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22/12/2019

Champion...en poche

"J'ai appris cette année qu'on pouvait vivre sans mère, sans second degré, sans manger, sans cours, sans Étienne, sans information, sans innocence, sans faute, sans aimer Hélène, sans mémoire, et parfois sans réaction. Imaginons que ça vaille aussi pour le CO2, je serais l’auteur de la découverte du siècle. Un, deux, trois."

Fabien, quinze ans, doit raconter par écrit les événements qui l'ont conduit dans ce centre de repos. tel est le marché passé avec la thérapeute qui s'occupe de cet adolescent à fleur de peau, mal embouché, qui porte sur les autres et surtout sur lui-même un regard acéré.maria pourchet
Très vite, façon Petit Poucet, Fabien laisse à notre disposition des indices pour nous permettre de recomposer ce qu'il nous présente comme son passé, marqué par l'impossibilité d'un deuil et la culpabilité. Masi ce narrateur est-il vraiment fiable vis à vis de ses lecteurs, voire de lui-même ?
Un roman d'une extrême sensibilité, bourré d'un humour vachard, riche en formules percutantes qui vous déchirera le cœur.

De la même autrice : clic , clic

reclic

rereclic.

21/12/2019

Seules les bêtes ...en poche

"Les gens veulent toujours un début. Ils s'imaginent que si une histoire commence quelque part, c'est qu'elle a aussi une fin. Que l'orage a cessé, qu'ils peuvent revenir à leur routine, épargnés qu'ils ont été. ça se tient, je dis pas. Et puis ça rassure un peu."

 Au cœur du Causse, une femme a disparu. Élément déclencheur ou résultante d'une séries d'histoires de solitudes âpres organisées autour de secrets que va découvrir progressivement le lecteur ?
Chacun leur tour, de l'assistante sociale aux paysans du coin, sans oublier un Ivoirien derrière son ordinateur, les personnages vont éclairer à leur façon cette disparition à laquelle ils sont liés de manière plus ou moins contingente.colin niel
Colin Niel, qu'il dépeigne la vie paysanne ou la vie des jeunes ivoiriens (en utilisant de manière très vivante leur langage) nous emporte avec lui au cœur des émotions.
Un roman très réussi , tant par sa structure très maîtrisée que par ses personnages plus vrais que nature.

17/12/2019

La vie en rose

"La scène a la beauté virile d'un clip de Michel Sardou, la profondeur de champ d'un film de Luc besson et la sauvage détermination d'un texte de Didier Barbelivien."

Ses parents partis en Polynésie, Rose se trouve en charge de ses frères et sœurs, cette famille qu'elle qualifie elle même de "dysfontionnante" . Famille qui va bientôt s'agrandir car la jeune femme se découvre bientôt enceinte des œuvres du lieutenant Personne avec qui elle s'est installée. marin ledun
Cette férue de Cervantès, Caldwell et la Boétie, arborant des tee-shirts Metallica va aussi se trouver au cœur d'un maelstrom d’émotions et d'aventures en tous genres dans lesquelles sont impliqués les membres sa drôle de famille, sans compter un tueur en série qui sévit dans le lycée de la ville.
Multipliant les intrigues en apparence accessoires, Marin Ledun réussit le pari de tout tirer en clair et d'harmoniser cet apparent chaos farfelu et plein d'humour. Les vacheries fusent : " - Mon dieu que vous êtes grosse, ma pauvre fille!
Je l'adore déjà."
Les références littéraires se ramassent à la pelle (et les Listes à Lire augmentent à vue d’œil), et même si l'identité de l'assassin n'est pas difficile à trouver, l’essentiel est de passer un excellent moment de détente avec ce polar enlevé et plein d'humour. Mission accomplie et on en redemande !

Ce roman est la suite de Salut à toi ô mon frère (clic) et il vaut mieux les lire à la suite, oui.

 

01/12/2019

Le goût du baiser

"Physiquement, j'ai besoin de taper contre quelque chose ou contre quelqu'un . J'ai besoin de sentir mon corps. Mon corps devenu en partie insensible, anesthésié.Mon corps confisqué, et moqué par Antoine."

