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16/05/2014

Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s'annonce

"La Petite Fille au Bout du Chemin , de deux phrases taguées , a dégagé les mots et mis à nu la guerre."

Émilienne, dite Émile, jeune femme pleine de générosité et d'altruisme, est morte pendant quelques minutes, son cœur s'arrêtant de battre soudainement. Pendant qu’Émile dort d'un sommeil artificiel, la narratrice, danseuse classique passionnée, évoque les souvenirs de cette amitié qui s'est tissée dans des circonstances douloureuses.lola lafon
Simultanément, elle entre en relation avec La Petite Fille au Bout du Chemin, jeune femme qui n'hésite pas à braver les interdits et avec laquelle elle vivra des "odyssées déglinguées" et libèrera son corps entravé.
Comme dans La petite communiste qui ne souriait jamais, ( clic) Lola Lafon parle sans pathos mais avec beaucoup de poésie et de sensibilité du mouvement, des corps des femmes et de la place qui leur est faite -ou non -dans une société marquée par l'ordre et le rigorisme. Les mots, eux aussi sont importants, ceux qui stigmatisent mais aussi ceux qui libèrent.
J'ai savouré et fait durer ces 428 pages marquées du sceau de la révolte et du désir de liberté. Un grand coup de cœur.

Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s'annonce, Lola Lafon, Babel 2014.

11/05/2014

La grâce des brigands...en poche

"Cette dernière passion, ça ne faisait pas un pli, l'entraînerait loin de Lapérouse, puisque les livres servent, comme on le sait, à s'émanciper des familles asphyxiantes."

 Maria Christina Väätonen, qui s'est auto-attribué le titre de vilaine sœur, a quitté son grand Nord et sa famille étouffante dès seize ans pour s'installer à Santa Monica . Quand le roman commence,  le 12 juin 1989, elle reçoit un coup de fil de sa mère qui va la faire revenir sur son passé et sur la manière dont, dans les années 70, elle est devenue une très jeune écrivaine à succès.veronique ovaldé
Quel bonheur que ce livre ! Un je ne sais quoi m'avait toujours retenue dans mon appréciation des précédents romans de Véronique Ovaldé mais ici toutes les restrictions ont été balayées !
Le premier chapitre qui explique l'inclination de l’héroïne pour ce quartier de Los Angeles où elle habite est une pure merveille ! Nous sommes avec elle en train de siroter des sangrias, de sentir le vent frais qui vient des jardins... et ce sera comme cela tout le long du texte car Ovaldé a un don visuel certain. Cet éloge sensuel fonctionne d'ailleurs en contrepoint de la liste sèche et  pleine de rigueur de "La vulgarité selon Marguerite Richaumont", la mère de l'héroïne. Les titres des chapitres , "L'encombrant désespoir des fillettes", " Mettre le bras entier dans un trou d'alligator", le style, plein de cette Grâce des brigands vantée dans le texte, font de  ce roman d'émancipation féminine une pure merveille, jamais pesante, où les épreuves sont racontées avec justesse, sans auto-apitoiement et avec toujours une pointe d'humour. Une écrivaine qui a atteint une aisance dans l'écriture que nombre de ses confrères lui envieront !

Un grand coup de cœur, constellé de marque-pages, et qui file d'un seul coup d'un seul sur l'étagère des indispensables !

09/05/2014

Le mystère SherlocK...en poche

"Un esprit non chrétien pourrait se réjouir de la raréfaction de la concurrence...Ah, que certains ont l'âme sombre!"

N'ayant guère d'affinités avec le résident du 221 Baker Street mais beaucoup plus avec l'auteur J.M. Erre, je me suis finalement laissée tenter par la sortie en poche de cet opus. Et j'ai bien fait !
Combinant deux procédés précédemment utilisés par Agatha Christie, Le mystère Sherlock réussit le pari de nous tenir en haleine et de nous divertir avec ce récit d'universitaires bloqués dans une hôtel en pleine montagne. La rivalité fait rage car une seul parmi les présents aura l'immense d'honneur d'être nommé titulaire de la première chaire de Sherlock Holmes- éologie de la Sorbonne.518ZLpb1RsL._AA160_.jpg
Comme dans Les dix petits nègres, les cadavres s'accumulent et comme nous sommes aussi chez J.M Erre les éclats de rires aussi ! On apprend plein d'infos sur Sherlock Holmes et , mine de rien, l'auteur nous propose quelques pistes de réflexion sur la littérature  des récits à énigmes. Un divertissement intelligent et drôle , à ne pas manquer !

