09/10/2018
Comment t'écrire adieu #Rentreelitteraire2018 #NetGalleyFrance
"J'ai fait payer de longues années à mon frère de onze ans les posters de Samantha Fox et Sabrina ; et moi, femme adulte, cérébrale somme toute, et armée de convictions inversement proportionnelles à celles de mes bonnets, je me fais cueillir par cette blonde peroxydée, fluette mais qui s'est fait rajouter des seins comme si elle devait instamment exercer la profession de nourrice." [Il s'agit de Dolly Parton].
R. est parti. Sans dire adieu à Juliette qui, du coup, revisite via quatorze chansons éclectiques la bande sonore de sa vie. Elle décortique à sa manière drôle et futée les paroles de ces viatiques singuliers et revient sur cette histoire d'amour chaotique, ses fêlures, son enfance, son chien Gros, ses amis, ses amours précédentes, ses fixettes, le tout avec panache.
Le texte de Juliette Arnaud pâtit un peu de cette volonté de vouloir tout dire en une seule fois,en vrac, mais c'est avec une sincérité désarmante. On retrouve avec beaucoup de plaisir le style si reconnaissable de la chroniqueuse de France Inter (dans l'émission Par Jupiter) et si la fin est un peu abrupte, on a néanmoins passé un très bon moment avec cette fille très sympathique dont on aimerait bien faire sa copine.
Belfond 2018
06:00 Publié dans rentrée 2018, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : juliette arnaud
08/10/2018
Ma dévotion
"C'était ma position dans le monde-j'étais le lieu où tu revenais."
Octogénaires, Helen et Frank se retrouvent par hasard sur un trottoir londonien. L'occasion pour Helen de revenir sur leur histoire, entrecoupée de séparations et marquée par un événement tragique sur lequel Helen a décidé de faire toute la lumière.
Amour, amitié, amitié amoureuse ? Quelle est la nature des liens qui unissent vraiment ces deux créateurs, chacun dans leur domaine respectif ? Si Frank est devenu un peintre très connu n'est-ce pas grâce à Helen qui d'emblée, dès leur adolescence a su les sauver tous deux en s'exilant loin de leur familles respectives ? Elle a su le délester de tout problème domestique , le protéger, mais s'en est-il seulement rendu compte ?
Seule Helen proposera sa version des faits, sans pour autant toujours se donner le beau rôle.
Julia Kerninon explore ici avec subtilité les méandres de la création et les liens complexes qui unissent parfois malgré eux les deux monstres , chacun dans leur genre, dont elle brosse ici le portrait. Un récit empli de ferveur qu'on dévore d'une traite.
Le Rouergue 2018
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02/10/2018
Avec toutes mes sympathies
"Bénéfice secondaire du malheur, le bonheur ne me frappe plus au cœur, mais les contrariétés non plus."
Après le suicide de son frère, la critique littéraire Olivia de Lamberterie a rompu son vœu et exaucé le souhait fraternel : écrire un livre. Dont acte.
Mais sans doute eût-il été préférable qu 'elle se laisse le temps de prendre du recul, cela aurait sans doute favorisé une expression plus maîtrisée des sentiments et un peu plus de rigueur dans l'écriture aussi (à deux reprises, à quelques lignes de distance, la narratrice "se gorge" d'activités positives, comme dans une mauvaise publicité).
J'ai donc ressenti peu d'émotions, mais sans doute suis-je sans cœur.
06:00 Publié dans rentrée 2018, romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : olivia de lamberterie
26/09/2018
Coeur battant
06:00 Publié dans Jeunesse, rentrée 2018, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : axl cendres
25/09/2018
Désintégration
"C'est moi qui décide à présent. J'ai gagné le seul pouvoir qui m'a toujours importé, celui de refuser une chose lorsque les conditions de celle-ci ne me conviennent pas, et , surtout, la liberté de n'en exercer sur personne."
Son seul objectif est d'écrire. Mais ni ses études, pourtant spécialisées, ni ses origines sociales modestes ne pourront l'aider à se frayer un passage dans un univers où elle n'a pas sa place. Ses colocataires bourgeois bohèmes parisiens, souvent fils ou filles de, le lui font bien comprendre, que ce soit par des réflexions ambiguës ou lorsqu'ils feignent de l'ignorer, lorsqu'elle n'a pas les bons codes, comportement d'autant plus violent que nié.
La liberté de la narratrice s’exprime aussi dans son rapport à son corps. Elle couche avec qui elle veut ,quand elle veut, et tant pis si cela bouscule les conventions d'un milieu hypocrite.
