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22/08/2018

#LeGuetteur #NetGalleyFrance

"Ma mère était ce que je savais pas d'elle et que je chercherais indéfiniment toute ma vie."

Christophe Boltanski se penche une nouvelle fois sur un membre de sa famille si particulière, à savoir sa mère. Quels points communs y -a-t-il entre cette femme âgée, quasi recluse et paranoïaque dont, après sa mort l'auteur découvrira qu'elle avait commencé plusieurs romans noirs et la jeune femme sans doute impliquée dans un réseau de porteurs de valises lors de la guerre d'Algérie ?christophe boltanski
L'auteur ne force pas le trait, ni les faits , et juxtaposent les récits mi-rêvés mi- réels dans une (en) quête  qui brosse un portrait à facettes d'une mère à jamais hors de portée. Un roman fort et troublant.

Stock 2018.

 

 

17/08/2018

Je voudrais que la nuit me prenne

"Et je suis là encore. je suis quoi, je suis qui ? Une ébullition du passé. Sa grande fille qu'il ressasse et convoque, qu'il a devinée et s'injecte en une perfusion poétique."


Un couple de jeunes gens extrêmement amoureux, leur petite fille de bientôt huit ans, une famille donc, vit dans une sorte de bulle de bonheur et de fantaisie, bulle où la poésie, les chansons, les mots en général participent de la fête. La sensualité est elle aussi très présente, que ce soit dans l'exploration des corps ou le rapport à la nature, ce dont rend très bien compte l'écriture très charnelle d'Isabelle Desesquelles.isabelle desesquelles
Ce n'est qu'à la page 81 qu'est clairement énoncé ce qui fonde le thème de ce roman et qui se laissait deviner auparavant par de légers indices disséminés dans le texte. Il ne s'agit évidemment pas ici d'un roman à suspense , mais je me garderais bien pour autant d'en révéler trop. Disons juste que la tonalité change , que la nuit s'invite et que le souvenir trop ressassé se révèle plus nocif que bénéfique.
Un roman qui déchire le cœur (je n'ai pas pu le lire d'une seule traite pour laisser place à l’émotion) mais qui dégage néanmoins une formidable lumière. Un grand coup de cœur.

 

Je voudrais que la nuit me prenne, Isabelle Desesquelles, Belfond 2018, 204 pages poignantes.

16/08/2018

Tenir jusqu'à l'aube

"Elle ne pouvait se permettre aucune erreur, aucun écart. L'enfant et elle devaient filer doux, afficher zéro défaut, ne laisser aucune prise à la société. A tout instant, ils risquaient d'être étiquetés "famille à problèmes". Ils étaient hors-normes, ils étaient fragiles, ils étaient suspects."

Dans l'espoir de maintenir un lien ténu avec le père de son enfant de deux ans, la narratrice, graphiste free-lance, continue à vivre dans une ville où elle n'a ni amis, ni famille qui pourraient la sortir de ce huis-clos parfois étouffant avec son fils.
Les difficultés matérielles s'accumulent et la jeune femme commence à fuguer hors de l'appartement pour échapper à "cette créature qu'elle avait créée de toutes pièces: la bonne mère ".
Ces fugues "comme une respiration" un entêtement" créent une tension dans le roman car elles deviennent de plus en plus une nécessité et la narratrice ne peut s'en empêcher, même si elle a bien conscience de "Tirer sur la corde", titre de la deuxième partie du roman.
Cette tension est d'autant plus grande qu'elle est mise en parallèle avec le récit dont le petit ne se lasse pas: "La chèvre de Monsieur Seguin", cette chèvre ,qui, par amour de la liberté est prête à affronter le pire. Scandant le roman, les extraits de la nouvelle d'Alphonse Daudet seront aussi l'occasion d'un clin d’œil final à la fois jubilatoire et  violent.carole fives
Car oui, de la violence il y en a dans ce roman. Celle des internautes intervenant sur les forums de mamans solos, sortes de harpies vengeresses prêtes à lapider toutes celles qui osent se plaindre de leur fatigue,de leurs galères, de leur solitude... Celle des institutions (crèches, personnel de santé...), des propriétaires de logements, celle d'une société où les violences physiques faites aux femmes sont banalisées et niées, ne serait-ce que par les mots...
Mais Carole Fives sait aussi se faire intimiste en décrivant le quotidien de ce couple fusionnel mère-enfant, en soulignant la nécessité de "Réintégrer son corps." ,"Un corps sans enfant qui s'y cramponne. Un corps sans poussette qui le prolonge". Là, l'écriture colle au plus près des sensations et fait partager au lecteur ce sentiment de grande respiration nécessaire.
Un roman dévoré d'une traite puis relu dans la foulée, plus lentement cette fois pour mieux le savourer. Et zou sur l’étagère des indispensables !

