21/06/2011
La première fois
"Est-ce que ton petit copain est un Danny ou un Eddie ?"
Même s'ils sont parfaitement informés de l'aspect technique de la relation sexuelle , les ados, garçons et filles, des nouvelles de ce recueil La première fois , sont néanmoins fort embarrassés quand il s'agit de franchir le pas.
"Mais ce que je ne parvenais pas à déterminer, c'était le moment où c'était devenu une compétition. le sexe et tout. Quelques années plus tôt , on évitait joyeusement les filles.", constate le footballeur héros de "But", la nouvelle de Keith Gray, qui sera confronté à un choix cornélien...
Trouver des conseils auprès des adultes ? Pas question ! Car même s'ils sont plein de bonne volonté, comme le père du héros de Sophie McKenzie, les parents sont souvent maladroits, voire ridicules . Sauf quand une vieille dame, affranchie de toute contrainte par son âge même ,décide de parler de sexe en plein milieu du repas dominical, au grand dam des parents et au grand plaisir des ados dans" La majorité sexuelle" de Jenny Valentine. On retrouve dans ce texte toute l'empathie et la malice de l'auteure de La fourmilière , qui a le chic pour peindre des personnages attachants qui établissent des liens par delà les générations.
Mais il y a des choses qui ne changent pas. ainsi le pouvoir de la poésie que va redécouvrir le héros de Melvin Burgess dans "Entrée en matière", pouvoir qui ira au delà de ses espérances...Beaucoup d'humour dans ce texte qui aborde le "problème" de la différence d'âge, quelques années qui représentent un gouffre quand on est ado.
Autre question, bien plus complexe, celle du choix sexuel car "ça se passe autrement pour les garçons" vont devoir accepter les héros de Patrick Ness, dans un texte où tous les mots crus ont été volontairement caviardés, sans pour autant ôter efficacité et sensibilité à ce texte.
Plus classique "Charlotte " de Mary Hooper nous rappelle qu'au XIXème siècel, en Europe, la virginité d'une jeune fille pauvre pouvait être une simple monnaie d'échange.
Tonalité plus grave également chez Bali Rai qui nous rapelle qu'une "serviette blanche" peut avoir de dramatiques conséquences pour une jeune mariée en Inde, même de nos jours.
Le dernier mot revient à Anne Fine qui résume la situation avec son "Faire l'amour ou le trouver" mettant en scène un cours d'éducation sexuelle plus vrai que nature, qui rappelle bien des souvenirs à une enseignante chevronnée , qui ne l'a pas toujours été dans certains domaines...
Les grandes plumes de la littérature britannique pour adolescents nous offrent ainsi un panorama complet d'une question qui nous a tarabustés et tarabuste nos ados, alternant les tonalités et les points de vue (j'ai particulièrement apprécié les nouvelles mettant en scène le point de vue des garçons) et dédramatisant la situation, sans pour autant tomber dans l'angélisme. Une réussite !
La première fois, Scripto, Gallimard 2011, traduit de l'anglais par Laetitia Devaux et Emmanuelle Casse-Castric , 245 pages à offrir ou à laisser traîner, mine de rien, dans des endroits stratégiques...
06:00 Publié dans Jeunesse, Nouvelles étrangères | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : burgess, fine, gray, hooper, mc kenzie, ness, rai, valentine
19/06/2011
L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet...en poche
"La médiocrité, c'est la moisissure de l'esprit."
Pour recevoir le prestigieux prix Baird, le cartographe et illustrateur scientifique T.S Spivet doit traverser les Etats-Unis d'Ouest en Est, inversant ainsi le trajet suivi par ses ancêtres. Rien de bien original à première vue sauf que T.S.Spivet n'a que douze ans.
A sa suite, nous entreprenons ce voyage initiatique qui permettra à ce garçon, féru de détails et de précisions ,d'éclairer d'un nouveau jour sa lignée familiale et en particulier les liens pour le moins distendus , en apparence, entre son cow-boy laconique de père et sa scientifique de mère.
T.S. n'a rien d'un "singe savant", c'est un enfant sensible et précoce qui s'efforce toujours d'ordonner le monde qui l'entoure, sans doute pour apaiser les questions qui le hantent et qui ne prennent d'abord place qu'en marge du récit-au sens propre-, dans les notes et dessins qui accompagnent ce texte et en font un objet hors du commun.
