20/03/2014
L'assassin à la pomme verte
"Faute de livres, on mange des hommes."
Une "rencontre assez banale d'une Italienne irréprochable et d'un Anglais sans histoire" dans "la zone franche" que constitue un palace, voilà qui pourrait donner lieu à un marivaudage élégant et léger. Mais l'irruption d'un fâcheux sous la forme d'un italien polygame va bouleverser la donne. En effet, , à peine le gêneur a-t-il eu le temps de sévir, qu'il est retrouvé assassiné.
Récit polyphonique où dominent les voix de trois personnages principaux, notre couple de héros , Elena et Craig, plus Sébastien , le réceptionniste de nuit du palace, l'assassin à la pomme verte est un faux roman policier mais un vrai badinage amoureux intelligent, parfois cruel, et bien mené .
L'écriture est fluide, élégante, les formules pertinentes abondent et le récit réserve plein de surprises et ce jusqu’à la toute fin. Pas étonnant que ce récit ait obtenu le prix du premier roman 2012 !
L'assassin à la pomme verte, Christophe Carlier.
Déniché à la médiathèque , en édition gros caractères.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : christophe carlier
15/03/2014
Enfants de poussière...en poche
"-Je me demande parfois si tu n'es pas en train d'essayer de résoudre du même coup deux mystères qui se sont produits à presque quarante ans d'intervalle."
Le cadavre d'une jeune Asiatique vient d'être trouvé en bordure de route dans le comté d'Absaroka, Wyoming.Le coupable, un géant Indien frappé de mutisme, paraît tout désigné mais notre shérif préféré Walt Longmire, n'est pas du genre à bâcler une enquête. D'autant que dans le sac à main de la victime, une photo va le replonger dans sa première enquête durant la guerre du Vietnam.
Alternant passé et présent, ce nouveau roman de Craig Johnson a le mérite de nous replacer en territoire connu, avec, entre autres, une superbe description de ville fantôme . L'humour est toujours aussi présent, Longmire observe ainsi avec attention le nouvel amoureux de sa fille : "Michael prit la dernière huître des Rocheuses*. il n'avait pas remarqué qu'il était le seul à en manger."mais les retours en arrière m'ont paru assez confus et Longmire m'a souvent donné l'impression de me retrouver dans une atmosphère à la Rambo (seul contre tous, impossible de s'en sortir mais si).
Bilan mitigé donc aggravé par tous ses Ouaip qui ponctuent régulièrement les paroles du shérif.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : craig johnson
09/03/2014
Fugue...en poche
"Il faut beaucoup de temps pour découdre les mauvaises raisons."
A force de crier le prénom de sa fille qui s'est échappée de l'école le jour de la rentrée, Clothilde a perdu sa voix.
Et c'est tout un bel équilibre qui s'effondre car la jeune femme va provoquer tour à tour l'incompréhension de son père, de son mari et de sa meilleure amie en refusant de se soigner à marche forcée. Elle sent en effet qu'il lui faut prendre son temps pour retrouver sa voix et sa voie ca ,paradoxalement, le chant va entrer dans sa vie et prendre une place prépondérante.
Qu'elle est attachante cette Clothilde qui , à son rythme, faisant fi pour une fois des contrariétés qu'elle engendre chez les autres en ne leur renvoyant plus l'image qu'ils avaient d'elle, va distiller les événements et tranquillement s'insurger : "qu'est ce que je disais de si important que vous voulez entendre ? ". Elle va posément, en acceptant les opportunités qui s'offrent à elle, retrouver le chemin de sa vie , fuguer tout en restant chez elle, ne plus se contenter d'être la fille , l'épouse , la mère, voire l'amie, à la vie bien lisse.
Aucun ressentiment pourtant, aucune revendication forcenée, non juste un constat simple et lucide du besoin de consacrer son énergie à quelque chose qui la fasse se sentir en harmonie, qui la révèle à elle même, tout en la reliant aux autres.
