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25/08/2017

Nos vies

"Nous parlions peu. Nous étions, je l'ai pensé plus tard, dans la pleine gloire de nos corps.souples, et à la proue de nous-mêmes."

 La narratrice du roman a toujours été du côté de la fiction,observant, voire inventant, pour suppléer en quelque sorte la cécité de sa grand-mère. Devenue adulte, sans doute pour distraire sa solitude, elle continue en imaginant, brodant à partir de petits détails, la vie d'une caissière d'origine étrangère au Franprix de son quartier et celle d'un de ses clients du vendredi matin.marie-hélène lafon
Parallèlement, se dévoile petit à petit la propre existence de la narratrice.
La solitude, les sentiments mis sous le boisseau, l'exil, tels sont les principaux thèmes du nouveau roman de Marie-Hélène Lafon. Qu'il soient étrangers ou juste venus de leur région, ses personnages partagent une même absence d'acclimatation à Paris. Ces vies infimes en apparence, Marie-Hélène Lafon sait leur prêter toute l'attention nécessaire pour nous les rendre proches et infiniment attachantes.

 Nos vies, Marie-Hélène Lafon, Buchet-Chastel 2017.

à noter que le personnage de Gordana, la caissière ici, apparaissait dans une  longue nouvelle précédemment parue aux éditions du Chemin de fer en 2012.

21/08/2017

Un certain M.Piekielny

"D'emblée, je dus me rendre à l'évidence: je ne saurais jamais vraiment qui était Piekielny. S'il y avait eu des témoins de sa vie, le temps les avait récusés."

Plutôt que de s'attacher à la vie d'un artiste, c'est à celle d'un personnage mentionné dans un roman autobiographique de Romain Gary que se consacre François-Henri Désérable.
D'enquête en Lituanie en digressions sur la vie de Gary ou la sienne, François-Henri Désérable essaie de débrouiller les liens tissés entre fiction et réalité, n'oubliant pas de nous rappeler régulièrement que Gary était un  fieffé menteur.françois-henri désérable
De l'humour, une écriture enlevée ,ne parviennent pourtant pas à faire "décoller" ce récit qui semble parfois un peu vain.

Gallimard 2017.

Lu dans le cadre du grand prix des lectrices de Elle.

 

 

20/08/2017

Une apparition

"...à partir du moment où vous vous moquiez de ce que l'autre peut penser de votre éventuelle beauté, de votre jeunesse envolée, un éden devenait possible."

 Celles et ceux qui la suivent sur les réseaux sociaux savent que Sophie Fontanel, forte d'une intuition sur la beauté des cheveux blancs, a décidé d'arrêter les colorations. Ce texte est le journal romancé de cette année et demie où elle a décidé de regarder pousser ses cheveux et d'enregistrer les réactions des gens, tant dans son entourage que parmi ses followers ou dans la rue.sophie fontanel
L'autrice partage avec nous ses doutes, ses enthousiasmes et on sent chez elle une assurance se révéler qui fait plaisir à lire. Sophie ,aux allures parfois de Cruella, séduit les hommes, enthousiasme les femmes et évolue aussi bien psychologiquement que professionnellement, battant ainsi en brèche tous les a priori des oiseaux de mauvais augure. Un livre qui fait du bien.
Beaucoup d'entre nous (dont je suis) aimeraient effectivement arrêter cette corvée qui coûte cher, n'est certainement pas bonne pour la santé et surtout résulte d'une pression de la société sur les femmes. Perso, je ne suis pas encore prête.

Une apparition, Sophie Fontanel, Robert Laffont 2017.sophie fontanel

18/08/2017

Légende d'un dormeur éveillé

"Un Surréaliste ce serait précieux pour éclairer les chemins de l'inconscient. Et puis Robert, tu as cette qualité précieuse d'exprimer les choses les plus complexes avec des mots simples, de rester ludique même quand tu es grave. Tu n'es jamais élitiste ni ennuyeux. Vraiment, je trouve que vous êtes faits pour travailler ensemble !"

De Robert Desnos, chacun a en mémoire quelques vers , mis en musique ou non, jouant avec les sons, les images, pleins de fantaisie (Une fourmi de dix-huit mètres... Ce sont les mères des hiboux...). Une photographie  vient peut être aussi à l'esprit, celle d'un "dormeur éveillé". Amours malheureuses, Surréalisme, Résistance composent  les autres morceaux du puzzle, sans oublier sa mort du typhus juste après la libération du camp de concentration où s'achevait son parcours de déporté.gaêlle nohant,robert desnos
Avec sa Légende d'un dormeur éveillé, Gaëlle Nohant nous propose un roman qui se fixe pour objectif  de "rejoindre la vérité par le biais de la fiction, ou en tout cas une vérité possible". Objectif pleinement atteint par ce texte foisonnant de vie, de sentiments, d'énergie, qui fait revivre de manière extrêmement vivante le Paris des années folles à l'occupation et l'existence de cet homme protéiforme.
Et de l'énergie il en fallait pour suivre le parcours de cet homme tour à tour et simultanément, poète critique, inventeur de slogans publicitaires, chroniqueur radio, porté par une telle exigence de liberté qu'il s'engagea dans la Résistance sans tarder. Ayant le coup de poing facile, ne craignant pas les inimitiés, mais extrêmement fidèle en amour comme en amitié, Roberts Desnos se révèle extrêmement attachant et sensible.
Émaillant  judicieusement son texte d'extraits de poèmes, dûment référencés à la fin des 521 pages, l'auteure ,dans la dernière partie du livre, la plus poignante, se glisse aussi à la place de Youki, la femme aimée. Sous la forme d'un journal intime, elle  retrace la toute dernière partie de la vie de l'auteur de Corps et Biens, une partie qui nous laisse la gorge serrée.

