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03/10/2016

Les séances

"Ils se tiennent loin de ceux qui connaissent seulement un pays, voire un canton, le leur. Ils ne savent pas qu'on fait parfois plus d'expériences dans son petit village qu'à l'autre bout du monde. Et le sauraient-ils qu(ils le réfuteraient aussitôt en trois points."

Pressée par un appel de sa sœur, Liv, Eva prend l'autoroute pour revenir dans son village natal de la frontière franco-allemande.fabienne jacob
En chemin, les souvenirs et les pensées de la photographe de mode pour enfants peignent un portrait impressionniste de cette famille de femmes hors-normes.
Si Eva semble se tenir plus à distance des gens ,exploitant leurs désirs  avec cynisme,  Liv, elle les écoute attentivement avant de leur délivrer "ses phrases uniques et sibyllines, des énigmes que les gens ruminaient, tournaient et retournaient dans tous les sens jusqu'à ce qu'ils trouvent l'issue à leurs problèmes par eux-mêmes à la manière d'un Rubik's Cube.".
Mais tout n'est pas aussi tranché et si Eva apparaît plus être du côté de la culture, de l'intelligence policée, et Liv, plus du côté de la nature ,de l'instinct et du corps , progressivement nous prendrons conscience que les frontières sont plus floues: "Un jour, Liv lui a demandé T'en as pas marre d'être toujours intelligente ?  Si Liv savait à quel point parfois elle ne l'est pas et surtout à quel point ça lui plaît de ne pas l'être !".
Construit sous la forme de séquences, le roman de Fabienne Jacob évoque par petite touches qui s'agencent les unes par rapport aux autres les thèmes favoris de l'autrice: le corps des femmes, le vieillissement, mais aussi le rapport aux enfants , la rencontre avec un sanglier où le destin tragique de ces villes en "ange" de l'Est de la France.
On  retrouve avec un bonheur ineffable la langue goûtue de la romancière qui sait aussi se faire plus âpre pour dépeindre notre société. 142 pages essentielles.

Les séances, Fabienne Jacob, Gallimard 2016.

La forme, non linéaire, pourra dérouter mais hop sur l'étagère des indispensables !

De Fabienne Jacob :clic ,clic

fabienne jacob

16/09/2016

L'éveil

Une jeune femme , Juliet, fille de l’ambassadeur d'Australie tombe amoureuse d'un Français, qui a une autre femme en tête. Le tout se déroule dans la chaleur moite d’Hanoï, au Vietnam.
 Récit d'un Éveil à l'amour physique et aux souffrances d'un sentiment non réciproque, le premier roman de Line Papin lorgne un peu trop du côté de Duras pour que je me sois laissée embarquée dans ce texte où on a parfois l'impression que l'autrice se regarde écrire.
Line Papin ayant été récemment adoubée par Annie Ernaux, je partais pourtant avec un a priori favorable mais rien n'y a fait, je suis toujours restée extérieure au récit.line papin

line papin

 

15/09/2016

L'incandescente

"Je pensais filer en sa compagnie du côté des enfants amoureux, le seul pays dont je me revendique, où tout est encore lié, les herbes , les mots, le monde."

claudie hunzinger

Découvrant des lettres adressées à sa mère, l'autrice reconstitue l'histoire d'amour qui l'a liée à Marcelle, L'incandescente, avant qu’Emma n'épouse Marcel.
Sous fond de tuberculose, le fléau aux aspects romantiques, Claudie Hunzinger donne vie à toute une époque et à une histoire d'amour enflammée.
Si j'ai eu beaucoup de plaisir à retrouver le style de l'autrice, je suis restée un peu sur ma faim à cause du choix qu'elle fait de ne pas nous livrer le texte de ces lettres, ou de nous les résumer, mais de se les approprier, tout en les commentant , leur conférant ainsi un statut un peu bizarre. Avis en demi-teintes donc.claudie hunzinger

13/09/2016

Riquet à la houppe

* Riquet à la houppe, Amélie Nothomb, Albin Michel 2016.

Pas de rentrée littéraire sans notre Belge préférée, pas de couverture sans photographie de l'auteure, toujours réussie !

line papin,claudie hunzinger,amélie nothomb


Revisitant le conte de Riquet à la houppe,  personnage moche mais ayant beaucoup d'esprit qui réussira à épouser une princesse dotée de beauté mais dénuée d'intelligence, Amélie Nothomb nous offre un roman fluide,  doté de tous les ingrédients de rigueur. Les personnages  portent des prénoms improbables (énide, Honorat, Déodat ou Trémière)  et évoluent  dans un univers  toujours un peu décalé. L'autrice se fend  ensuite de quelques confidences sur la littérature pour justifier la fin heureuse de son roman. Rien de transcendant mais une lecture bien agréable,qui sera vite oubliée.

