12/06/2025
Les Loups de Babylone...en poche
"Dans une sorte de vertige, il s'aperçut qu 'il avait plongé dans un monde dont il ne connaissait rien. Un monde où le Mal était possible, non pas le grand Mal qui fait peur aux enfants dans les contes de fées qu'on lui avait lus, enfant. Mais un petit mal ordinaire, un peu sale, veule. Un Mal de tous les jours."
Une officière de gendarmerie qui, pour échapper à une relation toxique, a demandé sa mutation à Millau. Une adolescente fragile, Cassandra, qui atterrit, par hasard dans une famille d'accueil du coin et va se lier d'amitié avec Estéban Perrault, un enfant d'une communauté écolo radicale qui vit en autonomie sur les Causses du Tarn. Tels sont les personnages dont les destinées vont se croiser par l'intermédiaire d'une disparition inquiétante : celle d'une jeune zadiste vue pour la dernière fois dans l'estive où paissent les moutons de la communauté.
Il paraît que des loups rôdent la nuit sur les causses, mais le Mal prend des formes beaucoup plus anodines. Et si les références à la mythologie et aux contes sont semées comme autant de petits cailloux, c'est peut-être pour mieux nous rappeler que mieux vaut se fier parfois à ceux qui nous paraissent les plus cabossés, les plus fragiles pour se tirer d'affaire...
La nature joue un rôle essentiel dans ce récit . Ce sont d’ailleurs certains de ses habitants qui délivreront la solution d'un des mystères de ce roman qui ne ménage pas ses effets et fait la part belle à des personnages qu'on quitte à regret.
Un roman addictif.
05:45 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : anne percin
09/06/2025
Colères du vivant
" Je n'ai que votre petit fantôme en cassonade serpentant au fond de ma bassine en cuivre, et notre conversation gelée, coulée dans la marmelade. "
Solange, la cinquantaine, s'installe dans un petit village, juste en face d'un agriculteur mal embouché, Gilbert, sorte de red neck à la française, biberonné à une chaîne d'information en continu, raciste, anti écolo, mais champion du recyclage et amoureux des commencements : "Les poussins, les gorets, les agneaux, les fœtus,les bourgeons, les mises bas , les chiots, les chatons, les matrices, les débits ont toujours attiré tous ses soins. ".
Cahin-caha, les voisins vont sympathiser, à la grande surprise des villageois, dont un chœur commente les événements marquants de manière sporadique. Solange découvre que Gilbert et sa fille Jennyfer sont fâchés depuis 10 ans et commence à écrire à la jeune fille, dans le but de les réconcilier. C'est aussi l'occasion de relater son quotidien et de révéler ses propres failles.
Deux autres narrateurs se succèderont ensuite: Simon et la fameuse Jennyfer qui chacun à leur façon, brosseront un portrait de cette campagne en pleine évolution et des conflits générationnels qui s'y livrent.
J'ai retrouvé avec bonheur le style ample et imagé de Sophie Daull, ses portraits nuancés, pleins d'empathie et même s'il y a un petit côté "tout finit par s'arranger" un peu trop léché, il ne faut pas bouder son plaisir et savourer ce petit bonheur de lecture.
Editions Philippe Rey 2025.
De la même autrice: clic
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sophie daull
04/06/2025
Fantastique histoire d'amour...en poche
"-attendre quelqu'un dans un McDo un dimanche soir de pluie étant une démonstration redoutable de la nullité morale du capitalisme. "
Un homme, fasciné, observe une jeune femme qui, dans un parc de Lyon, nourrit, à la main, des mésanges.
Lui, c'est Bastien, inspecteur du travail . Il ne se remet pas d'avoir été quitté et supporte difficilement de ne pouvoir être efficace que pour une toute petite partie des salariés qui le contactent.
Elle, c'est Maïa, journaliste scientifique, elle assume pleinement ses envies charnelles et son célibat.
