05/03/2020
#RichesseOblige#NetGalley
"Il suffisait d'avoir lu Balzac, Zola ou Maupassant pour ressentir dans sa chair que ce début de XXIe siècle prenait des airs de XIX e."
Découvrant par hasard qu'elle est apparentée à une riche famille d'industriels, Blanche mère célibataire et , suite à un accident "coléoptère boiteux", va mener l'enquête et ainsi croiser le destin d'un de ses ancêtre, Auguste qui ,comme elle, faisait un peu tache dans la lignée.
En effet, ce jeune idéaliste avait reconnu comme sien l'enfant de celui qui avait été acheté pour le remplacer au service militaire (d'une durée de 9 ans!) et était mort à la guerre de 1870.
Grâce à ses amis hauts en couleurs et aux technologies modernes, Blanche va en quelques clics élaguer les branches de cet arbre généalogique de cette famille sans scrupules, où le seul langage qui se parle est l'argent.
Avec le talent et l'humour qu'on lui connaît, Hannelore Cayre alterne les périodes historique ,sans jamais perdre son lecteur en route, pour mieux lui signaler les similitudes sociales existant entre le XIX et le XXI e siècles.
Roman engagé, brassant des thèmes éclectiques (économiques, artistiques, féministes, écologiques...), Richesse oblige est un fabuleux pied de nez au dieu Argent , pied de nez dont on adorerait qu'il devienne réalité.
Un roman enthousiasmant qui file illico sur l'étagère des indispensables !
Éditions Metailié 2020
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Cuné adore: clic !
Ai felle est aussi enthousiaste ! : clic
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, romans français | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : hannelore cayre
29/02/2020
Les recettes de la vie...en poche
"Je veux ta colère, tes reproches, tes insultes, tes coups. Tout, sauf ton silence immobile et cette putain de chape de plomb qui recouvre tes émotions depuis que maman est partie.Je n'en peux plus de tes habits de deuil, de ta rectitude de moine soldat qui dort près de son fourneau. Je ne veux plus de ta sollicitude de père courage, de ta transmission sans émotion, de nos rites qui pédalent dans le vide."
Au lendemain de ce qu'on n’appelle pas encore la guerre d’Algérie, Monsieur Henri, flanqué du fidèle Lucien, a fait du Relais fleuri un restaurant d'habitués. Là, il mène une vie toute entière consacrée à sa femme, à son fils Julien et, bien sûr, à sa cuisine.
Mais, toujours il refusera que son fils devienne à son tour cuisinier.
Quand le roman commence, Henri est plongé dans le coma et Julien veut à toutes forces retrouver le cahier de recettes de son père, ce qui le replongera dans le passé et lui fera découvrir les secrets de son taiseux de père.
Je connaissais Jacky Durand par ses chroniques culinaires, je découvre ici son deuxième roman et c'est un pur régal. Tendresse, gouaille, et bien sûr, évocations de plats qui font saliver, sont au menu de ce très joli roman de filiation empêchée entre un père et son fils.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jacky durand
28/02/2020
Principe de suspension...en poche
"Il sait ce que signifie le mot "faible": la conscience de ses propres fragilités. Il sait que lutter contre les autres est plus facile que lutter contre soi-même. Qu'il faut, parfois, faire preuve d'indulgence."
Thomas a racheté une PME de la filière plastique et se bat pour défendre l'industrie dans sa région du Grand Ouest. En butte aux trahisons intimes et professionnelles, son corps lâche prise.
Alors que Thomas est plongé dans le coma, sa femme, Olivia, va peu à peu sortir de sa passivité et envisager d'une nouvelle manière leurs relations quelques peu sacrifiées par les nécessités du travail trop prenant de son époux.
Egrainant les définitions des mots "principe" et "suspension", les chapitres de ce roman remontent le temps afin de démonter les rouages de ce qui a amené au burn out.
Si la description de la vie d'une PME , bien trop rare en littérature, est intéressante, elle manque singulièrement de souffle. On sent la volonté de trop bien faire, de délivrer toutes les informations dont s'est nourrie l'autrice afin de rendre justice à ces patrons de PME, trop souvent oubliés. cela au détriment de la littérature.
J’avoue aussi avoir été passablement agacée par le personnages d'Olivia, singulièrement détachée de la réalité. Bilan en demi-teintes donc.
De la même autrice: clic.
04:55 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vanessa bamberger
26/02/2020
Sous le compost...en poche
"A propos de cholestérol, la femme de Denis débarqua vers 19 h 30, cheveux violets, bouclettes grillées."
Franck, père au foyer, chérit ses trois petites filles, fait un peu de vélo avec des gars du cru, mais s'occupe surtout de son potager , tandis que sa femme, vétérinaire, sillonne la campagne et s'active des heures durant.
Cette belle harmonie est rompue quand Franck reçoit une lettre anonyme l'informant des infidélités de son épouse.