12/09/2016

Les ravagé(e)s

"-Pour une fois, au moins, on n'a plus à se demander ce qu'est vraiment notre boulot, soupira Marco. Essayer de canaliser le chaos.
-Avec de la bonne volonté et des punaises."

Alex élève seule sa fille et travaille dans une brigade spécialisée dans les crimes sexuels, au Nord de Paris. Dans le commissariat, on accueille avec plus ou moins d'empathie les victimes, majoritairement féminines. Pourtant, l'agression d'un jeune homme va mettre au jour un phénomène discret mais prenant de l'ampleur et la peur va changer de camp.louise mey,polar
Dans ce premier roman, Louise Mey permute le point de vue agresseur/victime pour mieux nous faire ressentir entre autres, ce que c'est que d'arpenter l'espace public la peur au ventre. Nourri de statistiques et de témoignages ,brefs mais efficaces, sur les agressions dont sont victimes les femmes, comme autant de piqûres de rappel, le texte n'a pas qu'une volonté dénonciatrice.
Les personnages sont hauts en couleurs et se débattent dans un quotidien qui les mine souvent mais ne les abat pas pour autant. Alex est un personnage féminin puissant et la voir régler son compte à quelque malotru ignorant son statut de policier est un pur régal. Si l'intrigue pêche un peu par une intrigue secondaire (le journaliste intrusif dont on se débarrasse  d'ailleurs de manière un peu expéditive), il n'en reste pas moins qu’il y a du suspense, des rebondissements et pas mal d'humour! Un régal dont on aurait tort de se priver !

Les ravagé(e)s, Louise Mey, Éditions Fleuve 2016, 432 pages qui se tournent toutes seules.

07/09/2016

Les gens dans l'enveloppe...en poche

"C'est une histoire d'abandons. De l'abandon dont sont capables et victimes les femmes."

En juin 2012, Isabelle Monnin achète sur internet un lot de photographies d'une famille dont elle ne sait rien. Constatant une absence, celle de la mère d'une petite fille dont la photo figure en couverture, elle imagine un roman mettant en scène ces gens ordinaires qui pourraient être nous. isabelle monnin, alex beaupain
Le texte une fois achevé, elle part à la recherche des vraies personnes, aidée en cela par un amateur de clochers qui a recensé sur internet tous ceux de Franche-Comté. Elle découvrira alors que, dans la vraie vie, la position centrale de ce récit est en fait occupée par le père de famille...
N'ayant aucun goût pour la nostalgie, j'ai un peu traîné des pieds avant d'entamer la lecture de ce roman .Pourtant le dispositif m'intéressait vraiment et l'écriture sensible d'Isabelle Monnin, sa délicatesse et sa pudeur ont fait que j'ai été emportée par les deux textes. Une œuvre singulière, accompagnée des photographies et d'un disque avec des chansons composée par Alex Beaupain et des reprises où l'on entend certains des gens dans l’enveloppe.

03/09/2016

Nous serons des héros...en poche

Elle avait préféré insinuer que c'était moi qui avais besoin d'un père de substitution plutôt qu'elle d'un nouveau mari, cela était plus facile à entendre, plus noble et généreux."

Quelques années avant la fin de la dictature de Salazar, Olivio, huit ans, et sa mère fuient le Portugal et s'installent dans une banlieue lyonnaise. L'enfant n'apprendra que quelques temps plus tard le décès de son père.brigitte giraud
D'abord aidés par des compatriotes, le narrateur et sa mère vont bientôt emménager chez un autre exilé, Max, un pied-noir fraîchement divorcé, qui supporte très mal la séparation d'avec son jeune fils. La cohabitation s'instaure tant bien que mal, Olivio devenant un adolescent sensible  supportant mal le caractère hâbleur et souvent rude de Max.
Sur la seule foi du résumé, je n’aurais probablement pas donné sa chance à ce roman mais le seul nom de l'auteure a su me décider et j'ai bien fait car d'emblée j'ai été prise par l'émotion intense qui se dégage de ce texte.
L'exil, l'intégration, les sentiments mêlés , l'évolution de cet enfant mais aussi le portrait en creux d’une mère, à la fois volontaire et discrète, blessée mais digne, qui se forge discrètement une place dans la société française du début des années 70 et laisse sous le boisseau ses chagrins et sa détresse ont su m'émouvoir profondément.