Plein d'avis enthousiastes chez babelio !

03/05/2014

L'intensité secrète de la vie quotidienne ...en poche

"L'érudition, l'ironie, le silence: c'est la méthode Nick Crocker."

Au coeur du roman qui se déroule en sept jours au cœur de la campagne anglaise en mai 2000, Laura. Archiviste, la petite quarantaine, elle reçoit un courrier de son amour de jeunesse, le charismatique Nick Crocker. Mariée à Henry, historien et réalisateur qui se partage entre Londres et le Sussex, mère de deux enfants, Laura se laissera-t-elle perturber par cette irruption du passé ? william nicholson
Je craignais le côté à l'eau de rose de cette hésitation entre mari chéri mais un peu plan-plan et ex-amoureux torturé mais la galerie de personnages qui prennent tour à tour la parole ont des préoccupations si diverses et sont si parfaitement croqués que j'ai passé un bon moment dans ce coin de campagne anglaise.
Le regard de William Nicholson est à la fois bienveillant et acéré (voir son analyse des véhicules adoptés par les bourgeois qui ont envahi ce petit village) mais il se glisse aussi avec une aisance stupéfiante dans la peau d'une femme lors d'une hallucinante séance de shopping. Il s'en est fallu de peu que ce livre soit un coup de coeur mais il  y manque un je ne sais quoi (une touche d'acidité pour relever le tout ? ) pour que le plaisir soit total.

25/04/2014

So long, Luise...en poche

"Un jour, je ferai cesser ce gourgandinage."

Qui dit testament dit en général roman bien huilé, secrets de famille, amour, haine , règlements de comptes grinçant à tous les étages.
Rien de tel chez Céline Minard . Si la narratrice- dont nous ne connaîtrons jamais la véritable identité- romancière de son état, revient bien sur son passé, éclairant pour sa compagne, Luise, des événements dont cette dernière n'avait pas perçu toutes les facettes, c'est pour mieux pulvériser tous les clichés du genre et montrer la toute puissance des mots.412bMXlMZGL._SL160_PIsitb-sticker-arrow-dp,TopRight,12,-18_SH30_OU08_AA160_.jpg
En effet, par ce qu'elle appelle jactance, la narratrice arrive à produire les effets les plus divers chez ses auditeurs médusés. Effet hypnotisant du langage parfaitement manié.
De la même façon, mêlant anglais et ancien français par petites touches, convoquant gnomes, pixies et brownies dans une sorte de flot tour à tour furieux et serein, au gré des humeurs de sa narratrice, Céline Minard entraîne son lecteur dans un texte surprenant à plus d'un égard, poétique, ludique et parfois érotique, qui le laisse parfois désorienté mais épaté par tant de virtuosité (mais comment fait-elle? !!)et d'amour du langage. Mensonges , (re)création voire récréation ,car l'humour est souvent présent, sont au coeur de ce roman jubilatoire  qui est aussi un acte d'amour...On glisse d'un univers à un autre de manière imperceptible , tout ne sera pas éclairci ,mais peu importe car il faut se laisser charmer- au sens fort du terme- par cette narratrice qui fait les quatre cents coups et ne s'en laisse compter par personne, colonie de nains bûcherons ou auto-stoppeur !
Céline Minard use du langage comme une magicienne, montrant dans ce vrai-faux testament que "nous ne possédons rien, si ce n'est la puissance et, peut être le talent de recréer, allongé sous un saule dans un fauteuil articulé, ce que nous avons soit-disant déjà vécu."

