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23/09/2021

Propriété Privée

"Les inquisiteurs se trompent en bombardant leurs victimes de questions. Il suffit souvent de garder le silence pour que l’autre croie que vous vous intéressez, avec votre air circonspect qui très paradoxalement rassure, vous confère une réputation de compétence et d’objectivité. "

La narratrice, urbaniste, et son mari, prof dépressif, ont décidé de devenir propriétaires d'une maison dans un écoquartier d' une petite commune .
Las, le rêve tourne vite au cauchemar car leurs voisins sont sans-gêne, bruyants, intrusifs et , la narratrice en est persuadée,"Ils n’espéraient pas seulement nous faire déménager. Ils voulaient nous voir souffrir, nous empêcher de penser, de nous aimer, fracturer le complexe édifice de notre entente.
Ils projetaient notre éradication totale et définitive. » julia deck
Point de vue excessif ou réalité ? Difficile de trancher car les autres voisins semblent fort bien s'accommoder de ces trublions qui dénotent un peu dans leur microcosme de bourgeois plus ou moins bohèmes (dont la narratrice croque avec acidité les travers). De plus, le roman est en focalisation interne , de son unique point de vue donc, elle ne s'adresse qu'à son compagnon et ce a postériori.
Par petites touches s'instaure donc un climat pesant qui vire bientôt au thriller quand la violence s'invite au sein de cette communauté trop policée, dont la façade va bientôt se fissurer .
Ce roman est aussi l'occasion pour Julia Deck de brosser un portrait sans concession de la rénovation urbaine contemporaine.
Une satire décapante à la construction imparable et ce jusqu’à la dernière ligne.

Un roman jubilatoire qui file donc sur l'étagère des indispensables.

Éditions de Minuit double 2021

 

20/09/2021

#LoinàlOuest #NetGalleyFrance !

"Octavie est l'arrière-petite fille d'une menteuse, la petite-fille d'une conteuse, la fille d'une grande rêveuse. Chacune d'entre elles a toujours su demander à la fiction ce que le réel ne lui offrait pas."

Envie de dévorer une saga familiale féministe et follement romanesque ?Alors précipitez-vous sur Loin à l’Ouest .  Vous y suivrez cinq générations de femmes éprises de liberté, mais coincées à des époques différentes par les limites de la société patriarcales, malmenées par l'Histoire et dotées de fichus caractères. Bref, des femmes comme on les aime.
L'autrice y brosse aussi un vibrant hommage à la fiction (et au mensonge), seul remède selon elle pour pouvoir supporter les remous d'une vie par trop étriquée. Un roman où l'on croise aussi Louise Michel et Calamity Jane (ou pas ). delphine coulin
Un roman qui se dévore et que des retours à l'époque contemporaine permettent d'encore mieux ancrer dans le réel. On sent que Delphine Coulin s'est régalée  en l'écrivant et cela augmente d'autant plus notre plaisir de lecture.

 

Grasset 2021.delphine coulin

04/09/2021

Le coeur synthétique... en poche.

"Adélaïde trouve que la campagne , ça a la bande-son d'un décès."

En 2006, Benoite Groult, qui avait largement dépassé les 80  ans, se plaignait que vieillir c'était devenir invisible. De nos jours, Adélaïde, quarante-six ans, qui vient de rompre, découvre avec effroi "l'invisibilité de la femme de cinquante ans avec un peu d'avance.". Pis, elle constate la cruauté des statistiques : il y a bien plus de femmes célibataires que d'hommes et ceux qui le sont ont presque tous un "vice de forme", dixit 'l'une de ses amies.chloé delaume
Car oui, Adélaïde a des amies, elles-mêmes en crise existentielle et, sororité oblige, elles vont  s’entraider.
Commencé sous les auspices de Virginia Woolf (le premier chapitre est en effet intitulé "Une chambre à soi"), le roman de Chloé Delaume se clôt sous ceux de Monique Wittig et de ses "Guerillères". Entre temps, nous aurons eu droit à une série de titres de chansons, très éclectiques, allant de Bashung à Juliette Armanet en passant par Sylvie Vartan, voire Herbert Léonard.
Car oui, on peut être féministe et drôle et l'autrice s'en donne à cœur joie dans ce texte qui nous introduit dans les coulisses du monde littéraire où Adélaïde officie en tant qu'attaché de presse et chapeaute une autrice qui lui ressemble furieusement.
Pratiquant l'autodérision, mais dénonçant aussi les diktats auxquels doivent se conformer les autrices, tant dans leur comportement que dans leur aspect physique, Chloé Delaume signe ici un roman à la fois enjoué et lucide qu'on ne peut lâcher.

