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30/01/2018

Et soudain, la liberté

"Ce que les mères reportent sur leurs filles, tout de même. Ce qu'elles leur demandent, souvent silencieusement. Ce pacte qu’elles signent ensemble de leur sang partagé."

Récit d'une double émancipation ,parfois erratiques,  celle de la mère d'Evelyne Pisier et la sienne, ce roman avait au départ tout pour me plaire. evelyne pisier,caroline laurent
Que l'autrice n'ait pu terminer son livre, que son éditrice ait pris le relais, poursuivant par delà la mort le dialogue entamé avec ferveur entre les deux femmes de générations différentes n'était en soi pas gênant, bien au contraire.
Non, ce qui m'a vraiment dérangée est que ce qui est annoncé comme un roman (à tendance clairement autobiographique) exhibe ses coutures, sa fabrication : on nous énonce ce qui est inventé ou non,un personnage public est clairement identifié à une page et renommé quelques pages plus loin.
Dans un tout autre genre, j'ai  ainsi nettement préféré le premier roman d'Isabelle Carré qui nous indique avoir inventé certains faits, sans pour autant nous donner les clés et  nous plonge ainsi plus efficacement dans la magie romanesque.

Lu dans le cadre du grand prix des lectrices de Elle.

26/01/2018

La fille sur la photo...en poche

karine reysset"Elle s'était toujours livrée à moi jusqu’à l’écœurement. A l'inverse, quand j'avais un souci, un chagrin, jamais je n'aurais songé à l'appeler. je savais d'avance qu'elle ne me serait d'aucun réconfort, d’aucune aide."

Lors de son histoire d'amour avec un réalisateur plus âgé qu'elle, Anna s'est coulée sans rechigner dans un rôle de compagne et de mère de substitution. Devenue romancière, elle a quitté ce foyer chaleureux, conquise par un admirateur de ses talents, jeune homme au comportement trouble.
Des années plus tard, quand elle est appelée à la rescousse au chevet de Garance qu'elle avait élevée dix ans durant, Anna revient sur son passé et sur les raisons de son départ.
Avec sensibilité et talent, Karine Reysset creuse son sillon et interroge tout à la fois la maternité et ses différentes formes ainsi que les relations entre deux créateurs à la notoriété très différente. On passe un excellent moment avec ces personnages parfaitement croqués,tout en  prenant un grand bol d'air marin.

 

Cuné m'avait donné envie.

 

23/01/2018

#LesRêveurs #NetGalleyFrance

"...la même absence de liberté, et surtout d'intérêt de leur famille à l'égard de de ce qu'ils étaient vraiment."

Une fille-mère et un bisexuel comme parents , même dans les années 70, voilà qui n'était pas courant. Famille hors-normes donc pour des enfants qui ne rêvent que de normalité, mais qui, bon an , mal an vont devoir s'accommoder d'une drôle de famille où l'amour et l'art sont très présents.
La douleur, la dépression, deux tentatives de suicide mais la vie qui malgré tout reprend le dessus et une écriture très touchante font de ce premier roman, à tendance autobiographique, une entrée en littérature plutôt réussie.isabelle carré
Isabelle  Carré,dont le sourire lumineux joue beaucoup dans le formidable capital sympathie dont elle bénéficie, révèle à demi-mots ses failles mais montre aussi que les enfants d'homosexuels ne vont ni moins bien ni mieux que ceux d'hétéros. Un très bon moment de lecture.

 

grasset 2018isabelle carré

18/01/2018

#L'atelier des souvenirs#NetGalleyFrance

"On découvrait des personnalités, on s'investissait émotionnellement, on s'attachait. ..Mais les liens tricotés étaient en sursis. Le temps faisait impitoyablement son œuvre."

Alice, thésarde parisienne sans emploi, quand elle hérite d’une maison familiale dans la Meuse, décide d'animer des ateliers des souvenirs dans deux maisons de retraite. L’occasion de découvrir le passé des pensionnaires, y compris leurs histoires d'amour. Et l'amour  il en est beaucoup question car ces charmants retraités se mettent en tête de lui redonner le sourire en jouant les cupidons.anne idoux-thivet
La première partie, même si elle est parfois prévisible, s'est avérée très agréable à lire, et le côté gentiment godiche d'Alice, apporte beaucoup de fraîcheur à l’histoire. Hélas, à trop vouloir multiplier les intrigues, le récit perd un peu son souffle et son lecteur en route. Bilan en demi-teintes donc.

anne idoux-thivet

 

 

 

11/01/2018

Tombée des nues

"...j'ai tendance à faire confiance au couple même si le couple vient de montrer une terrible cécité, j'aime croire en ce qui peut renaître des failles, au côté salutaire du choc..."

