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29/04/2019

Le chien de Madame Halberstadt

"Tu me laisses passer où je t'éclate la gueule, ai-je articulé, d'une voix parfaitement désincarnée. Je te jure, j'hésiterai pas à te bouffer l'oreille."
 Je ne sais pas d'où ça m’est venu. Des réminiscences de Myke Tyson, de Scarface, du Silence des agneaux. En tout cas, je le recommande dans des circonstances similaires."

Stéphane Carlier nous avait déjà régalé avec son personnage de cochon dans Les gens sont les gens (clic).
Cette fois, c'est à un chien, et plus précisément à un carlin nommé Croquette, que s'attache son personnage d'écrivain à la dérive, persuadé que ce dernier lui porte chance.stéphane carlier
En effet, depuis qu'il rend service à sa voisine hospitalisé en gardant ce petit dogue, les ventes de son dernier roman s'envolent et son ex-petite amie s'est disputée avec son nouvel amoureux. Comment le sait-il ? Sans doute parce qu'il les observe depuis sa voiture...
Pathétique, certes, mais on s'attache à ce loser, à lui et à toute la petite bande de personnages secondaires gravitant autour de lui, tant la plume de Stéphane Carlier st vive et pleine d'humour (j'ai même ri aux éclats à plusieurs reprises).
Petit bémol: le sort réservé aux chiens dans cet opus n'est pas toujours folichon...


 Le Tripode 2019, 174 pages où l'on croise aussi Fanny Ardant...

09/04/2019

#Lalbatros #NetGalleyFrance

"J'ai une conscience différente du corps. C'est un objet mystérieux et compliqué pour moi. Les corps qui font l'amour juste pour le plaisir, ceux qui dansent pour chasser, le temps d'une chanson, tout le poids de l'existence. Le corps qui n'est qu'objet de jouissance, qui ne se surveille pas. Celui que longtemps on ne ressent pas ,jusqu'à la stupeur des grandes vieillesses quand, peu à peu, il nous trahit. Alors seulement, les yeux s'agrandissent et les voix geignent."

Ils se sont aimés. Ils se sont donné rendez-vous lors d'un concert de Patti Smith. Elle sera dans la fosse, lui, bien sûr, fauteuil roulant oblige, placé bien plus haut.nicolas houguet
Commence alors , entremêlé aux sensations que procure au narrateur la performance de l'artiste, un récit mêlant passé et présent. L'occasion de revisiter, de manière à la fois pudique et intense ,une existence marquée par un corps parfois incontrôlable, souvent rétif.
C'est ce rapport au corps et ce récit éclaté, plein d'une belle vigueur, cette voix vibrante que j'ai appréciés dans ce texte d'un auteur que je découvrais. A lire, même si on n'est pas spécialement fan de Patti Smith.

Stock 2019

 

04/04/2019

Fugitive parce que reine...en poche

"Non, ni lui ni aucun homme ne lui était arrivé à la cheville. Et s je savais que cette déclaration émanait du regard idolâtre de la petite fille que j'avais été, et si j'étais capable , avec le recul de la maturité, de brosser son portrait de manière plus nuancée-je voyais nettement sa fêlure comme sa force-, néanmoins, maman restait à mes yeux plus héroïque que quiconque.maman était mon héroïne, un point c'est tout."

Tout ou presque a été dit sur ce premier roman autobiographique de Violaine Huisman, couronné par le prix du roman Marie-Claire.violaine huisman
Poignante déclaration d'amour inconditionnel d'une fille à sa mère excessive et déséquilibrée psychiquement , mais qui a toujours su préserver ses enfants, même en usant de moyens parfois radicaux pour lutter contre ses troubles mentaux.
Une femme éprise de liberté dont Violaine brosse un portrait vibrant. Si j'ai moins été convaincue par la deuxième partie du livre qui relate de manière linéaire la vie de cette mère, j'ai néanmoins été enthousiasmée par  'écriture et la tonalité de ce roman.

01/04/2019

Vies de chien

"C'est souvent le point de rupture d'ailleurs : quand on se sent mal et que, soudain, se dévoile à nos yeux une secousse positive, on s'effondre."