En couverture une photographie d'Annette Messager.

Un passage que j'adore: "Il est vingt-deux heures trente, le spectacle reprend. le poète ne fait pas de rimes mais dit la vérité. 4 millions de Français sont ou ont été  victimes d'inceste, on estime actuellement que deux enfants par classe endurent ce crime en huis-clos. Attendu que Clotilde a durant sa performance rappelé qu'en France un féminicide est commis tous les deux jours et une agression homophobe tous les trois jours, le public passe une bonne soirée."

J'en profite pour signaler aussi le très réussi Sororité, sous la direction de la même autrice , paru en poche chez Points Seuil également.
Un recueil de textes aux autrices remarquables, chacune ayant leur point de vue sur ce concept remis en lumière.chloé delaume

31/08/2021

Ultramarins

"Comme s'il fallait en passer,  toujours en passer par la peau pour comprendre ce qui lui arrive, elle tire vers elle la porte métallique et sort. Elle veut sentir la consistance de cette brume, en connaître la température. Voilà, ce sera sa baignade à elle."

Comment peut se faufiler l'aventure dans le parcours bien balisé d'un cargo qui traverse l’Atlantique ?  Par une baignade improvisée de l'équipage, baignade autorisée par la commandante qui restera seule à bord.
Une rupture dans la routine, presque une glissade dans une faille spatio-temporelle. Ce qui est sûr c'est qu'une fois remontés à bord les marins, comme la commandante, ne seront plus les mêmes.mariette navarro
Sur une trame aussi ténue, Mariette Navarro réussit à créer un univers à la fois poétique et mystérieux  (tout ne sera pas éclairci, et c'est tant mieux) pour mieux nous captiver. Il se dégage de ce texte une réelle sensualité (qui aurait cru que les cargos soient propices à ce type de création ? ). Un premier roman fort réussi

 

 Éditions Quidam 2021.

 

28/08/2021

Je m'attache très facilement ...en poche

"Elle le voit, elle cache admirablement sa joie."

Lui, à l'aube de la cinquantaine, part rejoindre une femme plus jeune, pas libre, avec laquelle il a ébauché une relation. Visiblement sa venue en Écosse ne réjouit pas la Belle. En trois jours, notre héros parviendra-t-il à accepter la réalité ?
Chronique d'un fiasco annoncé, Je m’attache très facilement est un texte très court (74 pages) mais délicieux pour qui apprécie le style et l'univers si particuliers d'Hervé Le Tellier. hervé le  tellier
On oscille sans cesse entre les notations pleines d'acuité : "Après tout, suggère son geste on n'ira pas loin. C'est un excellent résumé." et un comportement qui ne parvient pas à se résoudre à accepter la situation. Mais tout cela ne verse pas dans l'amertume ou la tristesse car "C'est étrange songe-t-il, comme le pire est toujours prévisible."

A noter la parfaite couverture de Clémentine Mélois (et la liste des adresses et des marques de produits  évoquées dans le texte !)

1001 nuits 2021

27/08/2021

Toutes les femmes sauf une...en poche

Il faudrait pardonner à ce vieil enfant essoufflé criant depuis soixante ans qu'on le tire du froid, ignorant que c'est fait. Je ne pardonne pas , je n'ai pas assez d'orgueil. Au maximum, je comprends. Et encore, pas sûr."