 Marion et Baptiste, un couple d'éleveurs, vivent heureux à la lisière d'une village.Une nuit d'hiver,Marion est prise de douleurs violentes. A leur grande surprise, il s'agit d'un accouchement.
Déni de grossesse. cette expression-  pas très jolie d'ailleurs- ne sera  jamais prononcée dans ce roman choral. Il épinglerait comme un papillon une situation que l'auteure envisage avec délicatesse, sous différents angles, via le prisme de ses personnages.violainr bérot
Pendant trois jours, vont ainsi alterner le point de vue du voisin qui a sauvé l'enfant, de l'employé du couple, de la sage-femme,de la grand-mère maternelle, de Baptiste et Marion, sans oublier celui plus trouble de Madame Peyre. Cette dernière, toujours à sa fenêtre, tout à la fois en retrait et aux premières loges, pourrait être la caricature d'une commère de village. Mais,au fil du texte, son personnage prendra de la densité et gagnera en subtilités. Il fonctionnera aussi en contrepoint du vent de folie et de solidarité qui s'empare du village à l'annonce de cette naissance.
Le parti-pris de l'auteure est de nous présenter sous forme de fragments numérotés qui s’enchaînent avec fluidité les points de vue différents, libre à nous de consulter  si nécessaire (cela a été rarement mon cas) les grilles de lecture fournies en fin de volume. On peut aussi choisir de suivre les numéros à partir du 5 (je vais bientôt le faire).
En 160 pages, Violaine Bérot réussit un pari fou : traiter d'un thème qui se tient à la frontière du sordide et du cas psychologique, sans tomber ni dans le pathos ni dans l'angélisme. Ses personnages ont chacun leur voix, bien identifiable, la majorité d'entre eux n'est pas dans le jugement, mais dans l'action. Seul le grand-père, dans un premier temps, se préoccupera du regard des autres et des explicitations à fournir. Quant à la mère, elle ne prend la parole qu'au fragment 31 et semble au sens propre Tombée des nues, puisqu'elle se réfugie dans le monde des nues, des nuages. Seule la voix de Dédé, qui s'occupe du troupeau de chèvres de Marion en son absence, parvient dans un premier temps à la ramener sur terre. Quant à la fin, elle est juste sublime.
L'écriture, toujours sur le fil du rasoir, est à la fois poétique et précise. Les personnages sont denses et savent préserver leur part de mystère.
Un formidable roman sur une maternité déroutante s'inscrivant dans un rapport charnel aux animaux et à la nature. Un pur bonheur  ! Et zou, sur l'étagère des indispensables !

10/01/2018

Clientèle

 "Monsieur J. veut seulement soupeser son préjudice, le chiffrer, le nommer; ça l'aide à la supporter. Il ne veut rien d'autre. Il n'ose pas, ou bien savoir qu'il a raison suffit à panser son dommage."

C'est à une magnifique découverte que nous invite la narratrice, avocate spécialisée dans le droit du travail, celle d'une humanité variée, riche dans ses manifestations, ses réactions, souvent surprenantes .
à travers des entretiens téléphoniques ou des faces à faces, nous découvrons ces hommes et ces femmes, issus de milieux très différents, confrontés souvent à des licenciements abusifs, incapables d'exprimer rationnellement ce qui les amène devant l'avocate, submergés qu'ils sont par des émotions qui n'ont pas vraiment leur place dans ce monde juridique.cécile reyboz
En alternance, s'intercale la vie privée de la narratrice et en particulier la rédaction en plusieurs  étapes d'un courriel concernant son fils où l'on voit progressivement comment elle- même "dégraisse" son texte des émotions avant de devenir uniquement factuelle. Bref, faire ce qu’elle demande à ses clients ! Il s'y révèle aussi ses failles et une belle analyse des apparences. Un texte à mille lieues du roman que j'avais lu auparavant (les Bestioles) mais effectivement très réussi.

Actes Sud 2018

 

 De la même autrice: clic

Le billet de Cuné qui m'avait donné envie: clic

09/01/2018

#MangerL'autre #NetGalleyFrance

"Peut être suis-je la mise en garde de l'espèce ? Voici ce que vous risquez de devenir avec tous ces progrès technologiques qui vous dispensent de bouger et d 'agir, vous incitent à dévorer toujours plus. Voici l'utopie imbécile à laquelle vous aspirez."