Le livre est en effet doté d'une couverture et d'une iconographie qui lui donnent à la fois un côté intemporel et désuet que je n'ai pas voulu abîmer, pas de pages cornées donc mais un roman tout hérissé de marque-pages !
L'écriture fluide fait qu'on ne s'ennuie pas une minute dans ce récit fertile en rebondissements, tant au niveau aventures que découvertes psychologiques. Une rencontre enthousiasmante ! Je n'oublierai pas de sitôt ces personnages pittoresques et attachants !
06:00 Publié dans Jeunesse, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : reif larsen
11/05/2011
Le petit Oulipo
Envie de jouer avec les mots ? Que vous soyez petits ou grands , vite feuilletez sans plus tarder Le petit Oulipo , anthologie de l'OUvroir de LIttérature POtentielle, réunis par Paul Fournel et illustrés par Lucile Placin !
Comme l'explique de manière très claire l'auteur dans sa préface, "Chaque mois, fidèlement depuis 1960, des écrivains et des mathématiciens mangent ensemble pour travailler et bavarder. ils cherchent dans l'histoire de la mathématique et de la littérature des idées de nouevlels structures ou d enouveaux jeux avec la langue. ils ne se contentent pas de dire "Et si on faisait ceci ou cela ?", ils le font."
Et nous n'avons plus qu'à leur emboîter le pas car les explications données sont très didactiques et la présentation attrayante ! On en a des fourmis dans les doigts !
Ainsi, à côté du célèbre Lipogramme, j'ai découvert les nouvelles sollicitudes qui s'inquiètent de l'état d'un personnage dont il est question au premier vers (par exemple Momille) et permettent alors cette question en fin de poème "Qu'à Momille? ". mais ce nom oblige les vers à rimer avec Momille. Ou bien encore La surdéfinition qui consiste à définir doublement un mot, à la fois par son sens et par sa présence à l'intérieur d'un autre mot.
Ainsi "Un refuge au sein d'un cabriolet" pour le mot abri.
Un livre à lire, reliree et à mettre en pratique!
Emprunté à la médiathèque.
Le petit Oulipo, Editions rue du monde 2010.
06:00 Publié dans Jeunesse, l'amour des mots | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : paul fournel, lucile placin
09/05/2011
Les mots qui tuent
"Pour la première fois, il y avait quelqu'un pour qui je comptais."
Instrumentalisée longtemps par sa mère couturière , pour qui elle joue" le mannequin permanent", Mara rêve de s'habiller enfin à son goût. Elle rêve aussi d'avoir une amie. Aussi, quand Clara la délurée croise sa route, l'ado trop longtemps bridée va se lâcher et , pour ne pas être en reste avec sa nouvelle copine, va prononcer des mots qui entraîneront la mort d'un innocent...
Avec un style alerte et nuancé, Agnès de Lestrade peint une une tragédie involontaire en 59 pages qui vont droit à l'essentiel, sans que pour autant l'émotion se perde en route. Un seul bémol peut être : que la conclusion soit un tantinet précipitée (j'aurais aimé connaître plus en détail le parcours de Mara après ) mais le format de la collection explique sans doute ceci. A découvrir sans plus attendre !
Les mots qui tuent, Agnès de Lestrade, Sarbacane, 2011
trop démonstratif pour Cathe
06:04 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : agnès de lestrade, mensonge
06/05/2011
Le petit Gus en grandes vacances
"J'ai peut être une petite bouche en cul de poule à nourrir, mais c'est moi le soleil de cette maison."
Si, comme moi, vous n'osez même pas compter les semaines vous séparant des grandes vacances, ce livre est pour vous !
On y retrouve le petit Gus onze ans, qui vient de quitter définitivement l'école primaire- mais ne parlons pas de" la merdouille du collège" à venir- et sa chouette petite famille.Comme d'hab, Gus scrute avec son regard laser le monde autour de lui, n'épargnant ni ses parents râleurs et persifleurs , ni sa soeur, impitoyable dans ses jugements, ni son grand frère dragueur. Nous n'échapperons pas au short hawaïen made in Decathl*n de son père, inapte à camoufler son bedon , pas plus qu'au réflexions de Gus sur les femmes en monokini sur la plage bretonne où il a ses habitudes.Pudibond , Gus ? Pas toujours ! Car, mine de rien, les filles commencent à l'intéresser !