24/04/2014

La femme qui dort

"Si une épidémie répandue par Dieu et non par le diable pouvait exister, qui ne plongerait pas les hommes dans un profond malheur mais les entraînerait vers la béatitude, cette épidémie devrait s'appeler N'kunre."

Les origine de N'kunre, Mieux encore que les fleurs et la femme qui dort, trois nouvelles aux tonalités extrêmement différentes et très dépaysantes. La première l'est d'autant plus qu'elle se déroule en Amérique du sud et flirte avec le conte ou plutôt le récit initiatique.ikezawa natsuki
Les deux autres sont contemporaines et proposent des visions très particulières du couple. Ainsi dans la seconde, là où des occidentaux verraient une histoire mettant en scène ce qu'il est convenu d’appeler une couguar, Ikezawa Natsuki  envisage les faits d'une manière vraiment originale. Quant à La femme qui dort, elle nous permet de voir que même l'univers onirique des japonais n'a rien à voir avec le notre...

Des récits troublants .

La femme qui dort, traduit du japonais par Corinne Quentin, picquier poche 2014, 134 pages.

19/04/2014

Le jeu des ombres

"L'idée de symétrie était si puissante que pendant de longues années je ne compris pas que la structure s'était gauchie."

Un couple, lui ,peintre, elle, son unique modèle, se délite .Le tout sous les yeux de leurs trois enfants. Écrit ainsi, cela paraît trivial, voire pire. Sous la plume de Louise Erdrich cela devient un récit fascinant tant par la composition que par l'écriture, acérée et poétique à la fois. En effet, de prime abord Gil, Irene et leurs trois enfants constituent une famille modèle. Mais petit à petit, de petits indices, vus en particulier à travers des yeux enfantins, font prendre conscience de l'ampleur des dégâts et de la catastrophe imminente qui se profile.louise erdrich
Tout est ambivalent dans ce récit, y compris le faux journal que Irene écrit à l'intention de son mari quand elle découvre que celui-ci a lu le vrai. Au lecteur de confronter les deux versions , y ajoutant le point de vue de Gil et celui du narrateur omniscient. Manipulations de part et d'autre, mais aussi complicité qui renaît contre la psychothérapeute que le couple va consulter, tout peut basculer dans la violence ou l'amour et tout peut être utilisé comme une arme: la peinture ou les mots.
J'ai adoré chaque élément de ce ce roman de Louise Erdrich, le premier que je lis de cette auteure. L'attention portée aux détails qui pourraient paraître insignifiants mais sont tellement révélateurs. Ainsi l'attitude des chiens qui captent la tension de la famille et s'interposent pour mieux la gérer. Le fait que le lecteur voie sans cesse remise en question sa vision des principaux protagonistes, y compris dans la dernière partie, magistral retournement de situation. Mais aussi l'écriture, au plus près des sensations , des sentiments, une écriture qui fouille et appuie là où ça fait mal, cingle pour mieux s'adoucir. Un roman dans lequel on retrouve, mais sous un mode mineur l'un des principaux thèmes de Louise Erdrich: celui des Indiens d'Amérique, un retour aux sources qui permettra à certains personnages de trouver le chemin de la résilience. Une oeuvre magistrale et dérangeante. Un vrai et beau coup de coeur !

18/04/2014

L'embellie...en poche

"Vous ne serez plus la même, mais au bout du compte, vous serez debout tenant la lumière dans vos bras."

