19/05/2025
#LaTendressedescatastrophes #NetGalleyFrance !
"Ils s'entendaient même très bien quand ils étaient en désaccord, leur humour, leur singularité et une profonde mélancolie les unissaient. Comme s'ils étaient des âmes sœurs de contradiction. "
D'emblée, par son titre, Martin Page place son roman sous le signe de la contradiction et va s'employer , avec jubilation, à dynamiter les attendus de la comédie romantique. Lieu de la rencontre ? Un mariage. Classique. Moins classique, nos héros ne se reverront que dix ans plus tard.
Harriet n'est en rien romantique et s'exprime souvent avec virulence :"C'est quoi la norme ? Les hémorroïdes, le fascisme et les pâtes trop cuites ? Quelles putains de réussite. " mais c'est pour mieux cacher ses blessure d'enfance. Max, quant à lui veut sauver le monde, rien que ça, mais issu d'un milieu favorisé et cynique, ne possède guère d'armes pour avancer dans la vie.
Multipliant les scènes inattendues, parfois crues, allant à l'encontre des réflexes encore trop répandus, l'auteur surprend ses lecteurices , sans pour autant négliger la tendresse (parfois rugueuse) et la poésie . On sent qu'il s'est beaucoup investi dans ce roman et j'ai souligné à tour de bras des réflexions qui me surprenaient souvent mais sonnaient justes. Un roman dense, surprenant et jubilatoire .
Et zou sur l'étagère des indispensables.
Editions Les Escales 2025.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : martin page
09/05/2025
Le vieil incendie...en poche
" J'ai de la peine à me rappeler que nous avons été indissociables. Nous avions les mêmes timidités, les mêmes craintes de la vie sociale. On ne se chamaillait pas. Notre langue de silences et de cris nous a réunies. "
A quinze ans, l'aînée, Agathe, a fui sa sœur cadette,Véra, aphasique, et son père. Elle a fait sa vie aux États-Unis où elle écrit des scénarios et des dialogues de films. Quinze ans plus tard, Agathe et Véra doivent vider la maison familiale qui sera abattue. Et pour cela , elles ont neuf jours.
Pas de disputes autour des objets ici, Agathe étant même prête à incendier le contenu de la maison dont elle ne veut rien garder. Elle apprend à redécouvrir sa cadette qui n'a plus rien de celle qu'elle se sentait obligée de protéger. Au fil des jours, des souvenirs reviennent et les secrets se révèlent.
Avec une infinie délicatesse, par petites touches, Elisa Shua Dusapin brosse le portrait de ces deux sœurs pour qui les silences sont peut être plus parlants que les mots. Car peut-on se fier aux mots ? Ils sont trompeurs, déformés, peuvent devenir le vecteur d’humiliations...Ils peuvent être difficiles à prononcer ou à écrire , même quand on en a fait son métier...
La nature joue également un rôle très important ici, ainsi que le corps des femmes, corps bridé, corps faillible ou corps retrouvé. Un texte magnifique dans sa concision parfaite et l'émotion intense qu'il dégage. Et zou, sur l'étagère des indispensables.
,L'avis d'Aifelle, moins enthousiaste : clic.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : elisa shua dusapin
08/05/2025
#Onnabandonnepasunchiensurlautoroute #NetGalleyFrance !
On n'abandonne pas un chien sur l'autoroute (et on n’abandonne pas un chien tout court aurais-je envie d'ajouter) est un road trip foutraque où le narrateur , Jérôme, laissant sa petite famille( qui l'ignore) derrière lui se rend en Espagne, à bord d'une voiture volée, pour refaire sa vie.
Il enchaîne les mauvaises décisions, ce qui va par exemple le mener à poursuivre une voiture sur l'autoroute alors qu'il conduit... une mobylette !
