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15/10/2018

Asymétrie

"Dites-moi, monsieur, vous voulez bien ralentir un peu ? J'aimerais attendre d'être à l’hôpital pour mourir."

Roman composé de trois parties, Asymétrie commence par le récit d'une relation en apparence improbable entre Alice, trentenaire qui travaille dans le milieu de l'édition et un très vieux monsieur qu'elle reconnaît rapidement. Il s'agit d’Ezra  Blazer, écrivain célèbre et nobélisable. lisa halliday, Philip Roth
Après le badinage commence une relation surprenante, tant dans sa forme que dans sa narration, tout en ellipses, élégance et ponctuée de remarques pleines d'humour.
Le récit central n'a en apparence rien à voir avec les deux autres parties car il y est question d'un jeune irakien, retenu dans un aéroport londonien qui se remémore son enfance.
Il faudra attendre la troisième partie, où l'on retrouve l'écrivain en pleine interview à la radio, pour avoir l'explication de cette apparente incongruité.
Le récit est fluide, souvent surprenant dans sa manière de relater les événements et prend encore plus de sel quand on pose le nom de Philip Roth, récemment disparu à la place d'Ezra Blazer.

Gallimard 2018

 

Déniché à la médiathèque.

 

12/10/2018

#MissJane #NetGalleyFrance

Handicapée mais raisonnablement heureuse, ainsi pourrait-on résumer le roman de Brad Watson. Née en 1915 dans une petite ferme du Mississippi, Jane souffre dune malformation qui handicapera à jamais sa vie sociale, affective et sexuelle, car non opérable à l'époque. brad watson
Sur un sujet aussi scabreux, Brad Watson écrit un roman tout en délicatesse mais qui n'a pas su me séduire, par manque de relief sans doute.

 

Grasset 2018.

 

Keisha a davantage été séduite. clic.

11/10/2018

Un homme aborde une femme

"La rue aujourd'hui n'est plus un terrain de jeu et de hasard. Je l'ai compris  en marchant aux côtés d'Océane, la fille de Mette."

Une femme qui vient d'être plaquée se souvient, depuis l'enfance, de toutes les interactions ( sous forme de cailloux jetés contre son vélo,  de mots plus ou moins  crus...) que les hommes ont ébauché avec elle dans la rue.fabienne jacob
Elle convoque aussi les témoignages de femmes d'âges, de milieux différents et évoque leur rapport au corps pour mieux retrouver cet élan qui lui a fait soudainement défaut.
C'est avec bonheur que l'on retrouve la langue charnelle, drue et vigoureuse de Fabienne Jacob dans cette série de textes qui disent le bonheur d'être femme, même dans un monde qui s'est "pasteurisé".

 

Buchet-Chastel 2018

09/10/2018

Comment t'écrire adieu #Rentreelitteraire2018 #NetGalleyFrance

"J'ai fait payer de longues années à mon frère de onze ans les posters de Samantha Fox et Sabrina ; et moi, femme adulte, cérébrale somme toute, et armée de convictions inversement proportionnelles à celles de mes bonnets, je me fais cueillir par cette blonde peroxydée, fluette mais qui s'est fait rajouter des seins comme si elle devait instamment exercer la profession de nourrice." [Il s'agit de Dolly Parton].

R. est parti. Sans dire adieu à Juliette qui, du coup, revisite via quatorze chansons éclectiques  la bande sonore de sa vie. Elle décortique à sa manière drôle et futée les paroles de ces viatiques singuliers et revient sur cette histoire d'amour chaotique, ses fêlures, son enfance, son chien Gros, ses amis, ses amours précédentes, ses fixettes, le tout avec panache.juliette arnaud
 Le texte de Juliette Arnaud pâtit un peu de cette volonté de vouloir tout dire en une seule fois,en vrac, mais  c'est avec une sincérité désarmante. On retrouve avec beaucoup de plaisir le style si reconnaissable de la chroniqueuse de France Inter (dans l'émission Par Jupiter) et si la fin est un peu abrupte, on a néanmoins passé un très bon moment avec cette fille très sympathique dont on aimerait bien faire sa copine.

 

Belfond 2018

08/10/2018

Ma dévotion

"C'était ma position dans le monde-j'étais le lieu où tu revenais."