Mais le petit Gus s'il s'avère aussi un parfait petit épicurien, n'en oublie pas pour autant de pointer du doigt les algues qui viennent polluer les algues de sa chère Bretagne ainsi d'ailleurs que les saucissons d'âne (quelle horreur!) prétendument corses...Alors dans le match Bretagne/Corse qui l'emporte? Pour le savoir, dévorez vite ce nouvel opus de notre petit Gus ! Un livre couleur turquoise, comme la mer...
Le petit Gus en grandes vacances, Claudine desmarteaux, Albin Michel 2011., 156 pages à piquer à son fils ! (à lui rendre ensuite!:))
Clarabel l'oppose à Greg ici.
La soupe de l'espace en donne un extrait ici.
Gaëlle a nien ri aussi ici.
06:00 Publié dans Humour, Jeunesse | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : claudine desmarteaux, humour
04/05/2011
Toute seule loin de Samarcande
"Son avenir était un trou noir."
Quasiment jetée hors d'une voiture, Regina est abandonnée sur une place en Europe, Toute seule, loin de Samarcande.En attendant que le jour se lève , elle se remèmore son passé en Ouzbékistan, où russophone et arménienne d'origine, sa famille a été persécutée, son père assassiné sous ses yeux.
L'éclatement de l'U.RSS et ses conséquences sur la mosaïque de peuples qui la constituait sont abordées ici avec beaucoup de clarté et d'empathie. Le parcours de cette adolescente, ballotée par l'histoire et la géographie est très émouvant même si l'écriture est un peu trop en retrait à mon goût.
Dans les remerciements, l'auteure qui enseigne en Belgique , nous éclaire sur ce que le lecteur avait intuitivement deviné: le personnage de Regina a été nourri des témoignages de jeunes réfugiés de tous horizons qui ont confié "des secrets de vie enfouis dans leurs coeurs". Un livre généreux et nécessaire.
Toute seule loin de Samarcande, Béa Deru-Renard, Médium de l'Ecole des Loisirs 2011, 160 pages desservies peut être par une couverture par trop sombre et peu lisible.
06:00 Publié dans Jeunesse, Roman belge | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : béa deru-bernard, réfugiés, éclatement urss, résilience
01/05/2011
Liberté, égalité, ...Mathilde
La classe de CM2 de Mathilde sera-t-elle sélectionnée pour participer au Parlement des enfants ? Que fera la petite fille si après une campagne qui n'a rien à envier à celle des adultes, elle est élue ?
Le roman de Sophie Chérer est un excellent rappel de l'initiative de Philippe Séguin (la création du Parlement des enfants) mais aussi une façon de ruer dans les brancards et de montrer la manière dont on tente de l'édulcorer et de le formater. Bien évidemment Mathilde parviendra à s'exprimer en toute liberté et en faisant fi des discours convenus...
Un roman dont la dédicace donne le ton : "Aux enfants qui , chaque année , viennent à l'Assemblée Nationale pour y prendre une leçon de démocratie, et en repartent en l'ayant donnée aux adultes."
Liberté, égalité...Mathilde, Sophie Chérer, Mouche de l'Ecole des Loisirs 2011, 69 pages toniques, vitaminées par les dessins malicieux de Véronique Deiss.
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : sophie chérer
20/04/2011
Le voyage de Mémé
"Elle essayait de comprendre la France et Paris."
Ce n'est même pas sa grand-mère préférée mais c'est avec beaucoup de tendresse et d'humour que Gil Ben Aych nous relate cette traversée de Paris d'un nouveau genre.
La famille de l'auteure a quitté l'Algérie en 1956 et a eu le temps de s'habituer à un nouveau mode de vie (ce que raconte l'auteur dans L'essuie-mains des pieds). il n'en est pas de même pour Mémé qui vient, en 1962 de débarquer en france et se voit contrainte de déménager de Paris à Champigny. Une vingtaine de kilomètres qui vont devenir une véritable épopée car Mémé "ne pouvait prendre ni voiture, ni taxi, ni bus, ni métro, ni rien. Elle pouvait marcher, c'est tout. " Le voyage sera d'autant plus mémorable que la dite grand-mère se "croyait encore à Tlemcen. Elle n'avait pas vraiment compris qu'on était à Paris". Et Mémé de saluer tous les gens dans la rue, de s'offusquer des mini jupes et des femmes qui fument dans la rue...