Sa fille, tout juste née, ne s'appellera pas Marie comme toutes les femmes de sa famille avant elle, mais Adèle. Avec énergie, avec colère, avec passion, la narratrice raconte à sa fille, son enfance tiraillée entre une mère qui aurait voulu tour à tour l"emmener sous l'eau avec elle, tour à tour sauver", qui souhaitait simultanément que sa fille s'élève socialement et ne maria pourchetle supportait pas car, elle-même , qui aurait pu devenir institutrice, avait été retirée de l'école trop tôt.
Elle dit la soumission, la langue "domestique",  le"vocabulaire émacié de votre langue", qui justifie la vie bridée, finie avant d'avoir même commencé ; cette langue qui s'inscrit en italiques dans le texte et au fer rouge dans la mémoire, devient un vivier où puiser des formules toutes faites pour justifier les vie brisées et l'amour qui ne peut circuler.
La narratrice évoque aussi la violence larvée de la maternité où le personnel n'est pas toujours tendre avec la primipare qui refuse de se plier aux règles implicites, d'où des mesures de rétorsion larvées.
Alors, oui ,on est bien loin des relations apaisées entre mères et filles, mais ça fait un bien fou de lire ce texte rageur et libre qui fait fi de toutes les convenances. Un grand coup de cœur.

26/08/2021

La petite dernière...en poche

"Je m'appelle Fatima.
Je recherche une stabilité.
Parce que c'est difficile d'être toujours à côté, à côté des autres, jamais avec eux, à côté de sa vie, à côté de la plaque."

Chaque chapitre de ce court roman à résonance autobiographique commence par la même affirmation identitaire: "Je m'appelle Fatima Daas."Suivent ensuite des variations permettant de préciser l’une des multiples facettes de cette jeune femme qui creuse avec opiniâtreté le même sillon, mais en changeant les angles d'attaque. Des souvenirs affluent après ce leitmotiv et se construit ainsi, par petite touches, le portrait de La petite dernière , aimée mais peut être pas désirée, seule née en France d'une famille algérienne, adolescente qui se situe plus du côté des gars que des filles, musulmane mais qui n'honore pas son prénom, tiraillée entre toutes ces définitions et inadaptée à la vie.fatima daas
 Cette recherche identitaire , ce monologue à multiples facettes ,se clôturera d'une manière apaisée quand la narratrice arrivera enfin à  ce paragraphe fluide qui résume le livre qu'elle est en train de rédiger : "Ça raconte l'histoire d'une fille qui n'est pas vraiment une fille, qui n'est ni algérienne ni française, une musulmane je crois, mais pas une bonne musulmane, une lesbienne avec une homophobie intégrée. Quoi d'autre ? " On a envie de lui répondre  :une autrice qui emporte ses lecteurs et ne le lâche plus.

Éditions Noir et Blanc 2020

23/08/2021

#Lacartepostale #NetGalleyFrance

"Cette famille, c'est comme un bouquet trop grand que je n'arrive pas à tenir fermement dans mes mains."

Enceinte, Anne Berest pense "à la lignée des femmes qui avaient accouché avant [elle]" et sollicite sa mère, Lélia,  pour "entendre le récit des ancêtres". Les archives accumulées par cette dernière et, en particulier, une carte postale anonyme, arrivée 10 ans plus tôt et portant les quatre prénoms des ascendants maternels assassinés dans des camps d'extermination, vont jouer un rôle essentiel dans cette quête difficile, tant du point de vue psychologique que matériel.
Ce sera aussi pour l'autrice l'occasion d'analyser ce que signifie pour elle le mot "Juif" , élevée dans une famille où la religion n'avait pas vraiment sa place, ce que signifie aussi le fait d'être identifié comme Juif en France de nos jours.
Retraçant à la fois le parcours de ses ascendants maternels, originaires de Russie , avant, pendant et après la Seconde guerre mondiale, cette quête passionnante, digne d'un polar, et réflexions plus intimes, Anne Berest réussit à ne jamais perdre notre intérêt. anne berest
Mieux encore, elle jette un éclairage sur certains points peu évoqués. J'ai ainsi pu découvrir le fonctionnement inhumain du camp de Pithiviers ou bien encore la manière peu glorieuse dont l'administration française a traité les différents aspects de l’indemnisation des survivants spoliés de leurs biens durant la guerre.
Un texte à découvrir absolument.anne berest