A la suite d'une chute de vélo, par ailleurs sans gravité, Aurore a perdu le goût et l'odorat. Pour cette élève de première commence alors une période particulièrement angoissante : comment savoir si on ne sent pas mauvais, comment savoir si on ne se met pas en danger (en ne sentant pas l'odeur du brûlé, par exemple) et surtout comment ne pas perdre goût à la vie et à tous les plaisirs gustatifs et sensoriels en étant privée de deux sens ?
La seule à être au courant au lycée est sa meilleure amie , Bintou, qui avec son franc-parler et son humour parfois cru , guide en quelque sorte Aurore dans ses relations aux autres, l'aidant à envoyer aux orties les préjugés sexistes qu'Aurore a parfaitement intégrés.camille emmanuelle,l'ardeur,éditions thierry magnier
Mais c'est Aurore elle-même qui parviendra à reconquérir son corps en se lançant dans une pratique sportive qui lui permettra d'évacuer et de maîtriser la rage qu'elle sent en elle. C'est aussi la rencontre d'une jeune homme , Valentin, un peu plus âgé et surtout plus mûr que les petits cons ( égoïstes et nuisibles ) du lycée qui lui permettra peut être de lui redonner Le goût du (de ?) Baiser.
Parfaitement ancré dans l'univers contemporain, ce premier roman de la collection l'Ardeur (dûment muni d'un avertissement : certaines scènes explicites peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes) n'a pourtant pas une visée masturbatoire mais bien plus didactique. En effet, via Bintou et Valentin, Aurore va peu à peu prendre conscience que ce qui est véhiculé par les films pornos ou la société ne respecte pas les désirs des femmes.
Camille Emmanuelle montre les rapports parfois ratés, l'irrespect de l'autre de l'autre (amplifié par les réseaux sociaux) mais aussi la tendresse et les relations équilibrées, sans pour autant sacrifier l’aspect narratif de son texte. Un petit bémol: la fin un peu trop cliché mais bon, on ne se plaindra pas car un texte qui propose autant de pistes aux jeunes filles d'aujourd'hui pour  contrer la société machiste ne peut que nous réjouir.


Camille Emmanuelle, Thierry Magnier 2019, 221 pages enthousiasmantes.

18/11/2019

#MonologuesDeL'Attente#NetGalleyFrance

"L'inconscient. Un lieu vivant qu’on découvre sur un divan."

Sept monologues intérieurs de différents personnages se déroulant dans un espace bien défini, la salle d'attente de psychanalystes, constituent ces Monologues de l'attente.
Dans ce lieu clos, où le temps semble distendu, les pensées se délient, vagabondent, préparent ou non la séance de ces analysants, férus de Freud et de Lacan. hélène bonnaud
Chacun d'entre eux possède son parcours et , en ce mois de février 2018 , le rêve de l'un d'entre eux, qui sert aussi de fil rouge au recueil, clôturera le recueil d'une manière  définitive.
C'est fin, intelligent et bien mené.

Jean-Claude Lattès 2019

06/11/2019

Quand sort la recluse...en poche

"D'aucuns disaient que l'on ne pouvait pas toujours savoir si le commissaire était en veille ou en sommeil, parfois même en marchant, et qu'il errait aux limites des ces deux mondes."

Nous avions laissé le commissaire Adamsberg dans les brumes islandaises. Forcé de renter à Paris par un crime qu'il résout en deux coups de cuillers à pot et quelques gravillons, Adamsberg découvre bientôt une série de décès d'hommes âgés à la suite d'une morsure d'araignée, la recluse. Or, les morsures de cette arachnide ne sont pas mortelles ,mais produisent d'ordinaire une nécrose des tissus humains. Alors que les forums s'enflamment sur internet, le commissaire faussement lunaire, subodore plutôt une série de crimes. Se mettant à dos son adjoint  le cultivé Danglard, Adamsberg poursuit néanmoins ses investigations, forcément en dehors de toute procédure légale.fred vargas
Quel plaisir de dévorer ce nouveau roman de Fred Vargas ! Jouant sur la polysémie du mot recluse, elle nous balade de Paris à Lourdes en passant par Nîmes et sa région, collectant au passage quelques boules à neige, deux cuillers et des araignées en pagaille ! On y croise aussi une brigade qui se mobilise pour nourrir une famille de merles, le chat qui ne ferait pas sept mètres pour réclamer sa nourriture, autant de présences animales chaleureuses et pleines de vie.
Il serait dommage d'en dévoiler plus sur l'intrigue qui ne semble jamais suivre de ligne droite mais parvient toujours à "retomber sur ses pattes" . Elle vaut surtout par l'écriture et l'attention qu'Adamsberg prête aux mots, les collectant soigneusement dans son carnet, avant de laisser agir ses "protopensées". On imagine très bien ce qu'un romancier "classique" aurait fait de cette histoire de vengeance par delà le temps, lui ôtant tout charme et toute poésie. Laissez-vous piéger par Fred Vargas  , c'est un pur bonheur !