Pour que ces deux-là soient réunis-ou pas-, il faudra une tante physicienne au CERN qui vient de faire une expérience (ratée) sur un cristal scintillateur et une compacteuse "responsable" d'un accident de travail (ou serait-ce un homicide? ).
Explorant cette fois le territoire du thriller; Sophie Divry, nous livre un roman hautement addictif qu'on se réjouit de retrouver le soir tant elle joue avec nos nerfs mais sait aussi nous émouvoir avec ces deux bras-cassés de l'amour.
Une pointe de roman social, une critique du financement privé de la recherche scientifique viennent relever le tout et des personnages secondaires bien campés finissent de parfaire ces 512 pages sans aucune longueur et parsemées d'oiseaux..... Dès la scène inaugurale, j'ai su que j'étais cueillie.Une réussite qui file sur l'étagère des indispensables.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sophie divry
22/05/2025
La Petite Fasciste
"La France est ce pays riche plein de pauvres. "
Roman dystopique ou d'anticipation ? Mieux vaudrait pour la France que cela reste de la fiction car la chute de la République , annoncée dès le première phrase n'augure rien de bon...
Avec une grande maîtrise, Jérôme Leroy brosse ,en 190 pages qui se dévorent avidement, le portrait d'un tout petit monde politique, dans une ville imaginaire, Frise, située dans les Hauts de France, non loin de Dunkerque. Là-bas, les Lions des Flandres, groupe identitaire "nationaliste flamand et néo païen", entendent bien jouer un rôle dans l'élection législative, suite à la troisième dissolution de l'Assemblée Nationale, voulue par Le Dingue.
Dans cette situation chaotique, le socialiste Bonneval , plus vraiment intéressé par la politique ; touché par la crise de la cinquantaine , avec dix ans de retard, peine à trouver un quelconque intérêt à la politique. Pourtant, une improbable histoire d'amour avec La Petite Fasciste de vingt ans qui donne son titre au roman va venir tout chambouler...
Taclant tous azimuts les hommes et femmes politiques, qu'on ne peine pas à reconnaître pour les plus importants ("Les Insurgés sont en train de payer leur intransigeance. Les choses n'ont jamais été aussi dures pour leur électorat qui se rend compte qu'à force de pureté les Insurgés ont les mains blanches mais ils n'ont plus de mains"), l'auteur n'en oublie pour autant pas ses personnages, ses décors, plus vrais que nature , ni son récit. Seul petit bémol, l'histoire d'amour, un peu cliché à mon goût, même si l'évolution politique de la jeune Francesca est plausible. Bref un grand coup de cœur. Et zou, sur l'étagère des indispensables.
Editions La Manufacture de Livres 2025.
L'avis de Kathel: clic
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : jérôme leroy
19/05/2025
#LaTendressedescatastrophes #NetGalleyFrance !
"Ils s'entendaient même très bien quand ils étaient en désaccord, leur humour, leur singularité et une profonde mélancolie les unissaient. Comme s'ils étaient des âmes sœurs de contradiction. "
D'emblée, par son titre, Martin Page place son roman sous le signe de la contradiction et va s'employer , avec jubilation, à dynamiter les attendus de la comédie romantique. Lieu de la rencontre ? Un mariage. Classique. Moins classique, nos héros ne se reverront que dix ans plus tard.
Harriet n'est en rien romantique et s'exprime souvent avec virulence :"C'est quoi la norme ? Les hémorroïdes, le fascisme et les pâtes trop cuites ? Quelles putains de réussite. " mais c'est pour mieux cacher ses blessure d'enfance. Max, quant à lui veut sauver le monde, rien que ça, mais issu d'un milieu favorisé et cynique, ne possède guère d'armes pour avancer dans la vie.
Multipliant les scènes inattendues, parfois crues, allant à l'encontre des réflexes encore trop répandus, l'auteur surprend ses lecteurices , sans pour autant négliger la tendresse (parfois rugueuse) et la poésie . On sent qu'il s'est beaucoup investi dans ce roman et j'ai souligné à tour de bras des réflexions qui me surprenaient souvent mais sonnaient justes. Un roman dense, surprenant et jubilatoire .