Elle manie une dizaine de langues, apprises sans efforts, mais n'a "jamais su spécialement [se] servir des mots, en tête à tête, face à un homme."Coup sur coup, en ce mois de novembre pluvieux, cette trentenaire apprend , sans traumatisme apparent, avec une grande souplesse, pourrait-on dire, que son mari veut divorcer et que sa meilleure amie lui confie son fils de quatre ans, très myope et quasi sourd. audur ava olafsdottir
Commence alors un périple en voiture sur la route qui fait le tour de l'Islande pour regagner une vieille maison familiale .Un voyage, souvent cocasse, pendant lequel la jeune femme fantasque et l'enfant tisseront des liens qui ne passeront pas forcément par les mots , rencontreront des animaux et des hommes qui permettront peut être à une prédiction de s'accomplir.
En filigrane et par bribes, une histoire  plus grave, venue du passé, se construit, éclairant sous un autre jour ce road trip.
Quel bonheur que ce livre lumineux et plein de fraîcheur ! Je l'ai d'abord dévoré d'une traite, puis ai pris le temps de le relire pour mieux en apprécier l'humour et surtout la manière pleine de justesse  qu'à l'héroïne d'affronter les vicissitudes de la vie.
Un voyage initiatique, plein de charme et de tendresse retenue, qui se conclut d'une manière généreuse par quarante- sept recettes de cuisine et une de tricot !

12/04/2014

Le détour...en poche

Étrange, cette aisance avec laquelle le garçon et le chien s'accommodaient à cette  maison."

Emportant quelques meubles et surtout son recueil des poèmes d'Emily Dickinson, une néerlandaise entre deux âges, loue une maison isolée au Pays de Galles. Derrière elle, elle laisse des parents figés dans leurs habitudes et un mari, d'abord furieux puis indifférent.gerbrand bakker
Va-t-elle tenter de se reconstruire ou son objectif est-il simplement de trouver un apaisement ?  Se tenant d'abord dans un monde clos, l'héroïne va petit à petit s'intégrer à la nature qui l'entoure. L'arrivée impromptue d'une jeune homme chargé de cartographier les sentiers pédestres de la région va briser cette solitude et réveiller en elle sentiments et sensations.
Avec une grande économie de moyens, beaucoup de non-dits, Gerbrand Bakker fait évoluer son héroïne, gommant tout pathos, dans un univers qui devient de plus en plus proche de celui d'Emily Dickinson. On est bien loin ici de l'image que donne Christian Bobin de la poétesse américaine dans La dame blanche !
Mais le plus important mérite de ne pas être révélé afin de ne pas briser le charme puissant de ce roman qu'on voudrait tout à la fois finir et faire durer le plus longtemps possible... Un univers peuplé d'oies, d'un chien de berger, d'écureuils gris , d'un blaireau effronté et de quelques personnages qu'on a l'impression de voir évoluer devant nos yeux tant ils sont réussis ! Un moment de pur bonheur !

11/04/2014

Le dernier vide-grenier de Faith Bass Darling

"Elle ne supportait pas de voir tout ce qui avait fait la gloire de cette maison disparaître pièce après pièce aux mains de gens qui y poseraient des bouteilles de bière, leur monnaie , ou un poste de télé. c'était un sacrilège."

Parce que Dieu le lui a ordonné, parce qu'elle sait qu'elle va mourir, Faith Bass Darling, septuagénaire excentrique, organise un vide-grenier le 31 décembre 199 au matin. Une occasion exceptionnelle pour le public de voir étalés sur la pelouse les biens que cinq générations ont amassés dans cette riche maison. L'occasion aussi d'évoquer les fantômes , les drames et la fuite de la fille de Faith, tous liés à des objets du passé.Une folle journée donc où les événements vont s'enchaîner, brassant tout un flot d'émotions et de non-dits. lynda rutledge
Quelle relations entretenons-nous avec les objets ? Peuvent-ils être de véritables compagnons ou devons-nous apprendre à nous libérer d'eux ? Faith Bass Darling et sa fille devront rapidement trouver des réponses à ces questions avant que l'an 2000 ne pointe...
Premier roman des plus sympathiques, Le dernier vide-grenier de Faith Bass Darling paraît parfois un peu léger dans ses réflexions et sa volonté de vouloir à tout prix remettre le monde en ordre mais il procure néanmoins un bon moment de lecture, fluide et plaisant. Un bon gros roman comme on les aime !

Le dernier vide-grenier de Faith Bass Darling, Lynda Rutledge, traduit de l'anglais (E-U) par Laure Manceau,  Babel 2014 , 347 pages qui se dévorent toutes seules !