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15/01/2020

#LaDeuxièmeFemme #NetGalleyFrance

"Leurs mains se touchent et encore une fois ce contact ouvre des portes quelque part dans Sandrine, un quelque part d'autre où elle peut toucher des gens sans que ça veuille rien dire, que des mains qui se posent, gentiment, parce que les humains parfois se touchent pour avoir chaud ou trouver leur chemin."

"Grosse, grosse moche, tête de conne, tête de conne", Sandrine se le répète à l'envi, ayant parfaitement intégré ce qu'elle a entendu depuis l'enfance. Aussi quand elle tombe amoureuse de celui qu’elle appelle l'homme qui pleure et que ces sentiments s'avèrent réciproques, la jeune femme croit avoir trouvé sa place au sein d'une maison, avec un fils déjà tout fait, celui d'une femme qui a disparu, probablement morte.
Pourtant, cette femme réapparaît. Amnésique, il lui faut retrouver son passé, sa famille. Que va devenir Sandrine la trop gentille , la trop peu sûre d'elle?louise mey
Tout le talent de Louise Mey est d'opérer à partir de ce moment un virage qui va entraîner son héroïne dans une spirale de violence dont elle ne peut s'extraire, car elle est sous emprise de celui qu'elle doit se résoudre à appeler M. Langlois.
Avec talent, l'autrice se glisse dans la peau de Sandrine, tout en ménageant un suspense parfois insoutenable. Alors oui, elle est exaspérante Sandrine pour ceux qui sont extérieurs à ce qu'elle subit mais Louise Mey prend soin d'elle en plaçant sur son chemin des femmes bienveillantes qui , peut être, pourront l'aider à s'extraire du processus.
Un roman nécessaire qui parle  aussi avec précision  du corps des femmes et de la manière dont certains hommes le traitent quand il ne correspond pas aux critères fixés par la société.
Et zou sur l'étagère des indispensables.

Le masque 2020louise mey

De la même autrice : clic.

14/01/2020

La loterie

"Puis tandis que les éclairs fusaient, que la radio crachotait et s'éteignait, les deux vieux blottis dans leur chalet attendirent."

Quand la nouvelle,qui donne son nom au recueil, parut en 1948 dans le NewYorker, elle entraîna une déflagration: lettres courroucées, désabonnements, perplexité ,lecteurs se disant traumatisés...tant cette nouvelle dénonce de manière détournée, mais intense, les petitesses et la violence feutrée d'une société conservatrice.shirley jackson
La postface de Miles Hyman, petit-fils de l'autrice et auteur d'une adaptation de La loterie sous forme de roman graphique, dégage les thèmes essentiels des nouvelles de l'autrice et souligne l'influence de cette dernière sur de nombreux auteurs (dont Stephen King).
L'angoisse sourd de ces textes qui nous donnent à imaginer le pire à partir d'une montée souvent lente de la tension, dans un univers confortable où semblent régner les bons sentiments. Aux côtés du texte déjà cité, je placerai Les vacanciers et La possibilité du mal comme deux autres petits chefs d’œuvre à découvrir impérativement.

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Fabienne Duvigneau  Éditions Rivages /noir 2019

13/01/2020

#LeComplexedelaSorcière #NetGalleyFrance

"Je lui parle des innocentes qui finissaient par croire ce dont on les accusait, je lui parle ses exécutions. Je lui raconte ce qui m’arrive. Je lui dis que ces histoires me rappellent des souvenirs qui n'ont rien à voir avec les chasses elle-mêmes."