Ainsi le titre du roman, Fugue, joue-t-il sur la polysémie de ce mot. La fugue c'est bien sûr l'escapade initiale de la fillette mais aussi le morceau de musique qui tisse des liens de par sa structure, comme le roman le fait ici, multipliant les points de vue et éclairant de manière très subtile la personnalité de ces femmes et de la constellation familiale et amicale qui l'entoure.
Un très beau texte, empli de poésie, où s'engouffrent des moments exotiques et colorés, un roman d'une grande justesse psychologique , un magnifique portrait de femme.
Un livre lu et relu, dont j'ai extrait une flopée de citations .
Notons au passage un petit clin d’œil qui fait le lien avec le précédent roman de Anne Delaflotte- Mehdevi : "Le temps pouvait bien passer, tout lui prendre, elle avait chanté, comme un cuisinier cuisine, comme un maçon construit bien, un relieur relie, un marathonien arrive au terme de sa course."
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : anne delaflotte
07/03/2014
Le tueur hypocondriaque...en poche
"Je suis une espèce de miracle de la médecine comme l'autopsie de mon corps le montrera aux yeux stupéfaits du public dans un futur proche."
Affligé des maux les plus improbables, Le tueur hypocondriaque rate systématiquement sa cible. Il est vrai que loucher ne lui facilite pas la tâche. Pas plus d'ailleurs que d'autres infirmités qui se révèlent à l'improviste dans les circonstances les plus fâcheuses.
En effet, à ces divers maux s'ajoute une poisse tenace qui n'entraîne que de cuisants échecs. à deux doigts de mourir notre héros parviendra-t-il à accomplir sa dernière mission ?
J'avoue, si j'ai commencé cette lecture avec le sourire, je craignais un peu le comique de répétition, dont je ne suis pas friande. Mais l'auteur a su se jouer de cet obstacle en réservant bien des surprises à son lecteur . On passe donc un excellent moment, à la fois touchant et plein d'humour avec ce tueur dont nous partageons, il faut bien l'avouer quelques travers.
Un roman, qui, une fois commencé, ne peut être que dévoré !
L'avis enthousiaste de Clara !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (0)
20/02/2014
Le journal secret d'Amy Wingates...en poche
"...à qui j'ai envie d'abandonner mon self-contrôle, le bon sens qui m'a étranglée depuis tant d'années, ma solitude , aussi, vide , aride."
Elle qualifie parfois son journal de "divagations psychologiques à la noix", dépréciant ainsi le contenu du texte qui l'aide à canaliser le flot de ses pensées et à satisfaire la curiosité du lecteur. Elle ? Amy Wingate, prototype parfait de la vieille fille coincée . Du moins en apparence. Car la trop sage Amy qui analyse, sans concessions les liens qui l'unissent à sa riche et jeune amie un tantinet condescendante à son égard, qui use d'elle comme d'un faire-valoir, sait aussi se montrer impulsive et passionnée.
Willa Marsh , avec un style parfois délicieusement suranné (qui fait encore des emplettes de Noël ? ) nous brosse ici un portrait à la fois plein de charme et de causticité. Un régal dont j'ai savouré la lecture en la faisant durer le plus longtemps possible pour ne pas quitter trop vite cette Amy aux multiples facettes. Si délicieusement british !
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : willa marsh
15/02/2014
Contrepoint...en poche
"Dans la boîte crânienne dominerait l'harmonie, rien que l'harmonie."
Une femme décrypte les variations Goldberg et, ce faisant , laisse affleurer à sa mémoire les souvenirs de sa fille, aujourd'hui disparue.
Le pouvoir de la musique, celui des mots sont des thèmes chers à Anna Enquist qui les revisite ici avec une intensité très maîtrisée dans ce texte autobiographique. Et c'est cette maîtrise même qui , dans un premier temps ,m'a fait ruer dans les brancards . Pourquoi nommer les personnages "la mère", "la fille", les tenir autant à distance ? Cette volonté de contenir l'émotion à tout prix correspond au cheminement de la mère qui , au fur et à mesure de ses interrogations sur l'interprétation des variations Goldberg cherche une restauration, une remise en ordre de son monde intérieur totalement bouleversé par cette catastrophe qu'est la mort de sa fille. Elle établit aussi un pont par delà les années entre la vie de Bach , marquée par la douleur et la sienne.