J'étais tout à fait entrée dans cet univers loufoque, où un papy se dissimule dans le coffre d'une berline de son plein gré, entre autres, jusqu’à ce qu'un détail me mette la puce à l'oreille et ...patatras ce que je craignais le plus est advenu: le twist final qui fait tout réenvisager d'une manière terre à terre. Déception donc. Mais apparemment les avis sont beaucoup plus enthousiastes que moi sur ce roman.
Merci aux Editions Buchet6chastel et à NetGalley
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : benoit toccacieli
23/04/2025
L'affaire Petit Prince
"Quand on y réfléchit deux secondes, on s'aperçoit que la littérature, les contes, les mythes et les légendes sont pleins de très curieux, de très coupables silences. Et qu'il y a des criminels impunis qui courent dans tous les sens. Alors, on reprend les faits depuis le début. Un bon détextive se pose les bonnes questions, émet des hypothèses, les teste en trouvant des indices dans les textes, en cherchant des suspects, en évitant les pièges et les fausses pistes."
Sous prétexte d'une enquête policière mettant en scène le détextive Pierre Bayard et son associée Édith, c'est à une relecture du roman de Saint Exupéry ,pleine d'humour , de pertinence et d'espièglerie que nous propose ce premier opus des aventures de "Pierre Bayard Détextive Privé".
Aidé de deux adolescents, l'ingénieux Minuit-Pile et l'indisciplinée mais attachante Bas-de-Casse, les deux héros vont se lancer dans une quête qui permettra, entre autres, de faire comprendre à de mal embouchés (et ennemis de Pierre Bayard) la différence entre auteur et narrateur, dans un univers qui rappelle parfois Harry Potter.
L'objet en lui-même est par ailleurs très beau et j'attends déjà avec impatience le second tome consacré à Peter Pan, héros qui a bien plus mes faveurs que le Petit Prince, même si grâce à Clémentine Beauvais, je l'ai envisagé de manière plus positive.
Sarbacane 2025.
06:03 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : clémentine beauvais
22/04/2025
Les morsures du silence
"Céder n'est pas consentir. Parfois le silence est la seule arme ou le seul bouclier à portée de main. "
Un adolescent, vêtu comme Sainte Lucie, le crâne fracassé, a été retrouvé sur l’île suédoise de Lidingö.
Ce meurtre n'est pas sans rappeler celui d'une jeune fille, dans les mêmes circonstances, vingt-trois ans plus tôt. Or, le meurtrier, petit ami de la victime, a toujours clamé son innocence en prison.
Après une ouverture glaçante, le récit se met en place avec deux enquêteurs , bien campés : le commissaire Aleksander Storm , qui sera officieusement aidé par une Maïa Rehn, une policière française. Cette dernière est en deuil de sa fille et ce thème court tout le long de ce roman qui fait la part belle aux tourments de ses personnages.
L'intrigue est très bien ficelée et le point de vue extérieur de la Française sur la vie quotidienne suédoise apporte un plus très intéressant. Un roman qui se dévore et qui m'a donné envie de découvrir les autres polars de cette autrice française qui vit en Suède depuis plusieurs années.
Editions Calmann-Lévy 2025.
06:00 Publié dans romans étrangers, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : johana gustawsson
12/04/2025
#MonvrainomestElisabeth #NetGalleyFrance !
" Est-ce cela, le sentiment d'une dette de mémoire? Suis-je la seule à l'entendre, ce cri qui me déchire les tympans alors que je remonte les allées encombrées, pressée entre les rangées d'étagères ? "
Parce qu'elle a peur de devenir folle, l'autrice, chercheuse en études cinématographiques, décide de mener l'enquête sur son arrière grand-mère, Élisabeth, dite Betsy, diagnostiquée schizophrène dans les années 1950.
Les langues ont du mal à se délier, certains membres de sa famille refuseront carrément de s'exprimer, tout en l'encourageant à poursuivre son enquête, mais affirmant ne rien vouloir en savoir...