Mais ce qui fait aussi la saveur de ce récit c'est l'oralité de la langue car Gil ben Aych restitue la manière de parler de sa grand-mère , ponctuée de " t'y as raison", de "mon fils" et mâtiné de mots arabes. On l'entend cet accent pied-noir ! En chemin, la grand-mère évoque son passé, son mariage de raison devenu mariage d'amour, se repose, savoure le temps qui passe, s'étonne beaucoup, découvre un univers qui n'a rien à voir avec le pays qu'elle a quitté il y a peu mais qui lui manque déjà cruellement...Une manière de faire comprendre avec délicatesse le déracinement...
Un classique de la littérature jeunesse réédité en 2011 par l'Ecole des Loisirs, Le voyage de Mémé, Gil ben Ayach, 93 pages tendres.
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : gil ben aych
26/03/2011
Sacrée kornebik
"J'aime les cornes, les biques et les cas."
Luce n'aime plus son prénom. Peut être sans se l'avouer ne supporte-t-elle plus surtout ses parents qui font assaut de perfection tant dans leur comportement (pas de disputes) que dans leur alimentation (bien équilibrée, fruits et légumes à volonté !). Bien sûr ils l'aiment mais un peu de folie ne peut nuire et si un jour un grand coup de vent souffle sur le marché où se rendent les parents de Luce, madame Kornebik, qui résout tous les problèmes y est sans doute pour quelque chose...
Un livre malicieux, plein de fraîcheur et d'humour, à lire aussi bien par les enfants qui commencent à lire tout seuls que par leurs parents...
Les illustrations , pleines de poésie, de Dorothée de Monfreid accentuent cette atmosphère magique.
Sacrée Kornebik, Nathalie Kuperman, Mouche de l' Ecole des Loisirs 2011
06:00 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : nathalie kuperman
10/03/2011
A la recherche du paon perdu
"Maurice avait raison,on ne pouvait pas être deux minutes tranquille dans cette maison ! C'était pire que dans ma chambre, ici ou quoi ?"
Mollux n'a rien d'un super héros: c'est un adolescent grand dévoreur de mousses au chocolat et de dictionnaires, cette dernière caractéristique lui permettant d'affubler ses profs de surnoms assez bizarroïdes. Tout aussi étrange est son père, qui ne lui a parlé que deux fois, ce qui lui vaut le sobriquet de Sauf2fois.
Oui mais voilà ce paternel plutôt mutique va rapporter un jour, en douce, à la maison un paon ! Paon qui va bientôt disparaître. Ainsi que Sauf2fois peu de temps après. Commence alors une folle aventure où Mollux va entraîner son compère l'inénarrable Procopé et où il gagnera bien plus que la solution d'une énigme: la découverte-au moins partielle- de son père.
Attention, bouclez vos ceintures avant d'embarquer dans le monde complètement foldingue de Mollux et de sa famille ! Entre la mère (l'Outarde) qui se lance dans de hasardeuses créations culinaires ("un délicieux mélange d'endives un peu brûlées, de farine, d'eau, de cacahuètes et de tranches de jambon élastiques" , Procopé qui "vit en altitude, et [dont] le haut de la tête a la forme d'une roquette antichar", le chat SoupeChaude et tous les autres personnages farfelus en diable vous n'aurez pas le temps de souffler une seconde !
Mollux , roi de l'autodérision,"Pendant que j'hésitais devant le présentoir (Matières grasses végétales hydrogénées, sirop de glucose, extraits de malt,lécithine de soja, lactosérum en poudre, comment choisir parmi tant de merveilles? )" porte un regard moqueur sur le monde des adultes "Un divorce, une baraque en pente et un petit divan en skaï. les adultes ont parfois des rêves un peu rétrécis, vous n'êtes pas d'accord avec moi? " et a le chic pour croquer en quelques lignes acérées quiconque croise sa route,( surtout ses profs, mais c'est de bonne guerre !).
Angélique Villeneuve passe à la moulinette la vie d'une famille en apparence des plus ordinaires mais en profite aussi pour rappeler que si l'adolescent est parfois une énigme pour ses parents, l'inverse est aussi vrai. Un cocktail d'humour et de tendresse pour un roman que les parents chiperont à leurs rejetons !
A la recherche du paon perdu, Angélique Villeneuve, Les grandes personnes, 2011, 189 pages dans lesquelles vous allez adorer vous glisser !
06:00 Publié dans Humour, Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : angélique villeneuve