Un très grand coup de cœur, tant du point de vue de l'écriture, parfois lyrique, parfois plus intimiste mais toujours très prenante, que du point de vue romanesque. On ne s’ennuie pas une minute et on dévore d'une seule traite ce pavé addictif ! Vous voilà prévenu(e)s .

Et zou, sur l'étagère des indispensables !

Il est temps maintenant de se (re)plonger dans l’œuvre de Robert Desnos !

Lu dans le cadre du Grand prix des Lectrices de Elle.

Légende du dormeur éveillé, Gaëlle Nohant, Éditions Héloïse d'Ormesson 2017.

16/08/2017

Mercy, Mary ,Patty

"Quinze jours pour trancher qui est la vraie Patricia, une marxiste terroriste, une étudiante paumée, une authentique révolutionnaire."

Qu'ont en commun les Mercy, Mary, Patty du titre ?  Ce sont des jeunes femmes kidnappées à des époques différentes, qui ont toutes choisi de rester-définitivement ou pas - avec ceux qui les avaient enlevées, tournant ainsi violemment le dos à leur éducation de filles soumises.lola lafon
Centré sur la figure de Patricia Hearst, fille d'un milliardaire enlevée en 1974 par un groupuscule révolutionnaire, le roman de Lola Lafon analyse par le biais d'une universitaire américaine venue enseigner en France, Gene Neveva, et chargée de rédiger un rapport pour l'avocat de la jeune femme, toute l'affaire d'un point de vue féministe,  original et extrêmement fouillé.On est bien loin ici du syndrome de Stockholm couramment évoqué ou de la manipulation évoquée par les avocats de l'héritière.
En outre, le roman imagine aussi la manière dont une jeune française, Violaine, chargée d'aider Gene Neveva, verra sa vie si tranquille et tracée d'avance, radicalement bouleversée.
Des destins de femmes qui résonneront longtemps dans nos mémoires, un style percutant, des phrases soulignées à la pelle font de ce roman un indispensable.

Mercy, Mary, Patty, Lola Lafon Actes Sud 2017.

Lu dans le cadre du Grand prix des Lectrices de Elle.

 

 

15/08/2017

Les attachants

"Une classe, c'est comme un roman. Vingt-six histoires qui se combinent, qui se heurtent qui s’emboitent. Cinq jours sur sept, de huit heures du matin jusqu'à la fin de l'après-midi, près de neuf mois dans une année, ces histoires se tissent. Si l'on calcule le temps passé ensemble, on s'effraie de constater à quel point une classe absorbe les individus qui la constituent."

Après quelques années passées à jongler avec les remplacements, ça y est, Emma a enfin "sa" classe à l'école des Acacias. Celle qui était en dernière position sur sa liste de vœux.
Encore mal aguerrie, idéaliste et "montant dans les tours" tout aussi vite qu'elle s’indigne, la jeune instit va devoir faire face à une classe de CM 2 comptant pas mal d'individus tout aussi insupportables qu'attachants.
En contrepoint, se déroule aussi l'histoire personnelle d'Emma, son évolution et son entrée dans l'âge adulte.
Alors oui, "Ce n'est pas parce que c'est petit que c'est gentil. A trois ans, on peut être déjà pas mal vicieux.", mais les enfants dont ils est question dans ce roman sont aussi le fruit de l'éducation  ou de ce qui en tient lieu qu'ils ont reçue, par des parents qui souvent rejettent l'institution scolaire, parfois violemment : "Devait-on en rire, de ce doute immense, cette perte de confiance, cette revanche de pauvres gens qui ne savaient plus que haïr et s'en prenaient aux enseignants qui s'occupaient de leurs enfants, dans un geste irrationnel et si triste ? "rachel corenblit
Sans angélisme ni défaitisme, c'est toute une galerie de parents et d 'enfants qui se donne ici à voir. parfois émouvants, parfois atroces,  toujours riches d'humanité. on n'oubliera pas de sitôt Ryan, Caïn, Karima et tous les autres.Des enfants dont on ne peut s'empêcher de penser que la République les oublie...
Quelques éclairs d'humour et de rares instants d'harmonie permettent tant aux enseignants, toujours sur la corde raide entre bienveillance, volonté de ne pas couper le lien avec des familles dysfonctionnelles et volonté de sauver des enfants, qu'aux lecteurs, de souffler un peu. j'allais oublier de parler du style: juste magnifique !