24/10/2019

#LitalienneQuiNeVoulaitPasFêterNoël #NetGalleyFrance

"C'est mon côté aventurière. Je saute, et après on voit s'il y a de l'eau dans la piscine ou pas."

A la suite d'un défi intellectuel (et amoureux), où "il s'agissait de démontrer que les notions de famille et d'appartenance n'étaient pas forcément interdépendantes, qu'il il était tout à fait possible de se soustraire à certaines traditions sans que ce soit un drame, que ça pouvait se passer très bien. ", Francesca, jeune italienne venue terminer ses études en France doit annoncer à sa famille que certes, elle les rejoindra à Palerme ,mais qu'elle ne fêtera pas Noël avec eux. jérémie lefebvre
Écrit a posteriori, le récit multiplie à l'envi les avertissements "dans les histoires horribles", ce qui est un peu  agaçant quand on n'est pas sensible au comique de répétition mais a le mérite d'annoncer que forcément, cette situation va tourner à l'aigre dans une famille italienne qui se veut de gauche, mais surtout italienne.
Tous ceux qui comme l'héroïne sont plutôt partagés en ce qui concerne la gabegie des fêtes de fin d'année apprécieront ce texte qui fait la part belle à l'humour, avec une narratrice pas toujours fiable, mais opère soudain un virage à 180 degrés qui rend l'expérience plutôt saumâtre. Histoire de nous mettre en garde ?
 


21/10/2019

River

"Pourquoi cette River a-t-elle une bonne moyenne générale et range-t-elle son vélo au milieu du salon  quand elle est invitée chez les gens  ?Pourquoi la vie est-elle si compliquée par une enfant compliquée ?"

"...strange, zarbi, bizarre, glauque même...", voici quelques-uns des adjectifs qu’on accole spontanément à River, bientôt quinze ans, six thérapeutes, une mère dévouée qui s'efforce de toujours traduire positivement les comportements de sa fille les plus dérangeants, un père plutôt perplexe et une sœur parfaite en tous points. Sans oublier deux grands-mères qui prennent ponctuellement le relais.
Un solide maillage familial donc , mais qui ne pourra empêcher le harcèlement de cette jeune fille par une bande de garçons manipulateurs et brutaux qui profitent du fait que River ne maîtrise pas les codes sociaux.
Avec une extrême finesse, Claire Castillon se glisse dans la peau de River, n'apposant aucune étiquette  psychologique  à l'adolescente, libre à chacun de glisser ce qu'il veut derrière cette notion de "différence" et de ne pas réduire le personnage à un "cas" médical.claire castillon,différence,harcèlement scolaire
Le récit qui ménage un formidable retournement de situation  est aussi intelligemment mené, révélant par petites touches ce qui sera le calvaire de River avant que l'adolescente ne trouve en elle-même les moyens de se sortir de cette situation . Soulignons au passage que dont les membres de l'institution scolaire ne sortent pas vraiment grandis de ce roman, mais il est vrai que la loi du silence ne les aide en rien. Un roman qui broie le cœur.

Gallimard Scripto, 2019, 185 pages qui ouvrent les yeux des plus sceptiques.

 

Et zou sur l'étagère des indispensables.

18/10/2019

Désintégration...en poche

"C'est moi qui décide à présent. J'ai gagné le seul pouvoir qui m'a toujours importé, celui de refuser une chose lorsque les conditions de celle-ci ne me conviennent pas, et , surtout, la liberté de n'en exercer sur personne."

