28/09/2023
Et vous passerez comme des vents fous
" Tout ici n'était qu'engendrement et dévoration, putréfaction et floraison, joie et douleur. Parfois, il se sentait si intégré à ce magma organique qu'il lui semblait participer de ces transformations en cascade, par lesquelles les plantes, les corps, les minéraux, étaient également décomposés , rendus à la terre, dans un même mouvement dont seules les échelles de temps variaient."
Un montreur d'ours parti faire fortune au début du XXème siècle, un berger traumatisé par un accident survenu l'été précédent , une jeune éthologue travaillant pour le Centre national pour la biodiversité, une ourse et ses deux oursons, tels sont les personnages centraux de ce roman se déroulant dans les Pyrénées.
La réintroduction de l'ours dans cette vallée où le dressage des ours était jadis une tradition ne va pas sans heurts et sans drames mais tout le talent de l'autrice est de nous présenter les différents points de vue de manière nuancée, sans jamais les caricaturer.
Solidement nourri de références scientifiques et historiques , qui se fondent avec bonheur dans le récit, ce roman bénéficie aussi d'un souffle romanesque qui nous fait éviter le "roman à thèse". La nature y a évidemment la part belle et les personnages, principaux ou secondaires, sont parfaitement dessinés. On suit avec passion l'intrigue et on sort de là profondément revigoré, sans pour autant baigner dans un optimisme béat. J'attends déjà avec impatience le prochain roman de cette autrice.
Actes Sud 2023
Merci à l'éditeur et à Babelio.
L'avis de Kathel : clic
05:20 Publié dans Rentrée 2023, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : clara arnaud
30/08/2023
Le jour et l'heure
"Le monde qui semblait se refermer sur nous depuis des mois s'ouvrait enfin. Le monde que je croyais perdu à tout jamais me revenait grâce à l’art, aux traits, aux couleurs. "
Le temps d'un week-end, une famille va rejouer le scénario d'un départ en vacances d'enfance : les parents, les quatre enfants , devenus adultes, à l'arrière.
Direction la Suisse où la mère de famille, Edith, a décidé de se rendre pour qu'on puisse l'assister à mourir car elle se sait condamnée.
Durant ce trajet, à cause de la situation bien particulière, mais aussi du temps qui a passé, la constellation familiale va évoluer et les rôles vont peut être se redistribuer.
Si j'ai apprécié , comme toujours, la manière dont Carole Fives scrute les familles et les interactions qui s'y mettent à jour, je suis restée un peu sur ma faim quant au thème principal.
Antigone est plus enthousiaste : clic
Merci à l'autrice et à l'éditeur qui m'ont envoyé ce livre.
Je n'ai pas été rémunérée pour ce billet.
06:00 Publié dans Rentrée 2023, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : carole fives
28/08/2023
Pauvre folle
"Mise en joue par son père, pupilles dans les pupilles, fusil de chasse pointé. Une longue hésitation, puis elle fut épargnée, rien sur le plan physique. Mais d'un point de vue psychique, la balle est bien partie. C 'est le dedans de la tête qui a été touché, le dedans qui a explosé , sur les parois de son crâne, il y en avait partout .Des bouts du Moi de Clotilde qui s’appelait encore Valérie. "
Le temps d'un voyage en train (direction Heidelberg), Clotilde extrait de son crâne, sous forme de gouttelettes aux formes et textures variées, des souvenirs qui, espère-t-elle lui permettront de comprendre pourquoi il y a dix ans elle est tombée amoureuse d'un gay, Guillaume.
Tous deux s'étaient créé, grâce aux mots ,un univers parallèle, où leurs identité fusionnaient. Depuis dix-sept mois, Guillaume a fait sa réapparition, et bien que ses ami.e.s ne cessent de lui dire qu'elle est dans le déni et que Guillaume ne quittera jamais son amoureux, Clotilde s'obstine.
