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09/01/2020

Le guetteur ...en poche

"Ma mère était ce que je savais pas d'elle et que je chercherais indéfiniment toute ma vie."

Christophe Boltanski se penche une nouvelle fois sur un membre de sa famille si particulière, à savoir sa mère. Quels points communs y -a-t-il entre cette femme âgée, quasi recluse et paranoïaque dont, après sa mort l'auteur découvrira qu'elle avait commencé plusieurs romans noirs et la jeune femme sans doute impliquée dans un réseau de porteurs de valises lors de la guerre d'Algérie ?christophe boltanski
L'auteur ne force pas le trait, ni les faits , et juxtaposent les récits mi-rêvés mi- réels dans une (en) quête  qui brosse un portrait à facettes d'une mère à jamais hors de portée. Un roman fort et troublant.

08/01/2020

#LeConsentement#NetGalleyFrance

"J'aurai quatorze ans pour la vie. C'est écrit."

Parce que je me souvenais très bien d'une prestation de celui que Vanessa Springora appelle G. dans l'émission de Bernard Pivot, et surtout de l'impression de malaise qu’avait suscité chez moi cet homme à la fois cynique et arrogant, j'ai décidé de lire ce roman.
Il aura fallu trois décennies à l'auteure pour qu'elle s'autorise à relater et à analyser au plus près ce qu'adolescente elle avait vécu, ce qu'elle croyait être une histoire d'amour avec un écrivain de cinquante ans ,alors très en vue dans le milieu littéraire. Trente ans pour analyser ce phénomène d’emprise parfaitement rôdé pour celui qu'elle identifie maintenant comme étant un ogre. 71YzKee8HnL._AC_UY218_ML3_.jpg
On reste sidéré par le laisser-faire des adultes entourant la très jeune fille, par le cynisme de celui qui n'hésite pas à s'emparer tout à la fois de son très jeune corps, sans jamais pour autant la forcer physiquement, et d'une certaine façon de son âme en la réduisant à un personnage d'une histoire qu'il réécrit à sa façon, se donnant bien sûr le beau rôle. Mais la réalité est bien plus sordide car celui qui prétendait être un amant hors pair pratique en fait une sexualité pauvre et mécanique.
Psychiquement abîmée, la jeune fille mettra longtemps à retrouver un équilibre affectif. L'écriture de ce texte est en tout cas une magnifique réappropriation de ce que lui avait sournoisement dérobé G.vanessa springora

Grasset 2020.

 

07/01/2020

La mère morte

"J'ai maintenant compris que mon chagrin était une maladie chronique, avec laquelle je dois apprendre à vivre.Il y a des périodes de rémission et des rechutes."

 En 2016, "J'ai perdu le 1er avril ma fille unique et le 20 juin, m mère unique. maman est un mot qui a disparu de ma vie. je ne le dirai plus et ne l'entendrai plus." Ainsi s'exprime l'une des filles de Benoîte Groult, qui s'autorise à prendre la plume avec franchise, sans dolorisme ni pathos.
Au fil des pages, elle relate la maladie d’Alzheimer dont souffrait sa mère, la dégradation tant mentale que physique auxquelles il a fallu se résigner et le déni dont faisait preuve la principale intéressée. ça pourrait être sordide, mais dans la famille Groult les journaux intimes avaient vocation à être lus dans la sphère familiale et le corps n'avait jamais été un sujet tabou entre Benoîte et ses filles.blandine de caunes
Si la mort de la mère était prévisible, bien plus inattendue, injuste et ravageuse a été celle de la fille de Blandine qui laisse un veuf , une petite orpheline de 9 ans et une mère dont le désarroi est total. A quelques semaines de distance, il faudra néanmoins organiser le départ de Benoîte qui avait milité pour le droit de mourir dans la dignité, ce qui lui sera accordé.
Ce qui frappe dans l'écriture de Blandine de Caunes, c'est qu'elle ne se pose jamais en modèle et quoi qu'il en coûte assume une forme d’égoïsme nécessaire qui lui avait été enseigné par sa mère. Un récit profondément émouvant, qui m'a parfois mis les larmes aux yeux,  mais qui demeure lumineux et parfois éclairé par la malice de son auguste mère. Une écriture fluide et sensible qui fait que l'on dévore ce livre d'une seule traite.

 

Stock 2020, 294 pages qui filent sur l’étagère des indispensables.