 Son seul objectif est d'écrire. Mais ni ses études, pourtant spécialisées, ni ses origines sociales modestes ne pourront l'aider à se frayer un passage dans un univers où elle n'a pas sa place. Ses colocataires bourgeois bohèmes parisiens, souvent fils ou filles de, le lui font bien comprendre, que ce soit par des réflexions ambiguës ou lorsqu'ils feignent de l'ignorer, lorsqu'elle n'a pas les bons codes, comportement d'autant plus violent que nié.
La liberté de la narratrice s’exprime aussi dans son rapport à son corps. Elle couche avec qui elle veut ,quand elle veut, et tant pis si cela bouscule les conventions d'un milieu hypocrite.
Avec acuité, Emmanuelle Richard dépeint la vie des travailleurs précaires à laquelle son héroïne est aussi confrontée, ces gens qui s'usent le corps et l'esprit pour un travail inintéressant et mal payé qui leur laisse juste la fin de semaine pour reconstituer leur force de travail. emmanuelle richard
En opposition,s'intercalent les entrevues avec celui qu'elle appelle l'homme-fleur, producteur qui la juge d'emblée vulgaire et qui la fascine sans pour autant lui donner l'envie de vaincre La désintégration à laquelle le présent la confronte, maintenant qu'elle a fait ses preuves en étant éditée.
Comme Annie Ernaux, la narratrice a "vengé sa race" mais ici elle est confrontée à la solitude des corps et au manque de tendresse.
Un roman qui peut choquer par sa virulence ,mais une description très juste d'un monde que bien souvent nous aussi feignons d'ignorer.

17/10/2019

#ProsperàLoeuvre #NetGalleyFrance

"Sa narine droite s'ornait d'un piercing (ce petit anneau ou bijou dont les adolescents s'hameçonnent l'épiderme comme des pêcheurs de rivière maladroits) et elle avait gratifié d'un autre son arcade sourcilière gauche tant et si bien qu'on aurait dit que, mal réveillée, elle avait crocheté n'importe où ses boucles d'oreilles."

Prosper Brouillon, écrivain à succès, est torturé au début du récit par une phrase qui le laisse insatisfait. Véritable torture physique pour celui qui n'aime rien tant le "triomphe sur le marché de masse" mais va se résoudre à donner une trame policière à son nouveau roman , car "cette forme de mépris du client ne lui ressemble pas."éric chevillard
Le ton ironique est donné et nous suivons le bienheureux Prosper Brouillon dans les affres de la création, ce qui nous vaudra,  de découvrir les ficelles du métier, faute de pouvoir suivre la master classe donnée par le maître (trop onéreuse à notre goût, hélas). Nous glanerons aussi au passage quelques citations extraites de son fameux ouvrage Écrire et tricoter, c'est pareil ,le suivrons lors de salons littéraires, ou d'un passage à la télévision. Bref, nous explorerons à sa suite l’univers des écrivains à succès dont se moque ici de manière caustique et hilarante, Eric Chevillard.
Placé sous l'égide de Katherine Pancol, David Foenkinos, Alexandre Jardin, Christine Angot, Eric-Emmanuel Schmitt et Yasmina Khadra, excusez du peu, Prosper Brouillon nous gratifie de phrases ampoulées, de comparaison hasardeuse "reprise trois fois par l'auteur, celui-ci estimant sans doute que le lecteur mithridatisé en apprécierait moins douloureusement la saveur la troisième fois", de truismes claironnés avec panache et j'en oublie.
Un festival de phrases hilarantes qui n'en oublie pas pour autant de pointer du doigt le principal objectif du bien nommé Prosper: "Il ne pense qu'à son lecteur, il pense à lui obsessionnellement, avec passion, à chaque nouveau livre inventer la torture nouvelle qui obligera ce rat cupide à cracher ses vingt euros."
Décapant et jouissif.
Les illustrations sobres de Jean-François Martin ajoutent au plaisir de la lecture.

Éditions Notabilia 2019.

Du même auteur, pouvant être lu indépendamment : Défense de Prosper Brouillonclic.