Octogénaires, Helen et Frank se retrouvent par hasard sur un trottoir londonien. L'occasion pour Helen de revenir sur leur histoire, entrecoupée de séparations et marquée par un événement tragique sur lequel Helen a décidé de faire toute la lumière.julia kerninon
Amour, amitié, amitié amoureuse ? Quelle est la nature des liens qui unissent vraiment ces deux créateurs, chacun dans leur domaine respectif ? Si Frank est devenu un peintre très connu n'est-ce pas grâce à Helen qui d'emblée, dès leur adolescence a su les sauver tous deux en s'exilant loin de leur familles respectives ? Elle a su le délester de tout problème domestique , le protéger, mais s'en est-il seulement rendu compte ?
Seule Helen proposera sa version des faits, sans pour autant toujours se donner le beau rôle.
Julia Kerninon explore ici avec subtilité les méandres de la création et les liens complexes qui unissent parfois malgré eux les deux monstres , chacun dans leur genre, dont elle brosse ici le portrait. Un récit empli de ferveur qu'on dévore d'une traite.

Le Rouergue 2018

04/10/2018

Ton histoire Mon histoire

"De même  que, jeune garçon, je me glissais, vers minuit, hors de l'atmosphère suffocante de la maison familiale avec mon frère, je me glissais à présent hors du lit conjugal, rampais sous la cloche de verre et échappais à l'étreinte claustrophobique de notre amour pour pouvoir être une heure seul, invisible et libre."

A plusieurs reprises, des romancières de différentes nationalités se sont penchées sur le destin de Sylvia Plath, poétesse et romancière américaine tourmentée qui se suicide en février 1963, présentant à chaque fois les faits selon son point de vue à elle.
Mais il est un autre destin indissociable de Plath, celui de Ted Hughes, poète britannique déjà en vogue quand les deux protagonistes se rencontrent pour la première fois en 1956.  Un amour féroce naît aussitôt, qui se soldera par une séparation et fera endosser à jamais à Hughes le rôle de mari volage.
Connie Palmen choisit ici de nous livrer le point de vue de Ted Hughes -voué aux gémonies par les féministes et les exégètes de Plath -soulignant la bienveillance du poète, mais aussi la conscience qu'il a aussitôt de la tragédie en marche.connie palmen,sylvia plath,ted hughes
Se basant sur l’œuvre de Hughes, Connie Palmen fait revivre  le couple emblématique et brosse le portrait d'une Plath ayant la volonté absolue de réussir , mais luttant en vain contre la dépression qui la taraude. L'écriture est pleine de vie, innervée par les thèmes des deux poètes et, même si certaines zones d'ombre demeurent, ce qui est bien normal,  ce roman se dévore d'une seule traite.

 

Traduit du néerlandais par Arlette Ounanian. Actes Sud 2018, 264 pages ardentes.

02/10/2018

Avec toutes mes sympathies

"Bénéfice secondaire du malheur, le bonheur ne me frappe plus au cœur, mais les contrariétés non plus."

Après le suicide de son frère, la critique littéraire Olivia de Lamberterie a rompu son vœu et  exaucé le souhait fraternel : écrire un livre. Dont acte. olivia de lamberterie
Mais sans doute eût-il été préférable qu 'elle se laisse le temps de prendre du recul, cela aurait sans doute favorisé une expression plus maîtrisée des sentiments et un peu plus de rigueur dans l'écriture aussi (à deux reprises, à quelques lignes de distance, la narratrice "se gorge" d'activités positives, comme dans une mauvaise publicité).
J'ai donc ressenti peu d'émotions, mais sans doute suis-je sans cœur.

01/10/2018

Le chien du mariage

"J'étais consciente d'en être arrivée à un point où un compliment devient un piège, car il nous faut toujours entretenir l'objet de ces louanges. Si l'on s'en tient là, tout ce à quoi on peut s'attendre, c'est de la rancœur."