Avec acuité, Emmanuelle Richard dépeint la vie des travailleurs précaires à laquelle son héroïne est aussi confrontée, ces gens qui s'usent le corps et l'esprit pour un travail inintéressant et mal payé qui leur laisse juste la fin de semaine pour reconstituer leur force de travail.
En opposition,s'intercalent les entrevues avec celui qu'elle appelle l'homme-fleur, producteur qui la juge d'emblée vulgaire et qui la fascine sans pour autant lui donner l'envie de vaincre La désintégration à laquelle le présent la confronte, maintenant qu'elle a fait ses preuves en étant éditée.
Comme Annie Ernaux, la narratrice a "vengé sa race" mais ici elle est confrontée à la solitude des corps et au manque de tendresse.
Un roman qui peut choquer par sa virulence ,mais une description très juste d'un monde que bien souvent nous aussi feignons d'ignorer.
06:00 Publié dans rentrée 2018, romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : emmanuelle richard
24/09/2018
#ToutesLesFemmesSaufUne#NetGalleyFrance
"Il faudrait pardonner à ce vieil enfant essoufflé criant depuis soixante ans qu'on le tire du froid, ignorant que c'est fait. Je ne pardonne pas , je n'ai pas assez d'orgueil. Au maximum, je comprends. Et encore, pas sûr."
Sa fille, tout juste née, ne s'appellera pas Marie comme toutes les femmes de sa famille avant elle, mais Adèle. Avec énergie, avec colère, avec passion, la narratrice raconte à sa fille, son enfance tiraillée entre une mère qui aurait voulu tour à tour l"emmener sous l'eau avec elle, tour à tour sauver", qui souhaitait simultanément que sa fille s'élève socialement et ne le supportait pas car, elle-même , qui aurait pu devenir institutrice, avait été retirée de l'école trop tôt.
Elle dit la soumission, la langue "domestique", le"vocabulaire émacié de votre langue", qui justifie la vie bridée, finie avant d'avoir même commencé ; cette langue qui s'inscrit en italiques dans le texte et au fer rouge dans la mémoire, devient un vivier où puiser des formules toutes faites pour justifier les vie brisées et l'amour qui ne peut circuler.
La narratrice évoque aussi la violence larvée de la maternité où le personnel n'est pas toujours tendre avec la primipare qui refuse de se plier aux règles implicites, d'où des mesures de rétorsion larvées.
Alors, oui ,on est bien loin des relations apaisées entre mères et filles, mais ça fait un bien fou de lire ce texte rageur et libre qui fait fi de toutes les convenances. Un grand coup de cœur.
06:00 Publié dans rentrée 2018, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : maria pourchet
20/09/2018
Un homme doit mourir ...en poche
"- Il y a des gens et des idées qui sont comme des larves dans l'écorce des beaux arbres."
Boris, naturaliste, rédige des rapports de contre-expertise destinés à favoriser les projets industriels controversés . Le dernier en date ? Celui d'une installation d'unité de stockage de matières dangereuses dans une les Landes, là où vit une espèce rare de libellule.S'il a vendu son âme au diable, Boris entretient paradoxalement de bonnes relations avec Pépé, odonatologue passionné, opposant bien décidé à faire de cet endroit une Zone A Défendre.
Un peu plus loin, une villa cossue défie la Nature et les lois littorales. Son propriétaire, homme d'argent et de pouvoir, y a convoqué deux de ses amis , tout aussi peu scrupuleux que lui.
Entrelaçant avec virtuosité les intrigues, Pascal Dessaint fait la part belle à la Nature, sans pour autant négliger le côté noir de son roman. La tension monte au fur et à mesure que s'annonce une tempête et que se révèlent les enjeux.
Les personnages ne sont ici en rien caricaturaux. Complexes et riches d'humanité, ils s'interrogent sur les liens qu'entretiennent les hommes , les végétaux et les animaux, sur la nécessité qui peut paraître dérisoire de préserver certaines espèces, constatent les vertus de la nature sur les tourments humains.
Un peu plus apaisé, l'auteur n'en perd pas pour autant son regard acéré, aussi prompt à identifier un oiseau qu'à dénoncer les hypocrisies de nos sociétés. Du grand Dessaint , tant par le style que par les réflexions qui émaillent le roman, sans jamais l'alourdir.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pascal dessaint
19/09/2018
Légende d'un dormeur éveillé
"Un Surréaliste ce serait précieux pour éclairer les chemins de l'inconscient. Et puis Robert, tu as cette qualité précieuse d'exprimer les choses les plus complexes avec des mots simples, de rester ludique même quand tu es grave. Tu n'es jamais élitiste ni ennuyeux. Vraiment, je trouve que vous êtes faits pour travailler ensemble !"