 

 Tenir jusqu'à l'aube, Carole Fives, Gallimard 2018.177 pages intenses.

Merci à l'éditeur et à Babelio.

Hélène a elle aussi beaucoup aimé : clic., Delphine également : clic

Un coup de cœur pour Joëlle :clic

carole fives

10/08/2018

Fugitive parce que reine

"Non, ni lui ni aucun homme ne lui était arrivé à la cheville. Et s je savais que cette déclaration émanait du regard idolâtre de la petite fille que j'avais été, et si j'étais capable , avec le recul de la maturité, de brosser son portrait de manière plus nuancée-je voyais nettement sa fêlure comme sa force-, néanmoins, maman restait à mes yeux plus héroïque que quiconque.maman était mon héroïne, un point c'est tout."

Tout ou presque a été dit sur ce premier roman autobiographique de Violaine Huisman, couronné par le prix du roman Marie-Claire.violaine huisman
Poignante déclaration d'amour inconditionnel d'une fille à sa mère excessive et déséquilibrée psychiquement , mais qui a toujours su préserver ses enfants, même en usant de moyens parfois radicaux pour lutter contre ses troubles mentaux.
Une femme éprise de liberté dont Violaine brosse un portrait vibrant. Si j'ai moins été convaincue par la deuxième partie du livre qui relate de manière linéaire la vie de cette mère, j'ai néanmoins été enthousiasmée par  'écriture et la tonalité de ce roman.

 

01/08/2018

Les maux bleus

" Je lui dis adieu. Désolée, je ne serai jamais toi. Désolée, papa, maman Désolée. J'aurais bien aimé, pourtant, ça doit être si confortable d'être approuvée.
  Cette fille idéale, aujourd’hui, je la pleure comme on pleurerait une morte."

Bien qu'elle le sache depuis trois ans, Armelle, seize ans, n'a pas encore annoncé son homosexualité à ses parents, un couple de restaurateurs plutôt traditionnels qui rêvent pour elle d'une avenir tout tracé.
L'ostracisation dont elle est soudain victime au lycée et sa participation, bien contre son gré , à la manif pour tous vont précipiter les événements et entraîner son éviction brutale du domicile parental.
La voici donc à la rue, rejetée par tous,ou presque.christine féret-fleury,gay friendly
Partant d'un phénomène, hélas courant, comme il est rappelé en postface, Christine Féret-Fleury réussit le pari délicat d'évoquer l'homophobie dont sont victimes les jeunes au sein de leur famille, tout en brossant le portrait tout en émotions d'une adolescente intelligente et sensible.
Les personnages sont criants de vérité et l'auteure,sans édulcorer les faits, nous propose des situations qui ne tombent ni dans l'angélisme ni dans un pathos à tout crin. Armelle argumente mais , via son journal intime, nous confie aussi ses espoirs et ses douleurs.
Un constat raisonnablement optimiste et pragmatique qu'accompagne une liste de lignes d'urgence  ainsi que les coordonnées d'associations nationales et régionales à contacter au cas où.
Un grand coup de cœur que, comme Stephie, je vais utiliser en cours.