04/01/2020

Tous les hommes désirent naturellement savoir...en poche

Scandé par des titres de chapitre qui reviennent tout au long du texte (Devenir, Se souvenir, Savoir et enfin Être), le roman de Nina Bouraoui  alterne les souvenirs de l'enfance lumineuse en Algérie et ceux de son adolescence en France.  En quête de son identité  (est-elle algérienne ou française ?), la très jeune femme délaisse l'université pour fréquenter les boîtes de nuit lesbiennes, en particulier le Kat, mais n'assume pas encore son homosexualité.niba bouraoui
Elle brosse aussi, par petites touches, le portrait d'une femme, sa mère, qui , par amour, prendra le chemin inverse de bien des français d'alors: en 1962, elle décide d'habiter avec son mari algérien dans ce pays qui vient de recouvrer la liberté.  Un femme qui refusera de poser des mots sur la violence masculine qu’elle subira des années plus tard.
La violence, il en est aussi question dans les relations qui s'établissent dans le Kat , relations qui fascinent mais semblent aussi effrayer la jeune Nina.
Se voulant le portrait de l'enfance d'une jeune femme homosexuelle, le roman se révèle  un peu trop léger à mon goût, n'approfondissant pas assez la réflexion et nous laissant sur notre faim

02/01/2020

Le sel de tes yeux

"Dans ta famille, il n'est pas tant question de s'ajuster les uns aux autres que de décréter une normalité. Comment lutter contre ceux qui ont le droit de t'enfermer, de te contraindre et de te gifler s'ils estiment que c'est pour ton bien, et s'ils estiment que le bien pour une fille consiste à aimer les garçons ? "

Alors qu'elle explore le bassin minier du Nord de la France, région dont elle est originaire, l'écrivaine photographie une jeune fille qui court. Une silhouette.
Elle lui invente un prénom , Sarah, une famille et une orientation sexuelle qui déroute cette dernière : Sarah aime les filles.
Dans ce court roman (174 pages), Fanny Chiarello s'adresse à cette adolescente qu'elle a vraiment croisée, sans pouvoir lui parler et même si elle ne la connaît pas déclare: "mais, parce que je t'écris, tu es une force pour moi- note l' ambiguïté de cette phrase, ou le t' peut aussi bien être un C.O.D. qu'un C.O.I."
Brouillant les pistes, qu'est ce qui est inventé, qu'est ce qui est réel ?, Fanny Chiarello nous livre ici un récit sensible et juste sur une jeune fille qui se confronte à une société hétéronormée ,dont on n'a même plus conscience, sauf évidemment quand on sort de la norme. Elle brosse des parents un portrait nuancé, ils aiment leur fille mais ne peuvent concevoir qu'elle déroge à ce qui est pour eux la normalité et acceptent sans sourciller que leur autre fille sorte avec un étudiant plus âgé.fanny chiarello
N'allez pourtant pas croire que tout est plombé dans ce roman qui, s'il serre parfois le cœur,  ménage  auss des moments lumineux et peint avec véracité le quotidien d'une jeune femme d’aujourd’hui. Un roman plein d'espoir.
Un coup de cœur.

Le sel de tes yeux, Fanny Chiarello Éditions de l’Olivier 2020

De la même autrice: clic.

22/12/2019

Champion...en poche

"J'ai appris cette année qu'on pouvait vivre sans mère, sans second degré, sans manger, sans cours, sans Étienne, sans information, sans innocence, sans faute, sans aimer Hélène, sans mémoire, et parfois sans réaction. Imaginons que ça vaille aussi pour le CO2, je serais l’auteur de la découverte du siècle. Un, deux, trois."

Fabien, quinze ans, doit raconter par écrit les événements qui l'ont conduit dans ce centre de repos. tel est le marché passé avec la thérapeute qui s'occupe de cet adolescent à fleur de peau, mal embouché, qui porte sur les autres et surtout sur lui-même un regard acéré.maria pourchet
Très vite, façon Petit Poucet, Fabien laisse à notre disposition des indices pour nous permettre de recomposer ce qu'il nous présente comme son passé, marqué par l'impossibilité d'un deuil et la culpabilité. Masi ce narrateur est-il vraiment fiable vis à vis de ses lecteurs, voire de lui-même ?
Un roman d'une extrême sensibilité, bourré d'un humour vachard, riche en formules percutantes qui vous déchirera le cœur.

De la même autrice : clic , clic

reclic

rereclic.

21/12/2019

Seules les bêtes ...en poche

"Les gens veulent toujours un début. Ils s'imaginent que si une histoire commence quelque part, c'est qu'elle a aussi une fin. Que l'orage a cessé, qu'ils peuvent revenir à leur routine, épargnés qu'ils ont été. ça se tient, je dis pas. Et puis ça rassure un peu."

 Au cœur du Causse, une femme a disparu. Élément déclencheur ou résultante d'une séries d'histoires de solitudes âpres organisées autour de secrets que va découvrir progressivement le lecteur ?
Chacun leur tour, de l'assistante sociale aux paysans du coin, sans oublier un Ivoirien derrière son ordinateur, les personnages vont éclairer à leur façon cette disparition à laquelle ils sont liés de manière plus ou moins contingente.colin niel
Colin Niel, qu'il dépeigne la vie paysanne ou la vie des jeunes ivoiriens (en utilisant de manière très vivante leur langage) nous emporte avec lui au cœur des émotions.
Un roman très réussi , tant par sa structure très maîtrisée que par ses personnages plus vrais que nature.