En exergue de ce feel good book, une citation d'Alphonse de Lamartine, programmatique : "On n'a pas deux cœurs, un pour les animaux et un pour les humains. On a un cœur ou on n'en  pas."
Et, en effet, c'est ce que va montrer ce roman, pétri de bons sentiments, en suivant deux parcours qui vont bientôt se croiser: celui de Tom, bouledogue français, confié à la SPA et celui de Maël jeune garçon de quatorze ans confié à une famille d'accueil chaleureuse, les Lion, qui ont eux- mêmes un fils du même âge : Pierre.laura trompette,bouledogue français
Le fait que Tom soit un des narrateurs du roman (les autres chapitres, consacrés aux différents personnages sont pris en charge par un narrateur omniscient) confère au texte un aspect à la fois naïf et espiègle, où l'on voit que le petit chien a plus d'un tour dans son sac pour se faire aimer, mais aussi pour prendre en charge, entant qu'"éponge émotionnelle" les états d'âme de ses deux jeunes maîtres.
Pas facile en effet pour les deux adolescents, très différents, de cohabiter et de faire face aux multiples aléas de la vie.
Prônant l'optimisme et la solidarité, ce roman, à l'écriture simple, où de jolies inventions côtoient parfois des tournures qui m'ont paru plus problématiques (dommage), offre aussi une présentation pleine d'humanité de l'univers de la SPA (organisme dont il est mentionné que nous le soutenons par l'achat de ce livre).
L'univers adolescent est dépeint de manière très crédible et , à l'instar de certains films, les dernières pages du livre nous proposent un "ce qu'ils sont devenus" qui nous tient au courant du destin des personnages secondaires, humains ou non. Un roman qui donne le sourire.

Laura Trompette, Éditions Pygmalion 2019, 430 pages où se faufile même une vieille chienne Beagle, en rôle secondaire.

29/03/2019

Figurec...en poche

"Personne va dans un endroit vide, mon gars. Entrer dans un commerce vide, c'est comme se jeter du haut d'une falaise. On a besoin de sentir la connerie humain à proximité, c'est une chaleur qui rassure..."

Le narrateur, dramaturge velléitaire, trentenaire vivant plus ou moins aux crochets de ses parents, parasite assumé d'amis chez qui il est invité régulièrement, fréquente aussi  avec assiduité les enterrements.
Et, apparemment, il n'est pas le seul. Un homme l'aborde un jour et lui révèle l'existence d'une société, Figurec, dont les employés sont nombreux mais doivent garder l'anonymat sans quoi il leur en cuira. fabrice caro
Commence alors un récit à la fois loufoque et tragique pointant du doigts les dysfonctionnements d'une société où règnent les apparences mais aussi la plus profonde solitude.
Le récit connaît de nombreux rebondissements, dont un final jetant une tonalité plus dramatique à l'ensemble.
Premier roman de Fabrice Caro, on trouve ici en germe certains de ses thèmes qui seront repris plus tard et plus efficacement (car de manière plus resserrée) dans Le Discours. (clic)

 

25/03/2019

Les mafieuses

"Elle en avait marre que les hommes s’accaparent le pouvoir alors qu'ils étaient moins compétents qu'elle. Puisqu'on ne la laissait pas monter en grade, elle allait faire le ménage."

Leone Acampora , vieux mafioso grenoblois, est sur le point de mourir. Ce que sa famille ignore encore c'est qu'il a lancé un contrat sur la tête de sa femme infidèle, car on ne rigole pas avec l'honneur dans la mafia.
Ses deux filles , Dina et Alessia ,vont tout faire pour sauver leur mère et , par la même occasion, Alessia entend bien prendre la tête de la mafia locale car il est grand temps que les hommes et leurs valeurs rétrogrades cèdent le pouvoir aux femmes qui l'exercent en sous-main depuis des années.CVT_Les-mafieuses_6573.jpg
C'est bien la première fois que je me lance dans un roman ayant pour thème la mafia (même pas vu ou lu "Le Parrain", c'est dire...) mais j'ai pris beaucoup de plaisir à la lecture de ce roman qui fait la part belle aux femmes, et égratigne au passage les organisations humanitaires : "Au fond les organisations humanitaires et la mafia constituaient deux réponses opposées à un même problème: ces organisations se développaient quand c'était le chaos et que L’État ne faisait pas son boulot. La mafia offrait un statut et des ressources à ceux qui ne trouvaient pas de place dans l'économie légale. Quant aux ONG, elles aidaient à peu près les mêmes à survivre sans jamais inquiéter les gouvernements véreux ni s'attaquer aux véritables injustices. Pire, elles rattrapaient les dégâts et permettaient au système de perdurer."
Les personnages sont bien croqués, l'écriture est pleine d'humour et les 151 pages se tournent toutes seules ou presque.

Editions Liana Lévi 2019

15/03/2019

Juste quelqu'un de bien...enpoche

"J'ai enchaîné les mecs sans réfléchir, j'ai gagné pas mal d'argent sans avoir l'impression de me fatiguer...Et puis soudain, la machine s'est grippée."