Les maux bleus, hristine Féret-Fleury, Gulfstream éditeur 2018, 191 pages indispensables.

Un grand merci à Stephie (clic) grâce à qui j'ai découvert ce roman.

24/07/2018

La vie effaçant toutes choses

"Je marche sous le joug d'une sacoche de dix kilos que j'appelle mon kit de survie, j'apprends que j'ai peur des baleines mortes et je ne sais pas qui je suis.Et je ne sais pas si je l'apprendrai ici.Mais je sens que si je me laisse porter par les fanfares de la Renaissance, par la tempête et les corps de baleines, j'accèderai à une part de moi que je ne me rappelle pas avoir jamais approchée."

Neuf femmes, d'âges,de milieux différents, mais toutes dans un moment de fragilité, fragilité qu'il leur faudra accepter, et surtout dans une volonté de se débarrasser de "l'échiquier social" qui leur a imparti un rôle -carcan. Signe de ce malaise à la fois psychique et physique, les cauchemars morbides (décrits de manière très réaliste) dont beaucoup d'entre elles souffrent.fanny chiarello
Fanny Chiarello scrute ici avec une attention sans faille les micro-fonctionnements de nos relations avec les autres, en soulignant la violence cachée: "Il y a violence à feindre de ne pas percevoir le spectre lumineux d'un être vivant, même si l'on feint pour le laisser croire qu'il dispose d'une forme d'intimité, là, entre sa valise et le couloir du TER, même si l'on feint pour le laisser détendre ses épaules sans témoin."
Elle décrit aussi avec une précision poétique les paysages dévastés des bords de voies de chemins de fer, les petites villes côtières, les chambres d'hôtels modestes, tous ces lieux que nous traversons sans leur accorder plus qu'un regard distrait, mais qui en disent long sur notre humanité.
Roman ou nouvelles ? L’éditeur ne tranche pas. Disons qu 'il s'agit de neuf récits qui s'interpénètrent par le biais de personnages récurrents, qu'ils soient principaux ou non, une SDF, Rita , étant un peu le fil rouge que l'on va retrouver dans chacun de ces textes, simple silhouette ou actrice à part entière, interagissant avec les autres héroïnes.
Autre lien : la musique, qu'elle intervienne par le biais d'orchestres, d'une artiste ou d'une station de radio dont certains animateurs ou animatrices joueront aussi un rôle au sein de ce dispositif narratif.
Certaines métaphores servent aussi de leitmotiv, comme autant de cailloux que l'auteure sème à l'attention du lecteur.
Un roman puissant, tant par la forme que par le fond .
L'écriture de Fanny Chiarello, précise, vive, donne chair à ces neuf femmes, parfois rugueuses, nous les rend attachantes, sensibles et presque sœurs. Un grand coup de cœur ! Et zou sur l’étagère des indispensables.

21/07/2018

Dust...en poche

"Elle devait absolument se débarrasser des pensées parasites, refroidir son affect. Ne pas agir avec son cerveau reptilien mais solliciter le lobe frontal."

La profileuse française Anna Baxter est sollicitée par la police de Nairobi pour élucider une série de crimes sans cadavres, mais laissant de grandes croix de sang tracées dans la poussière.
Sur place, elle découvre aussi un phénomène qui touche nombre de pays africains: le massacre d'albinos à des fins de sorcellerie.sonja delzongle
Très vite, Anna comprend que les deux phénomènes sont liés...
Tableau sans concession d'un pays violent où règne la superstition, où les dessous de table et les détournements de fonds sont  habituels, Dust n'exploite pas à fond ce qui aurait dû être son thème principal: le génocide d'albinos.
Sans véritable suspense, le roman perd encore en intensité en allant flirter avec un arrière-plan nazillon tout à fait superflu. L'écriture aurait nécessité aussi un bon toilettage de tous les clichés qui l'émaillent et l'affaiblissent. Quant aux personnages, leur manière de s'exprimer est parfois caricaturale. Des longueurs dans le récit ont fait que j'ai abandonné aux trois quarts la lecture de ce roman dont l'héroïne atypique avait pourtant tout pour me plaire.