Alors qu'elle vient d'emménager avec l'homme qu'elle aime, la narratrice voit en rêve une femme  qu'elle identifie bientôt comme étant une sorcière. Elle entame alors des recherches et découvre que le Moyen-Age et les sorcières ne sont pas liés, mais que les chasses aux sorcières ont eu lieu au XV ème siècle en France.
Elle se demande alors quel est l'impact de ces chasses aux sorcières , dûment organisées , sur le psychisme des femmes.isabelle sorente
Au fur et à mesure de ses recherches, lui reviennent en mémoire des souvenirs occultés: celui du harcèlement dont elle avait été victime au collège et dont elle analyse patiemment les rouages, soulevant ainsi le poids du non-dit familial. L'analyse qu'elle poursuit en parallèle l'aide également à établir des liens entre ses propres souffrances et les traces que deux siècles de terreur pourraient avoir laissées dans la psyché féminine. Entre roman, autofiction et essai, un texte intense, original et fort qui parlera à tous ceux qui s'intéressent aux rouages de l'esprit humain.

 

Jean-Claude Lattès 2020.

De la même autrice: clic

isabelle sorente

 

10/01/2020

Journal d'irlande ...en poche

"Ce qui s'installe, se crée entre deux membres d'un couple qui a longtemps vécu ensemble, c'est autre chose que la tendresse. C'est , je crois une peur commune de la mort : de la mort de l'autre, plus que de la sienne."

Blandine De Caunes souligne à juste titre dans sa préface que l’œuvre de sa mère a commencé par la publication du célèbre Journal à quatre mains (rédigé avec Flora Groult) et qu'elle se clôt donc suivant la volonté de la défunte par l'édition de ces Carnets de pêche et d 'amour allant de 1977 à 2003.
Le sous-titre de ce journal indique bien les deux thèmes principaux de ce texte et la place prépondérante accordée à la passion pour la pêche , place qui, je dois l'avouer, a fini par me lasser.benoîte groult
Par contre, l'analyse ,parfois féroce ,des relations entre  Paul Guimard, Benoîte Groult et l'amant de cette dernière surprendra un peu par son intensité. Certes, la situation était connue de tous les membres de la famille (et des lecteurs des Vaisseaux du cœur  par exemple) mais l'écrivaine se montre sans complaisance envers son mari vieillissant qui ne supporte plus cette situation alors que, dans sa jeunesse il avait allègrement trompé son épouse.
On se sent parfois de trop dans cette lecture, même si la revendication par cette femme âgée du droit au plaisir est un acte qui s'inscrit logiquement dans la démarche de cette écrivaine féministe .

09/01/2020

Le guetteur ...en poche

"Ma mère était ce que je savais pas d'elle et que je chercherais indéfiniment toute ma vie."

Christophe Boltanski se penche une nouvelle fois sur un membre de sa famille si particulière, à savoir sa mère. Quels points communs y -a-t-il entre cette femme âgée, quasi recluse et paranoïaque dont, après sa mort l'auteur découvrira qu'elle avait commencé plusieurs romans noirs et la jeune femme sans doute impliquée dans un réseau de porteurs de valises lors de la guerre d'Algérie ?christophe boltanski
L'auteur ne force pas le trait, ni les faits , et juxtaposent les récits mi-rêvés mi- réels dans une (en) quête  qui brosse un portrait à facettes d'une mère à jamais hors de portée. Un roman fort et troublant.

08/01/2020

#LeConsentement#NetGalleyFrance

"J'aurai quatorze ans pour la vie. C'est écrit."

Parce que je me souvenais très bien d'une prestation de celui que Vanessa Springora appelle G. dans l'émission de Bernard Pivot, et surtout de l'impression de malaise qu’avait suscité chez moi cet homme à la fois cynique et arrogant, j'ai décidé de lire ce roman.
Il aura fallu trois décennies à l'auteure pour qu'elle s'autorise à relater et à analyser au plus près ce qu'adolescente elle avait vécu, ce qu'elle croyait être une histoire d'amour avec un écrivain de cinquante ans ,alors très en vue dans le milieu littéraire. Trente ans pour analyser ce phénomène d’emprise parfaitement rôdé pour celui qu'elle identifie maintenant comme étant un ogre. 71YzKee8HnL._AC_UY218_ML3_.jpg
On reste sidéré par le laisser-faire des adultes entourant la très jeune fille, par le cynisme de celui qui n'hésite pas à s'emparer tout à la fois de son très jeune corps, sans jamais pour autant la forcer physiquement, et d'une certaine façon de son âme en la réduisant à un personnage d'une histoire qu'il réécrit à sa façon, se donnant bien sûr le beau rôle. Mais la réalité est bien plus sordide car celui qui prétendait être un amant hors pair pratique en fait une sexualité pauvre et mécanique.
Psychiquement abîmée, la jeune fille mettra longtemps à retrouver un équilibre affectif. L'écriture de ce texte est en tout cas une magnifique réappropriation de ce que lui avait sournoisement dérobé G.vanessa springora