Le parti pris d'Adèle Yon est de nous relater avec précision ses découvertes, ses échecs et de nous brosser un portrait nuancé et varié suivant les points de de cette femme, trop libre pour son époque, qui a eu le malheur d'épouser quelqu'un qui aspirait à la sainteté (rien que ça) mais ne s'est pas privé de profiter de la vie tandis que son épouse était enfermée et subissait une lobotomie.
Les lettres d'Elisabeth sont particulièrement émouvantes et d'un certaine manière, annoncent la tragédie en marche.
Mais il n'est pas question que d'émotion car Adèle Yon analyse avec acuité la manière dont la psychiatrie à cette époque, bras armé du patriarcat, entend tout à la fois contenir le corps et l'esprit des femmes car "La lobotomie, comme les opérations sur la sphère génitale avant elle, n'est que la traduction médicale d'une violence sociale et institutionnelle déjà à l’œuvre, par laquelle une partie de la population s'arroge légalement des droits sur le corps d'individus considérés comme inférieurs." J'ai aussitôt pensé à Rosemary Kennedy, sujette à des sautes d'humeur et qu'une lobotomie laissa handicapée mentale pour le restant de ses jours.
Un roman-enquête qui suscite la colère (comment ne pas comprendre celle d' Élisabeth? ), aux grandes qualités littéraires.
Merci aux Editions du Sous-Sol et à Netgalley.
07:00 Publié dans Essai, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : adèle yon
11/04/2025
#LaViecontinuéedeNellyArcan #NetGalleyFrance !
"Elle est, avec un génération d'avance, l'enfant pointant du doigt le souverain pour déclarer "le roi est nu". "
Nelly Arcan, née Isabelle Fortier, était encore il y a peu rangée au rayon "sociologie" (Canada) , au mieux qualifiée d'""autrice de la sexualité", ou réduite à son statut de phénomène médiatique".
Difficile en effet de ranger dans une case cette femme dérangeante qui ,dans son premier texte, Putain, relate son expérience, librement choisie, d'escort , quand elle était étudiante.
Il aura fallu une dizaine d'années pour que son statut d'écrivaine soit reconnu et qu'en France, Pomme lui consacre une chanson et que Louise Chennevière mette en parallèle son destin avec celui de Britney Spears dans un roman pour que son nom parvienne à mes oreilles.
Johanne Rigoulot,dans ce texte part sur les traces de Nelly Arcand, pointant du doigt les contradictions, les failles de cette femme qui avait besoin de visibilité et qui se faisait malmener à la télévision par les machos de service, des deux côtés de l'Atlantique. Trop souvent ramenée à son physique de Barbie, on omettait de souligner la puissance de son écriture, dont un extrait de Putain suffit à nous convaincre.
L'autrice établit aussi des comparaisons entre son propre parcours et celui de Nelly, conférant ainsi une portée plus large ses destins empêchés de femmes. L’écriture est magnifique et j'ai souligné à tour de bras de nombreux passages. Il ne me reste plus qu'à entamer la lecture de Putain.
Les Avrils 2025
Merci à l'éditeur et à Netgalley.
06:00 Publié dans Essai, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : johanne rigoulot
10/04/2025
Les doigts coupés...en poche
"La vérité , c'est que vous mourez de peur que l'on découvre que vous ne servez absolument à rien ! "
Oli,femme de la préhistoire, est féministe sans le savoir. Elle se rebelle contre ce qu'on appelle pas encore le patriarcat qui veut lui interdire de chasser, rationne la nourriture des femmes, les cantonne aux soins des enfants et à l'assouvissement des besoins sexuels.
Elle le paie au prix fort, comme toutes celles qui ont osé déplaire aux hommes et se retrouve avec une main mutilée. Ces mains aux doigts coupés dont a retrouvé les empreintes dans des grottes.Mais Oli n'a pas l'intention de subir...
Ayant été passablement échaudée par un roman ,qui voulait faire de la chick litt, se déroulant à la même époque, c'est avec un peu d'appréhension que j'ai ouvert ce nouvel opus d'Hannelore Cayre.