Loin de surréagir, Franck décide juste de se lancer à son tour sur le chemin de l'adultère , même s'il se rend bien compte que "...c'était une erreur de jouer la surenchère plutôt que la conciliation."
Et il commence par l'épouse de celui qui couche avec sa femme. Séduction à la hussarde d'abord, comprendre à la limite du viol (avec une description hilarante du membre du narrateur reprenant des clichés éculés, ce que l'on retrouvera d'ailleurs à plusieurs reprises dans le roman), puis plus policée ensuite.
Au bout de 200 pages, sentant que son récit s'essouffle, apparaissent de nouveaux personnages qui viennent révéler un autre aspect de ce velléitaire de Franck; c'est un écrivain raté. L'aspect roman noir , juste suggéré auparavant, va brièvement se développer avec une victime désignée d'office : la séductrice qui vient affoler tous les mâles du village.
Beaucoup de clichés donc, et la description acide de cette vie villageoise tourne vite court. Décevant.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nicolas maleski, schtroumpf grognon le retour
13/02/2020
La daronne... en poche
"Nous étions entre nous, appartenant au grand flou des classes moyennes étranglées par ses vieux. C'était rassurant."
A part une brève parenthèse de bonheur marital, on ne peut pas dire que la vie de notre narratrice ait été marquée par la joie de vivre. Lasse d'être employée au noir par l’État comme interprète judiciaire, de n'avoir ni sécu ni retraite en vue, lasse d'avoir bossé pour payer les études de ses filles, puis maintenant pour l'EPHAD de sa mère, elle saisit l'opportunité de se glisser dans un monde qu'elle connaît bien pour le suivre via des écoutes téléphoniques : celui du trafic de drogue.
Et là, elle revit, jonglant avec la langue qu'elle connaît depuis l'enfance, "la langue d'avant Babel qui réunit tous les hommes", à savoir l'argent. Elle endosse avec jubilation l'identité de La daronne, délicieusement amorale, fustigeant notre société et ses hypocrisies. Usant d'une langue tour à tour soutenue puis argotique, "elle, au contraire, avait l’œil émerillonné de celles qui aiment le biff", Hannelore Cayre se régale visiblement à ponctuer son récit de remarques vachardes et délicieuses à nos yeux de lecteurs: "Je me suis très mal conduite avec lui, mais il faut dire que son honnêteté à toute épreuve en faisait un sacré boulet."
Enfin, une héroïne en colère, amorale et qui ne trouve pas son salut dans l'amooouuuur, voilà qui fait bien fou ! (Plein de femmes fortes d'ailleurs dans ce roman , chacune dans leur genre !).
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : hannelore cayre
10/02/2020
Les évadées
"La tête dans le guidon, freins réglés au plus sensible, le regard des autres en guise d'itinéraire, nous regardons passer ces libertés chéries brimées, ces langages uniformisés, ces sexualités trianglerosées, ces têtes tranchées, loyers seins et fesses refaits sur panneaux outranciers, ces barbes emmêlées aux barbelés ,ces familles épiées jusqu'aux bébés."
Née sous X, Modeste Nacarat Mercurier affiche un format XXL et un poster de Clint Eastwood dans sa chambre d'ado, alors que c'est l'actrice Sondra Locke, frêle brindille blonde (et compagne d'alors du "justicier d'opérette") qui l'attire.
Mais c'est finalement la délicate Anicée, ravissante métisse et compagne de chambre qui va affoler son cœur. Séparées, se retrouvant après des parcours éprouvants (mais racontés de manière à la fois hilarante et tragique par Modeste, la narratrice), les deux jeunes femmes vont partir s'installer à la campagne et là, fonder une troupe mi- féline mi- féminine ,car Modeste a découvert dans sa jeunesse le pouvoir réparateur et libérateur des mots mis en scène.
Placés sous le patronage de Virginie Despentes , Les Évadées est un roman joyeusement féministe, anarchiste qui met à mal le système patriarcal et les bons sentiments. Si le récit manque parfois de fluidité, les diatribes enflammées de Modeste dynamitent avec verve et humour tous les obstacles qui se mettent sur le chemin de nos rebelles.
Modeste brasse les mots, joue avec eux, s'enivre d'énumérations et d'inventions langagières qui perdent parfois le lecteur en route, mais lui donnent aussi l'occasion de relire et d'apprécier encore plus ces
logorrhées énergiques et libératrices. Un grand coup de cœur !
Grasset 2020 , 248 pages , Collection Le Courage, une collection qui déçoit rarement !
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : alexandra fritz
08/02/2020
Au grand lavoir...en poche
Alors j'irai au grand lavoir là-bas, où la mémoire se récure contre le granit rugueux, où la langue se rince au torrent qui mousse comme un savon d'encre, où la fiction fait Javel. Je regarderai l'eau crasseuse s'écouler dans une grande synovie de mots et je laisserai sécher les éclaboussures au soleil de leur consolation. Grande lessive.
