables" éditions berlinoises DE GRUYTTER-MOUTON , spécialisées en linguistique (clic):

-(elles sont le sel de la terre !)jean-pierre minaudier

-(qu'elles vivent longtemps pour faire le bonheur du monde)

- (que le Tout-Puissant les ait en sa très sainte garde)

-(que tous les saints du paradis intercèdent en leur faveur au jour du jugement)

-(que la bénédiction des cieux plane éternellement sur elles et toute leur race)

-(que des fleuve de miel, des lacs de salidou* et des océans de Nutell* les récompensent de leurs bienfaits)

-(tous les prophètes ont annoncé leur épiphanie dans des transports de joie)

-(puissant les anges descendre chaque jour à la Maison Fréquentée pour réciter leur nom et leurs mérites !)

-(que le règne, la puissance et la gloire leur appartiennent pour les siècles des siècles)

-(que le tout-Puissant leur accorde une belle part dans ce monde ainsi qu'une belle part dans l'au-delà, et les protège contre le châtiment du feu)

-(que leur nom, qui est comme le nectar, l’ambroisie et le gloubiboulga, soit sur la bouche du seigneur à l'heure où les Justes recevront leur récompense, et qu'il y ait pour elles un jardin ceint de murs au septième ciel)

-(que leur nom, qui est comme l'odeur de la terre après la pluie, sorte de ma bouche avec mon dernier souffle, et qu'il brise à jamais le silence éternel des espaces infinis)

 

seul petit bémol : "Une autre description du Trio par Sergio Meira, censée paraître en 2010 aux ed. DE GRUYTTER-MOUTON [...] et attendue dans l'extase par des foules hystériques , n'est finalement jamais sortie: depuis , je porte le deuil."

On espère que la maison d'édition en question est au courant d'une telle dévotion...

 

 

*pâte à tartiner composée de caramel au beurre salé (c'est malin, j'ai faim ! )

01/11/2014

Femme nue jouant Chopin

"Il y a un style de femmes qui, bien qu'ayant été ravissantes toute leur vie, connaissent une éruption de folle splendeur à l'approche de la cinquantaine."

Quand un texte commence de manière aussi parfaite (pour moi), c'est le gage qu'une excellente lecture s'annonce . Promesse tenue -et haut la main- par ce recueil de 16 nouvelles aux ambiances très diverses mais caractérisées par la tension parfois juste insoutenable qui les anime et la capacité de Louise Erdrich à se glisser aussi bien dans la tanière d'une Goth Lolita gothique que dans l'intimité d'un couple de scientifiques vieillissants .louise erdrich
La nature est forcément toujours aussi présente et l'on croise dans ces textes aussi bien des antilopes, des loups, des bisons, des chats, des chiens que des corbeaux. Et comment ne pas aimer une auteure qui fait dire à l'une de ses narratrices : "Les corbeaux sont les oiseaux qui me manqueront le plus quand je mourrai. Si seulement les ténèbres dans lesquelles nous devons plonger notre regard étaient composées de la lumière noire de leur souple intelligence.(...] J'ai observé ces oiseaux avec tant d'attention que je sens leurs plumes noires pointer sous ma peau."
Mais, bien évidemment, ce sens de l'observation, Erdrich l'exerce aussi l'égard des humains. Et leur comportement interpénètre souvent celui de la Nature, dont il emprunte parfois les ruses et parfois aussi la cruauté.Cruauté souvent adoucie par la compassion qui prend alors les chemins les plus étranges, les plus tortueux. Ainsi dans la nouvelle "Le lait paternel" dont je vous laisse découvrir toute la tendresse et la violence mêlée.
Qui manipule, qui est manipulé ? Erdrich semble sourire du comportement de ses personnages mais ne jamais s'en moquer, n'hésitant pas à ajouter quelques touches de fantastique ou d'humour dans les situations les plus tendues . Ainsi ce dialogue improbable dans un magasin d'armes :
"Exercices de tir ?
-Non. je dois tuer un mec qui fait du yoga.
-Défense du domicile alors."
à noter que L'auteure choisit , en faisant un pas de côté au moment opportun ,d éviter le pathos et/ou les situations prévisibles.
On trouve aussi dans ce recueil la course poursuite la plus lente et néanmoins la plus intense que j'ai jamais lue, le récit d'une amitié féminine , sereine, par-delà la douleur (un texte magnifique), des femmes, des hommes d'âges différents, Indiens ou non, contemporains ou pas ,mais qui tous nous émeuvent, font battre nos cœurs et nous donnent tout à la fois envie de savoir vite, vite ,ce qui va leur arriver et simultanément envie de retarder le plus possible le moment de les quitter. Quant au style de Louise Erdrich, il est sensuel, analyse au plus intime les sentiments, très imagé et sonne juste.Un vrai et grand coup de cœur pour commencer ce mois de novembre.

Et zou, sur l’étagère des indispensables !

Femme nue jouant Chopin, Louise Erdrich, traduit de l'américain par isabelle Reinharez, Albin Michel 2014, 367 pages intenses.