Grasset 2020.

 

07/01/2020

La mère morte

"J'ai maintenant compris que mon chagrin était une maladie chronique, avec laquelle je dois apprendre à vivre.Il y a des périodes de rémission et des rechutes."

 En 2016, "J'ai perdu le 1er avril ma fille unique et le 20 juin, m mère unique. maman est un mot qui a disparu de ma vie. je ne le dirai plus et ne l'entendrai plus." Ainsi s'exprime l'une des filles de Benoîte Groult, qui s'autorise à prendre la plume avec franchise, sans dolorisme ni pathos.
Au fil des pages, elle relate la maladie d’Alzheimer dont souffrait sa mère, la dégradation tant mentale que physique auxquelles il a fallu se résigner et le déni dont faisait preuve la principale intéressée. ça pourrait être sordide, mais dans la famille Groult les journaux intimes avaient vocation à être lus dans la sphère familiale et le corps n'avait jamais été un sujet tabou entre Benoîte et ses filles.blandine de caunes
Si la mort de la mère était prévisible, bien plus inattendue, injuste et ravageuse a été celle de la fille de Blandine qui laisse un veuf , une petite orpheline de 9 ans et une mère dont le désarroi est total. A quelques semaines de distance, il faudra néanmoins organiser le départ de Benoîte qui avait milité pour le droit de mourir dans la dignité, ce qui lui sera accordé.
Ce qui frappe dans l'écriture de Blandine de Caunes, c'est qu'elle ne se pose jamais en modèle et quoi qu'il en coûte assume une forme d’égoïsme nécessaire qui lui avait été enseigné par sa mère. Un récit profondément émouvant, qui m'a parfois mis les larmes aux yeux,  mais qui demeure lumineux et parfois éclairé par la malice de son auguste mère. Une écriture fluide et sensible qui fait que l'on dévore ce livre d'une seule traite.

 

Stock 2020, 294 pages qui filent sur l’étagère des indispensables.

06/01/2020

Elmet

"Le sol regorgeait d'histoires brisées qui tombaient en cascade, pourrissaient puis se reformaient dans les sous-bois de façon à mieux resurgir dans nos vies. on racontait que des hommes verts avec des visages en feuille d’arbre et des membres en bois noueux scrutaient depuis les fourrés."

L'histoire se passe de nos jours, mais elle est en fait intemporelle car elle s'inscrit dans une problématique qui dépasse les époques. Celle d'un petit groupe qui refuse d'être ostracisé , qui n'a que faire des règles en vigueur et entend bien vivre où il veut, dans le respect de la nature, sans trop s'occuper des autres. Mais "...le géant barbu qui vivait dans les bois avec son jeune fils et sa fille belliqueuse" vont devoir se rendre à l'évidence : même dans les bois du Yorkshire, les hobereaux, et à leur tête la figure emblématique de Mr Price, font leur loi et la police n'a pas à se mêler de leurs affaires.fiona mozley
 En effet, ce père refuse que son corps, dont il usait pour gagner sa vie lors de combats illégaux, soit soumis à Mr Price, conscient que celui-ci entend juste contrôler pour se sentir exister. Il est en effet beaucoup question du corps dans ce roman et en particulier de celui de la jeune fille, Cathy, qui rejetant l'idée de devenir une victime, déclenchera la tragédie qui était en route. Celui du plus jeune fils, Daniel, narrateur à la recherche de sa sœur, est également au cœur d'une problématique différente.
Il est enfin question de la force d'une communauté qui tente de s'unir pour faire face à l'injustice, le tout dans une région marquée par le chômage, mais aussi par la poésie. Un roman au final impressionnant, tout à la fois baigné de tendresse et de violence au sein d'une nature sauvage. Une prose magique à découvrir.