Et zou sur l'étagère des indispensables.
Editions Les Escales 2025.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : martin page
09/05/2025
Le vieil incendie...en poche
" J'ai de la peine à me rappeler que nous avons été indissociables. Nous avions les mêmes timidités, les mêmes craintes de la vie sociale. On ne se chamaillait pas. Notre langue de silences et de cris nous a réunies. "
A quinze ans, l'aînée, Agathe, a fui sa sœur cadette,Véra, aphasique, et son père. Elle a fait sa vie aux États-Unis où elle écrit des scénarios et des dialogues de films. Quinze ans plus tard, Agathe et Véra doivent vider la maison familiale qui sera abattue. Et pour cela , elles ont neuf jours.
Pas de disputes autour des objets ici, Agathe étant même prête à incendier le contenu de la maison dont elle ne veut rien garder. Elle apprend à redécouvrir sa cadette qui n'a plus rien de celle qu'elle se sentait obligée de protéger. Au fil des jours, des souvenirs reviennent et les secrets se révèlent.
Avec une infinie délicatesse, par petites touches, Elisa Shua Dusapin brosse le portrait de ces deux sœurs pour qui les silences sont peut être plus parlants que les mots. Car peut-on se fier aux mots ? Ils sont trompeurs, déformés, peuvent devenir le vecteur d’humiliations...Ils peuvent être difficiles à prononcer ou à écrire , même quand on en a fait son métier...
La nature joue également un rôle très important ici, ainsi que le corps des femmes, corps bridé, corps faillible ou corps retrouvé. Un texte magnifique dans sa concision parfaite et l'émotion intense qu'il dégage. Et zou, sur l'étagère des indispensables.
,L'avis d'Aifelle, moins enthousiaste : clic.
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : elisa shua dusapin
08/05/2025
#Onnabandonnepasunchiensurlautoroute #NetGalleyFrance !
On n'abandonne pas un chien sur l'autoroute (et on n’abandonne pas un chien tout court aurais-je envie d'ajouter) est un road trip foutraque où le narrateur , Jérôme, laissant sa petite famille( qui l'ignore) derrière lui se rend en Espagne, à bord d'une voiture volée, pour refaire sa vie.
Il enchaîne les mauvaises décisions, ce qui va par exemple le mener à poursuivre une voiture sur l'autoroute alors qu'il conduit... une mobylette !
J'étais tout à fait entrée dans cet univers loufoque, où un papy se dissimule dans le coffre d'une berline de son plein gré, entre autres, jusqu’à ce qu'un détail me mette la puce à l'oreille et ...patatras ce que je craignais le plus est advenu: le twist final qui fait tout réenvisager d'une manière terre à terre. Déception donc. Mais apparemment les avis sont beaucoup plus enthousiastes que moi sur ce roman.
Merci aux Editions Buchet6chastel et à NetGalley
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : benoit toccacieli
23/04/2025
L'affaire Petit Prince
"Quand on y réfléchit deux secondes, on s'aperçoit que la littérature, les contes, les mythes et les légendes sont pleins de très curieux, de très coupables silences. Et qu'il y a des criminels impunis qui courent dans tous les sens. Alors, on reprend les faits depuis le début. Un bon détextive se pose les bonnes questions, émet des hypothèses, les teste en trouvant des indices dans les textes, en cherchant des suspects, en évitant les pièges et les fausses pistes."
Sous prétexte d'une enquête policière mettant en scène le détextive Pierre Bayard et son associée Édith, c'est à une relecture du roman de Saint Exupéry ,pleine d'humour , de pertinence et d'espièglerie que nous propose ce premier opus des aventures de "Pierre Bayard Détextive Privé".
