25/02/2018
Une femme au téléphone...en poche
« Ah, j’en vire des hommes, qu’est-ce que je peux en virer ! j’en ai plein ma corbeille ! »
Une mère laisse des messages sur le répondeur de sa fille. Par le truchement de cette situation de communication perturbée ( autant que la narratrice !) se dessine le portrait d'une femme tour à tour dragueuse sur internet, mère envahissante, qui refuse de vieillir et fait preuve d'un humour, parfois noir « Il faut choisir, le cancer, la phlébite ou la dépression » , dévastateur.On devine très bien, en creux, les réactions des interlocuteurs invisibles et le procédé n’est jamais pesant, bien au contraire.
Les revirements de la mère vis-à-vis de sa petite-fille, ses tentatives de culpabilisation i la mélancolie, la dépression qui s’immiscent entre deux tout cela sonne très juste. L’émotion n'est pour autant pas oubliée, en particulier quand s'amorce une possible inversion des rôles.Ça cavale à toute allure et quand la fin arrive, on est tout étonné et un peu déçu car on aurait bien continué !
Carole Fives nous fait vivre des montagnes russes émotionnelles, c'est rondement mené, brillamment écrit (j'ai surligné à tour de bras) et ce roman file donc directement sur l’étagère des indispensables !
11:55 Publié dans l'étagère des indispensables, le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : carole fives
23/02/2018
Le divan rouge
"Grâce à ce divan, nous nous posions dans la réalité de notre présent."
Une femme et ses deux enfants fuyant un homme violent, se réfugient dans un appartement où bientôt la mère de famille va installer un magnifique Divan rouge.
Ce récit très court (123 pages petit format) de résilience et de reconstruction fait la part belle au meuble personnifié, mais le manque d'épaisseur de cette famille, comme hors-sol, fait qu'un léger goût d’insatisfaction vient gâcher le plaisir qu'on se promettait en ouvrant cet opuscule.
Sur le même thème, j'ai préféré une nouvelle d'Anna Gavalda dans Fendre l'armure.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : catherine briat
19/02/2018
Maria
"Pour des raisons obscures, liées au respect de l’environnement, de la santé, de l'éthique, Céline et Thomas désirent secouer le monde, et ce monde n'est qu'un vieux dessus-de-lit sur lequel Maria et William se tiennent assis, tout benêts qu'ils sont."
Maria a tissé un lien poétique, empli d'amour avec son premier petit-fils, Marcus, trois ans. Si elle retient ses remarques sur le fait que l'enfant arbore au gré de ses envies cheveux longs, maquillage et robes, elle sera sous le choc quand, à la naissance de leur deuxième enfant, sa fille et son gendre refuseront de révéler le sexe de celui ou celle à qui il sont attribué un prénom non genré.
Cette attitude radicale à laquelle les jeunes gens refusent obstinément de déroger entraînera bien des changements dans la vie affective tout autant que professionnelle de Maria.
On ne peut qu'être bousculé par ce roman où l'on retrouve avec un plaisir sans faille l'écriture sensible et poétique d'Angélique Villeneuve. Qu'on ait l'âge de Maria ou celui de sa fille, que l'on soit homme ou femme, ce roman vient remettre en question tout ce qu'on tenait pour acquis. Il m'a fallu le temps de laisser infuser ce roman que je n’oublierai pas de sitôt.
Grasset 2018.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : angélique villeneuve
13/02/2018
Si j'avais un perroquet je l'appellerais Jean-Guy parce que que Coco c'est déjà pris
"J'ai un pieu dans le cœur depuis deux ans et je n'ai trouvé qu'une pince à épiler."
Dans un roman de Françoise Sagan, la narratrice, dont on apprendra tardivement le nom et le profession, trouve un marque-page intriguant. En effet, y sont inscrits le nom d’un homme ‒ Jean-Philippe ‒ et son numéro de téléphone, suivis de l’invitation « Appelle quand tu veux ».