Bérénice, trente-quatre ans, a mis fin à une liaison sans saveur, mais ne tombe pas amoureuse pour autant. Elle  ne parvient plus à écrire une ligne de romance historique, ce qui est pourtant sa raison d'être , bref rien ne va plus.
Aidée par une mère et une grand-mère hautes en couleurs, ainsi que par une amie très chère, elle va enfin poser les questions nécessaire concernant son père et se décider à apprivoiser Aurélien, un homme dont elle est tombée amoureuse ado mais qui s'obstine à ne pas la reconnaître...510n6tdA4NL._AC_US218_.jpg
 S'inspirant d'une nouvelle de Stefan Zweig, "Lettre d'une inconnue", Angéla Morelli tire parti à merveille de l'idée de cet homme qui ne reconnaît pas celle qui l'aime. Ses personnages principaux ou secondaires sont croqués à ravi ,plein de petits détails les rendant immédiatement vivants et attachants. On est loin de l'hystérie qui règne parfois dans les romances survoltées qui croient ainsi se donner du rythme.Ici les personnages sont plus posés, parfois empreints de gravité, sans pour autant plomber le roman car l'humour est toujours présent.
On se glisse avec plaisir dans ce cocon douillet de l'impasse pavée et fleurie où vivent des artistes, on pousse le sourire aux lèvre la porte du Va comme j'te pousse, bar qu'on rêverait de fréquenter, bref on passe un délicieux moment, plein d'émotions et de fantaisie.
Ce nouveau roman d’Angéla Morelli est une petite merveille !

06/03/2019

#LesGratitudes #NetGalleyFrance

"Je chéris le tremblement de leurs voix. Cette fragilité. Cette douceur. Je chéris leurs mots travestis, approximatifs, égarés , et leurs silences."

Même s'il y a bien eu des signes avant coureurs, c'est venu d'un coup:  Michka la vieille dame chérie par Marie, ne peut plus rester seule. Les mots lui échappent de plus en plus et elle est tombée dans son salon.
Placée en Ehpad , la vieille dame reçoit régulièrement la visite de Marie,ainsi que celle d'un orthophoniste, Jérôme.delphine de vigan
Leurs points de vue , ainsi que celui, biaisé de Michka, qui raconte de manière cauchemardesque des événements dont on ne sait s'ils sont réels ou rêvés, alternent pour brosser de manière sensible et tendre le portrait de cette femme qui s'éloigne de plus en plus de celle qu'elle a été.
Tourmentée par une gratitude qu'elle n'a pu exprimer, Michka sera aidée par ses deux amis pour mener à bien cette mission.
On ne peut qu'être séduit par la délicatesse dont fait preuve à son habitude Delphine de Vigan.
Seul bémol : la volonté de vouloir à tout prix terminer sur une note trop optimiste, ce qui gâche un peu le plaisir du lecteur.

delphine de vigan

 

 

25/02/2019

S'inventer une île

"Le fossoyeur avait raison, on avait besoin de repères, mais chacun devait trouver les siens."

alain gillot

Quand il apprend le décès accidentel de son fils , Tom, 7 ans, Dani est sur un chantier, en Chine. S'il rentre précipitamment pour affronter  avec son épouse toutes les formalités du deuil, le père trop souvent absent refuse d'accepter la situation .
Alors que son épouse choisit de faire table rase du passé et de s'inventer une nouvelle vie, Dani voit apparaître son fils, non sous une forme évanescente , mais bien en chair et en os, discute avec lui . Finalement tous deux partent  S'inventer une île et vivre d'une certaine façon tout ce qu'ils avaient raté, en raison de l'éloignement du père, tant géographique que mental.
On pourrait se sentir pris en otage par ce roman, d'autant qu'il est basé sur des faits réels, mais Alain Gillot évite tous les écueils du genre lacrymal et propose via des personnages secondaires ou non, différentes manières de vivre au quotidien avec les morts, voire de s’engueuler avec eux. Chacun fait comme il peut pour affronter l’insupportable , semble-t-il suggérer. Ces 208 pages disent l’essentiel, de manière délicate.

Éditions Flammarion 2019.

18/02/2019

Les désaccordés

"Quoi qu'il en soit, il serait faux de dire que je me suis évanoui. J'ai simplement décidé de me rafraîchir la joue contre le sol en plastique et, ce faisant, j'ai entendu un petit ci d'animal venant au monde. Plus tard, j'ai été très déçu d'apprendre qu'il était sorti de ma propre bouche."

Ray Morris et sa femme (très enceinte) Garthene sont des londoniens tout à fait ordinaires. Il est journaliste free-lance, elle est infirmière et ils cherchent, vainement ,à acheter une maison correspondant sinon à leurs goûts, du moins à leurs moyens.joe dunthorne
Rien que de très banal donc,jusqu'à ce que toute une série de petits désaccordements dans sa vie sociale, puis familiale, n'entraîne Ray à voir sa vie s'effondrer sur fond d'émeutes londoniennes.
Sur le schéma classique de la boule de neige d'ennuis qui grossit exponentiellement , Joe Dunthorne réussit à maîtriser toujours le rythme de son récit, la véracité des situations, en observant avec finesse son héros dans ses relations avec les autres.
Ray a souvent des réactions inappropriées mais son sens de l'humour fait mouche et il m'est souvent arrivé de rire ou de sourire en dévorant ces 229 pages dans lesquelles cet homme de trente-trois ans se débat pour devenir un peu plus adulte (il serait grand temps).

Gallimard 2019, traduit de l’anglais par Simon Baril.

Un autre roman de Joe Dunthorne, non traduit en français, a été adapté au cinéma , "Submarine" et comme j'avais aimé le film ...