 Dans la file d'attente, à la caisse de la librairie , je savais déjà que, contrairement à la cliente précédente qui venait d'abandonner un roman feel good, je ne lâcherais pas ce recueil de nouvelle d'Amy Hempel. Alors que j'étais restée Aux portes du royaume animal, cette fois, l'auteure venait de m'en donner les clés avec le texte qui donne son titre au récit.
Comment ne pas être enthousiasmée par ce récit en quatre parties mettant en parallèle ,de manière très subtile et elliptique la fin d'un mariage et les relations que la narratrice entretient avec les chiens ?
Tout ne sera pas expliqué, les fins resteront souvent ouvertes, les chiens perdus ne seront pas forcément retrouvés, le déni persistera, la solitude aussi qui conduit une autre narratrice (ou la même ?) à parcourir des kilomètres en voiture car "Une veille de vacances, on a l'impression d'avoir un endroit où aller simplement en étant sur la route au milieu de tant d'autres qui en ont."amy hempel
Cela peut paraître frustrant de ne pas avoir un récit "bouclé", dont on connaît la fin, mais Amy Hempel, laisse résonner les vibrations qu'émettent ses personnages bien longtemps après qu'on ait refermé le recueil et on n'oubliera pas de sitôt la nouvelle "Les intrus" avec son montage alterné entre les souvenirs d'un vieux film vu et revu par la narratrice qui  les tisse  avec ceux, très différents de deux utilisations d'un test de grossesse à des années d'écart.
Parfois, un humour subtil se fait jour quand la narratrice envoie une lettre qui dérape pour contester une amende. Mais les apparentes digressions sont surtout là pour "rendre cette histoire plus humaine" et rendre compte de la sensibilité de la narratrice, qui se demande "peut être que je suis un animal sauvage, l'un de ceux qui tremblent après avoir échappé au traumatisme de leur quasi-capture."
Ce tremblement voilà sans doute dont rendent compte les nouvelles d'Amy Hempel. Un grand coup de cœur .

Traduit de l'anglais (E-U) par Guillaume Vissac

Éditions Cambourakis 2018

26/09/2018

Coeur battant

 Alex a 17 ans et vient de découvrir la différence entre un suicidaire (qui n'est pas passé à l'acte )et un suicidant (qui a raté son suicide). Le jeune suicidant rejoint donc la tribu de malades de la vie que traite  la clinique de la Citadelle où il se retrouve mêlé à des anorexiques, alcooliques ou accros au sexe de tous âges.
Là, il remarque aussitôt Alice, suicidante elle aussi, dont la forte personnalité va lui donner bien du fil à retordre.
Bientôt va se créer une bande hétéroclite qui n'aura de cesse de se parvenir à s'enfuir en vue d'un suicide collectif. axl cendres
Commence alors une épopée où vont se révéler les personnalités de chacun au fil de rencontres tour à tour loufoques ou émouvantes.
Parfois cru, souvent poétique, émaillé d'aphorismes et de métaphores (parfois un peu trop à mon goût) évoquant l'amour et la mort  ,le  nouveau roman d'Axl Cendres aborde avec son ton si particulier et son culot habituel un thème trop souvent tabou. Parler avec humour et justesse du suicide n'est pas donné à tout le monde. Un nouveau tour de force de cette auteure hors-normes !

 



25/09/2018

Désintégration

"C'est moi qui décide à présent. J'ai gagné le seul pouvoir qui m'a toujours importé, celui de refuser une chose lorsque les conditions de celle-ci ne me conviennent pas, et , surtout, la liberté de n'en exercer sur personne."

 Son seul objectif est d'écrire. Mais ni ses études, pourtant spécialisées, ni ses origines sociales modestes ne pourront l'aider à se frayer un passage dans un univers où elle n'a pas sa place. Ses colocataires bourgeois bohèmes parisiens, souvent fils ou filles de, le lui font bien comprendre, que ce soit par des réflexions ambiguës ou lorsqu'ils feignent de l'ignorer, lorsqu'elle n'a pas les bons codes, comportement d'autant plus violent que nié.emmanuelle richard
La liberté de la narratrice s’exprime aussi dans son rapport à son corps. Elle couche avec qui elle veut ,quand elle veut, et tant pis si cela bouscule les conventions d'un milieu hypocrite.
Avec acuité, Emmanuelle Richard dépeint la vie des travailleurs précaires à laquelle son héroïne est aussi confrontée, ces gens qui s'usent le corps et l'esprit pour un travail inintéressant et mal payé qui leur laisse juste la fin de semaine pour reconstituer leur force de travail.
En opposition,s'intercalent les entrevues avec celui qu'elle appelle l'homme-fleur, producteur qui la juge d'emblée vulgaire et qui la fascine sans pour autant lui donner l'envie de vaincre La désintégration à laquelle le présent la confronte, maintenant qu'elle a fait ses preuves en étant éditée.
Comme Annie Ernaux, la narratrice a "vengé sa race" mais ici elle est confrontée à la solitude des corps et au manque de tendresse.
Un roman qui peut choquer par sa virulence ,mais une description très juste d'un monde que bien souvent nous aussi feignons d'ignorer.