17/12/2019

La vie en rose

"La scène a la beauté virile d'un clip de Michel Sardou, la profondeur de champ d'un film de Luc besson et la sauvage détermination d'un texte de Didier Barbelivien."

Ses parents partis en Polynésie, Rose se trouve en charge de ses frères et sœurs, cette famille qu'elle qualifie elle même de "dysfontionnante" . Famille qui va bientôt s'agrandir car la jeune femme se découvre bientôt enceinte des œuvres du lieutenant Personne avec qui elle s'est installée. marin ledun
Cette férue de Cervantès, Caldwell et la Boétie, arborant des tee-shirts Metallica va aussi se trouver au cœur d'un maelstrom d’émotions et d'aventures en tous genres dans lesquelles sont impliqués les membres sa drôle de famille, sans compter un tueur en série qui sévit dans le lycée de la ville.
Multipliant les intrigues en apparence accessoires, Marin Ledun réussit le pari de tout tirer en clair et d'harmoniser cet apparent chaos farfelu et plein d'humour. Les vacheries fusent : " - Mon dieu que vous êtes grosse, ma pauvre fille!
Je l'adore déjà."
Les références littéraires se ramassent à la pelle (et les Listes à Lire augmentent à vue d’œil), et même si l'identité de l'assassin n'est pas difficile à trouver, l’essentiel est de passer un excellent moment de détente avec ce polar enlevé et plein d'humour. Mission accomplie et on en redemande !

Ce roman est la suite de Salut à toi ô mon frère (clic) et il vaut mieux les lire à la suite, oui.

 

01/12/2019

Le goût du baiser

"Physiquement, j'ai besoin de taper contre quelque chose ou contre quelqu'un . J'ai besoin de sentir mon corps. Mon corps devenu en partie insensible, anesthésié.Mon corps confisqué, et moqué par Antoine."

A la suite d'une chute de vélo, par ailleurs sans gravité, Aurore a perdu le goût et l'odorat. Pour cette élève de première commence alors une période particulièrement angoissante : comment savoir si on ne sent pas mauvais, comment savoir si on ne se met pas en danger (en ne sentant pas l'odeur du brûlé, par exemple) et surtout comment ne pas perdre goût à la vie et à tous les plaisirs gustatifs et sensoriels en étant privée de deux sens ?
La seule à être au courant au lycée est sa meilleure amie , Bintou, qui avec son franc-parler et son humour parfois cru , guide en quelque sorte Aurore dans ses relations aux autres, l'aidant à envoyer aux orties les préjugés sexistes qu'Aurore a parfaitement intégrés.camille emmanuelle,l'ardeur,éditions thierry magnier
Mais c'est Aurore elle-même qui parviendra à reconquérir son corps en se lançant dans une pratique sportive qui lui permettra d'évacuer et de maîtriser la rage qu'elle sent en elle. C'est aussi la rencontre d'une jeune homme , Valentin, un peu plus âgé et surtout plus mûr que les petits cons ( égoïstes et nuisibles ) du lycée qui lui permettra peut être de lui redonner Le goût du (de ?) Baiser.
Parfaitement ancré dans l'univers contemporain, ce premier roman de la collection l'Ardeur (dûment muni d'un avertissement : certaines scènes explicites peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes) n'a pourtant pas une visée masturbatoire mais bien plus didactique. En effet, via Bintou et Valentin, Aurore va peu à peu prendre conscience que ce qui est véhiculé par les films pornos ou la société ne respecte pas les désirs des femmes.
Camille Emmanuelle montre les rapports parfois ratés, l'irrespect de l'autre de l'autre (amplifié par les réseaux sociaux) mais aussi la tendresse et les relations équilibrées, sans pour autant sacrifier l’aspect narratif de son texte. Un petit bémol: la fin un peu trop cliché mais bon, on ne se plaindra pas car un texte qui propose autant de pistes aux jeunes filles d'aujourd'hui pour  contrer la société machiste ne peut que nous réjouir.


Camille Emmanuelle, Thierry Magnier 2019, 221 pages enthousiasmantes.

18/11/2019

#MonologuesDeL'Attente#NetGalleyFrance

"L'inconscient. Un lieu vivant qu’on découvre sur un divan."

Sept monologues intérieurs de différents personnages se déroulant dans un espace bien défini, la salle d'attente de psychanalystes, constituent ces Monologues de l'attente.
Dans ce lieu clos, où le temps semble distendu, les pensées se délient, vagabondent, préparent ou non la séance de ces analysants, férus de Freud et de Lacan. hélène bonnaud
Chacun d'entre eux possède son parcours et , en ce mois de février 2018 , le rêve de l'un d'entre eux, qui sert aussi de fil rouge au recueil, clôturera le recueil d'une manière  définitive.
C'est fin, intelligent et bien mené.

Jean-Claude Lattès 2019