Dès sa naissance, la narratrice était obèse. Devant une telle monstruosité, la mère  a fui, cédant la place au père qui a commencé une gigantesque entreprise de gavage tant de nourriture préparée avec amour que de mensonges. Il raconte en effet à sa fille qu'elle a  dévoré in utero sa sœur jumelle, ce qui expliquerait son poids.ananada devi
Harcelée, cyber-harcelée, la jeune femme connaîtra pourtant, lors d'une deuxième naissance symbolique, un homme qui sera son exact opposé et lui fera découvrir les beautés de son corps. Mais Éros et Thanatos sont intimement mêlés et dans une société du paraître, se faire voir peut entraîner de douloureuses conséquences.
Roman de de la dévoration, de l'abondance ,de l'excès , Manger l'autre charrie, comme un fleuve furieux, les métaphores et  tend à notre société un miroir à peine déformant. Oui, nous vivons dans un monde où certains ont accès à la nourriture déversée sur nous comme d'une corne d'abondance mais où on nous enjoint la minceur, voire la maigreur.Nous nous gavons d'images mais ne jetons pas un regard sur les exclus de la société et nous acharnons sur ceux que nous considérons comme hors-normes.
Un roman au rythme soutenu, à l'écriture tantôt rabelaisienne, tantôt sensuelle, qui ne tombe jamais dans le voyeurisme ni le pathos, soulignant toutes les ambiguïtés des personnages et des relations qu'ils entretiennent entre eux. Une allégorie puissante et roborative. Un grand coup de cœur !

Et zou, sur l'étagère des indispensables !ananda devi

Manger l'autre, Ananda Devi, Grasset.2018

07/01/2018

D'après une histoire vraie...en poche

"Coiffées, maquillées, repassées. Sans un faux pli. Combien de temps pour parvenir à cet état de perfection, chaque matin, et combien de temps pour les retouches, avant de sortir ? "

En couverture ,des photos  d'une jeune fille qui pourrait être l'auteure. Le titre. De multiples références à la vie privée/publique de Delphine de Vigan (son précédent  roman basé sur l'histoire de sa mère, son médiatique compagnon, François Busnel), autant de références qui semblent accréditer l'idée de réalité. Et on entre de plain-pied dans l'histoire de cette narratrice(Delphine) qui ne parvient littéralement plus à écrire une ligne (pas même pour une liste de courses), qui va tomber sous l'emprise d’une femme , "plume" pour des people en mal de confidences.delphine de vigan
Roman d'une amitié toxique, mais aussi roman qui interroge la soif d’histoires "vraies" de notre époque, le texte de Delphine de Vigan m'a bluffée dans sa première partie. J'ai été moins enthousiaste pour la fin, moins convaincante, même si placée sous les auspices d'un maître du genre, Stephen King. Il n'en reste pas moins que j'ai dévoré ce livre.

05/01/2018

La mise à nu

"En élargissant mon horizon, ma vie s'est rétrécie."

Louis Claret, professeur d’anglais vieillissant, accepte de poser pour un de ses anciens élèves, devenu peintre renommé.
L’occasion pour les deux hommes de revenir sur le passé, de faire le point sur leurs existences, leurs réussites, leurs échecs. l'occasion d'une Mise à nu, au sens propre comme au sens figuré. jean-philippe blondel
Si l'évocation du métier de professeur est particulièrement bien évoquée, je suis restée plus réservée sur la progression dramatique de l'ouvrage et sur le côté un peu guindé de Louis Claret pour qui je n'ai guère éprouvé d'empathie. L'impression de rester à la surface des événements et des hommes.

02/01/2018

#LesLoyautés #NetGalleyFrance

 "Il est l'enfant de la séparation des corps et des biens, de la rancœur, des dettes irréparables et de l'alimentation pension : il connaît les règles de la diplomatie."

Les conflits de loyautés, Hélène connaît bien. Dans sa chair même, ils se sont inscrits. Aussi quand cette prof de collège repère la pâleur excessive de Théo,  jeune garçon de douze ans,son épuisement, elle essaie de tirer la sonnette d'alarme au sein de son établissement. Mais peut être son expérience personnelle a-t-elle biaisé son identification du problème et ses propres réactions.delphine de vigan
Les loyautés dans le couple, dans les relations amicales, Delphine de Vigan les explore en un roman choral qui donne la parole à toute une constellation de personnages évoluant autour de cet enfant en danger. Ces loyautés, ajoutées à des difficultés de communication,  elles nous empêtrent, elles vont peut être empêcher de  sauver Théo.
Court roman qu'on ne peut lâcher, Les Loyautés ne donne jamais la parole à son personnage principal dont les actions, les réactions, les sentiments sont pris en charge par un narrateur extérieur. Comme s'il n'était déjà plus un sujet agissant , tout englué qu'il est dans une situation qui le le dépasse.
On s'identifie, on entre en empathie et on tourne sans s'en rendre compte les pages de ce roman aussi réussi dans son analyse psychologique que dans son écriture.

Les Loyautés, Delphine de Vigan, jean-Claude Lattès 2018 delphine de vigan