Un grand coup de cœur ! Et zou sur l’étagère des indispensables! La rentrée littéraire commence fort !

Les attachants, Rachel Corenblit, Éditions du Rouergue 2017, 188pages que tout futur enseignant devrait lire.

11/08/2017

La faille

"Elle avait raison, bien sûr, mais je ne voyais pas en quoi une chose que personne ne lirait ferait du tort à l'intéressée. Son malheur deviendra plus réel, a dit Lucie."

Quand la narratrice, Mina,  retrouve Lucie, la plus belle fille du lycée, qu'elle avait laissée à l'aube d'une carrière prometteuse de comédienne, cette dernière est presque méconnaissable.isabelle sorente
Rapidement, Mina constate que Lucie semble être sous l'emprise de VDA, son mari, homme plus âgé qu'elle qui exploite sans vergogne La faille de Lucie. En effet, Lucie, que sa mère ne trouvait pas suffisamment intelligente, veut à tout prix plaire, est prête à tout pour les hommes dont elle tombe amoureuse.
 Il est beaucoup question de manipulations, mais aussi d'art dans ce roman dont la narratrice est le double de l'auteure. Beaucoup question aussi de mères mal aimantes et de pères absents.
Un roman qui souffre de quelques longueurs (500 pages) mais qui manipule avec brio son lecteur.

 

08/08/2017

Nuit

Après Glacé, qui avait vu la rencontre du flic toulousain Martin Servaz et du psychopathe Suisse Julian Hirtmann, Bernard Minier poursuit les aventures de ses héros dans ce nouvel opus, après Le cercle et N'éteins pas la lumière.
 Le récit commence sur une plate-forme pétrolière norvégienne dont une technicienne a été assassinée. L’inspectrice locale Kirsten Nigaard découvre sur place , dans les affaires d'un technicien manquant à l'appel, des photos de Martin Servaz, ainsi que celles d'un enfant prénommé Gustav.
Kirsten se rend donc en France pour prévenir Servaz.bernard minier
De rebondissements en assassinats, sans oublier quelques manipulations,  Bernard Minier nous balade jusqu'en Autriche où le psychopathe et le flic toulousain vont s'affronter.
Un roman qui nous prend par la main, nous balance pas mal de statistiques (pour mieux faire oublier quelques invraisemblances ?) mais qu' on suit sans défaillir ou presque. Une lecture facile, qu'on ne lâche pas, du bon boulot.

 

Merci à Cathy pour le prêt.

 

Pas besoin d'avoir lu les précédents romans, on peut très bien" prendre le train en marche".

27/06/2017

Les méduses ont-elles sommeil ? ...en poche

"Il y a cette fille à l'énergie débordante qui me laisse perplexe. Je lui demande à quoi elle tourne pour avoir autant la pêche. Elle me répond : "Au sommeil !". Je suis scotchée."

Roman qu'on devine autobiographique, Les méduses ont-elles sommeil ? est le récit de "huit mois de vie branlante qui m'ont paru des siècles."
Tout juste majeure , la narratrice s'installe à Paris où elle s'empresse de s'immerger dans le monde de la nuit et des drogues, en particulier, la MDMA.louisiane c. dor
Écrit a posteriori, ce roman n'idéalise jamais et, tendu et âpre, va droit à l'essentiel. On regrettera une fin un peu abrupte et théâtralisée, mais on sent ici une belle énergie et une écrivaine en devenir.
Frédéric Beigbeider qui a le sens de la formule évoque un texte "Entre Bonjour tristesse et Trainspotting."Je n'irais pas jusque là mais ne nierai pas pourtant l'impression durable de ce livre.

Folio 2017, 81 pages.

05/06/2017

La succession

"Elle était de ces femmes sur lesquelles on sait pouvoir compter et qui n'hésitaient pas à vous remettre dans le droit chemin du bonheur."

Paul Katrakilis a fui sa famille et son destin tout tracé en devenant non pas médecin, comme son père, mais joueur professionnel de cesta punta à Miami. jean-paul dubois
Ce qui ne l'a pourtant guère égayé. Il traîne une mélancolie languide, dont on ne sait si elle due à une enfance pour le moins particulière ou à son atavisme familial, les Katrakilis ayant une fâcheuse tendance à se suicider.
Le décès de son père l'oblige à rentrer en France, où il va peu à peu remettre ses pas dans ceux de celui qu 'il envisage comme étant "lui aussi reclus dans une forme de solitude, enfermé dans une prison familiale avec des détenus dont il ne parlait pas la langue."
L'espoir ne fait ici que de brèves apparitions, vouées immédiatement à l'échec. La tragédie est en marche et le détachement du personnage principal, s'il empêche tout pathos , ne trompe pas son monde. Un roman qui distille une mélancolie contagieuse.

 

La succession, Jean-Paul Dubois, Le seuil 2016.

Déniché à la médiathèque.