Il a assassiné la mère de celle qu'il voit un jour à la télé, par hasard.
L'étudiante d'alors est devenue une écrivaine qui va venir pour une signature à Nogent-le-Rotrou Rotrou.
L'assassin a changé d'identité, a été réinséré. Il travaille aux espaces verts de cette commune et mène une vie routinière, totalement perturbée par cette nouvelle. Tous les stratagèmes mis en place vont montrer leurs faiblesses même si, paradoxalement, un point commun unit en pointillés ces deux personnages antagonistes: les plantes.
Utilisant un montage en parallèle qui alterne les points de vue, Sophie Daul met ici en scène un parcours à la fois imaginaire même si inspiré de sa propre histoire. Elle a en effet découvert le corps de sa mère assassinée. Face à un tel drame comment réagir ? Vengeance ? Pardon ? Dans une mise en scène troublante où se dit aussi un corps figé à l'instar de celui de la mère dans une taille 34, Sophie Daul définit ici une troisième voie.
A dire vrai, je craignais la lecture de ce texte qui aurait pu être lacrymal, usant de grosses ficelles, mais l'autrice est à la fois cérébrale et sensible et j'ai dévoré ce roman d'une traite.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : sophie daul
07/02/2020
Personne n'a peur des gens qui sourient...en poche
Qui ne s'est jamais faite belle pour déjeuner avec une amie, ou même pour elle-même, afin de ne pas naufrager ? "
ça commence un peu comme dans le court-métrage de Xavier Legrand avec Léa Drucker "Avant que de tout perdre" : Gloria embarque précipitamment ses enfants (ici deux filles, dont une ado en pleine rébellion) et se réfugie dans sa maison d'enfance en Alsace, près d'un lac.
D'emblée, la tension est là. D'emblée, le lecteur échafaude des hypothèses que le récit se chargera de réfuter. De la même manière, le personnage central de Gloria gagnera en épaisseur et en amoralité jubilatoire.
Véronique Ovaldé signe ici un roman dont l'écriture est piquetée de remarques souvent très justes, un roman dense sous une apparence de légèreté, dont l'épilogue est un peu précipité car on serait bien resté encore un peu (beaucoup) en compagnie de Gloria et ses filles.
Un roman qui fait oublier l'échec de ma lecture précédente :Soyez imprudents les enfants, que je n'avais pas réussi à finir.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : véronique ovaldé
06/02/2020
Le discours...en poche
Pour ma mère, le monde se divise en trois catégories: ceux qui ont un cancer, ceux qui font construire et ceux qui n'ont pas d'actualité particulière."
"Un type désœuvré, dévasté par le chagrin d'amour et le manque, bloqué dans un repas où tout semble dénué de sens." Quand l'auteur nous propose très gentiment , via son narrateur principal, Adrien, quadragénaire névrosé et torturé, un résumé de la situation pour quoi se gêner ?
Il faut dire qu'on la comprend un peu, Sonia, de vouloir faire une pause: être régulièrement réveillée par un gars persuadé de faire une crise cardiaque, ça fatigue !
Mais bon il est attachant aussi et c'est sans doute pourquoi son futur beau-frère vient de lui demander lors d'un dîner en famille de rédiger Le discours de son prochain mariage.
Belle occasion pour Adrien de se torturer les méninges et de scanner le fonctionnement des relation familiales , où chacun est tenu de jouer sa partition, sans déroger aux règles implicites. A moins que...
Du début à la fin de ce roman, j'ai eu le sourire devant les membres de cette famille, croqués à la fois avec tendresse, pertinence et loufoquerie. On a vraiment l'impression d'y être et de reconnaître , poussés à l'extrême, jusqu'à l'absurde certains comportements de nos contemporains
A noter qu'on peut aussi glaner plein d'infos, à la fois drôles et surprenantes, histoire de briller dans notre prochain dîner de famille !
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans Humour, l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : fabcaro, fabrice caro
05/02/2020
#PréférerL'Hiver#NetGalley
"Face à un événement que l'on refuse tellement, on ne peut que prétendre que le meilleur nous a été enlevé. On ne peut pas fustiger les drames tout en admettant que ce qui nous a été arraché était somme toute, plutôt moyen, voire désagréable."
Une mère et sa fille adulte, marquées par les deuils et l'abandon, vivent recluses dans une forêt. L'hiver "qui anesthésie les peines et offre des cieux blancs et lumineux", est ici célébré, tout comme la nature, et les conduira vers une épure qui viendra à bout des violences subies.
Un texte qui vous prend par la main, ne vous lâche plus, tant sa langue est poétique et sa manière de dévoiler peu à peu ce qui était tu ,hypnotique.
Du grand art. Un premier roman fascinant.
Harper Collins 2020
Cuné m'avait donné envie: clic
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : aurélie jeannin