De Robert Desnos, chacun a en mémoire quelques vers , mis en musique ou non, jouant avec les sons, les images, pleins de fantaisie (Une fourmi de dix-huit mètres... Ce sont les mères des hiboux...). Une photographie vient peut être aussi à l'esprit, celle d'un "dormeur éveillé". Amours malheureuses, Surréalisme, Résistance composent les autres morceaux du puzzle, sans oublier sa mort du typhus juste après la libération du camp de concentration où s'achevait son parcours de déporté.
Avec sa Légende d'un dormeur éveillé, Gaëlle Nohant nous propose un roman qui se fixe pour objectif de "rejoindre la vérité par le biais de la fiction, ou en tout cas une vérité possible". Objectif pleinement atteint par ce texte foisonnant de vie, de sentiments, d'énergie, qui fait revivre de manière extrêmement vivante le Paris des années folles à l'occupation et l'existence de cet homme protéiforme.
Et de l'énergie il en fallait pour suivre le parcours de cet homme tour à tour et simultanément, poète critique, inventeur de slogans publicitaires, chroniqueur radio, porté par une telle exigence de liberté qu'il s'engagea dans la Résistance sans tarder. Ayant le coup de poing facile, ne craignant pas les inimitiés, mais extrêmement fidèle en amour comme en amitié, Roberts Desnos se révèle extrêmement attachant et sensible.
Émaillant judicieusement son texte d'extraits de poèmes, dûment référencés à la fin des 521 pages, l'auteure ,dans la dernière partie du livre, la plus poignante, se glisse aussi à la place de Youki, la femme aimée. Sous la forme d'un journal intime, elle retrace la toute dernière partie de la vie de l'auteur de Corps et Biens, une partie qui nous laisse la gorge serrée.
Un très grand coup de cœur, tant du point de vue de l'écriture, parfois lyrique, parfois plus intimiste mais toujours très prenante, que du point de vue romanesque. On ne s’ennuie pas une minute et on dévore d'une seule traite ce pavé addictif ! Vous voilà prévenu(e)s .
Et zou, sur l'étagère des indispensables !
06:00 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : gaëlle nohant, robert desnos
15/09/2018
Troisième personne...en poche
Ils ne savent plus comment c'était de n'être responsables que d'eux-mêmes. Ils se questionnent mais ils ne peuvent revivre cet état comme on enfilerait un vieux vêtement retrouvé par hasard."
Commencé par un magnifique travelling où l'on suit à travers les rues de Paris transfigurées le trajet d'une mère et de son enfant tout juste née jusqu’au domicile devenu familial, le roman de Valérie Mrejen se clôt par la course effrénée de la fillette, éperdue de liberté ("Vos enfants ne sont pas vos enfants", disait Khalil Gibran...).
Entre les deux,toutes les métamorphises induites par cette Troisième personne:les doutes, les émerveillements, les angoisses, la fatigue...
Un roman plein d'amour et de poésie qui parlera à toutes les générations de mères, un parfait cadeau de naissance, jamais mièvre.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : valérie mréjen
07/09/2018
Le complexe d'Hoffman
"Simon réfléchit à la surprise de Jackie. Sans doute un transistor pour garder le contact avec le monde extérieur. Elle avait toujours des attentions qui accusaient Catherine l'air de rien et la maintenaient dans la maladie."
Des parents séparés, une fratrie divisée: la fille avec le père, Simon avec sa mère, Catherine qui souffre de problèmes mentaux. Des problèmes, Simon en a aussi à l'école, où du fait de son nom, Hoffman, des lois anti-alsaciennes édictées par un petit groupe d'élèves rejouent d'autres mesures de stigmatisation et d'éviction.
Simon , sans doute pour évacuer et lutter contre l'atmosphère mortifère du foyer familial, rédige un texte grand guignolesque , plein d'humour noir et absurde que vient contrebalancer le témoignage d'un de ses camarades: Lakhdar, dyslexique, témoignage à la fois naïf et plein d’inventions lexicales
Un roman qui m'a mise mal à l'aise par sa noirceur assumée.
Éditions de l'Olivier 2018.
05:30 Publié dans rentrée 2018, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : colas gutman