Appellera ou pas ? Traumatisée (et il y a de quoi !), la narratrice , à grands coups de mensonges et de valse-hésitation va se fourrer dans de drôles de situations, dans la pure tradition de la littérature de filles.
Le ton est drôle, enlevé et à l'exception d'une petite baisse de rythme et d'un épisode à la tonalité plus sombre, on passe un bon moment de détente avec ce premier roman prometteur car l'auteure a su se créer un univers haut en couleurs et attrayant.
06:04 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : blandine chabot
09/02/2018
Comme le cristal
"Si Émile se comportait plus tard comme Claude ou comme T., Gretchen lui trancherait la carotide. Et s'il se permettait des sautes d'humeur à la Franz Barbot, elle le jetterait aux ordures."
Lisette et son frère Franz, leur cousine Ada, la boulangère Gretchen,chacun à leur façon sont comme fossilisés soit dans le passé, soit dans des relations amoureuses relevant surtout de l'ordre du fantasme, soit dans des relations toxiques.
La réapparition mystérieuse du canapé de leur enfance va d'abord distiller une certaine nostalgie chez Lisette et Franz, mais quand ce dernier va se mettre en tête de fixer dans le béton le meuble à éclipses pour être sûr de le conserver , tout va se dérégler et les personnages devront affronter la vérité de leurs sentiments.
Il m'a fallu un peu de temps pour entrer dans ce récit qui alterne les points de vue et parfois les époques, mais très vite, l'humour de Cypora Petitjean-Cerf, son sens discret du fantastique ont su me séduire à nouveau. J'ai adoré les petits détails si parlants (la relation aux vêtements, à l'écriture, aux cheveux aussi...), la brusquerie dans les relations familiales, jamais édulcorée mais aussi la bienveillance vis à vis des personnages. Un grand plaisir de lecture !
Éditions Le Serpent à plumes 2018, 251 pages et la bande-son du livre sur Spotify, où figure un titre de Kate Bush...
Cuné m'avait donné envie.
06:00 Publié dans Les livres qui font du bien, romans français | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : cypora petitjean-cerf
05/02/2018
Traité de savoir-rire à l'usage des embryons
"Je n'accorde pas une grande importance à cette qualité rare, la fidélité, mais de là à vivre avec un compagnon infidèle..."
"Sur l'échelle Richter du ridicule, on frisait le 9.", constat lucide de la narratrice, jeune écrivaine, tombée amoureuse via les bons services d'un entremetteur farfelu, d'un homme plus âgé qu'elle, éditeur de suroît, mais heureusement pas dans la maison qui l'édite.
Enceinte, elle décide d'écrire à son fœtus un Traité de savoir-rire à l'usage des embryons , afin de lui présenter l'histoire d'amour de ses parents, deux être follement atypiques, de leurs familles respectives, tout aussi farfelues, mais dans des genres très différents, le tout assaisonné de mauvaise foi patente et de "Fais ce que je te dis , pas ce que je fais."
Dégommant tous les clichés, on suit avec jubilation les tribulations des ces deux amoureux improbables au fil de chapitres ayant en ouverture des citations , souvent connues, mais qu'on a plaisir à retrouver ou à découvrir.
Un livre drôle et enlevé qui fustige aussi avec humour tous les travers de notre société de consommation liés à la grossesse , travers dans lesquels la narratrice ne peut évidemment s'empêcher de tomber. Un pur régal !
Merci à l'éditeur et à Babelio
06:00 Publié dans Humour, romans français | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : anne akrich
30/01/2018
Et soudain, la liberté
"Ce que les mères reportent sur leurs filles, tout de même. Ce qu'elles leur demandent, souvent silencieusement. Ce pacte qu’elles signent ensemble de leur sang partagé."
Récit d'une double émancipation ,parfois erratiques, celle de la mère d'Evelyne Pisier et la sienne, ce roman avait au départ tout pour me plaire.
Que l'autrice n'ait pu terminer son livre, que son éditrice ait pris le relais, poursuivant par delà la mort le dialogue entamé avec ferveur entre les deux femmes de générations différentes n'était en soi pas gênant, bien au contraire.