20/07/2018

Tropique de la violence

Pa de billet à proprement parler sur ce roman couvert de prix, que tout le monde , ou presque, a déjà loué à juste titre sur la blogosphère.
Je voudrais juste signaler qu'un manuel scolaire propose de comparer certains passages des Misérables (consacrés à Gavroche) avec des extraits du roman de Nathacha Appanah concernant Moïse et que ça a super bien fonctionné avec des Seconde Bac Pro.nathacha appanah, victor hugo
Ils ont vraiment été intéressés par les deux personnages et ont pis conscience de la situation des jeunes dans le dernier département français.

13/07/2018

Votre commande a bien été expédiée ...en poche

"Ils parlent de tout et de rien, de choses minuscules, parce que les mots sont des armes, d'accord, mais ils sont aussi cette musique entraînante qui s'insinue entre les hommes, les femmes , les verres de vin, et fait glisser l'ensemble vers un engourdissement bienheureux."

Un simple dysfonctionnement: Eugène n'a toujours pas reçu sa cocotte rouge en fonte commandée via internet. Pourtant, elle ne vient pas d bout du monde mais le trajet Normandie Pays basque semble soumis aux aléas climatiques, hum.nathalie peyrebonne
Eugène ne se décourage pourtant pas, parvient à contourner les formulaires automatiques et établit un contact avec une conseillère clientèle de l'entreprise, Lucia. Commence alors un échange d'abord épistolaire, souvent très drôle,  qui débouchera sur une vraie rencontre.
Par petites touches, avec humour et tendresse, Nathalie Peyrebonne entraîne son lecteur dans un monde qui glisse  avec douceur dans un fantastique très léger (façon homéopathie) pour mieux interroger les rapports que nous entretenons avec la réalité (qui hoquette dans la dernière partie du roman).
Les personnages sont attachants, la langue alerte, on se sent bien avec Eugène, Lucia et tous les autres autour de la cocotte rouge.

 

De la même autrice: clic.

 

10/07/2018

Dysfonctionnelle

"Ma folle dont j'étais affolée."

Plus Dysfonctionnelle que la famille de Fidèle, alias Fifi, la narratrice de ce roman , y a pas. Jugez un peu : le père qui tient un bar ("Le bout du monde") va régulièrement effectuer de petits séjours en prison car il s'est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment (sic). La mère, elle, fuit une réalité traumatisante et se réfugie dans une folie plus ou moins douce. Quant aux enfants, Dalida, Alyson, JR, Jésus, Gregorio et Fidèle donc, ils constituent un bel éventail de cas sociaux , plus ou moins sympathiques.axl cendres,gay friendly
Quand Fidèle,  détectée à l'adolescence comme ayant une intelligence  précoce, est amenée à étudier dans un lycée rempli d'ados ayant des familles "fonctionnelles", cela ne va pas être sans heurts, mais c'est là qu'elle va rencontrer l'amour de sa vie sous les trait de la belle Sarah.
Axl cendres , dans ce roman destiné à la jeunesse  choisit de ne pas tomber dans le pittoresque gratuit. Ses personnages sont certes hauts en couleurs, mais la fratrie n'est pas forcément soudée.
Quant à l’intolérance face à l’homosexualité féminine, elle ne viendra pas forcément de là où on l'attend.
D'ailleurs, ce n'est que réside le principal problème de cette relation, mais bien dans l'opposition entre deux modes de vie.
Un roman tendre, généreux et optimiste.

Sarbacane 2015.

305 pages qui se tournent toutes seules.