Mais pas de souci, l'autrice de La Daronne sait à merveille nous plonger dans cette période,en prenant soin d'étayer ses dires par des précisions historiques et scientifiques. Elle nous rend proches ces personnages , à la fois si éloignés et pourtant qui nous ressemblent tant. 185 pages qui se lisent d'une traite et balaient tous les clichés misogynes sur la préhistoire
06:45 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : hannelore cayre
02/04/2025
L'envers de la girafe
"Oui, la souffrance était parfois le prix à payer, le prix de la liberté... "
Roman choral, situé dans un quartier populaire de Toulouse, L'Envers de la Girafe met en scène des personnages quelque peu obsessionnels dont les destins vont se frôler, voire se percuter.
Il y a là Gaspard, qui surveille via des caméras de vidéo surveillance un carrefour, Lucas, obnubilé par sa passion à la fois historique et scientifique des girafes, au grand dam de sa vieille mère... Pierre quant à lui est transporteur de matières dangereuses alors que sa compagne, Zélie, est toujours prête à s'enflammer pour un combat écolo voué à l'échec. Il y a aussi " L'Homme à la craie" qui inscrit le nom des toutes les plantes qui ont réussi à se faufiler dans la plus petite anfractuosité et tient à garder un peu de sauvagerie dans son jardin, ce qui ne plaît pas à tout le monde. Enfin, l'élagueur, Ahmed, homme qui se révèlera beaucoup plus posé et nuancé que les autres.
Ce roman allie l'amour de l'histoire et de la nature de Pascal Dessaint qui joue aussi de l'opposition entre le sol et l'espace (balcon, toit, arbres, oiseaux...), le trait d'union entre les deux étant peut-être assuré par cette fameuse girafe...L'auteur interroge aussi avec lucidité notre rapport à la nature: "Qu'étions-nous le plus souvent pour les animaux à part une menace? Il n'était aucun animal sauvage qui venait à nous de bon gré. Nous étions le danger, avec une haute idée de nous-mêmes qui nous rendait plus dangereux encore. "
La construction est virtuose et les personnages nuancés, plein de surprises se révélant avec délicatesse ou violence. Car oui, avec cet auteur impossible d'oublier la noirceur du monde mais, néanmoins , "[...] il nous a confié que la vie lui plaisait pour ces moments décalés, hors de contrôle, hors des normes, hors du carcan où la société tenait à nous enfermer. " Une réussite. Et zou, sur l'étagère des indispensables.
Envoi de l'auteur et de l'éditeur, sans contrepartie financière.
Editions Rivages 2025.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : pascal dessaint
25/03/2025
#LîledeClipperton #NetGalleyFrance !
" Tu comprends ce mot, apologie ? C'est comme mettre des beaux habits à quelqu'un qui serait tout nu . "
Ouvrir L’île de Clipperton c'est entrer dans un univers déstabilisant où les personnages peuvent se nommer Balconette Sécateur ou Touquette Orsomimi. Un univers marqué par ce qu'on pourrait appeler la civilisation de la pomme, où les femmes semblent jouer un rôle essentiel et où la lecture d'un texte justement intitulé L’île de Clipperton pose problème.
Cet univers, c'est par l'intermédiaire d'une enfant que nous en prenons connaissance, Madge, et forcément notre vision ne peut en être que parcellaire et naïve. Des textes, de natures variées et au style pour le moins surprenant, nous permettent peu à peu de prendre connaissance,ce de l'histoire de cette île (qui existe vraiment) et dont le climat politique est fort agité.
L'utilisation d'un vocabulaire particulier , formé de mots-valises, de néologismes et de détournements du sens de mots existant, augmente le dépaysement et le plaisir de la lecture. Clins d’œil à l'actualité et/ou à des auteurs ayant existé émaillent aussi un texte au rythme enlevé mais dont l'ossature narrative aurait gagné à être plus assurée. Un bon moment de lecture néanmoins.
Editions Noir sur blanc 2025.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : raphaël laforgue