Aidé de deux adolescents, l'ingénieux Minuit-Pile et l'indisciplinée mais attachante Bas-de-Casse, les deux héros vont se lancer dans une quête qui permettra, entre autres, de faire comprendre à de mal embouchés (et ennemis de Pierre Bayard) la différence entre auteur et narrateur, dans un univers qui rappelle parfois Harry Potter.
L'objet en lui-même est par ailleurs très beau et j'attends déjà avec impatience le second tome consacré à Peter Pan, héros qui a bien plus mes faveurs que le Petit Prince, même si grâce à Clémentine Beauvais, je l'ai envisagé de manière plus positive.
Sarbacane 2025.
06:03 Publié dans Jeunesse, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : clémentine beauvais
22/04/2025
Les morsures du silence
"Céder n'est pas consentir. Parfois le silence est la seule arme ou le seul bouclier à portée de main. "
Un adolescent, vêtu comme Sainte Lucie, le crâne fracassé, a été retrouvé sur l’île suédoise de Lidingö.
Ce meurtre n'est pas sans rappeler celui d'une jeune fille, dans les mêmes circonstances, vingt-trois ans plus tôt. Or, le meurtrier, petit ami de la victime, a toujours clamé son innocence en prison.
Après une ouverture glaçante, le récit se met en place avec deux enquêteurs , bien campés : le commissaire Aleksander Storm , qui sera officieusement aidé par une Maïa Rehn, une policière française. Cette dernière est en deuil de sa fille et ce thème court tout le long de ce roman qui fait la part belle aux tourments de ses personnages.
L'intrigue est très bien ficelée et le point de vue extérieur de la Française sur la vie quotidienne suédoise apporte un plus très intéressant. Un roman qui se dévore et qui m'a donné envie de découvrir les autres polars de cette autrice française qui vit en Suède depuis plusieurs années.
Editions Calmann-Lévy 2025.
06:00 Publié dans romans étrangers, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : johana gustawsson
12/04/2025
#MonvrainomestElisabeth #NetGalleyFrance !
" Est-ce cela, le sentiment d'une dette de mémoire? Suis-je la seule à l'entendre, ce cri qui me déchire les tympans alors que je remonte les allées encombrées, pressée entre les rangées d'étagères ? "
Parce qu'elle a peur de devenir folle, l'autrice, chercheuse en études cinématographiques, décide de mener l'enquête sur son arrière grand-mère, Élisabeth, dite Betsy, diagnostiquée schizophrène dans les années 1950.
Les langues ont du mal à se délier, certains membres de sa famille refuseront carrément de s'exprimer, tout en l'encourageant à poursuivre son enquête, mais affirmant ne rien vouloir en savoir...
Le parti pris d'Adèle Yon est de nous relater avec précision ses découvertes, ses échecs et de nous brosser un portrait nuancé et varié suivant les points de de cette femme, trop libre pour son époque, qui a eu le malheur d'épouser quelqu'un qui aspirait à la sainteté (rien que ça) mais ne s'est pas privé de profiter de la vie tandis que son épouse était enfermée et subissait une lobotomie.
Les lettres d'Elisabeth sont particulièrement émouvantes et d'un certaine manière, annoncent la tragédie en marche.
Mais il n'est pas question que d'émotion car Adèle Yon analyse avec acuité la manière dont la psychiatrie à cette époque, bras armé du patriarcat, entend tout à la fois contenir le corps et l'esprit des femmes car "La lobotomie, comme les opérations sur la sphère génitale avant elle, n'est que la traduction médicale d'une violence sociale et institutionnelle déjà à l’œuvre, par laquelle une partie de la population s'arroge légalement des droits sur le corps d'individus considérés comme inférieurs." J'ai aussitôt pensé à Rosemary Kennedy, sujette à des sautes d'humeur et qu'une lobotomie laissa handicapée mentale pour le restant de ses jours.
Un roman-enquête qui suscite la colère (comment ne pas comprendre celle d' Élisabeth? ), aux grandes qualités littéraires.
Merci aux Editions du Sous-Sol et à Netgalley.
07:00 Publié dans Essai, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : adèle yon