Clotilde/Chloé prend à bras le corps le fil de sa vie , du premier choc esthétique grâce à la poésie , en passant par le féminicide de sa mère ,sa bipolarité, évoque sans honte (et avec humour) son passé de pute pour masochistes (souvent très fatiguant physiquement) et embarque le lecteur dans ce voyage chatoyant mais sans pathos.
Elle nous régale aussi avec sa "petite typologie du mâle hétérosexuel post # Me Too" car Clotilde est bien sûr féministe et n'hésite pas à tacler au passage le milieu du cinéma auquel appartient Guillaume. J'ai parfois pensé en la lisant à une autrice oubliée, Muriel Cerf, tant on sent que Chloé Delaume se régale à jouer avec les mots et à se bâtir , grâce à eux, un univers plus coloré, plus riche de sensations. D'aucuns y verront peut être du nombrilisme, mais j'ai été emportée par ce roman qui se joue de la bien-pensance.
Le Seuil 2023;
06:02 Publié dans Rentrée 2023, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : chloé delaume
27/08/2023
Trencadis...en poche
"Trencadis est le mot (catalan) qu'elle retient. une mosaïque d’éclats de céramique et verre , lui explique-t-on. De la vieille vaisselle cassée et recyclée pour faire simple. Si je comprend s bien le Trencadis est une cheminement bref de la dislocation vers la reconstruction. Concasser l'unique pour épanouir le composite, broyer le figé pour enfanter le mouvement, briser le quotidien pour inventer le féérique, c'est cela ? Elle rit: ça devrait être presque un art de vie, non ? "
Caroline Deyns, dans ce roman a choisi de privilégier des moments forts de la vie de Niki de saint Phalle. Une vie où le corps féminin est extrêmement présent car "Le fait est qu'elle possède un corps à géométrie variable, extraordinairement réactif au milieu qui l'entoure, des tripes modulables et rétractiles qu'un espace charpenté au cordeau parvient à compacter au format cube à angles aigus."
Un corps d'abord sujet , objet des violences de la mère (coups de brosse) puis abus sexuels du père, un corps qui lui permettra de devenir modèle de mode, puis sujet quand la rebelle deviendra une artiste s'emparant de toutes sortes de formes artistiques.
Une femme qui vivra plusieurs passions amoureuses, dans une grande liberté bien en avance sur son époque, qui extraira de son "magma d'émotions intimes", des œuvres toujours accessibles comme le souligne Carolyne Deyns. Et l'écriture de devenir un flot charriant les émotions de Niki, mais aussi une peinture sans affèteries du corps vieillissant de l'artiste, imaginant le dialogue par delà la mort avec Jean Tinguely , qui fut à la fois son compagnon dans la vie et dans l'art.
Un roman plein d’énergie qui rend compte avec talent d'une existence riche et multiple.
06:03 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : caroline deyns
26/08/2023
Cher Connard ...en poche
"Si je parle, je déclenche la haine. Si je me tais, j’étouffe. "
Zoé, jeune femme de trente ans, balance sur les réseaux sociaux le harcèlement dont , attachée de presse débutante, elle a été victime des années auparavant., de la part d'Oscar, romancier un peu connu. Face au déferlement de haine , dont ils sont tous deux victimes , ils vont se rapprocher, sans le savoir, de Rebecca, actrice célèbre , qui doit affronter la cinquantaine et les dix kilos qu'elle a en trop.
Oscar et Rebecca vont échanger des lettres , évoquant d'abord leur enfance commune (Rebecca étant amie avec la sœur d'Oscar), au sein de familles modestes, mais aussi leurs addictions (drogues, alcool). Au fil des messages, faisant face au confinement, leurs relations vont évoluer, allant, peut être vers un apaisement.
Les réseaux sociaux, les luttes intestines entre mouvances féministes, les pressions faites aux femmes (une très belle énumération des dissociations dont elles sont victimes), mais aussi par petites touches, la dégradation d'une société où les machines semblent supérieures aux hommes, Virginie Despentes porte son regard acéré un peu partout et même si parfois cela reste un tantinet superficiel, cela n'en reste pas moins nécessaire.