Grasset 2021


 

19/08/2021

Ma meilleure amie

"Sans doute les femmes tolèrent-elles mieux que les hommes les mouvements souterrains."

Trois  jeunes provinciales ,bien décidées à ne pas se laisser regarder de haut , partagent une colocation joyeuse, pleine de liberté , irriguée par l'amour des mots et des livres.
Helga, la narratrice ,a d'abord été séduite par Sambre,  la lumineuse qui se destinait à devenir comédienne. A ce duo s'est vite ajoutée Rosie, qui de petits boulots en petits boulots, trace sa voie sans jamais se départir d'une belle énergie.
Las, un jour Sambre claque la porte et Helga se retrouve démunie, sans modèle auquel se référer.41BLi85VfQS._SX195_.jpg
Avec un tel aperçu, on aurait pu s'attendre à un schéma tout tracé (retrouvailles, déception, nostalgie blablabla), schéma qu'évidemment, Fabienne Jacob s'empresse de dynamiter pour mieux se concentrer sur les expériences de sa narratrice au fil du temps qui passe.
Si le temps est effectivement un thème central de ce roman, c'est pour mieux souligner l'immédiateté dans laquelle baigne la jeunesse, persuadée par exemple de ne pas avoir besoin de photographies pour se remémorer.
Les sensations sont aussi extrêmement présentes, en particulier les auditives et tactiles, ce qui nous vaut de superbes passages sur la peau de la personne avec laquelle on partage un lit ou bien encore l'addiction que peuvent faire naître des draps de lin...
Un roman d'apprentissage sensuel et lumineux où l'on souligne quasi à chaque page une remarque ou un passage , un roman qui file bien évidemment sur l'étagère des indispensables.

Buchet-Chastel 2021, 209 pages .

19/06/2021

La vie en rose...en poche

"La scène a la beauté virile d'un clip de Michel Sardou, la profondeur de champ d'un film de Luc besson et la sauvage détermination d'un texte de Didier Barbelivien."

Ses parents partis en Polynésie, Rose se trouve en charge de ses frères et sœurs, cette famille qu'elle qualifie elle même de "dysfontionnante" . Famille qui va bientôt s'agrandir car la jeune femme se découvre bientôt enceinte des œuvres du lieutenant Personne avec qui elle s'est installée. Cette férue de Cervantès, Caldwell et la Boétie, arborant des tee-shirts Metallica va aussi se trouver au cœur d'un maelstrom d’émotions et d'aventures en tous genres dans lesquelles sont impliqués les membres sa drôle de famille, sans compter un tueur en série qui sévit dans le lycée de la ville.41n6V9fLJiL._SX307_BO1,204,203,200_.jpg
Multipliant les intrigues en apparence accessoires, Marin Ledun réussit le pari de tout tirer en clair et d'harmoniser cet apparent chaos farfelu et plein d'humour. Les vacheries fusent : " - Mon dieu que vous êtes grosse, ma pauvre fille!
Je l'adore déjà."
Les références littéraires se ramassent à la pelle (et les Listes à Lire augmentent à vue d’œil), et même si l'identité de l'assassin n'est pas difficile à trouver, l’essentiel est de passer un excellent moment de détente avec ce polar enlevé et plein d'humour. Mission accomplie et on en redemande !

Ce roman est la suite de Salut à toi ô mon frère (clic) et il vaut mieux les lire à la suite, oui.