Non, ce qui m'a vraiment dérangée est que ce qui est annoncé comme un roman (à tendance clairement autobiographique) exhibe ses coutures, sa fabrication : on nous énonce ce qui est inventé ou non,un personnage public est clairement identifié à une page et renommé quelques pages plus loin.
Dans un tout autre genre, j'ai ainsi nettement préféré le premier roman d'Isabelle Carré qui nous indique avoir inventé certains faits, sans pour autant nous donner les clés et nous plonge ainsi plus efficacement dans la magie romanesque.
Lu dans le cadre du grand prix des lectrices de Elle.
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : evelyne pisier, caroline laurent
26/01/2018
La fille sur la photo...en poche
"Elle s'était toujours livrée à moi jusqu’à l’écœurement. A l'inverse, quand j'avais un souci, un chagrin, jamais je n'aurais songé à l'appeler. je savais d'avance qu'elle ne me serait d'aucun réconfort, d’aucune aide."
Lors de son histoire d'amour avec un réalisateur plus âgé qu'elle, Anna s'est coulée sans rechigner dans un rôle de compagne et de mère de substitution. Devenue romancière, elle a quitté ce foyer chaleureux, conquise par un admirateur de ses talents, jeune homme au comportement trouble.
Des années plus tard, quand elle est appelée à la rescousse au chevet de Garance qu'elle avait élevée dix ans durant, Anna revient sur son passé et sur les raisons de son départ.
Avec sensibilité et talent, Karine Reysset creuse son sillon et interroge tout à la fois la maternité et ses différentes formes ainsi que les relations entre deux créateurs à la notoriété très différente. On passe un excellent moment avec ces personnages parfaitement croqués,tout en prenant un grand bol d'air marin.
Cuné m'avait donné envie.
06:00 Publié dans le bon plan de fin de semaine, romans français | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : karine reysset
23/01/2018
#LesRêveurs #NetGalleyFrance
"...la même absence de liberté, et surtout d'intérêt de leur famille à l'égard de de ce qu'ils étaient vraiment."
Une fille-mère et un bisexuel comme parents , même dans les années 70, voilà qui n'était pas courant. Famille hors-normes donc pour des enfants qui ne rêvent que de normalité, mais qui, bon an , mal an vont devoir s'accommoder d'une drôle de famille où l'amour et l'art sont très présents.
La douleur, la dépression, deux tentatives de suicide mais la vie qui malgré tout reprend le dessus et une écriture très touchante font de ce premier roman, à tendance autobiographique, une entrée en littérature plutôt réussie.
Isabelle Carré,dont le sourire lumineux joue beaucoup dans le formidable capital sympathie dont elle bénéficie, révèle à demi-mots ses failles mais montre aussi que les enfants d'homosexuels ne vont ni moins bien ni mieux que ceux d'hétéros. Un très bon moment de lecture.
grasset 2018
06:00 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : isabelle carré
18/01/2018
#L'atelier des souvenirs#NetGalleyFrance
"On découvrait des personnalités, on s'investissait émotionnellement, on s'attachait. ..Mais les liens tricotés étaient en sursis. Le temps faisait impitoyablement son œuvre."
Alice, thésarde parisienne sans emploi, quand elle hérite d’une maison familiale dans la Meuse, décide d'animer des ateliers des souvenirs dans deux maisons de retraite. L’occasion de découvrir le passé des pensionnaires, y compris leurs histoires d'amour. Et l'amour il en est beaucoup question car ces charmants retraités se mettent en tête de lui redonner le sourire en jouant les cupidons.
La première partie, même si elle est parfois prévisible, s'est avérée très agréable à lire, et le côté gentiment godiche d'Alice, apporte beaucoup de fraîcheur à l’histoire. Hélas, à trop vouloir multiplier les intrigues, le récit perd un peu son souffle et son lecteur en route. Bilan en demi-teintes donc.
06:02 Publié dans romans français | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : anne idoux-thivet