Tout ce qui concerne les addictions et la manière dont les protagonistes vont s'en défaire est un peu trop détaillé mais présente un point de vue original.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : virginie despentes
25/08/2023
Quand tu écouteras cette chanson...en poche
"Comment l'appeler son célèbre journal, que tous les écoliers ont lu et dont aucun adulte ne se souvient vraiment ? Est-ce un témoignage, un testament, une œuvre ? Celle d'une adolescente enfermée pour ne pas mourir, dont les mots ne tiennent pas en place. "
Il est des lieux, parfois même vides, mais tellement chargés d'émotion qu'ils ne peuvent manquer de susciter le silence, l'angoisse, voire la fuite. Quand elle a choisi pour la série "Ma nuit au musée" de séjourner dans le lieu qui accueillit Anne Frank, ses parents, sa sœur et quatre autres personnes, Lola Lafon ne pouvait prévoir l'effet que produirait sur elle la chambre de l'adolescente: qu'elle deviendrait presque un lieu tabou. Pourtant l'autrice met souvent au cœur de ses romans des jeunes filles qui "se confrontent à l'espace qu'on leur autorise". Autre point commun: "Toutes , aussi, ont vu leurs propos réinterprétés , réécrits par des adultes."
En effet quand le Journal est paru, après-guerre oblige, l'heure était à la réconciliation avec l'Allemagne et il fallait gommer les propos trop virulent d'Anne Frank à leur encontre. Cela alla même aux États-Unis, jusqu’à donner un tour joyeux à cette œuvre transformée en comédie musicale à succès !
Le grand mérite de ce texte , d'une très grande sensibilité, est non seulement de souligner la volonté d'Anne Frank de rédiger un texte littéraire, mais encore de nous rendre pleinement vivante cette jeune fille trop souvent réduite à quelques clichés (dans tous les sens du terme).
Quand tu écouteras cette chanson prolonge la réflexion en creusant l'histoire familiale intime de l'autrice, via ses grands parents, mais élargit aussi le propos en redonnant vie à un très jeune homme croisé par Lola Lafon , victime du génocide perpétré par les Khmers Rouges. Un texte dont la sincérité et l'émotion serrent le cœur.
06:01 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lola lafon
23/08/2023
#Western #NetGalleyFrance !
"Si le western est un genre, c'est le féminin. Il articule en un seul trajet l'idée du destin, l'idée du tragique de la condition humaine à celle de la plus fascinante liberté.C'est quoi, tout ça en une seule forme, sinon une femme."
Alexis Zagner, comédien en vogue, alerté d'un vague danger qui le menace, a disparu à quelques jours de la première de Dom Juan, dont il incarnait le rôle titre.
Nous découvrirons peu à peu les raisons de sa cavale, qui ont beaucoup à voir avec son attitude avec les femmes.
Quelques mois plus tôt, Aurore qui élève seule son fils Cosma , a appris le décès de sa mère, et ,bombardée "coordinatrice chargée des paramètres humains détachée à l'adaptation aux ressources digitales à cent pour cent de télétravail" (sic), a décidé de déménager à l'ouest, dans la maison maternelle, située sur un causse.
Évidemment, nos deux héros ne pourront que se rencontrer, mais pas forcément dans les circonstances que nous pourrions imaginer.
Faire cohabiter dans un roman le personnage de Dom Juan de Molière et le genre du western voilà qui paraît quelque peu iconoclaste. Mais cela fonctionne très bien et permet de dézinguer au passage le fonctionnement de notre société avec un humour acide.
Maria Pourchet analyse aussi avec férocité ,par le biais des Fragments d'un Discours Amoureux de Roland Barthes, l'avalanche de messages dont Alexis avait accablé une apprentie comédienne dont il croyait être tombé amoureux.