31/08/2016

Aux petits mots les grands remèdes

"Ma mère était une spécialiste de la culture comme arme d'élimination massive."

Alexandre, bibliothérapeuthe, a pour objectif de reconquérir Mélanie, qui vient de le quitter, et de soigner de nouveaux clients afin d'améliorer sa situation financière.
Nous le suivons donc dans cette double quête, émaillée de références romanesques, et entrons à sa suite dans des univers très différents.michaêl Uras
Baigné d'une atmosphère douce-amère, le roman de Michaël Uras se lit sans déplaisir mais ne m'a pas enthousiasmée pour autant. Peut être attendais-je un héros plus charismatique...

Éditions Préludes 2016

michaêl uras

 

22/08/2016

Sauf quand on les aime...en poche

"- [...]Ce qui est beau  n'est pas fait pour durer, il faut sans cesse le ressusciter."

Le roman commence par une scène très forte ,et malheureusement banale: une agression verbale par un mec "lourd" qui s'en prend à une jeune femme noire. Les autres passagers du wagon sont "devenus transparents". Tisha ne devra son salut qu'à une femme qui prend la peine d'écouter l'agresseur et de détourner son attention.frédérique martin
Claire, elle aussi présente ,n'a pas osé intervenir mais les circonstances feront qu'elle invitera Tisha dans l’appartement qu'elle partage en colocation avec son amie Juliette et son pote Kader. Des jeunes gens d’aujourd’hui qui naviguent de petits boulots en CDD, loin de leur formation initiale et de leurs espoirs. à côté d'eux, vivant dans une "solitude radicale", un vieil homme qui se prend à rêver en écoutant le violoncelle de Claire.
Sans angélisme ni voyeurisme, Frédérique Martin brosse le portrait d'une jeunesse souvent meurtrie, évoluant dans un univers urbain où le corps de la femme devient souvent celui d'une proie. Tout en nuances, ces personnages s'apostrophent, s'insultent, se déchirent mais aussi s'entraident,se réconfortent et tentent de s'aimer vaille que vaille. Toulouse compose le décor essentiel et diablement vivant de ce roman où de brèves échappées champêtres sont autant de respirations et de pauses pour Juliette et les autres.
De très beaux moments comme la perspective d'échapper à une soirée d'anniversaire en solitaire ou une dans improvisée au son du violoncelle viennent éclairer ce roman qui se termine malgré tout sur une note d'espoir, sans vouloir à toutes forces terminer par un "happy end". Un très beau moment d'émotions que cette lecture portée par l'écriture tour tour rageuse, bienveillante et sensuelle de Frédérique Martin.

De la même autrice , j'avais aussi beaucoup aimé les nouvelles de J'envisage de te vendre (j'y pense de plus en plus) clic.

20/08/2016

La dictature des ronces...en poche

"Certains accès de courage sont comme des oiseaux: on n'a pas envie de les voir s'envoler. Alors j'ai cheminé précautionneusement au milieu des piafs pour ne pas les effrayer."

Comment ne pas aimer un roman qui commence ainsi : "Cet été là , le canapé avait conclu un marché avec mon postérieur , si bien qu'ils avaient fini par devenir les meilleurs amis du monde  et qu'il fallait désormais faire des pieds et des mains pour les séparer."
Pour rompre cette apathie, heureusement, le narrateur reçoit une proposition: s'installer pour un mois sur une île , Sainte Pélagie, chez son ami Henri qui doit partir ,et en échange s'occuper du chien et de l'entretien du jardin.guillaume siaudeau
Sur place, il va vite tomber sous le charme de l'île et de ses étranges habitants , aux occupations tout à la fois poétiques et surprenantes. Un univers douillet et surréaliste, dont je vous laisse découvrir les nombreuses surprises,et où subsiste néanmoins une  infime pointe de noirceur... .
Mais plus que tout, j'ai beaucoup aimé le commerce qu'entretiennent Guillaume Siaudeau et les mots. Ceux qu'ils personnifient dans sa postface et avec lesquels il crée une atmosphère si particulière, une bulle de poésie teintée d'humour.Un très joli moment de lecture !

Pocket 2016.