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04/10/2018

Ton histoire Mon histoire

"De même  que, jeune garçon, je me glissais, vers minuit, hors de l'atmosphère suffocante de la maison familiale avec mon frère, je me glissais à présent hors du lit conjugal, rampais sous la cloche de verre et échappais à l'étreinte claustrophobique de notre amour pour pouvoir être une heure seul, invisible et libre."

A plusieurs reprises, des romancières de différentes nationalités se sont penchées sur le destin de Sylvia Plath, poétesse et romancière américaine tourmentée qui se suicide en février 1963, présentant à chaque fois les faits selon son point de vue à elle.
Mais il est un autre destin indissociable de Plath, celui de Ted Hughes, poète britannique déjà en vogue quand les deux protagonistes se rencontrent pour la première fois en 1956.  Un amour féroce naît aussitôt, qui se soldera par une séparation et fera endosser à jamais à Hughes le rôle de mari volage.
Connie Palmen choisit ici de nous livrer le point de vue de Ted Hughes -voué aux gémonies par les féministes et les exégètes de Plath -soulignant la bienveillance du poète, mais aussi la conscience qu'il a aussitôt de la tragédie en marche.connie palmen,sylvia plath,ted hughes
Se basant sur l’œuvre de Hughes, Connie Palmen fait revivre  le couple emblématique et brosse le portrait d'une Plath ayant la volonté absolue de réussir , mais luttant en vain contre la dépression qui la taraude. L'écriture est pleine de vie, innervée par les thèmes des deux poètes et, même si certaines zones d'ombre demeurent, ce qui est bien normal,  ce roman se dévore d'une seule traite.

 

Traduit du néerlandais par Arlette Ounanian. Actes Sud 2018, 264 pages ardentes.

11/01/2010

Les femmes du braconnier

"...pourquoi cette hécatombe autour de l'écriture ? "

La vie ardente de la poétesse et romancière américaine Sylvia Plath, son mariage avec un poète tout aussi charismatique, Ted Hughes, son suicide enfin, ont déjà donné naissance à de nombreuses études, voire à des romans ( dont le magnifique Froidure de Kate Moses que je recommande vivement).41Ku5EzQujL._SL500_AA240_.jpg
Claude Pujade-Renaud, à son tour, revisite cette existence marquée par de grandes périodes d'exaltation suivies de non moins importants épisodes dépressifs. Mais la maladie mentale n'explique pas tout ,loin s'en faut. En choisissant de multiples points de vue, ceux des principaux protagonistes bien sûr, mais aussi des personnages plus extérieurs , tels une concierge ou un voisin, Claude Pujade-Renaud effectue ainsi un tour le plus complet possible de ces personnages hors du commun.

Des chapitres courts qui s'enchaînent avec fluidité , portés par l'intensité de l'écriture, une écriture traversée par de nombreuses figures animales . Le livre commence ainsi sur la vision d'un cheval qui s'emballe et se clôt sur une guenon se laissant mourir ; animaux que l'on trouve au départ  aussi bien dans les poèmes de Sylvia( en particulier les abeilles liées à l'image paternelle) que dans ceux de de Ted, car comme le montre l'auteure, il y a eu , même au-delà de la mort, durant trente ans "un travail de tissage entre les textes " de ces deux poètes.En outre, deux scènes , l'une d'harmonie totale entre les amants et la Nature, l'autre d'une violence extrême , montrant Sylvia, essoufflée, alourdie par ses maternités,  détruisant avec furie les collets des braconniers, tandis que Hughes se tait mais prend secrètement le parti des ruraux, fonctionnent en écho et symbolisent la rupture en marche...
Le sang, celui de la morsure initiale qu'inflige Sylvia à Ted, celui des règles, qu'elle refuse avec horreur, la couleur vermillon qu'elle emploie à tour de bras, tout ce rouge court au long de ce roman charnel, marqué également par les odeurs fortes liées à l'animalité et à la puissance.
Sous le couvert des différents narrateurs , on devine parfois la voix de l'auteure, quand sont rectifiés certains détails ou bien quand est fustigée l'attitude des féministes qui n'ont cessé de vouer Hughes aux gémonies, lui reprochant en particulier la censure exercée dans l'édition de certains textes de Plath, voire leur destruction totale .
Mais il ne faudrait pas oublier également le portrait , tout en nuances, que brosse Pujade-Renaud d'Assia, souvent présentée comme la briseuse de ménage, mais qui fut elle aussi fascinée tout à la fois par Hughes mais aussi par Sylvia et qui en paya le prix fort.
Une oeuvre riche et puissante montrant aussi les ravages et les bonheurs de l'écriture : "S'ajoutait le cauchemar de ne pas dormir .Ou si peu : je me réveillais malaxée, concassée par les rêves. La sensation d'avoir été lapidée par une grêle de météorites oniriques. Peut être n'avais-je pas droit à un sommeil réparateur puisque je n'avais rien produit? Ou mal. Ou pas assez. La perfection ou rien !"Un roman que j'ai dévoré avec passion, même si je connaissais ou croyais connaître l'histoire de Sylvia Plath.

Les femmes du braconnier, Claude Pujade-Renaud, Actes sud, janvier 2010, 347 pages aussi ardentes que les personnages évoqués.

Directement sur l'étagère des indispensables, à côté de : Arbres d'hiver, de S. Plath en édition bilingue chez Gallimard et chez le même éditeur, mais là seulement  traduites en français, Birthday letters de Hughes.