 

 Elmet de Fiona Mozley, traduit de l’anglais par Laetitia Devaux,  Éditions Joëlle Losfeld 2020, 237 pages qu'on n'oubliera pas de sitôt.

04/01/2020

Tous les hommes désirent naturellement savoir...en poche

Scandé par des titres de chapitre qui reviennent tout au long du texte (Devenir, Se souvenir, Savoir et enfin Être), le roman de Nina Bouraoui  alterne les souvenirs de l'enfance lumineuse en Algérie et ceux de son adolescence en France.  En quête de son identité  (est-elle algérienne ou française ?), la très jeune femme délaisse l'université pour fréquenter les boîtes de nuit lesbiennes, en particulier le Kat, mais n'assume pas encore son homosexualité.niba bouraoui
Elle brosse aussi, par petites touches, le portrait d'une femme, sa mère, qui , par amour, prendra le chemin inverse de bien des français d'alors: en 1962, elle décide d'habiter avec son mari algérien dans ce pays qui vient de recouvrer la liberté.  Un femme qui refusera de poser des mots sur la violence masculine qu’elle subira des années plus tard.
La violence, il en est aussi question dans les relations qui s'établissent dans le Kat , relations qui fascinent mais semblent aussi effrayer la jeune Nina.
Se voulant le portrait de l'enfance d'une jeune femme homosexuelle, le roman se révèle  un peu trop léger à mon goût, n'approfondissant pas assez la réflexion et nous laissant sur notre faim

02/01/2020

Le sel de tes yeux

"Dans ta famille, il n'est pas tant question de s'ajuster les uns aux autres que de décréter une normalité. Comment lutter contre ceux qui ont le droit de t'enfermer, de te contraindre et de te gifler s'ils estiment que c'est pour ton bien, et s'ils estiment que le bien pour une fille consiste à aimer les garçons ? "

Alors qu'elle explore le bassin minier du Nord de la France, région dont elle est originaire, l'écrivaine photographie une jeune fille qui court. Une silhouette.
Elle lui invente un prénom , Sarah, une famille et une orientation sexuelle qui déroute cette dernière : Sarah aime les filles.
Dans ce court roman (174 pages), Fanny Chiarello s'adresse à cette adolescente qu'elle a vraiment croisée, sans pouvoir lui parler et même si elle ne la connaît pas déclare: "mais, parce que je t'écris, tu es une force pour moi- note l' ambiguïté de cette phrase, ou le t' peut aussi bien être un C.O.D. qu'un C.O.I."
Brouillant les pistes, qu'est ce qui est inventé, qu'est ce qui est réel ?, Fanny Chiarello nous livre ici un récit sensible et juste sur une jeune fille qui se confronte à une société hétéronormée ,dont on n'a même plus conscience, sauf évidemment quand on sort de la norme. Elle brosse des parents un portrait nuancé, ils aiment leur fille mais ne peuvent concevoir qu'elle déroge à ce qui est pour eux la normalité et acceptent sans sourciller que leur autre fille sorte avec un étudiant plus âgé.fanny chiarello
N'allez pourtant pas croire que tout est plombé dans ce roman qui, s'il serre parfois le cœur,  ménage  auss des moments lumineux et peint avec véracité le quotidien d'une jeune femme d’aujourd’hui. Un roman plein d'espoir.
Un coup de cœur.

Le sel de tes yeux, Fanny Chiarello Éditions de l’Olivier 2020

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