J'avoue que toute une partie des interrogations concernant la musique m'est passé par dessus la tête mais l'émotion portée par l'écriture a su l'emporter et ce texte, tout corné qu'il est, je le relirai j'en suis sûre.
Anna Enquist, Babel 2014.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : anna enquist
14/02/2014
La singulière tristesse du gâteau au citron
"Je ne parlais pas à table parce que je me consacrais entièrement à survivre au repas."
Imaginez que vous puissiez détecter les émotions de la personne qui a concocté un plat rien qu'en le dégustant. Voilà qui pourrait être très troublant...Cette étrange capacité, Rosa Edlstein la découvre le jour de ses neuf ans en dégustant le gâteau au citron préparé par sa mère. à partir de ce jour, sa perception des autres en général et de sa famille, en particulier, va être bouleversée car cette sensibilité extrême peut être fort embarrassante.
Portrait tout en délicatesse d'une famille en apparence banale (ne lisez surtout pas la 4 ème de couv' bien trop prolixe), La singulière tristesse du gâteau au citron est un petit chef d'oeuvre , tant du point de vue de la construction que du style, à la fois poétique et imagé.
Aimee Bender a le chic pour créer des atmosphères en demi-teintes où le fantastique apparaît par touches très discrètes et peut être envisagé comme une sensibilité portée à l'extrême. Un roman à découvrir absolument ! et zou sur l'étagère des indispensables où il rejoint les précédents textes de cette auteure !
06:04 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : aiemee bender
13/02/2014
Casco bay...en poche
Cher Ralph,
Grâce à Amanda, que je remercie au passage, j'ai pu dévorer la suite de tes aventures commencées ici. Sept ans ont passé et une fois encore Stoney Calhoun va se trouver aux prises avec des cadavres. Mais dans Casco Bay, il ne mène plus l'enquête en franc tireur car le Sherif Dickman va l'enrôler comme adjoint , ce qui nous vaut une hilarante improvisation de serment :
"-Moi, Stonewall Jackson Calhoun, je jure solennellement de faire respecter toutes les lois de l'Etat du Maine qui me semblent sensées, dit Calhoun. Je jure de faire ce que tu me demandes de faire, pourvu que ce ne soit pas trop stupide. je jure que si, à tout moment, tu veux que je démissionne,je donnerai ma démission sans faire d'histoires. Je jure que pour l'essentiel je te dirai la vérité. Je jure de ne pas être d'accord avec toi quand je te trouverai stupide. je jure que si tu me demandes mon opinion , je te la donnerai , même si je pense que ç apeut te blesser. (Il haussa les épaules) Bon, j'ai tout dit, hein ? "
L'enquête, il faut bien l'avouer est menée de manière assez paresseuse et le meurtrier vient quasiment de jeter dans les bras de Calhoun, bras qu'il a fort musclés car il fend régulièrement du bois de chauffage, autant dans un but utilitaire que pour se vider la tête. Heureusement qu'en bon chien , tu es là pour relancer l'action, Ralph, je dois dire que j'ai tourné fébrilement les pages au moment de ta disparition ! c'est bien aussi l'un ses rares moments où Calhoun a perdu de son flegme, autrement il est d'une sérénité exemplaire, même quand il ne comprend pas sa chérie qui le malmène. Elle ferait bien de faire attention d'ailleurs, car je ne suis pas la seule à juger Calhoun éminemment sexy,( quoi qu'en pense certaine Dame qui se gausse :)). J'ai beaucoup apprécié aussi ta manière à la fois ferme et efficace, mais sans hargne , de mâchouiller les coucougnettes du meurtrier. A croire que la sérénité de Calhoun t'a été transmise par osmose. Serait-ce l'influence de Ralph Waldo Emerson, en l'honneur de qui tu as été nommé? celle de Thoreau? Ou bien un autre effet du coup de foudre auquel ton maître a survécu mais en perdant la mémoire ? Quoi qu'il en soit, cela le rend fichtrement intéressant comme homme et comme apparemment il a terminé sa lecture de l'anthologie littéraire ,pas de problème, je peux glisser ma Pal dans une ou deux valises et aller le rejoindre. Un homme qui aime parler de pêche ou de chiens et qui vit dans une maison au fond des bois ne peut pas être totalement mauvais.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : william g tapply
08/02/2014
La promesse du bonheur...en poche
"Les familles sont comme les anémones de mer, promptes à se refermer."