Alternant les temporalités, Maria Pourchet imprime à son récit un rythme vif et multiplie les rebondissements mais néglige peut être au passage ses personnages qui manquent un peu d'épaisseur. Je suis restée parfois perplexe devant certaines de leurs réactions mais il n'en reste pas moins que Western marquera sans doute cette rentrée 2023.
Merci à l’éditeur et à Netgalley.
Stock 2023.
06:00 Publié dans Rentrée 2023, romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : maria pourchet
15/08/2023
Sur la dalle
"Ce sont des bulles, les idées vagues. Elles se décollent des fonds vaseux. Elles bougent, elles oscillent, elles se heurtent. Je ne peux pas me permettre de les abandonner trop longtemps ou elles repartiront bouder au fond du lac. "
Adamsberg et son équipe sont envoyés dans un petit village breton où le sosie de Chateaubriand (et membre de sa famille) est accusé d'avoir commis un meurtre.
Les morts se succèdent dans ce microcosme où tout le monde s'épie, le tout surfond de superstitions et de commérages.
J'ai abandonné pour la première fois la lecture de ce roman de Vargas car , même si dans cette série, c'est plus l’atmosphère compte que la révélation de l'identité de l'assassin, il est quand même dommage qu'au bout de 80 pages, je l'avais identifié, ce dont je ne suis pas coutumière.
Je lui ai cependant donné une deuxième chance, et, les vacances aidant, j'ai terminé le roman, sans déplaisir, mais en frôlant l'ennui. J'en garderai surtout l'idée d'un texte où les personnages passent énormément de temps à manger dans une auberge , avant que de sortir brièvement pour courser quelques suspects (histoire de brûler des calories ? ).
Flammarion 2023.
L'avis de Brize, pas plus emballée.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : fred vargas, schtroumpf grognon le retour
10/08/2023
La valse des petits pas...en poche
"Le restaurant est mieux qu'un théâtre se dit-il. Chaque soir , ils interprètent un vaudeville différent. "
Au menu de cette brasserie parisienne : une farandole d'histoires d'amour à différents stades de maturation, une tablée empestant la testostérone et la servilité, des hésitations, des points de vue alternés, des surprises (pas forcément du chef) et, en fil rouge, la relation en pointillés qui s'ébauche entre le barman et la jolie serveuse.
Unité de temps (une soirée), de temps et d'action pour un ballet parfaitement agencé par l'autrice, fine observatrice de ses contemporains. Un bon moment de lecture qui vous donnera l'envie de tendre l'oreille quand vous irez au restau...
Pocket.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : claire renaud
09/08/2023
Bienvenue aux Bergeronnettes
"- Quatre Épingles, sachez que rien n'est facile dans le mariage. C'est comme un sport pour lequel on n'aurait pas suivi l'entraînement adéquat et où on commencerait directement par les Jeux olympiques. "
La dernière lubie de Maguy ? Transformer leur logis en maison d'hôtes pour artistes. Voilà donc le jardin bichonné par son époux , Germain Germinal, envahi par des "saltimbanques" qui semblent tous détenir un secret.
C'est pourquoi, quand le maire du petit village est assassiné , juste derrière "les Bergeronnettes", les soupçons se portent aussitôt sur les résidents.
"Cosy Mistery" Bienvenue aux Bergeronnettes respecte toutes les règles du genre mis en y insufflant beaucoup d'humanité, d'humour et de bienveillance.
Si les personnages peuvent de prime abord frôler la caricature et leur comportement loufoque sembler quelque peu exagéré, ils gagnent au fil du texte en densité, grâce à la révélation progressive de leurs failles respectives.
Quant au crime, j'avoue avoir été surprise quant à son mobile.
L'écriture est fluide et enjouée. Un très bon moment de lecture estivale.
Un grand merci à Cathy pour cette découverte.
Eyrolles 2023.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : coralie caujolle