Fi du stoïcisme anglais ! Charles doit bien l'admettre : avec l'incarcération de sa fille préférée, Juliet (dite Ju-Ju), c'est toute la famille qui a été touchée dans ses fondements les plus intimes. Le choc a été d'autant plus rude que Juliet avait tout pour elle: intelligence, charme, beauté. Personne ne comprend donc pourquoi elle s'est retrouvée impliquée dans le vol d'un vitrail et incarcérée deux ans aux Etats-Unis où elle avait commencé une brillante carrière dans le monde de l'art.
Mais à y regarder de plus près ce délitement n'avait-il pas commencé plus tôt ? En tout cas, le retour de la fille prodigue en Cornouailles est l'occasion de réflexions et de subtils ajustements pour chacun tente de redorer l'image qu'il se fait de la famille.
Sous la plume à la fois acérée et bienveillante de Justin Cartwright c'est toute une tribu avec ses mensonges plus ou moins gros, ses solidarités secrètes, sa tendresse aussi qui se donne à voir. De la mère qui tente de faire face en cuisinant d'improbables recettes, au père qui se voudrait parfait mais n'assume absolument pas , en passant par le frère à qui l'on confie le rôle d'élément équilibrant, sans oublier la cadette qui aurait tout pour jalouser sa soeur aînée, chacun se donne à voir en ses replis les plus intimes. Une réflexion sur la famille donc, mais aussi sur l'illusion, dont la condamnation de Juliet n'est qu'un exemple.
Le récit ne ménage pas les révélations mais chaque personnage est présenté de manière nuancée et l'écriture est tout à fait splendide ! Vite, découvrez cet auteur qui vient enfin d'être traduit en français !
Justin Cartwright, Babel 2014
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans étrangers | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : justin cartwright
07/02/2014
Les bourgeoises
"Je suis encore en proie à une curiosité malsaine, ça me rassure de voir le dedans pauvre des riches au-dehors."
"Énervée, revancharde et impatiente", Sylvie Ohayon a su tracer son chemin de la Courneuve (qu'elle n'a pas reniée pour autant) jusqu'à Paris, territoire de la bourgeoisie.
"Rabouilleuse balzacienne, ambitieuse, tête chercheuse d'or et trouveuse d'emmerdes", l'auteure qui manie parfois les mots comme des nunchakus , alliant la verve des banlieues à l'amour de la littérature, brosse un portrait acéré des bourgeoises qu'elle a rencontrées. ça balance sec car l'univers feutré du XVI ème arrondissement s'accorde mal avec le franc parler qui fait voler en éclats l'hypocrisie de rigueur.
On se sent quelquefois gêné aux entournures devant la brutalité de ces textes qui allient formules à l'emporte pièces efficaces (on sent la publicitaire aguerrie !) et réflexions plus sensibles.Mais si la vision est parfois manichéenne , elle est toujours emplie d'une belle énergie et l"écriture toute cabossée" s'accorde parfaitement aux propos de l'auteure.
Sylvie Ohayon assume ses contradictions et termine par un autoportrait malin , sincère et qui nous la rend finalement des plus sympathiques ! Un livre revigorant !
Pocket 2014, 323 piquetées de marque-pages !
Du coup, j'ai hâte de lire la suite que je viens de commander !
L'avis de Cuné, qui avait préféré le premier. Moi, c'est l'inverse !
Du même auteur: clic
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : sylvie ohayon